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20 juin 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/03649
N° RG 21/03649 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LAI4
C2
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Clémence COMPOINT
la SCP SCP JOUANNEAU-PALACCI
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 20 JUIN 2023
Appel d’une décision (N° RG 20/00021)
rendue par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE
en date du 18 mai 2021
suivant déclaration d’appel du 09 août 2021
APPELANTE :
Mme [S] [P] épouse [V]
née le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Clémence COMPOINT, avocat au barreau de VALENCE
INTIMEE :
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHONE ALPES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Séverine JOUANNEAU de la SCP SCP JOUANNEAU-PALACCI, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 mai 2023 Mme Blatry conseiller chargée du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société Caisse Régionale de Crédit Agricole (CA) a consenti, le 31 mars 2012, à la société Roxaly un prêt professionnel, garanti par chacun des époux [S] [P]/[F] [V] à hauteur de 40.000€, ainsi que par le mécanisme OSEO, le fonds de commerce supportant, enfin, un nantissement.
Suite à la mise en liquidation judiciaire de la société Roxaly, Mme [V] a été mise en demeure en sa qualité de caution puis a, suivant ordonnance du 19 novembre 2019, fait l’objet d’une ordonnance d’injonction de payer pour la somme en principal de 11.558,16€ au taux contractuel de 4%.
Mme [V] a fait opposition à cette ordonnance et, par jugement du 18 mai 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
débouté Mme [V] de l’ensemble de ses prétentions,
condamné Mme [V] à payer à la société CA la somme de 11.558,16€ au taux contractuel de 4% à compter du 4 février 2019,
dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné Mme [V] aux dépens de l’instance.
Par déclaration en date du 9 août 2021, Mme [V] a relevé appel de cette décision.
Au dernier état de ses écritures en date du 4 novembre 2021, Mme [V] demande à la cour de réformer le jugement déféré et de :
1) à titre principal, dire nul le contrat de cautionnement,
2) subsidiairement, condamner la société CA à lui payer des dommages-intérêts de 12.500€ au regard de son manquement à son obligation d’information,
3) en tout état de cause, condamner la société CA à lui payer une indemnité de procédure de 2.000€.
Elle fait valoir que :
son consentement a été vicié par erreur puisqu’elle a cru que la première garantie actionnée serait celle OSEO pour la moitié des sommes dues, éventuellement viendrait le nantissement du fonds de commerce et seulement après sa caution pour 50%, soit la partie non couverte par OSEO,
il ne lui a jamais été indiqué que son engagement de caution pouvait être actionné à tout moment quel que soit l’ordre d’inscription des garanties écrites et la portée induite par cette indication,
le tribunal a omis de prendre en compte son argumentation selon laquelle il se déduisait de la rédaction même du contrat de prêt que sa garantie ne serait jamais recherchée que pour 50% de la dette éventuellement due puisqu’OSEO aurait précédemment pris en charge l’autre moitié,
s’engager à rembourser la totalité de la dette ou seulement la moitié sont deux choses bien différentes,
la banque a manqué à son obligation d’information et de mise en garde,
la prescription court, concernant le devoir d’information, non pas à compter de la signature de l’acte mais à compter du moment où les obligations liées à son engagement sont recherchées,
elle n’est donc pas prescrite ayant été mise en demeure d’exécuter ses engagements le 4 février 2019 et ayant poursuivi la banque dans le délai quinquennal expirant le 4 février 2024.
Par uniques conclusions du 5 mai 2021, la société Crédit Agricole sollicite le rejet des demandes adverses, la confirmation du jugement déféré sauf à majorer la condamnation de Mme [V] au paiement de la somme de 12.334,36€ avec intérêts au taux de 6% à compter du 4 février 2019 avec capitalisation des intérêts, outre la condamnation de Mme [V] à lui payer une indemnité de procédure de 2.500€ et à supporter les entiers dépens.
Elle expose que :
il n’y a aucun vice du consentement de Mme [V],
la Cour de cassation dans son arrêt du 14 novembre 2019 a fermé la voie à l’annulation d’un cautionnement sur le fondement d’une erreur sur les conditions d’intervention de la garantie OSEO en rappelant qu’il ne pouvait avoir d’erreur faute de caractère déterminant de l’erreur,
Mme [V] ne pouvait croire que son engagement était pratiquement superflu du fait de la régularisation de garanties subsidiaires alors même qu’elle a régulièrement été informée de la portée de son engagement aux termes de la mention manuscrite apposée,
la seule teneur de la mention manuscrite a vocation à assurer l’information dont Mme [V] prétend avoir été privée,
Mme [V], en signant un engagement personnel et solidaire, a renoncé au bénéfice de discussion et de division,
Mme [V] a paraphé les conditions générales en page 4 sur les conditions particulières et générales réglementant l’intervention de l’établissement OSEO,
la solidarité permet au créancier de solliciter indifféremment l’un ou l’autre des débiteurs pour l’intégralité des sommes dues,
il reste dû la somme totale de 24.668,72€ et Mme [V] est redevable de la moitié, soit 12.334,36€,
elle n’engage pas sa responsabilité et, en tout état de cause, l’action de Mme [V] à ce titre est prescrite, le point de départ du délai de prescription étant fixé à la date de la convention,
Mme [V] a reçu l’information nécessaire.
