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22 juin 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/00713
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 22/06/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 22/00713 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UDKC
Ordonnance n° 2021/137-1 rendue le 01 février 2022 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
SA BNP Paribas Lease Group représentée par son directeur général domiclié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par Me Alice Dhonte, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉES
SAS Ambulances de France TER, exploitant l’enseigne ‘Ambulances Dumez’, en liquidation judiciaire, représentée par la SELAS MJS Partners, mandataires judiciaires
ayant son siège social [Adresse 2]
SELAS MJS Partners prise en la personne de Me [O] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Ambulances de France Ter, désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 8 mars 2022
sise [Adresse 3]
représentées par Me Nicolas Nef Naf, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 22 mars 2023 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d’instruire le dossier et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023 après prorogation du délibéré initialement prévu au 08 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er mars 2023
****
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat référencé A1F11946 conclu le 17 juillet 2020, la société BNP Paribas Lease group a donné à bail à la société SAS Ambulances de France TER exerçant sous le nom Ambulance Christian Dumez du matériel de téléphonie pour les besoins de son activité moyennant le paiement de 63 loyers mensuels de 365 euros. Le contrat était stipulé à durée irrévocable et le dernier loyer était contractuellement fixé au 1er octobre 2025. Le contrat est assorti d’un abonnement dit ‘pack’ services simplifiés de 4,39 euros TTC par mois.
La société BNP Paribas Lease group a acquis le matériel auprès de la société Liv Télécom suivant facture n° INV-000261 en date du 17 juillet 2020 pour un montant de 23 447,51 euros TTC.
Le matériel a été livré au locataire le 17 juillet 2020.
Par jugement du 12 avril 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SAS Ambulances de France TER et a désigné la SELAS MJS Partners représentée par M.[O] [D] en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL AJC, présentée par M. [O] [T], en qualité d’administrateur judiciaire.
Par lettre recommandée du 27 avril 2021, la société BNP Paribas a déclaré sa créance, par les soins d’un mandataire dénommé Eurorecx, pour un montant de 474,27 euros à titre échu entre les mains du mandataire judiciaire, correspondant au loyer impayé TTC au 1er avril 2021. Cette déclaration précisait en outre à titre indicatif, que restait en outre à échoir au jour du jugement d’ouverture, 19 710,00 euros au titre des 54 loyers à échoir et 237,06 euros au titre de l’abonnement dit Pack Services simplifiés, soit 54 fois 4,39 euros.
Le créancier a mis simultanément en demeure l’administrateur judiciaire de statuer sur la continuation du contrat.
Par une première lettre du 21 mai 2021, l’administrateur judiciaire a indiqué poursuivre le contrat, mais, par une seconde lettre du 24 juin 2021, il a fait savoir qu’il ne le poursuivait plus.
Par lettre du 30 juin 2021, le créancier a adressé au mandataire judiciaire une déclaration de créance rectificative d’un montant de 25 527,87 euros TTC à titre échu, dont 424,27 euros au titre du loyer impayé avant l’ouverture de la procédure. En outre, par une lettre du même jour, le créancier a déclaré en vertu de l’article L. 622-17 du code de commerce une créance de 948,54 euros TTC au litre des loyers échus et impayés de mai et juin 2021.
Par lettre du 6 septembre 2021, le mandataire judiciaire a avisé le créancier que le débiteur estimait que la créance déclarée, correspondant pour les loyers à échoir à une clause pénale susceptible d’être révisée par le juge commissaire, était provisionnelle pour la somme de 19 947,06 euros. Le mandataire précisait qu’il entendait proposer au juge-commissaire de rejeter en l’état la créance déclarée du 24 579,33 euros pour admettre seulement la somme de 474,27 euros.
Par lettre du 15 septembre 2021, le créancier s’est opposé à cette analyse par lettre recommandée reçue par le mandataire le 17 septembre 2021.
Par ordonnance du 1er février 2022, le juge commissaire a :
– admis la créance de BNP Paribas Lease group pour un montant de 474,27 euros,
– indiqué que le contrat de location était régulièrement poursuivi,
– rejeté la créance pour le surplus.
