Déclaration de créances : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 18/03266

·

·

Déclaration de créances : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 18/03266
Ce point juridique est utile ?

27 juillet 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
18/03266

N° RG 18/03266 – N° Portalis DBVM-V-B7C-

JT5C

C1

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC,

la SCP CONSOM’ACTES

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

la SCP SELORON HUTT GRANGEON

la SCP CHAPUIS CHANTELOVE GUILLET-LHOMAT,

la SELARL DENIAU AVOCATS

la SELARL ROBICHON & ASSOCIES

la SELARL CABINET LAURENT FAVET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 JUILLET 2023

Appel d’un jugement (N° RG 2014J00348)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 02 juillet 2018

suivant déclaration d’appel du 19 juillet 2018

APPELANTE :

SCI IGOS

prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur [O] [H], domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 16]

[Localité 10]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me MENETRIER, avocat au barreau de DIJON

APPELANTES ET INTIMÉES :

SAS BUREAU VERITAS CONSTRUCTION

venant aux droits de la SAS BUREAU VERITAS,

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 790 182 786, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 17]

[Localité 19]

représentée par Me Régine PAYET de la SCP CONSOM’ACTES, avocat au barreau de GRENOBLE

SAS SOLAM INTERMARCHE

SAS au capital de 64.000 €, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n°345 032 080, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié de droit audit siège

[Adresse 21]

[Localité 9]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me MENETRIER, avocat au barreau de DIJON

INTIMES ET APPELANTS sur assignation en date du 25 février 2019 :

Me [E] [I]

es qualité de représentant des créanciers dans la procédure de redressement de la SARL DWA

[Adresse 3]

[Localité 14]

SARL DWA

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 13]

représentés par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE,

INTIMEE ET APPELANTE sur assignation en date du 18 février 2019 :

Société EIFFAGE ROUTE CENTRE EST,

nouvelle dénomination de la société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE ALPES AUVERGNE

SNC au capital de 16.633.932 €, immatriculée au RCS de LYON sous le n° 390 829 113, prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 12]

représentée par Me Anne-Christel HUTT-FRUHINSOLZ de la SCP SELORON HUTT GRANGEON, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉES :

SAS CRÉATIONS CÉRAMIQUES POSE

société par actions simplifiée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de GRENOBLE sous le numéro 320.684.475, représentée par son Président en exercice, domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 1]

[Localité 8]

représentée par Me Roselyne CHANTELOVE de la SCP CHAPUIS CHANTELOVE GUILLET-LHOMAT, avocat au barreau de GRENOBLE

SA AXA FRANCE IARD es qualité d’assureur de DWA

S.A au capital de 214 799 030,00 €, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège;

[Adresse 6]

[Localité 18]

représentée par Me Mylène ROBERT de la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE

SASU SOREDAL

SASU au capital de 80.000 €, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le n° 351 992 854, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés es qualité audit siège ;

[Adresse 7]

[Localité 11]

représentée par Me ROBICHON de la SELARL ROBICHON & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

SARL BARBE

SARL immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 419 588 512, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège ;

[Adresse 4]

[Localité 9]

représentée et plaidant par Me FAVET de la SELARL CABINET LAURENT FAVET, avocat au barreau de GRENOBLE

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

SELARL AJUP

représentée par Maître [F] [B] en qualité de commissaire à l’exécution du plan

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE,

INTERVENANTE FORCEE :

La SELARLU [D], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL DWA,

[Adresse 20]

[Adresse 20] ‘

[Localité 15].

non représentée,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 février 2023, Mme BLANCHARD, conseillère, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions, Me MENETRIER et Me FAVET en leur plaidoirie,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré;

EXPOSE DU LITIGE :

La SAS Solam exploite un établissement Intermarché dans des locaux commerciaux situés à La Mure (38) dont elle est usufruitière et la SCI Igos la nue-propriétaire. Au cours de l’année 2000, elle a fait réaliser des travaux d’extension de la surface de vente.

Une mission de maître d’oeuvre a été confiée à M. [X], architecte, remplacé par la société Dwa, suivant contrat du 25 avril 2000.

Une mission de contrôle technique a été dévolue à la société Bureau Véritas incluant la mission LP (solidité des ouvrages et éléments d’équipement dissociables et indissociables).

