Déclaration de créances : 22 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/00132

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Déclaration de créances : 22 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/00132
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22 juin 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
21/00132

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/06/2023

la SCP VALERIE DESPLANQUES

la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS

ARRÊT du : 22 JUIN 2023

N° : 111 – 23

N° RG 21/00132

N° Portalis DBVN-V-B7F-GIZV

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 30 Octobre 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265264512330081

Monsieur [E] [S]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Valerie DESPLANQUES, membre de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Jérôme DUPRE, membre de la SELARL CABINET DUPRE SEROR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

D’UNE PART

INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265263489927189

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 7] [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Ayant pour avocat Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 15 Janvier 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 30 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 13 AVRIL 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ET Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 22 JUIN 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous signature privée du 11 septembre 2008, la société MPA, représentée par son gérant, M. [E] [S], a souscrit auprès de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6] (le Crédit mutuel) un prêt d’un montant de 116 000 euros remboursable en 84 mensualités de 1 626,65 euros, destiné à financer l’achat d’action de la société [B].

Au même acte, M. [S] s’est, comme sa mère, Mme [B], porté caution solidaire des engagements souscrits par la société MPA, à hauteur de 50 000 euros et pour une durée de 108 mois.

Par jugement du 19 février 2013, le tribunal de commerce de Tours a ouvert à l’égard de la société MPA une procédure de sauvegarde.

Par courrier daté du 3 mai 2013, adressé sous pli recommandé réceptionné le 13 mai suivant, le Crédit mutuel a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire dont 1 674,47 euros échus et 48 828,12 euros à échoir au titre du prêt garanti, outre intérêts au taux de 4,80 %.

Par ordonnance du 9 janvier 2014, le juge-commissaire à la procédure de sauvegarde de la société MPA a admis la créance du Crédit mutuel à titre privilégié pour 48 828,12 euros, outre intérêts au taux de 4,80 %.

Par jugement du 3 juin 2014, le tribunal de commerce de Tours a arrêté un plan de sauvegarde de la société MPA et par jugement du 10 octobre 2017, le même tribunal a prononcé la résolution du plan et ouvert à l’égard de la société MPA une procédure de liquidation judiciaire, en fixant la date de cessation des paiements au 3 octobre 2017.

Par courrier du 17 octobre 2017, adressé en réponse au courrier du liquidateur judiciaire par application des dispositions de l’article L. 626-27 III du code de commerce, le Crédit mutuel a ramené le montant de sa créance, déduction faite des sommes perçues en exécution du plan, à 44 795,95 euros au titre du prêt garanti.

La créance du Crédit mutuel a été déclarée irrécouvrable par le liquidateur judiciaire le 13 juillet 2018.

Après avoir vainement mis en demeure M. [S] de lui régler la somme de 44 795,95 euros en exécution de son engagement de caution, par courrier du 17 octobre 2017 adressé sous pli recommandé réceptionné le 20 octobre suivant, le Crédit mutuel a fait assigner M. [S] en paiement devant le tribunal de commerce de Tours par acte du 8 octobre 2018.

Par jugement du 30 octobre 2020 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal a :

– débouté M. [E] [S] de sa demande au titre de la prescription, et déclaré recevable l’action de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6],

– dit que le cautionnement n’est pas disproportionné,

– débouté M. [E] [S] de toutes ses autres demandes,

– condamné M. [E] [S] à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6] la somme de 45 147,47 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2018,

– dit que les intérêts échus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,

– condamné M. [E] [S] à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6] la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [E] [S] de sa demande à ce titre,

– condamné M. [E] [S] aux entiers dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 75,85 euros.

Pour statuer comme ils l’ont fait, les premiers juges ont commencé par écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, en rappelant que l’arrivée du terme du cautionnement a pour seul effet de limiter la garantie de la caution aux dettes nées antérieurement, mais n’impose pas au créancier d’agir en paiement dans le même délai.

Ils en ont déduit que si l’obligation de couverture de M. [S] était arrivée à terme le 11 septembre 2017, celui-ci demeurait obligé au règlement des dettes nées antérieurement et, après avoir souligné, d’une part que le prêt garanti arrivait à terme le 30 septembre 2015, mais que par l’effet des dispositions de l’article L. 626-11 du code de commerce, le Crédit mutuel ne pouvait agir en paiement contre la caution tant que la débitrice principale respectait le plan de sauvegarde ; d’autre part que le créancier disposait pour agir d’un délai de cinq ans à compter de l’exigibilité de l’obligation principale, les premiers juges ont conclu que l’action du Crédit mutuel engagée le 8 octobre 2018 était recevable.