Par déclaration du 11 février 2022, la société BNP Paribas Lease group a interjeté appel de cette ordonnance.
Par jugement du 8 mars 2022, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire, la SELAS MJS Partners étant désignée liquidateur.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 2 septembre 2022, la société BNP Paribas Lease group demande à la cour de :
– réformer l’ordonnance rendue par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 8 février 2022 en ce qu’elle a constaté la poursuite du contrat de location et admis sa créance uniquement à hauteur de 474,27 euros à titre chirographaire,
– et statuant à nouveau :
– constater la résiliation du contrat référencé A1F11946 intervenue le 24 juin 2021 compte tenu de la décision de l’administrateur judiciaire de ne pas poursuivre le contrat en cours,
– en conséquence,
– fixer au passif de la société Ambulances de France TER la créance de la société BNP Paribas Lease group à titre chirographaire pour un montant de 25 527,87 euros,
– condamner in solidum la société Ambulances de France TER et le liquidateur judiciaire, à lui payer à la société BNP Paribas Lease group la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 en cause d’appel,
– condamner in solidum la société Ambulances de France TER et le liquidateur judiciaire aux dépens de la présente instance.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 23 juin 2022, la SELAS MJS Partners en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Ambulances de France TER et la société Ambulances de France TER demandent à la cour de :
– confirmer l’ordonnance rendue par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 1er février en ce qu’elle a admis la créance à titre chirographaire pour la somme de 474,27 euros, et rejeté la créance déclarée au surplus,
– en conséquence :
– débouter la société BNP Paribas Lease group de l’intégralité de ses prétentions,
– condamner la société BNP Paribas Lease group payer à au liquidateur ès qualités la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er mars 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 22 mars 2023.
MOTIVATION
A l’appui de sa demande la société BNP Paribas Lease group soutient que :
– sur la résiliation du contrat de location conclu le 17 juillet 2020 :
– le juge-commissaire a seul décidé de la poursuite du contrat de location contrairement à l’article L622-13 du code de commerce,
– ledit contrat est un contrat à exécution puisqu’il prévoit le paiement de 63 mensualités,
– l’administrateur a usé à bon droit de sa faculté de ne pas le poursuivre,
– le juge commissaire a outrepassé ses pouvoirs,
– il n’existe plus de contrat en cours,
– sur le montant de la créance de BNP Paribas Lease group :
– l’administrateur, après avoir indiqué dans un premier temps à la société BNP Paribas Lease group qu’il entendait poursuivre le contrat en cours et qu’il acquiesçait à la revendication formulée par le propriétaire du matériel, revenait sur sa décision et indiquait ne plus poursuivre le contrat, par suite la société BNP Paribas Lease group rectifiait le montant de la créance qui avait été déclarée entre les mains de l’administrateur, et déclaré la somme de 25 527,87 euros (loyer impayé TTC antérieur à l’ouverture du RJ du 1er avril 2021, loyers à échoir : 18 980 euros du 1er juillet 2020 au 1er janvier 2025 et la pénalité d’un montant de 1 898 euros),
– la demande d’indemnité est conforme l’article 8.3 du contrat,
– si l’administrateur judiciaire n’use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin l’inexécution peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit du cocontractant dont le montant doit être déclaré au passif,
– l’indemnité de résiliation ne constitue pas une clause pénale,
– l’indemnité de résiliation et sa majoration sont prévues dans les dispositions de l’article 8 des conditions générales de vente,
– le montant de ces indemnités figurent dans la déclaration de créance,
– la société BNP Paribas Lease group a financé le matériel à des conditions financières déterminées entre la locataire et le fournisseur, la société LIV TELECOM,
– le matériel n’a pu être récupéré par la concluante puisque le frais de récupération étaient supérieurs à la valeur estimée du matériel,
– la SAS Ambulances de France TER dispose toujours de la jouissance de ce matériel alors qu’elle n’en a plus réglé le coût à son bailleur depuis le 1er mai 2021,
– la SAS Ambulances de France TER a cessé d’acquitter ses loyers au titre du contrat de location conclu le 17 juillet 2020 dès le mois de mai 2021, alors que le contrat avait été conclu pour un durée de 63 mois,
– BNP Paribas Lease group subit bien un préjudice,
– la part de l’indemnité de résiliation égale aux loyers à échoir n’est que la stricte application de dispositions de l’article L622-13 du code de commerce,
– le montant de l’indemnité de résiliation et de sa majoration ne sont pas excessifs.