Les marchés de travaux ont été passés par lots séparés et à cette occasion, sont notamment intervenues à l’opération de construction :

– la société Barbe, titulaire du lot «Fondations»,

– la société Eiffage TP Rhône Alpes Auvergne (Eiffage) venant aux droits de la société Gerland et prise en son établissement Isardrôme, chargée du lot «Terrassement – Vrd»,

– la société Créations Céramiques Pose (CCP), chargée de la pose du carrelage,

– la société Soredal, chargée du lot «Dallage».

Les travaux d’extension ont fait l’objet d’une réception sans réserve le 20 avril 2001.

En novembre 2010, la société Solam a observé un phénomène de dégradation du revêtement de sol en carrelage, constaté par huissier suivant procès-verbal en date du 15 novembre 2010, affectant d’une part, le bâtiment principal pour lequel la garantie décennale était expirée et d’autre part, l’extension de ce bâtiment, laquelle bénéficie encore de la garantie décennale.

Sur sa requête et par ordonnance de référé en date du 22 février 2011, le Président du tribunal de commerce de Grenoble a ordonné une mesure d’expertise confiée à M. [U].

Celui-ci a déposé son rapport définitif le 28 novembre 2013.

L’expert a conclu que le complexe dallage/revêtement n’était pas stabilisé et a identifié plusieurs origines des désordres, soit :

– un mouvement général de tassements de la tourbe et de l’argile organique sous-jacente, sous le poids des remblais du marais mis en place et des charges appliquées du dallage,

– la situation de ces matériaux, à l’interface des formations de remblais et du terrain naturel du sol naturel du fond de marais sous l’argile.

Il a en outre mis en évidence l’existence de trois facteurs aggravants que sont :

– les schlamms de comblement,

– la structure du complexe dallage/carrelage beaucoup trop mince,

– l’absence d’étude géotechnique initiale et un système de fondation du dallage non stabilisé.

Il a conclu que l’instabilité évolutive du dallage à l’origine des désordres affectant le carrelage entraînait l’impropriété à destination des locaux.

Il a enfin imputé la responsabilité de ces désordres, aux sociétés Bureau Véritas et Dwa, à hauteur de 72 %, à égalité entre elles, et pour les 28 % restant, il a proposé leur partage entre les sociétés Barbe, CCP, la société Soredal et M. [K], gérant de la société Solam et maître de l’ouvrage.

Trois solutions de reprise des désordres ont été chiffrées et présentées à l’expert judiciaire qui a retenu la solution n°2, prévoyant une remise en état après stabilisation du mouvement.

Cette solution, chiffrée à 434.100 euros ht, soit 519.183 euros ttc, prévoyait une durée de travaux estimée entre 50 et 80 jours et nécessitait la fermeture totale de l’hypermarché.

Se prévalant du contexte économique, la société Solam n’a pas envisagé de fermer totalement le magasin pendant la durée des travaux et elle s’est réorientée vers une solution de démolition-reconstruction non envisagée par l’expert, en faisant procéder à la construction d’un nouveau bâtiment sur le parking existant et à la destruction du magasin existant, obtenant un permis de construire correspondant à ce projet le 16 juillet 2013.

Les travaux ont commencé le lundi 26 août 2013 et se sont achevés le 19 mai 2014, pour une ouverture au public le 21 mai suivant.

Par acte d’huissier du 20 mai 2014, la société Solam a fait assigner les sociétés Dwa et son assureur Axa France Iard, Bureau Véritas, Eiffage, prise en son établissement Isardrôme, Barbe, CCP et Soredal, devant le tribunal de commerce de Grenoble aux fins de les voir condamner in solidum, au visa de l’article 1792 du code civil, à lui payer les sommes suivantes :

– 434.100 euros ht soit 519.183 euros ttc au titre des travaux de remise en état,

– 1.207.205 euros au titre des préjudices immatériels, sauf à parfaire,

– 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 8 avril 2015, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l’ouverture du redressement judiciaire de la société Dwa et a désigné maître [I] en qualité de mandataire judiciaire.

La société Solam a déclaré ses créances auprès de ce dernier le 28 avril 2016 après avoir été relevée de la forclusion par ordonnance du juge-commissaire du 7 mars précédent.

