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23 juin 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
22/01056
ARRÊT N°23/264
AP
N°RG 22/01056 –
N° Portalis DBWB-V-B7G-FXAT
S.A.R.L. OUEST PROMOTION IMMOBILIER (OPI)
C/
S.N.C. LA CAS’A MEUBLES
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 23 JUIN 2023
Chambre civile TGI
Vu l’arrêt de la cour de Cassation en date du 1er juin 2022 ayant cassé et annulé l’arrêt rendu le 29 décembre 2020 par Cour d’appel de Saint-Denis-de-la-Réunion suite au jugement rendu par le COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS (REUNION) en date du 29 décembre 2020 rg n° 19/01036 suivant déclaration de saisine en date du 07 juillet 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. OUEST PROMOTION IMMOBILIER (OPI) Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
RCS Paris 420 176 810
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Isabelle MERCIER-BARRACO, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
S.N.C. LA CAS’A MEUBLES Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
RCS Saint-Denis Réunion 449 200 732
[Adresse 2]
[Localité 5]
CLOTURE LE : 2 décembre 2022
DÉBATS : En application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Mars 2023 devant la Cour composée de :
Président : Monsieur Alain CHATEAUNEUF, Premier président
Conseiller : Madame Aurélie POLICE,
Conseiller : M. Cyril OZOUX, Président de chambre
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
Greffier lors des débats et du prononce : Madame Marina BOYER, Greffière.
A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 23 Juin 2023.
* * * *
LA COUR :
Exposé du litige :
Suivant trois conventions datées des 1er février 2011 et 12 mars 2012, la société Ouest Promotion Immobilier (OPI) a consenti à M. [S] [B] l’occupation à titre précaire d’entrepôts situés [Adresse 1], commune du [Localité 6], concernant les lots n°2, 3, 5 et 6 et moyennant le paiement d’une indemnité d’occupation.
Par arrêt du 23 septembre 2016, la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a notamment :
condamné M. [B] au paiement de la somme de 802 195,53 euros au titre des indemnités d’occupation, selon décompte arrêté au 3 juillet 2015,
condamné M. [B] au paiement de la somme de 80 219,53 euros au titre des clauses pénales,
ordonné l’expulsion de M. [B] et de tout occupant de son chef des lots n°2, 3, 5 et 6.
Par jugement du 23 novembre 2016, M. [B] a été placé en liquidation judiciaire et la société OPI a déclaré sa créance pour une somme de 1 397 368,86 euros, au passif de la liquidation.
Découvrant la présence dans les lieux des sociétés Cas’a Meubles et Pyraustral, sous-locataires, la société OPI a saisi le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion qui a, par jugement du 27 mars 2019 :
– débouté la société OPI de ses demandes d’indemnités d’occupation et de
dommages et intérêts à l’encontre des sociétés Cas’a Meubles et Pyraustral,
– condamné la société Cas’a Meubles à payer à la société OPI la somme de 8
719,12 euros au titre de l’enlèvement des matériaux laissés sur place, avec
intérêts au taux légal à compter du jugement,
– dit que les intérêts échus dus au moins pour une année produiront intérêts,
– débouté la société Pyraustral de sa demande de dommages et intérêts pour
procédure abusive,
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire,
– condamné la société OPI à payer à la société Pyraustral la somme de 3 000
euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté la demande faite au titre de l’article 700 du code de procédure civile par
la société OPI,
– condamné la société OPI aux entiers dépens.
Appel de cette décision a été interjeté par la société OPI le 11 Avril 2019.
Par arrêt du 29 décembre 2020, la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société OPI de ses demandes dirigées à l’encontre de la société Cas’a Meubles au titre de la sous-location, au titre des frais irrépétibles et l’a condamnée aux dépens, confirmé le jugement pour le surplus, et, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, a :
– condamné la société Cas’a Meubles à payer à la société OPI la somme de
52 000 euros au titre de son occupation d’une partie du local n°3 situé au [Adresse 1]
[Adresse 1], commune
du [Localité 6], pour la période de septembre 2014 à octobre 2016 inclus,
condamné la société Cas’a Meubles à payer à la société OPI la somme de
3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de
procédure civile,
– condamné la société Cas’a Meubles aux dépens de première instance et
d’appel.
Un pourvoi a été formé par la société OPI.
Par arrêt du 1er juin 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion le 29 décembre 2020, mais seulement en ce qu’il condamne la société Cas’a Meubles à payer à la société OPI la somme de 52 000 euros au titre de son occupation d’une partie du local n°3 situé au [Adresse 1], commune du [Localité 6], pour la période de septembre 2014 à octobre 2016, et a remis en conséquence l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.