Sur le fond, les premiers juges ont considéré que le Crédit mutuel justifiait que sa déclaration de créance du 3 mai 2013 avait été régularisée entre les mains du mandataire judiciaire à la sauvegarde de la société MPA par un préposé ayant reçu pouvoir à cet effet puis, après avoir relevé qu’en toute hypothèse la décision d’admission de la créance du Crédit mutuel avait autorité de chose jugée et que la créance de l’établissement bancaire avait été déclarée irrécouvrable, ils ont retenu que M. [S] ne pouvait se prévaloir d’aucune perte du bénéficie de subrogation.

Les premiers juges ont enfin retenu que M. [S] ne démontrait pas qu’à la date de sa souscription, son engagement était disproportionné à ses biens et revenus, et l’ont en conséquence condamné à payer au Crédit mutuel la somme principale de 45 147,47 euros correspondant au montant de sa créance déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la débitrice principale.

M. [S] a relevé appel de cette décision par déclaration du 15 janvier 2021, en critiquant expressément toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 10 février 2022, M. [S] demande à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile, 1103, 2241 et 2314 du code civil, de :

– réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours le 30 octobre 2020,

Statuant à nouveau :

– constater que l’engagement de caution en date du 11 septembre 2008 a été souscrit pour une durée de 108 mois soit 9 années,

– constater que la Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6] a assigné [E] [S] le 8 octobre 2018,

-dire et juger la Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6] irrecevable et mal fondée à se prévaloir de l’engagement de caution qui a cessé de produire ses effets dès le 11 septembre 2017,

– plus précisément déclarer irrecevables les demandes en paiement formées par la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6] contre M. [S] en exécution de l’engagement de caution souscrit le 11 septembre 2008,

– débouter la Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions dirigées à l’encontre de M. [S],

A titre subsidiaire,

– constater que la déclaration de créance en date du 6 mai 2013 est nulle pour avoir été faite par une personne dénuée de pouvoir de sorte que l’actualisation de la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société MPA en date du 17 octobre 2017 est sans effet,

– décharger [E] [S] de son engagement de caution souscrit le 11 septembre 2008,

– constater la disproportion manifeste de l’engagement de caution signé le 11 septembre 2008 au regard de facultés de M. [S],

– décharger [E] [S] de son engagement de caution souscrit le 11 septembre 2008,

En tout état de cause :

– condamner la Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6] à payer à [E] [S] une somme d’un montant de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6] aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 mai 2022, le Crédit mutuel demande à la cour, au visa des articles 1103, 2288 et suivants et 2314 du code civil, L.622.26 et L.626-11 du code de commerce, de :

– juger la Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6] recevable et bien fondée en ses demandes,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours le 30 octobre 2020,

En conséquence, et y faisant droit,

– débouter M. [E] [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner M. [E] [S] à lui payer la somme de 45 141,47 euros majorés des intérêts au taux d’intérêt légal à compter du 13 septembre 2018 et jusqu’au règlement effectif des sommes dues, avec capitalisation des intérêts conformément à l’article 1154 du code civil, au titre de son engagement de caution personnelle et solidaire,

– condamner M. [E] [S] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 30 juin 2022, pour l’affaire être plaidée le 13 avril 2023 et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’extinction de l’obligation de la caution :

Au soutien de son appel, M. [S] fait valoir que son engagement de caution, d’une durée de neuf années, est arrivé à terme le 11 septembre 2017, et en déduit que le

Crédit mutuel, qui lui a réclamé d’exécuter son engagement par courrier recommandé du 17 octobre 2017, à une date à laquelle son cautionnement avait cessé de produire ses effets, est irrecevable en ses prétentions.

En ce sens, M. [S] fait sienne la motivation du tribunal judiciaire de Tours qui, sur l’action engagée par le Crédit mutuel contre sa mère cofidéjusseur, a retenu dans un jugement du 30 mars 2021 que la demande du créancier était irrecevable, faute d’intérêt à agir.

L’appelant ajoute que le Crédit mutuel soutient vainement que sa créance est née le 31 janvier 2013 en raison d’un impayé à hauteur de 1 674,47 euros, alors qu’il n’a pas prononcé la déchéance du terme à cette date, et a déclaré au passif de la sauvegarde de la société MPA une créance à échoir, puis souligne que les sommes dues au titre du prêt garanti ne sont devenues exigibles qu’au 10 octobre 2017, date de résolution du plan de sauvegarde, soit après l’extinction de ses propres obligations.