Par jugement en date du 2 juillet 2018, le tribunal de commerce, faisant partiellement droit aux demandes de la société Solam et de la Sci Igos a :

– condamné in solidum la société Dwa, le Bureau Veritas et la société Barbe à payer à la société Solam à hauteur de 25% chacun du montant des dommages matériels qui s’élève à un total de 434.100 euros ht, laissant les derniers 25 % à la charge de M. [K], gérant de la société Solam et maître d’ouvrage,

– dit que la responsabilité de la société CCP et celle de la société Eiffage ne sont pas démontrées,

– mis hors de cause la société Axa france Iard,

– fixé la créance de la société Solam dans la procédure collective de la société Dwa à la somme de 108.525 euros ht,

– débouté la société Solam de ses demandes au titre des pertes d’exploitation,

– condamné in solidum M. [K], la société Dwa, le Bureau Véritas et la société Barbe à payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné les mêmes aux entiers dépens,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Suivant déclaration au greffe du 23 août 2018, la société Bureau Veritas a interjeté appel de cette décision à l’encontre de la société Solam.

Ont également formé appel les sociétés Solam et Igos le 23 août 2018 en intimant la société Axa France, la société Barbe, le Bureau Véritas, la société Dwa et Maître [I] et la société Eiffage.

La société Solam a fait assigner la société CCP par acte d’huissier du 23 novembre 2018.

La société Eiffage a également formé un appel provoqué contre la société CCP selon acte d’assignation du 13 février 2019.

Enfin, par acte d’huissier du 25 février 2019, la société Dwa et maître [I] ont formé appel provoqué contre la société Soredal.

Ces différentes instances ont fait l’objet de jonctions successives.

Par arrêt du 25 mars 2021, cette cour a :

– reçu les interventions volontaires du Bureau Veritas Construction au lieu et place du Bureau Veritas, et de la société AJ UP représentée par maître [B] en qualité de commissaire au plan d’exécution de la société Dwa,

– confirmé le jugement en ce qu’il a dit que les désordres relevaient de la garantie décennale,

– infirmé le jugement en ce qu’il a condamné le Bureau Veritas à paiement envers le maître de l’ouvrage sur le fondement de l’article 1792 du code civil,

– statuant à nouveau,

– constaté que les sociétés Solam et Igos ne présentent plus de demande à l’encontre de la société Bureau Veritas,

– infirmé le jugement querellé en ce qu’il a retenu la responsabilité de M. [K], gérant de la Sas Solam Intermarché et maître de l’ouvrage,

– statuant à nouveau,

– dit que le maître de l’ouvrage n’est pas responsable de la survenance des désordres,

– confirmé le jugement querellé en ce qu’il a retenu les responsabilités des sociétés Dwa et Barbe et en ce qu’il a mis hors de cause la société Eiffage Route centre-est et la société CCP,

– dit que la société Axa France Iard ne doit pas sa garantie pour les préjudices matériels et que les actions à son encontre au titre des préjudices immatériels sont prescrites,

– infirmé le jugement querellé en ce qu’il a condamné les sociétés Dwa et Barbe envers le maître de l’ouvrage à hauteur de leur responsabilité en qualité de coobligés,

– statuant à nouveau,

– condamné la société Dwa et la société Barbe in solidum à payer aux sociétés Solam et Igos la somme de 434.100 euros au titre de la réparation des dommages matériels,

– dit que les appels en garantie à l’encontre de la société Bureau Veritas Construction sont prescrits et rejeté les appels en garantie diligentés à l’encontre de la société Soredal,

– sur le préjudice de perte d’exploitation, ordonné une expertise confiée à M. [V] [S],

– dit que les responsabilités entre coobligés sont fixées comme suit :

. société Dwa 85 %,

. société Barbe 15 %,

et condamné les coobligés à se garantir mutuellement à hauteur de ces proportions,

– réservé les demandes des parties restant en cause et les dépens,

– dit n’y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit des autres parties.

La société DWA a formé un pourvoi à l’encontre de cette décision dont elle a été déchue par ordonnance du Premier Président du 6 janvier 2022 et l’arrêt est devenu irrévocable.

Par jugement du 26 mai 2022, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la résolution du plan de redressement de la société DWA et sa liquidation judiciaire, désignant la Selarlu [D] en qualité de liquidateur judiciaire.

L’expert [S] a déposé son rapport le 17 juin 2022 évaluant la perte d’exploitation subie à la somme de 313.473 euros.

Prétentions et moyens des sociétés Solam et Igos:

Au terme de leurs dernières écritures notifiées le 22 novembre 2022, les sociétés Solam et Igos demandent à la cour de :

– condamner la Sarl Barbe à payer à la Sas Solam la somme de 810.529 euros au titre de son préjudice d’exploitation,

– condamner la Sarl Barbe à payer à la Sas Solam la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– fixer la créance de la Sas Solam dans la liquidation judiciaire de la Sarl DWA à la somme de 810.529 euros,

– condamner la Sarl Barbe aux entiers dépens qui comprendront notamment le coût des deux expertises judiciaires.