La clôture de la procédure est intervenue le 4 avril 2023.
MOTIFS
1/ sur les demandes de Mme [V]
en nullité du contrat de cautionnement
Mme [V] prétend que son consentement à son engagement de caution a été vicié par l’erreur.
Aux termes de l’article 1110 du code civil dans sa version applicable à la convention de cautionnement, l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.
Si effectivement en page 2 du contrat de prêt au paragraphe Garanties, celles-ci sont énumérées en commençant par la garantie OSEO, puis par le nantissement du fonds de commerce, pour se terminer par les cautionnements solidaires des époux [V], il est spécifié en page 6 au paragraphe Cautionnement solidaire que la caution renonce :
«’au bénéfice de discussion, c’est à dire qu’au cas où le prêteur serait le créancier d’une somme quelconque, il pourrait poursuivre indifféremment l’emprunteur et/ou l’une ou l’autre des cautions’»,
«’au bénéfice de division, ce qui implique qu’au cas où le prêteur serait garanti par d’autres cautions, il pourrait réclamer toute la créance à une seule caution dans la limite de son engagement, sans avoir à poursuivre les autres cautions’».
Il est en outre spécifié toujours à ce même paragraphe que la caution déclare :
« bien connaître la portée réelle de son engagement et l’obligation de rembourser les sommes dues sur le prêt en cas de défaillance de l’emprunteur’»,
«’ ne pouvoir ultérieurement opposer au prêteur une connaissance insuffisante de cette situation’»,
«’ en cas de cautionnements multiples et partiels, les divers engagements de cautions destinés à garantir le crédit sont cumulatifs et non alternatifs, ainsi le prêteur pourra actionner chaque caution à hauteur de son engagement total tant que le crédit ne sera pas intégralement soldé’».
Enfin dans sa mention manuscrite, Mme [V] a indiqué qu’en se portant caution elle s’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur ses revenus et ses biens si la SARL Roxaly n’y satisfait pas elle-même.
En outre, Mme [V] est poursuivie par la banque pour la moitié de sa créance.
Par voie de conséquence, Mme [V] ne peut prétendre à aucune erreur ayant vicié son consentement.
Ainsi, la décision, qui rejette la demande en nullité de l’engagement de caution, sera confirmé mais sur d’autres motifs.
sur la demande en dommages-intérêts au titre de la responsabilité de la banque
Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, au regard de ce que la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la manifestation du dommage et non de la commission de la faute, Mme [V] n’est pas prescrite en son action.
Toutefois, pour les raisons précédemment énumérées et ayant été parfaitement informée, elle est mal fondée en son action et doit être déboutée de ce chef.
Le jugement déféré sera également confirmé à ce titre mais sur d’autres motifs.
2/ sur la demande en paiement de la société CA
La banque établit par sa déclaration de créance récapitulant celle-ci que la SARL Roxaly est redevable de la somme globale de 23.729,48€.
Mme [V] étant engagée à hauteur de la moitié des sommes dues, il convient de la condamner à payer à la société CA la somme de 11.864,74€.
Mme [V] étant poursuivie en qualité de caution et non d’emprunteur, aucun intérêt contractuel ne saurait lui être appliqué mais seulement l’intérêt au taux légal à compter du 8 février 2019, date du retrait de la lettre de mise en demeure.
Le jugement déféré sera réformé sur ce point.
Enfin, la capitalisation des intérêts par année entière sera ordonnée à compter du 5 mai 2021, date de la première demande.
3/ sur les mesures accessoires
Aucune considération d’équité ne justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, les dépens de la procédure d’appel seront supportés par Mme [V].
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré sauf sur le quantum de la condamnation de Mme [S] [P] épouse [V],
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne Mme [S] [P] épouse [V] à payer à la société Caisse Régionale de Crédit Agricole la somme de 11.864,74€ avec intérêt au taux légal à compter du 8 février 2019,
Y ajoutant,
Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 5 mai 2021,
Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [S] [P] épouse [V] aux dépens de la procédure d’appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT