Déclaration de créances : 25 juillet 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 19/00141

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Déclaration de créances : 25 juillet 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 19/00141
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25 juillet 2023
Cour d’appel de Reims
RG n°
19/00141

ARRET N°

du 25 juillet 2023

N° RG 19/00141 – N° Portalis DBVQ-V-B7D-ETQP

E.A.R.L. COCHE ET FILS

c/

S.C.P. [N] BARAULT MAIGROT

Organisme CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE

Formule exécutoire le :

à :

la SCP ACG & ASSOCIES

la SELARL OPTHÉMIS

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 25 JUILLET 2023

APPELANTE :

d’une ordonnance rendue le 17 janvier 2019 par leTribunal de Grande Instance de CHALONS EN CHAMPAGNE

EARL COCHE ET FILS Agissant poursuite et diligences de sa gérante domiciliée de droit au dit siège EARL au capital de 101.900,00 € immatriculée au RCS de Reims

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

INTIMEES :

SCP [N] BARAULT MAIGROT prise en la personne de Maître [N] [Y] es qualité de « Mandataire judiciaire » au redressement judiciaire de la « EARL COCHE ET FILS »

[Adresse 1]

[Localité 5]

Non comparante, non représentée bien que régulièrement assignée

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE MSA MARNE ARDENNES MEUSE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilé de droit au siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle GUILLAUMET-DECORNE de la SELARL OPTHÉMIS, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MAUSSIRE, conseillère et Madame MATHIEU, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée

DEBATS :

A l’audience publique du 12 juin 2023 où l’affaire a été mis en délibéré au 25 juillet 2023

ARRET :

Réputé contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2023 et signé par Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Par décision du 18 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son encontre à la demande de la Mutualité Sociale Agricole (MSA) qui faisait valoir l’existence de créances impayées à hauteur de 151 000 euros dans son assignation.

Un plan d’apurement du passif a été adopté.

Dans ce cadre, la MSA a déclaré sa créance pour un montant de 196 982, 43 euros au titre des cotisations pour la période du 3ème trimestre 2012 au 2ème trimestre 2016 dont 80 000 euros à titre provisionnel pour les déclarations de salaires des 3ème et 4ème trimestres 2016.

Cette créance a été contestée.

Par ordonnance du 17 janvier 2019, le juge-commissaire :

– a déclaré régulières les déclarations de créance initiale et définitive établies par la MSA les 17 novembre 2016 et 8 septembre 2017, considérant que le créancier justifiait du fait que les signatures apposées sur les déclarations correspondaient aux noms et signatures apposées sur ces délégations, soit celles de [W] [L] pour la première et de [U] [D] pour la seconde,

– a déclaré irrecevable la fin de non recevoir tirée de la prescription triennale de l’action de la MSA s’agissant des cotisations dues antérieurement au 17 novembre 2014, celle-ci ayant été soulevée postérieurement au moyen en défense au fond tiré de l’absence de distinction du principal et des majorations de retard dans la déclaration,

– a admis définitivement la créance déclarée par la MSA au passif privilégié du redressement judiciaire de l’EARL Coche et Fils à la somme de 142 110, 25 euros conformément à la déclaration définitive du 8 septembre 2017 correspondant aux cotisations dues pour la période des 3ème et 4ème trimestres 2012, 4ème trimestre 2013, 1er et 3ème trimestres 2014, 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2015 et des 4 trimestres de l’année 2016, qui ne concerne que le principal,

– a débouté l’EARL Coche et Fils de sa demande indemnitaire pour assignation abusive en redressement judiciaire formée à l’encontre de la MSA,

l’a également déboutée de sa demande formée au visa de l’article 700 du code de procédure civile,

– a ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Par déclaration reçue le 28 janvier 2019, l’EARL Coche et Fils a formé appel de cette ordonnance.

Par arrêt réputé contradictoire du 12 mai 2020 auquel il sera renvoyé pour plus ample information, la cour d’appel de Reims’:

– a confirmé l’ordonnance du juge-commissaire du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne en date du 17 janvier 2019 en ce qu’elle a déclaré l’action de la Mutualité Sociale Agricole (MSA) recevable,

– l’a infirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevable le moyen tiré de la prescription soulevé par l’EARL Coche et Fils,

Statuant à nouveau’:

– a dit qu’il existait une contestation sérieuse tant au stade de la prescription qu’à celui du débat au fond susceptible d’avoir une influence sur le montant de la créance déclarée, contestation qui ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire,

– a dit que par application de l’article R 624-5 du code de commerce, il y avait lieu de surseoir à statuer sur l’admission de la créance, de renvoyer les parties à mieux se pourvoir et d’inviter la Mutualité Sociale Agricole (MSA) à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, et ce, à peine de forclusion,

– a dit qu’à l’expiration du sursis, l’instance sera poursuivie à l’initiative des parties.