La Cour de cassation a jugé que la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 1382, devenu l’article 1240 du code civil, au motif que l’absence de mise à exécution d’une décision d’expulsion n’exonère pas l’occupant sans droit ni titre de son obligation de réparer le préjudice né de son maintien indu dans les lieux, qui ne cesse qu’au jour de leur libération effective.
La cour d’appel de renvoi a été saisie par la société OPI le 7 juillet 2022.
Par exploit d’huissier du 1er septembre 2022 remis à personne morale, la société OPI a fait signifier à la société Cas’a Meubles la déclaration de saisine, l’avis de fixation de l’affaire et l’ordonnance du 22 août 2022 fixant l’audience à bref délai et les conclusions.
Par dernières conclusions signifiées le 1er septembre 2022, la société OPI demande que soit :
réformé le jugement rendu le 27 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion en ce qu’il déboute la société de ses demandes d’indemnités d’occupation et de dommages et intérêts à l’encontre des sociétés Pyraustral et Cas’a Meubles,
réformé l’arrêt rendu le 29 décembre 2020 par la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion en ce qu’il condamne la SNC Cas’a Meubles à payer à la société OPI la somme de 52 000 euros au titre de son occupation d’une partie du local n°3 situé au [Adresse 1], commune du [Localité 6], pour la période de septembre 2014 à octobre 2016 inclus,
Statuant à nouveau, dans les limites de la cassation partielle,
Constaté que la cassation partielle ne concerne pas l’infirmation par la cour d’appel de Saint-Denis du jugement du 27 mars 2019 en ce qu’il a débouté la société OPI de sa demande au titre de la sous-location,
jugé que la saisine de la cour d’appel de renvoi ne porte pas sur le principe de l’octroi d’indemnités d’occupation mais sur la période d’indemnisation et le montant de l’indemnité d’occupation,
condamné la société Cas’a Meubles à payer à la société OPI une indemnité d’occupation de 7 651,62 euros par mois à compter du 1er janvier 2013 jusqu’à la libération effective des lieux le 18 mars 2018, soit une somme de 478 226,25 euros (62,5 mois x 7 651,62 euros),
débouté la société Cas’a Meubles de toutes ses demandes, fins et prétentions,
condamné la société Cas’a Meubles à payer à la société OPI la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la société Cas’a Meubles aux entiers dépens.
La société Cas’a Meubles ne s’est pas constituée.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 2 décembre 2022.
L’affaire a été fixée à l’audience de renvoi de cassation du 17 mars 2023, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré au 23 juin 2023.
Pour plus ample exposé des moyens de la société appelante, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.
Sur ce :
Sur le périmètre du litige :
Aux termes de l’article 634 du code de procédure civile, « Les parties qui ne formulent pas de moyens nouveaux ou de nouvelles prétentions sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumis à la juridiction dont la décision a été cassée. Il en est de même de celles qui ne comparaissent pas. ».
La société Cas’a Meubles, qui n’a ni comparu ni constitué avocat devant la cour de renvoi, n’a pas davantage comparu et fait valoir de moyens de défense devant les juridictions saisies avant la cassation.
La signification de la déclaration de saisine a été délivrée à sa personne.
L’arrêt sera déclaré réputé contradictoire.
Par effet de la cassation partielle, la cour de renvoi est saisie de la demande de la société OPI de voir fixer une indemnité d’occupation à la charge de la société Cas’a Meubles à hauteur de 7 651,62 euros par mois et sur la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 18 mars 2018, pour une somme totale de 478 226,25 euros.
Sur l’indemnité d’occupation
Vu l’article 1382 ancien, devenu 1240 nouveau du code civil ;
Lorsqu’un occupant sans droit ni titre se maintient dans un local, il peut être condamné, à la demande du propriétaire, au paiement d’une indemnité d’occupation.
Cette indemnité trouve son fondement dans la protection des droits du propriétaire, en application de l’article 1382 ancien, devenu l’article 1240 du code civil, en raison de la faute délictuelle commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux.
Ayant pour objet de réparer l’entier préjudice qui résulte pour le propriétaire de la privation de son bien, elle a une double nature : compensatoire et indemnitaire.
L’indemnité d’occupation, en cas d’occupation sans droit ni titre, suit ainsi le régime des principes fondamentaux de la responsabilité civile et de la réparation intégrale des préjudices: il s’agit de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit.
En l’espèce, il résulte des conventions d’occupation précaire conclues entre la société OPI et M. [B] que la durée de la location, notamment du local n°3, était convenue pour une période maximale de 23 mois, arrivant à échéance à la date du 31 décembre 2012.
