Your cart is currently empty!
20 juin 2023
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
22/01171
HP/SL
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 20 Juin 2023
N° RG 22/01171 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HA2I
Décision attaquée : Ordonnance du Juge commissaire de CHAMBERY en date du 17 Juin 2022
Appelant
M. [F] [X] [J], demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représenté par la SELAS Fiducial Legal by LAMY, avocats plaidants au barreau de LYON
Intimées
Société GAJARO RED LIMITED dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par PARTNERSHIPS PENNINGTONS MANCHES COOPER LLP, avocats plaidants au barreau de PARIS
S.E.L.A.R.L. BOUVET ET GUYONNET es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PROFIN DEVELOPPMENT LA ROSIERE, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par Me Alice TOURREILLE, avocat au barreau d’ALBERTVILLE
S.A.S. PROFIN DEVELOPPEMENT LA ROSIERE, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Sans avocat constitué
Mme la PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D’APPEL DE CHAMBERY,
[Adresse 4]
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l’ordonnance de clôture : 20 Mars 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 avril 2023
Date de mise à disposition : 20 Juin 2023
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Faits et Procédure
La société Profin Développement La Rosière (sas) était placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry en date du 16 mars 2021. La société Garajo Red Limited déclarait sa créance le 6 avril 2021 à hauteur de 717 638.43 euros.
Par jugement en dage du 12 juillet 2021, le tribunal de commerce prononçait la liquidation judiciaire de la société Profin Développement La Rosière.
Par ordonnance en date du 17 juin 2022, le juge commissaire du tribunal de commerce de Chambéry admettait au passif de la procédure de liquidation judiciaire de cette société la créance de la société Garajo Red Limited à hauteur de 717 638,43 euros à titre chirographaire, estimant que :
‘ la société Garajo Red Limited disposait de la personnalité morale, étant inscrite au registre du commerce des Bahamas
‘ la réponse de cette dernière en date du 22 février 2022 à la contestation du liquidateur était recevable dès lors qu’elle n’avait pas eu connaissance de cette contestation avant le 31 janvier 2022 ;
‘ la société Profin Développement La Rosière avait été condamnée par jugement du tribunal de commerce de Chambéry en date du 3 mai 2017 à payer à la société Garajo Red Limited la somme de 687 088 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 30 août 2016, ainsi qu’une indemnité procédurale de 2 500 euros et les dépens ;
Par déclaration au greffe de la cour d’appel en date du 30 juin 2022, M. [F] [J], en qualité de ‘gérant’ de la société Profin Développement La Rosière interjetait appel de cette décision.
Prétentions des parties
Par dernières écritures en date du 17 mars 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière demandait à la cour de :
– débouter la société Garajo Red Limited de ses moyens d’irrecevabilité ;
– déclarer recevable et bien fondé le recours formé par M. [F] [J], en qualité de ‘gérant’ de la société Profin Développement La Rosière ;
– déclarer irrecevable la société Garajo Red Limited en sa déclaration de créance pour n’avoir adressé aucune réponse à la contestation de créance dans le délai légal ;
– déclarer irrecevable la société Garajo Red Limited pour défaut de qualité et intérêt à agir ;
– déclarer irrecevable et, en tout cas, mal fondées les prétentions formulées par la société Garajo Red Limited ;
– en conséquence, les rejeter dans leur intégralité ;
– dire que les dépens de l’instance seront tirés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.
Au soutien de ses prétentions, M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière faisait valoir notamment que :
‘ la société Garajo Red Limited n’avait pas répondu dans le délai de 30 jours à la contestation qui lui avait été présentée le 9 juin 2021 suite à sa déclaration de créance ;
‘ la société Garajo Red Limited avait cédé tous ses droits à M. [M] [R] selon acte du 21 mai 2019 ;
‘ la société Garajo Red Limited avait été radiée du registre du commerce des Bahamas.
Par dernières écritures en date du 1er mars 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Garajo Red Limited sollicitait de la cour :
A titre principal,
– déclarer nul ou irrecevable l’appel de M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière ;
A titre subsidiaire,
– confirmer l’ordonnance entreprise ;
– condamner M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière à lui payer une indemnité procédurale de 5 000 euros, outre les dépens distrait au profit de Me Bollonjeon, avocate associée de la selurl Bollonjeon.