La MSA Marne Ardenne Meuse a saisi le pôle social près le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne d’une demande tendant à voir sa créance admise au passif du redressement judiciaire de l’EARL Coche et Fils, à hauteur de 142 110,25 €.

Par jugement du 17 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a déclaré la MSA forclose en son recours, faute d’avoir saisi le tribunal en détermination de sa créance au passif dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision.

Par conclusions notifiées le 4 mai 2023, l’appelante demande à la cour au visa des articles L622-24 du code de commerce, L624-2 et R 624-5 du code de commerce et 1240 du code civil, de’:

– rétablir au rôle de la cour d’appel de Reims l’affaire inscrite au répertoire général sous le n° 19/0014,

– infirmer l’ordonnance du juge-commissaire en date du 17 janvier 2019 dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

– rejeter la créance déclarée par la MSA au passif du redressement judiciaire de l’EARL Coche et Fils pour un montant de 142 110,25 €,

– condamner la MSA à payer à la société EARL Coche et Fils la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure en redressement judiciaire abusive et déclaration de créance non fondée,

– condamner la MSA à la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d’appel,

– débouter la MSA de sa demande de paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante rappelle que la MSA a été déclarée forclose en son action devant le pôle social. Elle soutient que le juge-commissaire qui s’estime incompétent pour trancher une contestation reste compétent, une fois la contestation tranchée par le juge compétent ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l’admettant ou en la rejetant. Aussi, elle demande à la cour de statuer sur la créance déclarée par la MSA. Elle invoque une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la forclusion du créancier désigné pour saisir la juridiction compétente emportera rejet de sa créance. (Cass. com., 27 sept. 2016, n° 14-18.988 et 14-21.231). La MSA étant déclarée forclose, elle sollicite l’infirmation de l’ordonnance du juge-commissaire et le rejet de la créance déclarée par la MSA au passif du redressement judiciaire de l’EARL Coche et Fils pour un montant de 142 110,25 €.

L’appelante entend également engager la responsabilité de la MSA pour assignation en redressement judiciaire et déclaration de créance abusives.

Elle estime que la MSA est responsable du fait qu’elle s’est retrouvée en situation de redressement judiciaire, ce qui lui a porté préjudice en termes d’image mais surtout en terme financier par les frais de procédure et le paiement du mandataire; qu’elle demande réparation de ce préjudice à hauteur de 50 000 euros.

Par conclusions notifiées le 12 avril 2023, la caisse mutualité sociale agricole (MSA) Marne Ardenne Meuse, au visa des articles 243-1 et suivants du code de la sécurité sociale, 1315 du code civil, sous sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-131 portant réforme du droit des obligations, demande à la cour de’:

– confirmer l’ordonnance du juge commissaire du 17 janvier 2019 en ce qu’elle a débouté l’EARL Coche et Fils de l’intégralité de ses demandes,

– statuer ce que de droit sur le rejet de la créance de la MSA Marne Ardenne Meuse,

– débouter l’EARL Coche et Fils de sa demande de dommages et intérêts pour procédure collective abusive et déclaration de créance infondée,

– débouter l’EARL Coche et Fils de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles,

– condamner l’EARL Coche et Fils à payer à la MSA une somme de 3000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et fixer cette somme en frais privilégiés de la procédure collective,

– ordonner l’emploi des dépens de la présente instance en frais privilégiés de la procédure collective de l’EARL Coche et Fils.

L’intimée considère que la motivation du pôle social est erronée en ce qu’il s’est fondé sur une date de saisine qui est fausse.

Elle reconnaît néanmoins qu’elle n’a pas interjeté appel de la décision, aussi elle s’en rapporte à prudence de justice concernant la recevabilité de sa créance au passif du redressement judiciaire de l’EARL Coche et Fils.

En réponse à la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, l’appelante rappelle que la société est en procédure de redressement depuis le 18 octobre 2016 et affirme produire l’ensemble des éléments mettant en évidence la réalité des cotisations dont elle sollicitait l’inscription au passif privilégié de l’EARL Coche et Fils’; qu’elle a adressé de nombreuses mises en demeure au titre des cotisations non réglées, et qu’en l’absence de règlement elle a émis des contraintes à l’encontre de l’EARL Coche, signifiées par huissier’; que cette dernière n’a pas contesté ces sommes devant le TASS et qu’elle a procédé au règlement partiel des sommes sollicitées entre les mains de l’huissier.

Elle ajoute que l’EARL Coche et Fils a été destinataire de tous les appels de cotisations, des relevés des soldes et que le montant de la créance a été déclaré au mandataire judiciaire.

Elle considère que l’EARL Coche et Fils se savait débitrice des cotisations réclamées et souligne que le mandataire judiciaire, Maître [N], s’est désolidarisé des demandes faites par l’EARL Coche dès réception des éléments de la caisse et qu’il n’a pas rejeté la créance.