Il en déduit tout à la fois que l’intimé, dépourvu d’intérêt à agir, devra être déclaré irrecevable en son action, et « débouté de ses prétentions ».

Le Crédit mutuel commence par souligner que son action, introduite dans le délai de cinq ans ayant commencé à courir à compter de l’exigibilité de l’obligation principale, le 11 septembre 2017, ne saurait être tenue pour prescrite.

En rappelant ensuite la distinction entre obligation de couverture et obligation de règlement, puis en faisant valoir que le terme du cautionnement n’a mis fin qu’à l’obligation de couverture de M. [S], le Crédit mutuel soutient qu’en exécution de son obligation de couverture, M. [S] est tenu de régler les dettes, non pas exigibles avant le terme de son engagement, comme l’a selon lui retenu le tribunal judiciaire de Tours dans la décision dont se prévaut l’appelant et dont lui-même a relevé appel, mais tenu de régler les dettes nées avant le 11 septembre 2017.

En faisant valoir d’une part que le prêt garanti présentait un impayé à hauteur de 1 674,47 euros au 31 janvier 2013, de sorte que sa créance à l’égard de M. [S] était « née à cette date », d’autre part que le prêt garanti prévoyait une dernière échéance de règlement le 30 septembre 2015, de sorte que « l’intégralité des sommes dues en vertu de ce prêt était “échue” au 1er octobre 2015 », le Crédit mutuel souligne de nouveau que sa créance est née avant l’expiration de l’obligation de couverture, le 11 septembre 2017, et en déduit qu’il doit être déclaré recevable en son action.

Si, à hauteur d’appel, M. [S] fait encore référence à la prescription de l’action du Crédit mutuel, il ne développe aucun moyen en ce sens.

M. [S] ne se prévalant d’aucune prescription conventionnelle, on ne peut que retenir que l’action en paiement du Crédit mutuel, engagée dans le délai de cinq ans ayant commencé à courir le 10 octobre 2017, date d’exigibilité de sa créance, n’était pas atteinte par la prescription quinquennale résultant de l’article L. 110-4 du code de commerce lorsqu’elle a été engagée le 8 octobre 2018.

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l’article 2292 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

Il est constant, en l’espèce, que la mention manuscrite apposée par M. [S] pour satisfaire aux anciennes exigences du code de la consommation fixe la durée de l’engagement litigieux à 108 mois.

Le corps de l’acte de cautionnement contenu au contrat de prêt ne comporte aucune autre indication, pour expliciter la portée de cette durée fixée à 108 mois dans la mention manuscrite, que les indications suivantes :

– en page 2 de l’acte, il est indiqué que la durée du cautionnement est « celle du prêt majorée de 24 mois »,

– en page 3, il est indiqué que « la caution est engagée pour le montant et la durée indiqués, aux conditions particulières [‘] » puis que « ce montant et cette durée sont précisés par la caution elle-même dans la mention manuscrite qui précède sa signature ».

Une durée stipulée dans un engagement de caution peut avoir des significations différentes selon la nature de l’obligation principale : une distinction s’impose en effet suivant que le cautionnement a été consenti pour une dette déterminée ou pour un ensemble indéterminé de dettes futures.

Lorsque le cautionnement est souscrit pour un ensemble de dettes ou un compte courant, comme dans l’espèce ayant donné lieu à la décision de la Cour de cassation dont se prévaut le Crédit mutuel (Civ. 1, 25 janvier 2017, n° 15-28.058), le terme prévu met fin à l’obligation de couverture, de sorte que la caution demeure tenue pour les obligations nées avant ladite échéance, même si elles ne sont pas encore exigibles. Sauf clause contraire en effet, la limitation dans le temps d’un cautionnement de dettes futures et indéterminées signifie que la caution a entendu garantir les engagements contractés par le débiteur avant le terme fixé, quelles que soient leur échéance et l’époque des poursuites, pourvu qu’il n’y ait pas prescription. C’est donc bien la durée de l’obligation de couverture que le terme détermine.

Le dualisme de l’obligation de la caution, qui assume d’une part une obligation de couverture qui détermine l’étendue de la garantie au jour de l’engagement et qui a pour objet des dettes à naître, d’autre part une obligation de règlement qui est celle de payer ce que doit le débiteur et qui détermine les dettes entrées dans le champ du cautionnement, ne se conçoit que dans les cautionnements de dettes futures.

Lorsque, comme en l’espèce, le cautionnement garantit un crédit amortissable, c’est-à-dire une dette déterminée, fût-elle à exécution successive, l’obligation de couverture et de règlement sont confondues pour avoir dès l’origine une même étendue, définie par référence à la dette garantie.