Au soutien de ses prétentions, la société Garajo Red Limited faisait valoir notamment que :
‘ l’appelant n’avait pas intimé la selarl Etude Bouvet et Guyonnet, ès qualités de liquidatrice de la société Profin Développement La Rosière en cette qualité de sorte que l’appel était nul ou à tout le moins irrecevable ;
‘ la contestation de la liquidatrice était irrecevable dès lors que la créance résultait d’une décision judiciaire ayant autorité de la chose jugée ;
‘ la société Garajo Red Limited n’avait eu connaissance de la contestation de la liquidatrice que le 31 janvier 2022 ;
‘ la société Garajo Red Limited disposait de la personnalité morale ; la cession du 21 mai 2019 avait eu lieu postérieurement au jugement de 2017 et ne concernait pas la créance résultant du jugement rendu en 2017
Par dernières écritures en date du 9 novembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la selarl Etude Bouvet et Guyonnet, ès qualités de liquidatrice de la société Profin Développement La Rosière, sollicitait la confirmation de l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et la condamnation de l’appelant aux dépens.
Mme la Procureure générale ne concluait pas.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
L’ordonnance de clôture était rendue le 20 mars 2013 et l’affaire était appelée à l’audience de plaidoirie du 3 avril 2023.
A l’audience, la cour a sollicité de la société Garajo Red Limited une note en délibéré sur l’APC (accord de prêt convertible) visé par le claim form (acte introductif d’instance) produit par la société Profin Développement La Rosière et l’instance devant la juridiction anglaise avant le 5 mai 2023 17 h. Cette note a été déposée le 27 avril 2023 avec la pièce 21, régulièrement communiquées par voie électronique. Aucune des autres parties n’a répondu.
MOTIFS ET DÉCISION
I – Sur la procédure
A – Sur la recevabilité de l’appel
La société Garajo Red Limited soulève la nullité ou à défaut l’irrecevabilité de l’appel de M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière pour deux motifs :
– M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière a interjeté appel contre la société Profin Développement La Rosière représentée par ses représentants légaux ce qui n’a aucun sens et qui constitue une erreur manifeste ;
– M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière a intimé la selarl Etude Bouvet et Guyonnet prise en la personne de ses représentants légaux et non ès qualités de liquidatrice de la société Profin Développement La Rosière.
M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière, soutient qu’il a fait appel au titre de son droit propre de sorte qu’il devait appeler en la cause la débitrice soit la société Profin Développement La Rosière et que s’agissant du mandataire judiciaire, il n’avait aucune obligation dans sa déclaration d’appel de faire figurer sa fonction. Il fait valoir de ce chef qu’il s’agit en tout état de cause d’un vice de forme qui n’entraîne jamais l’irrecevabilité de la déclaration d’appel et qu’il est nécessaire de démontrer l’existence d’un grief que seul le mandataire pourrait soulever, outre le fait que la cour de cassation a admis depuis longtemps qu’il s’agit en fait d’une simple erreur matérielle et que le professionnel en cause en première instance a nécessairement la même qualité en appel.
Sur ce,
M. [F] [J] qui, en sa qualité de gérant de la société en liquidation, exerce un droit propre de celle-ci d’interjeter appel d’une décision du juge commissaire relative à l’admission de créance a interjeté appel contre la selarl Etude Bouvet et Guyonnet sans préciser la qualité de cette dernière. Cependant, il résulte de l’ordonnance entreprise que la selarl Etude Bouvet et Guyonnet figurait dans cette décision en qualité de liquidatrice de la société Profin Développement La Rosière et qu’elle ne pouvait donc être intimée qu’en cette qualité ce que celle-ci a d’ailleurs bien compris comme elle le souligne en tête de ses écritures. En conséquence, cette erreur manifeste commise dans la déclaration d’appel sur la qualité de l’intimée, au regard de l’objet du litige, tel que déterminé par les prétentions des parties devant le juge commissaire , n’est pas de nature à entraîner l’irrecevabilité de l’appel et en tout état de cause, cette omission dans la déclaration d’appel serait une nullité pour vice de forme, qui en vertu des articles 122 à 115 du code de procédure civile, doit causer grief à celui qui l’invoque. Or, en l’espèce, la société Garajo Red Limited ne démontre pas l’existence d’un grief, notamment elle ne démontre pas avoir commis une méprise sur la qualité de la selarl Etude Bouvet et Guyonnet. Enfin, il convient de rappeler les dispositions de l’article 112 du code de procédure civile desquelles il résulte que la nullité pour vice de forme est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non recevoir. Or, dans ses premières conclusions d’intimé en date du 5 septembre 2022, la société Garajo Red Limited n’a pas soulevé cette nullité.