Les sociétés Solam et Igos critiquent la solution de réparation des désordres retenue par l’expert [U] en ce qu’elle ne permet pas d’assurer une stabilisation définitive des mouvements de l’immeuble et relèvent que l’expert n’a pas pris en compte les surfaces de boutique concernées par les travaux.

Elles exposent qu’elles ont choisi de procéder à la démolition et à la reconstruction du bâtiment sur l’emplacement du parking et qu’elles ont ainsi limité la fermeture totale de l’établissement à deux semaines entre les 5 et 21 mai 2014.

Elles se prévalent de l’étude réalisée par l’expert comptable de la société Solam, le Cabinet [T], et du préjudice ainsi évalué comme correspondant à leur perte d’exploitation réelle pour faire valoir que :

– les divergences entre cette étude et les conclusions expertales tiennent au différentiel de chiffre d’affaires retenu (1.600.000 / 2.476.144 euros),

– l’expert n’a pris en compte ni la progression du chiffre d’affaires entre 2011 et 2012 qui aurait dû se confirmer sur les exercices suivants en l’absence des désordres, ni la perte de clientèle entraînée par l’absence de parking durant les travaux et la fermeture temporaire, ni les immobilisations mises au rebut et les pertes de produits frais.

Prétentions et moyens de la société Barbe :

Selon ses dernières conclusions notifiées le 9 anvier 2023 et signifiées le 11 janvier 2023 à la Selarlu [D], en sa qualité de mandataire liquidateur de DWA, la société Barbe entend voir :

– à titre principal,

– limiter le préjudice d’exploitation de la société Solam à la somme de 168.162 euros,

– débouter la société Solam de ses demandes plus amples ou contraires,

– à titre subsidiaire,

– débouter la société Solam de sa demande tendant à voir fixer son préjudice d’exploitation à la somme de 810.529 euros,

– juger que le préjudice d’exploitation de la société Solam ne saurait excéder la somme de 313.473 euros conformément à l’évaluation de l’expert judiciaire M.[S],

– en tout état de cause,

– fixer la créance de la société Barbe dans la liquidation judiciaire de la Sarl DWA aux sommes suivantes :

. 369 323.24 euros correspondant au trop versé par la Sarl Barbe en réparation du préjudice matériel de la société Solam et de la Sci Igos,

. 85 % de la somme qui serait mise à la charge de la société Barbe en réparation de la perte d’exploitation de la société Solam,

. 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société Solam et la société Igos de leur demande en paiement d’une indemnité de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– à titre plus subsidiaire,

– réduire leur demande à de plus justes proportions,

– statuer ce que de droit sur les dépens distraits au profit des avocats de la cause.

La société Barbe conteste la méthode d’évaluation de la perte d’exploitation retenue par l’expert au motif que ce dernier aurait du analyser l’évolution de la fréquentation du magasin et non celle du chiffre d’affaires, les travaux étant sans lien de causalité directe avec la baisse du prix du panier.

Elle fait valoir que le calcul des taux de marge du magasin et de la station service est affecté d’une erreur, que la station service n’a pas connu de perte d’exploitation, que l’interruption de l’activité du magasin pendant 18 jours a permis des économies de charges de personnel, que la perte d’exploitation doit être évaluée en conséquence à une somme de 168.162 euros.

Elle relève que l’expert a répondu aux dires de la société Solam relatives à l’évolution du chiffre d’affaires.

Prétentions et moyens de la Selarlu [D] ès qualités et de la société DWA:

Assigné par acte d’huissier du 6 octobre 2022, le liquidateur judiciaire de la société DWA n’a pas constitué avocat devant la cour dont la décision sera en conséquence prononcée par défaut.

Prétentions et moyens de la société Axa France IARD, Bureau Véritas Construction, Eiffage Route Centre Est, Création Céramique Pose et Soredal :

En suite de l’arrêt du 25 mars 2021, ces parties ne sont plus concernées que par le sort des dépens que la cour a réservé et n’ont pas déposé de nouvelles conclusions devant la cour.