Elle souligne que l’EARL Coche et Fils n’a payé ni les cotisations patronales, ni les cotisations ouvrières dans leur intégralité’; que la créance étant parfaitement fondée, la demande de dommages et intérêts sera déclarée infondée.

MOTIFS DE LA DECISION’:

La créance de la MSA’:

Par arrêt rendu par cette cour le 12 mai 2020, il a été sursis à statuer sur l’admission de la créance de la MSA du fait de l’existence d’une contestation sérieuse et la MSA a été invitée à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision et ce, à peine de forclusion.

Par jugement rendu le 17 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a déclaré la MSA irrecevable en son action au motif qu’elle n’a saisi la juridiction que le 5 août 2020, soit au delà du délai prévu de sorte qu’elle est forclose en son action.

Par application de l’article R 624-5 du code de commerce dans sa rédaction issue du décret du 30 juin 2014, le juge-commissaire (par conséquent la cour) reste compétent, une fois la contestation tranchée ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée.

La cour, statuant sur appel de la décision du juge-commissaire, avec les mêmes pouvoirs limités que celui-ci, a constaté l’existence d’une contestation sérieuse et renvoyé la MSA à saisir la juridiction compétente pour trancher la contestation sérieuse relative à la créance invoquée par la MSA.

La cour ne fait donc que tirer les conséquences légales du défaut de diligence du créancier qu’elle avait désigné pour saisir le juge compétent dans le délai prévu à l’article R 624-5 précité en rejetant la créance (cass com 27 septembre 2016 n° 14-18.998 et 14-21.231 publié).

Il s’en déduit que le créancier considéré comme ayant été défaillant, la MSA, ne peut plus réinstaurer devant la cour un débat en critiquant la motivation du tribunal et ce alors qu’elle n’a pas formé appel du jugement rendu le 17 juin 2022 la déclarant forclose en son action, de sorte qu’il est définitif.

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu d’infirmer la décision rendue le 17 janvier 2019 par le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne ayant admis définitivement la créance de la MSA au passif privilégié du redressement judiciaire de l’EARL Coche et Fils à la somme de 142 110,25 euros et de rejeter la créance déclarée par la MSA.

Les dommages et intérêts pour procédure abusive’:

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’EARL Coche et Fils fonde sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 50 000 euros sur le fait que le comportement de la MSA qui a déclaré de manière abusive une créance alors qu’elle ne rapporte pas la preuve que celle-ci existe vraiment lui a causé un préjudice certain en lui ayant fait perdre son partenaire bancaire, en ayant dégradé son image auprès de ses fournisseurs et clients et en ayant retardé l’adoption d’un plan de redressement.

Si la légèreté de la MSA dans cette procédure peut être soulignée, le caractère bien-fondé de son action n’a pu du fait de la forclusion de son action être discuté.

S’il n’appartient pas à la cour de porter une appréciation sur ce point qui excède sa compétence, il n’en demeure pas moins que la contestation portait essentiellement, outre la question de la prescription de certaines contraintes, au fond sur le quantum des sommes figurant sur les différentes contraintes délivrées à l’EARL Coche et Fils et l’imputation des règlements opérés par celle-ci.

Il n’est donc pas démontré que la déclaration de créance ait été en son temps abusive et quand bien même elle serait considérée comme telle, qu’elle ait généré un préjudice pour l’EARL Coche et Fils en terme d’image et en terme financier, aucune pièce n’étant versée aux débats sur ces points, le plan de redressement établi à son bénéfice démontrant au surplus qu’il existait d’autres créances que celles de la MSA.

L’EARL Coche et Fils sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

L’article 700 du code de procédure civile’:

La décision sera infirmée.

Succombant en ses prétentions, la MSA ne peut se voir allouer une indemnité à ce titre.

L’équité commande en revanche qu’elle soit condamnée à payer à l’EARL Coche et Fils la somme de 3 000 euros.

Les dépens’:

La décision sera infirmée.

La MSA sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS’:

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire’;

Infirme l’ordonnance rendue le 17 janvier 2019 par le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne pour ses dispositions restant à juger suite à l’arrêt rendu par cette cour le 12 mai 2020.

Statuant à nouveau’;

Rejette la créance déclarée par la Mutualité Sociale Agricole (MSA) au passif du redressement judiciaire de l’EARL Coche et Fils pour un montant de 142 110, 25 euros.

Déboute l’EARL Coche et Fils de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamne la Mutualité Sociale Agricole (MSA) à payer à l’EARL Coche et Fils la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute la Mutualité Sociale Agricole (MSA) de sa demande formée à ce titre.

Condamne la Mutualité Sociale Agricole (MSA) aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le conseiller faisant fonction de

présidente de chambre

 


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