Il est exact aussi que M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière, a interjeté appel contre la société Profin Développement La Rosière représentée par ses représentants légaux ce qui fait manifestement double emploi avec la mise en cause de la selarl Etude Bouvet et Guyonnet, ès qualités de liquidatrice de la société Profin Développement La Rosière. Cette erreur rejoint le vice de forme précédent dans le libellé de la partie intimée ‘ la selarl Etude Bouvet et Guyonnet’ que la société Garajo Red Limited n’avait pas non plus soulevé dans ses premières écritures, étant précisé qu’ultérieurement, dans ses dernières écritures au fond, M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière a uniquement visé, outre le ministère public et la société Garajo Red Limited, la selarl Etude Bouvet et Guyonnet, ès qualités de liquidatrice de la société Profin Développement La Rosière.
La demande de la société Garajo Red Limited tendant à la nullité ou l’irrecevabilité de l’appel sera rejetée.
B – Sur l’irrecevabilité de la société Garajo Red Limited en déclaration de créance pour défaut de qualité à agir
M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière, estime que la société Garajo Red Limited n’a pas qualité et intérêt pour agir en déclaration de créance :
– dès lors qu’elle a cédé sa créance à M. [R] ainsi qu’il résulte d’un ‘claim form’ (acte introductif d’instance) du 17 avril 2020 de M. [R] contre la société Profin Développement La Rosière et d’un courrier de l’avocat de M. [R] en date du 2 octobre 2019 selon lequel M. [R] était cessionnaire des droits et réclamations de la société Garajo Red Limited.
– dès lors qu’elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés des Bahamas.
La société Garajo Red Limited soutient qu’elle dispose de la personnalité morale et est inscrite au registre de commerce des Bahamas. Elle justifie également qu’elle a obtenu le jugement en sa faveur en 2017 soit avant le document de ‘claim form’ versé aux débats par l’appelant et dans la procédure ayant abouti au jugement de 2017, M. [R] n’était pas intervenu à sa place. Elle souligne que dans le claim form, il est fait mention d’un acte du 21 mai 2019 aux termes duquel elle a cédé tous ses droits, titres et intérêts et avantage en vertu de l’APC mais sans que cet acte ne fasse référence au jugement de 2017, par lequel le tribunal de commerce a reconnu sa compétence en indiquant que le virement effectué par la société Garajo Red Limited à la société Profin Développement La Rosière ne relevait pas de l’APC.
La société Garajo Red Limited ajoutait dans sa note en délibéré que la Haute Cour de Justice de Londres, dans sa décision rendue le 8 décembre 2020 sur l’acte introductif d’instance du 17 avril 2020 de M. [R] contre la société Profin Développement La Rosière, avait estimé que l’APC (CLA en anglais) n’avait pas été conclu par M. [R].
Sur ce,
S’agissant de l’absence de personnalité morale de la société Garajo Red Limited, l’appelant produit une copie d’un document émanant d’un site du gouvernement des Bahamas s’apparentant à un extrait d’un registre de commerce relatif à la société Garajo Red Limited duquel il résulte que cette société, constituée le 7 juin 2005 est radiée depuis le 14 janvier 2014. L’intimée produit quant à elle son certificat d’inscription aux Bahamas en date du 7 juin 2005 ainsi que ses statuts certifiés conformes à la même date par l’autorité compétente aux Bahamas.