La société DWA ayant été mise en liquidation judiciaire et la Selarlu [D] lui ayant été désignée comme liquidateur judiciaire, ni la Selarl AJ UP, commissaire à l’exécution du plan, ni maître [E] [I], initialement représentant des créanciers, n’interviennent plus à l’instance.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 26 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) sur le préjudice de perte d’exploitation :

Les travaux de reprise des désordres ont commencé à la fin du mois d’août 2013 et ont consisté à déplacer le bâtiment en construisant un nouveau magasin sur l’emplacement du parking existant, à déplacer la station service à l’arrière du nouveau bâtiment, à détruire l’ancien bâtiment et à aménager son emplacement en parking.

Ces opérations ont permis à la société Solam de poursuivre l’exploitation de l’ancien magasin pendant la construction du nouveau et de limiter ainsi la période de fermeture de l’établissement à 18 jours entre le samedi 3 mai 2014 au soir et le 20 mai suivant au soir. Le magasin a ainsi pu réouvrir le 21 mai 2014.

Pendant la durée des travaux, l’établissement a été privé de parking, sa clientèle utilisant ceux des autres magasins de la zone commerciale.

C’est avec raison que pour assurer la réparation intégrale du préjudice, l’expert judiciaire a pris en considération non seulement la période de fermeture totale du magasin, mais également les perturbations causées sur l’exploitation en raison notamment de la limitation et de la suppression du parking.

Il a relevé en outre que si la station service était demeurée ouverte pendant toute la durée des travaux, son chiffre d’affaires avait pu se ressentir des difficultés d’accès et de l’absence de parking devant le magasin.

Si l’essentiel de la perte d’exploitation est constituée de la perte de marge brute que l’expert s’est attaché à déterminer, le préjudice économique subi par la société Solam du fait des travaux doit s’apprécier tant au regard du manque à gagner que des pertes subies.

La société Barbe critique le mode de détermination de la perte d’exploitation mis en ‘uvre par l’expert en considérant qu’il convient de se fonder sur l’analyse de la fréquentation de l’établissement plutôt que sur celle du chiffre d’affaires.

Cependant, la lecture du rapport d’expertise et particulièrement de sa page 12, permet de constater que l’expert ne s’est pas contenté d’analyser l’évolution du chiffre d’affaires du magasin, mais a bien procédé à l’étude de l’évolution du nombre de clients.

Cette contestation de la société Barbe, à laquelle l’expert a répondu dans l’examen des dires, se trouve donc dénuée de pertinence.

– sur le taux de marge :

Au terme de son analyse des comptes d’exploitation de 2012 à 2017 et après avoir constaté une légère tendance baissière en 2014 confirmée par la suite et corroborée par les résultats du secteur d’activité, M. [S] a retenu un taux de marge de 19% pour le magasin et de 1, 27% pour la station service.

Selon les déclarations du directeur de l’établissement lors de la réunion d’expertise du 12 décembre 2021, l’expert a noté que la fermeture du magasin n’avait pas entraîné de coûts supplémentaires et que les salariés ayant été placés soit en situation de congés, soit employés au transfert du site d’exploitation, aucune économie n’avait été réalisée sur les charges de personnel.

Reprenant les conclusions de son propre expert, la société Barbe croit relever une erreur dans le calcul arithmétique des taux de marge en considérant que l’expert a minoré le taux de marge brute normatif du magasin de 1,86 % au titre des économies sur charges variables et qu’il a appliqué à l’activité de station service un taux de marge unique de 83 % qui ne concerne que la seule activité de lavage et non celle de vente de carburants.

Ainsi que le souligne l’expert dans sa réponse aux dires, une lecture plus attentive de son rapport permet de constater qu’il a en réalité procédé à une minoration de 0,86% de la marge brute du magasin arrondie à 1 % pour tenir compte des postes de charges mal identifiés tels que l’énergie et qu’il n’a appliqué le taux de 83 % qu’à la seule activité de lavage, le calcul de la perte de marge sur la vente de carburants étant basé sur un taux de 1,27 %.

Les calculs de l’expert ne sont affectés d’aucune erreur et seront retenus.

– sur la perte de chiffre d’affaires :

En procédant à une estimation croisée selon trois méthodes différentes, M. [S] a évalué la perte de chiffre d’affaires sur la période perturbée par les travaux à la somme de 1.600.000 euros pour le magasin et de 77.000 euros pour la station service.

La société Solam conteste ce calcul en se prévalant des conclusions de son expert-comptable, le cabinet [T].