A suivre le raisonnement du Crédit mutuel tendant à introduire une obligation de couverture dans le cautionnement d’une dette déterminée, il faudrait en déduire que, quelle que soit la durée de l’engagement stipulée, la caution serait tenue dans la seule limite de la prescription, puisque la dette est née concomitamment à son engagement.

La stipulation d’une durée ne changerait finalement rien au sort de la caution et n’aurait alors aucun sens.

Dit autrement, puisque le terme de l’obligation de couverture ne met fin à la garantie que pour les obligations nouvelles, nées postérieurement à son expiration, l’obligation de couverture n’a pas de sens dans le cas du cautionnement d’une dette déterminée, puisque aucune obligation ne peut naître postérieurement à la conclusion d’un tel engagement.

C’est donc de manière inopérante que le Crédit mutuel soutient, en l’espèce, que le terme stipulé déterminerait la durée de l’obligation de couverture de M. [S].

On rechercherait vainement, en l’espèce, quelle a été l’intention commune des parties, tant il est certain qu’elles n’ont pas eu la même intention. Pour la caution en effet, le terme ne pouvait s’entendre que comme l’extinction de son obligation de règlement et la date après laquelle elle serait libérée de tous engagements envers la banque. Pour la banque en revanche, le plus vraisemblable est que la stipulation d’une durée du cautionnement supérieure à celle de l’obligation principale tendait à se prémunir contre les effets d’un éventuel report du terme de l’obligation principale, par l’effet d’un réaménagement du prêt garanti notamment.

Si dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté, il reste que la renonciation à un droit à agir en justice ne se présume pas.

Il faut en déduire qu’en l’absence d’une stipulation expresse et non équivoque limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier, le fait que la caution soit appelée à payer postérieurement à la date limite de son engagement, est sans incidence sur l’obligation de la caution portant sur la créance née avant cette date (v. par ex. Com. 1er juin 2023, n° 21-23.850 F-B).

Dès lors, sans qu’il importe que la créance du Crédit mutuel ne soit devenue exigible que le 10 octobre 2017, date de résolution du plan de sauvegarde de la débitrice principale, le Crédit mutuel doit être déclaré recevable en son action, puisque la créance de M. [S] est née dès le 11 septembre 2008.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce chef.

Sur la demande de décharge de la caution tirée de la perte du bénéfice de subrogation:

Aux termes de l’article 2314 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.

Il appartient à la caution qui sollicite la décharge de ses obligations de rapporter la preuve que la subrogation a été rendue impossible par le fait du créancier, et il revient le cas échéant au créancier, pour éviter d’encourir la déchéance de ses droits contre la caution, d’établir que la subrogation devenue impossible par son fait aurait été, en tout ou partie, inefficace.

Sans qu’il importe de savoir si la déclaration de créance du Crédit mutuel était régulière ou non, celle-ci a été admise par le juge-commissaire à la procédure de sauvegarde de la société MPA.

Il en résulte que, s’il est condamné à payer le Crédit mutuel, M. [S] disposera d’un recours subrogatoire contre la société MPA, dont le résultat est sans doute compromis par l’absence d’actif, mais pas par la faute du Crédit mutuel.

C’est à raison, dans ces circonstances, que les premiers juges ont retenu que M. [S] ne pouvait se prévaloir d’aucune perte de son recours subrogatoire pour être déchargé de son engagement de caution.

Sur la demande de décharge de la caution tirée de la disproportion de son engagement à ses biens et revenus :

Selon l’article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l’article L. 332-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à son abrogation issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Au sens de ces dispositions, qui bénéficient tant aux cautions profanes qu’aux cautions averties, la disproportion s’apprécie à la date de conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l’engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d’autres engagements de caution, dès lors que le créancier avait ou pouvait avoir connaissance de cet endettement.

C’est à la caution qui se prévaut des dispositions de l’article L. 332-1 de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle invoque et, contrairement à ce que fait accroire M. [S], ni la loi, ni la jurisprudence, n’impose au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement.

Si le créancier le fait, il est en droit de se fier aux renseignements communiqués par la caution, sauf existence d’anomalies apparentes.

Si le créancier ne le fait pas, il s’expose à ne pas pouvoir se prévaloir de la garantie si la caution rapporte la preuve de sa disproportion manifeste au jour de sa conclusion sans que lui-même parvienne à démontrer qu’au jour où il l’a appelée, le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation.