A l’appui de leurs prétentions le liquidateur ès qualités et le débiteur soutiennent que :
– la société BNP Paribas Lease group rappelle que le contrat de location référencé ALF11946 et conclu le 17 juillet 2022 a été ‘non continué’ par courrier de l’administrateur judiciaire en date du 24 juin 2021, ce qu’ils reconnaissent bien volontiers,
– les clauses incluses dans les conditions générales du contrat ne prévoyant pas expressément l’hypothèse légale de résiliation de plein droit résultat de la décision de non-continuation d’un contrat en cours prise par l’administrateur judiciaire en application de l’article L.622-13 du code de commerce sont inapplicables,
– la clause indemnitaire vise le cas de résiliation du contrat spécifiquement exposés à l’article 8.2.2 et non l’hypothèse légale d’une résiliation à l’initiative de l’administrateur judiciaire qui dispose d’une action offerte par les dispositions de l’article L. 622-13 du code de commerce pour ne pas continuer le contrat en cours,
– la résiliation des contrats a été consécutive à la décision de l’administrateur judiciaire de ne pas poursuivre les contrats avec BNP Paribas Lease group.
Il sera rappelé ici les dispositions du contrat liant les parties figurant à l’article 8 intitulé résiliation :
« 8.1 Le locataire peut demander la résiliation du contrat en cas de (i) non-respect par le bailleur de l’un des engagements pris au présent contrat après mise en demeure non suivie d’effets dans les 15 jours suivant sa réception ; (ii) résolution judiciaire de la vente telle que prévue à l’article traitant de la garantie de l’équipement ; (iii) sinistre total de l’équipement.
8.2 le bailleur peut demander la résiliation du contrat en cas de (i) non-respect de l’un des engagements pris au présent contrat où perte où diminution des garanties fournies ;
(ii) résolution judiciaire de la vente telle que prévue à l’article traitant de la garantie de l’équipement ; (iii) sinistre total de l’équipement ; (iv) modification de la situation du locataire et notamment décès, liquidation amiable, cessation d’activité, cession du fonds de commerce, de parts ou d’actions du locataire, changement de forme sociale ; (v) modification concernant l’équipement loué et notamment détérioration, destruction où aliénation de l’équipement loué (apport en société, fusion-absorption, scission,’) ;
(vi) communication par le locataire au bailleur de fausses informations sur son entreprise ou sa situation financière qui ont joué un rôle crucial dans la décision du bailleur d’entrer en relation avec le locataire point la nation interviendrait sans qu’il y ait besoin d’aucune formalité judiciaire virgule le locataire reconnaissant avoir été mis en demeure par les présentes.
8.3 Conséquence : dans le cas prévu au 8.1 (i) le locataire pourra solliciter du juge l’obtention de dommages-intérêts au titre du seul préjudice direct lié au manquement du bailleur limité à un montant maximum égal au loyer perçu sur les 12 derniers mois précédents la mise en jeu de la responsabilité. Dans les cas prévus aux 8.1 (ii) et (iii), au 8.1 et dans les cas de prévus par la loi ou décidés par un juge, notamment en cas d’application des dispositions d’ordre public du livre VI du code de commerce ; la résiliation entraîne, au profit du bailleur, le paiement par le locataire ou ses ayants droit, en réparation du préjudice subi en sus des loyers impayés de leurs accessoires, d’une indemnité égale à la somme des loyers restants à échoir au jour de la résiliation.
8.4 l’indemnité prévue ci-dessus sera majorée d’une somme forfaitaire égale à 10% de ladite indemnité à titre de clause pénale ».