L’expert a argumenté sa position de manière circonstanciée en indiquant que dans sa propre évaluation, le cabinet [T] prenait en compte d’une part une progression du chiffre d’affaires qui ne se retrouvait pas dans la réalité de l’évolution de l’activité avant et après travaux, d’autre part une perte de chiffre d’affaires pendant la période de réouverture, alors que celle-ci amène toujours une nouvelle clientèle ce que confirme l’évolution du chiffre d’affaires de juin à décembre 2014, ainsi que la valeur d’immobilisations mises au rebut du fait des travaux, alors que cette perte résultait du seul choix de détruire le bâtiment pour en reconstruire un nouveau.

En choisissant de procéder à la destruction intégrale et à la reconstruction de ses locaux commerciaux, la société Solam s’est écartée des préconisations de l’expert [U] qui recommandait une remise en état après stabilisation du mouvement du remblai et des infrastructures.

Cette solution, dite n°2, qui a fondé l’indemnisation de son préjudice matériel par l’arrêt irrévocable du 25 mars 2021, prévoyait des travaux réalisés par phases successives neutralisant 50 % de la surface de vente et conservant l’accès de la clientèle.

Il n’est pas démontré que la mise en ‘uvre de cette solution aurait entraîné une perte des immobilisations corporelles constituées de matériels et d’agencements dont la société Solam demande l’indemnisation, ni même que ces actifs ne pouvaient être transférés et réemployés dans le nouveau bâtiment.

Dès lors, c’est avec raison que l’expert a considéré que ces pertes n’avaient pour cause que la décision de démolition et n’étaient pas en lien de causalité avec les travaux nécessaires pour remédier aux désordres.

Enfin, contrairement aux critiques qui lui sont adressées, l’expert a bien retenu la perte exceptionnelle résultant des rabais de 50% appliqués sur les produits frais le jour de la fermeture.

– sur la perte d’exploitation :

En conséquence, les critiques du travail de l’expert judiciaire n’étant pas fondées, la cour retiendra son évaluation des pertes d’exploitation subies par la société Solam à concurrence de 313.473 euros.

La créance de la société Solam à l’encontre de la société DWA sera fixée à ce montant et la société Barbe sera condamnée in solidum à payer cette somme à la société Solam.

2°) sur l’appel en garantie de la société Barbe :

Par arrêt définitif du 25 mars 2021, la cour a fixé les responsabilités des constructeurs à hauteur de 85 % pour la société DWA et de 15 % pour la société Barbe.

Cette dernière a procédé à une déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société DWA le 21 septembre 2021 au titre des dommages et intérêts pour préjudice matériel alloués aux sociétés Solam et Igos pour un montant de 369.323,24 euros à parfaire en fonction notamment du chiffrage du préjudice de perte d’exploitation.

Elle justifie s’être intégralement acquittée du paiement de la somme de 434.100 euros allouée par l’arrêt du 25 mars 2021 au titre de ce préjudice matériel et sa créance à l’encontre de sa coobligée sera fixée à 85 % de ce montant soit 368.985 euros, la société Barbe ne pouvant faire supporter à la société DWA les frais d’exécution générés par sa propre carence.

Sa créance au titre de la perte d’exploitation sera fixée à 85 % de 313.473 euros, soit 266.452,05 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt par défaut, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

en suite de l’arrêt du 25 mars 2021,

FIXE la créance de la SAS Solam Intermarché à l’encontre de la SARL DWA et la SELARL [D], ès qualités, à la somme de 313.473 euros en réparation de sa perte d’exploitation,

CONDAMNE la SARL Barbe, in solidum, à payer à la SAS Solam Intermarché la somme de 313.473 euros en réparation de sa perte d’exploitation,

FIXE la créance de garantie de la SARL Barbe à l’encontre de la SARL DWA et la SELARL [D], ès qualités, à la somme de 368.985 euros au titre du préjudice matériel ,

FIXE la créance de garantie de la SARL Barbe à l’encontre de la SARL DWA et la SELARL [D], ès qualités, à la somme de 266.452,05 euros au titre de la perte d’exploitation,

CONDAMNE la SARL Barbe aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais des expertises judiciaires, et autorise la SELARL Cabinet Laurent Favet, Avocat, à recouvrer ceux dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision,

CONDAMNE la SARL Barbe à payer à la SAS Solam Intermarché et à la SCI Igos, indivisément, la somme de 8000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

FIXE la créance de la SARL Barbe à l’encontre de la SARL DWA et la SELARL [D], ès qualités, au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 6800 euros.

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x