Si le banquier dispensateur de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde envers la caution non avertie, ou lorsqu’il a sur les revenus de la caution, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l’état du succès escompté de l’opération cautionnée, des informations que la caution ignorait, ce devoir de mise en garde n’oblige pas le banquier, comme le soutient M. [S], à « estimer par tout moyen à sa disposition que la caution sera raisonnablement à même de respecter les obligations découlant de son engagement », et l’éventuel manquement du banquier à son devoir de mise en garde ne décharge pas la caution de son engagement, mais lui permet le cas échéant de rechercher la responsabilité du banquier qui lui a fait perdre une chance de ne pas contracter.

Dès lors qu’il demande à être déchargé, par application des dispositions de l’article L. 341-4 précité, du cautionnement litigieux qu’il tient pour manifestement disproportionné à ses biens et revenus, il revient à M. [S], auquel le Crédit mutuel n’oppose aucune fiche de renseignement, d’établir la preuve de la disproportion de son engagement du 11 septembre 2008.

Des quelques pièces produites par l’appelant, il résulte qu’à l’époque de la souscription de l’engagement discuté :

– M. [S] était pacsé avec Mme [Z] [X],

– qu’il n’avait pas d’enfant à charge,

– qu’il percevait un revenu mensuel de l’ordre de 1 953 euros,

– qu’il partageait les charges courantes avec sa compagne, qui percevait de son côté un salaire d’environ 1 560 euros.

Alors que la disproportion s’apprécie par rapport aux biens et revenus de la caution, M. [S] ne peut sérieusement offrir de démontrer la disproportion de son engagement en se prévalant de l’endettement qu’il avait contracté préalablement à la souscription du cautionnement litigieux auprès du Crédit foncier et de la Banque populaire Val de France pour financer l’acquisition de sa résidence principale et celle d’un produit de défiscalisation, en omettant que les deux prêts immobiliers en cause lui ont permis d’acquérir des biens dont la valeur doit elle aussi être prise en considération pour l’évaluation de son patrimoine et sur laquelle il ne produit pas le moindre élément.

Alors que la disproportion s’apprécie en considération de l’endettement de la caution au jour de la souscription de son engagement, c’est sans aucun sérieux là encore que M. [S] oppose les engagements de caution qu’il a donnés à la banque Tarneaud et à la société Oséo financement, alors que ces deux engagements ont été donnés le 15 septembre 2009, postérieurement à l’engagement litigieux.

En l’absence du moindre élément sur la valeur de son patrimoine, qui était au moins constitué de deux immeubles, le seul fait que M. [S] ait perçu à l’époque de la souscription de son engagement de caution des revenus mensuels de l’ordre de 1 950 euros ne suffit pas établir que cet engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au jour où il a été donné.

Dès lors que M. [S] n’apporte pas la preuve de la disproportion alléguée, rien ne justifie d’empêcher la banque de se prévaloir de l’engagement de caution discuté.

Sur la demande en paiement de la banque :

Selon l’article 2288 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.

Selon décompte non critiqué arrêté au 12 septembre 2018, le Crédit mutuel justifie qu’à cette date, sa créance s’élevait à 45 141,47 euros dont 42 036,30 euros en capital.

M. [S], qui ne justifie d’aucun paiement ni d’aucun fait libératoire au sens de l’alinéa 2 de l’article 1315 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, sera donc condamné à payer au Crédit mutuel, en exécution de son engagement de caution, ladite somme de 45 141,47 euros, majorée des intérêts au taux légal sur la somme de 42 063,30 euros à compter du 14 septembre 2018, lendemain du décompte.

En application de l’article 1154 du code civil qui, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, prévoit que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière, les intérêts seront capitalisés annuellement à compter du 8 octobre 2018, date de la demande.

Sur les demandes accessoires :

Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par les premiers juges.

M. [S], qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l’instance d’appel et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, M. [S] sera condamné à régler au Crédit mutuel, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise, mais seulement en ce qu’elle a condamné M. [E] [S] à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6] la somme de 45 147,47 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2018,

Statuant à nouveau sur le seul chef infirmé :

Condamne M. [E] [S] à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6], en exécution de son engagement de caution du 11 septembre 2008, la somme de 45 141,47 euros, majorée des intérêts au taux légal sur la somme de 42 063,30 euros à compter du 14 septembre 2018,

Précise que les intérêts seront capitalisés annuellement selon les modalités de l’article 1154 ancien du code civil à compter du 8 octobre 2018,

Confirme la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Y ajoutant,

Condamne M. [E] [S] à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] [Localité 6] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de M. [E] [S] formée sur le même fondement,

Condamne M. [E] [S] aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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