Par procès-verbal de constat du 18 septembre 2014, outre la présence de feux d’artifices de la maison [B], la présence de mobiliers neufs appartenant à la société Cas’a Meubles a été relevée dans le local n°3. Bien que M. [M] [B], employé de la maison [B], ait déclaré que la société Cas’a Meubles entreposait ses meubles provisoirement et à titre gratuit, il était également noté que la société Cas’a Meubles disposait des clés de la porte d’entrée du dit local.
La qualité d’occupant sans droit ni titre de la société Cas’a Meubles n’est pas contestée.
Toutefois, la société Cas’a Meubles ne saurait être condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation pour une période durant laquelle il n’est pas démontré qu’elle occupait effectivement les lieux. Sa présence dans les lieux a été constatée pour la première fois le 18 septembre 2014, lors de l’établissement du procès-verbal par huissier de justice. Aucune pièce ne démontre une présence antérieure dans les lieux, de sorte que l’indemnité d’occupation, eu égard à sa nature, ne sera ordonnée qu’à compter de cette date.
Le procès-verbal de constat du 14 décembre 2016 est sans emport dès lors que l’huissier n’a pu entrer dans le local ni obtenir aucune information quant à la présence de la société Cas’a Meubles dans les lieux.
Il résulte en revanche du procès-verbal de constat du 2 novembre 2017 que demeuraient dans le local litigieux des meubles endommagés, des morceaux de meubles et des cartons, de sorte que la présence ininterrompue de la société Cas’a Meubles depuis le 18 septembre 2014 jusqu’à cette date est établie.
Le fait que la société OPI ait obtenue la restitution des clés du local le 21 septembre 2017 est sans effet puisque le local, demeurant encombré, n’a pas été restitué libre de tout bien.
La société OPI démontre avoir alors sollicité la société Claude Michel afin de procéder à la libération et au nettoyage des lieux. Si un devis a été établi le 16 novembre 2017, il apparaît qu’une première facture d’acompte a été éditée le 4 décembre 2017 puis une seconde facture le 19 mars 2018.
Eu égard à ces éléments, il est établi que la société OPI a retrouvé la libre jouissance de son bien à la date du 18 mars 2018.
Afin de déterminer l’indemnité devant être allouée à la société OPI aux fins de réparation de son entier préjudice, il n’y a pas lieu de déduire les sommes auxquelles a été condamné M. [B] dès lors que ce dernier, placé en liquidation judiciaire, ne disposait pas de suffisamment d’actif et qu’un certificat d’irrecouvrabilité de la créance de la société OPI a été délivré par le mandataire liquidateur. Du fait de sa nature compensatoire et indemnitaire, l’indemnité d’occupation est donc due par la société Cas’a Meubles.
La convention d’occupation précaire du local n°3 prévoit le versement d’une indemnité de 5 930 euros toutes taxes comprises, devant être indexée à partir du 1er février 2012 d’un montant mensuel de 1 400 euros hors taxe et hors charge. La convention précise alors que le loyer devait s’élever à la somme de 6 400 euros hors taxe et hors charge à compter de son indexation.
Il résulte du décompte des loyers effectué pour l’établissement de la déclaration de créance de la société OPI au passif de la liquidation de M. [B] que le loyer toutes taxes comprises du local n°3 s’élevait à la somme de 7 651,62 euros par mois en septembre 2014.
La société Cas’a Meubles ne peut donc qu’être condamnée à payer à la société OPI la somme de 321 368,04 euros, correspondant au montant du loyer mensuel de 7 651,62 euros durant le nombre de mois de son occupation sans droit ni titre des lieux, soit durant 42 mois.
Le jugement querellé sera donc infirmé en ce qu’il a débouté la société OPI de sa demande d’indemnités d’occupation à l’encontre de la société Cas’a Meubles.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, en audience de renvoi après cassation, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, par voie de mise à disposition ;
Vu l’arrêt de la cour d’appel de céans du 29 décembre 2020 et l’arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2022 ;
Infirme le jugement rendu le 27 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion en ce qu’il a débouté la société Ouest Promotion Immobilier de sa demande d’indemnités d’occupation à l’encontre de la société Cas’a Meubles ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Cas’a Meubles à payer à la société Ouest Promotion Immobilier la somme de 321 368,04 euros au titre de son occupation du local n°3 situé [Adresse 1], commune du [Localité 6], pour la période du 18 septembre 2014 au 18 mars 2018 ;
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Cas’a Meubles à payer à la société Ouest Promotion Immobilier la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’instance ;
Condamne la société Cas’a Meubles aux dépens de l’instance sur renvoi de cassation.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Alain CHATEAUNEUF, Premier président, et par Madame Marina BOYER, Greffière, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La GREFFIERE signé Le PREMIER PRESIDENT