En l’espèce, par lettre du 24 juin 2021, M. [T], l’administrateur judiciaire du débiteur, a écrit au mandataire du créancier qu’en sa qualité d’administrateur au redressement judiciaire de la société Ambulances France TER, il l’informait ne pas poursuivre le contrat et qu’il l’invitait se rapprocher du débiteur pour organiser la restitution des biens revendiqués.
Ce même administrateur, par lettre du 21 mai 2021 adressée au mandataire du créancier, l’avait avisé de son accord sur la revendication mais qu’en raison du contrat toujours en cours, la restitution ne serait effective que conformément aux dispositions de l’article L. 624-10 du code de commerce, au jour de la résiliation ou du terme du contrat.
Il est certain que cette décision a été prise par l’administrateur en vertu de l’article L. 622-13 II du code de commerce, comme en matière de contrat à exécution ou à paiement échelonnés. Ces dernières dispositions figurent manifestement dans le livre VI du code de commerce.
Par ailleurs, le juge-commissaire a affirmé de manière erronée dans l’ordonnance entreprise que le contrat était régulièrement poursuivi, puisqu’au contraire il avait fait l’objet d’une décision de non-continuation prise par l’administrateur en vertu de l’article L. 622-13 II du contrat. L’ordonnance sera donc réformée du chef de la mention erronée. En l’espèce, il sera rétabli que le contrat a pris fin par décision de l’administrateur du 24 juin 2021.
Le liquidateur ès qualités et le débiteur soutiennent que sont inapplicables les clauses incluses dans les conditions générales du contrat qui ne prévoient pas expressément l’hypothèse légale de résiliation de plein droit résultant de la décision de non-continuation des contrats en cours prise par l’administrateur judiciaire en application de l’article L. 622-13 du code de commerce.
Toutefois, les dispositions du contrat déjà rappelées mentionnent expressément : « Dans les cas prévus aux 8.1 (ii) et (iii), au 8.1 et dans les cas de prévus par la loi ou décidés par un juge, notamment en cas d’application des dispositions d’ordre public du livre VI du code de commerce ; la résiliation entraîne, au profit du bailleur, le paiement par le locataire ou ses ayants droit, en réparation du préjudice subi en sus des loyers impayés de leurs accessoires, d’une indemnité égale à la somme des loyers restants à échoir au jour de la résiliation. »
Par conséquent, la clause prévoyant l’indemnité litigieuse est applicable, contrairement à ce que soutiennent le liquidateur ès qualités et le débiteur.
Si ces mêmes parties évoquent le caractère de clause pénale de ces mêmes dispositions, désormais conforté par la jurisprudence de la cour de cassation (Cass.com. 8 févr. 2023, pourvoi n° 21-21.391), elles s’abstiennent d’en solliciter la réduction par le juge-commissaire, après l’avoir envisagée dans des conclusions antérieures.
Par conséquent, les éléments de calcul de ladite clause n’étant pas autrement contestés, il y a lieu d’admettre la créance pour la somme de 25 527,87 euros à titre chirographaire :
– loyer du 1er avril 2021 impayé antérieur à l’ouverture du redressement judiciaire :
474,27 euros
– loyers à échoir HT du 1er juillet 2021 au 1er octobre 2025 inclus : 52 x 365 :
18 980,00 euros
– indemnité forfaitaire : 1 898,00 euros
– TVA sur 18 980 + 1 898 4 175,60 euros
En équité, il n’y a pas lieu d’allouer à la société BNP Paribas Lease group d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le liquidateur ès qualités, sera condamné aux dépens.
* * * * *
PAR CES MOTIFS
La cour,
Réforme l’ordonnance entreprise ;
Constate que le contrat a pris fin par décision de l’administrateur judiciaire du 24 juin 2021 de ne pas le poursuivre ;
Admet à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de la société Ambulances de France TER la créance de la société BNP Paribas Lease group pour la somme de 25 527,87 euros ;
Condamne la SELAS MJS Partners aux dépens ;
Déboute les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Valérie Roelofs
Le président
Dominiques Gilles