Il résulte des documents produits par la société Garajo Red Limited que celle-ci a été régulièrement enregistrée aux Bahamas et il ne résulte pas du seul document produit par la société Profin Développement La Rosière, lequel n’est pas un document officiel ou certifié conforme par une autorité officielle, que la société Garajo Red Limited ne dispose plus de la personnalité morale.
S’agissant de la perte de l’intérêt à agir suite à la cession de sa créance par la société Garajo Red Limited à M. [R], dans l’acte introductif d’instance en date du 17 avril 2020 (Claim form) délivré par M. [R] à la société Profin Développement La Rosière devant la Haute Cour de Justice à Londres, il est fait référence à un APC (accord de prêt convertible), signé aux alentours du 15 septembre 2011 entre la société Profin Développement La Rosière, la société Profin développement et gestion (sarl), laquelle détenait la société Profin Développement La Rosière, et la société Garajo Red Limited qui faisait partie d’une fondation Garajo Red, fondation immatriculée au Lichenstein dont le seul bénéficiaire à l’époque était M. [R], aux termes duquel il était prêté 600 000 livres sterling à la société Profin Développement La Rosière pour la construction de l’hôtel, ces fonds ayant été avancés par la société Garajo Red Limited. M. [R] faisait valoir qu’il n’avait perçu aucun intérêt lié à ce prêt et que l’accord de parainnage conclu concomitamment n’avait pas non plus été respecté. Il indiquait enfin que par le biais d’un acte en date du 21 mai 2019, conformément à la clause 14 de l’APC qui prévoyait la possibilité d’une cession, la société Garajo Red Limited avait cédé ses droits, titres, intérêts et avantages issus de l’APC à lui-même à titre personnel.
Toutefois, dans son courrier adressé à l’avocat de la société Profin Développement La Rosière en date du 2 octobre 2019, l’avocat de M. [R] répondait à une argumentation de l’avocat adverse qui prétendait que le jugement rendu en France en 2017 avait autorité de la chose jugée entre M. [R] en tant que cessionnaire des droits et réclamations de la société Garajo Red Limited et la société Profin Développement La Rosière. Ce n’était pas lui qui affirmait que M. [R] était cessionnaire des droits et réclamations de la société Garajo Red Limited. Par ailleurs, il soutenait qu’il existait des revendications distinctes entre les procédures anglaise et française et que la société Profin Développement La Rosière n’avait pas réglé les condamnations prononcées contre elle en 2017. Enfin, le jugement anglais intervenu le 8 décembre 2020 a à priori considéré que l’APC susvisé dans ‘le claim form’ de M. [R] n’avait pas été conclu. Par ailleurs, le jugement du tribunal de commerce du 3 mai 2017, ayant autorité de la chose jugée, a retenu que la société Garajo Red Limited avait avancé à la société Profin Développement La Rosière la somme de 600 000 livres sterling, les parties ayant eu l’intention de convertir ce prêt en actions dans la société Profin Développement La Rosière mais que cette conversion n’avait pas eu lieu et que la société Profin Développement La Rosière n’avait remboursé la somme prêtée, d’où sa condamnation à rembourser à la société Garajo Red Limited la somme prêtée convertie en euros : 687 088 euros, étant précisé que le tribunal n’a pas fait référence à un APC et a dit pour retenir sa compétence qu’il n’y avait aucune convention entre les parties attribuant la compétence à un autre tribunal. Ainsi, au vu de ces seuls documents, l’acte de 2019 invoqué par M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière n’étant par ailleurs pas produit par ce dernier, la société Garajo Red Limited a qualité et intérêt pour agir.
En conséquence, la demande de M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière tendant à voir déclarer irrecevable la société Garajo Red Limited pour défaut de qualité et d’intérêt à agir sera rejetée.
II – Sur le fond
A – Sur la recevabilité de la contestation de la société Garajo Red Limited sur la contestation ab initio du liquidateur
M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière soutient que la société Garajo Red Limited n’est plus recevable à voir fixer sa créance dès lors qu’elle n’a pas répondu dans le délai légal à la contestation émise par le liquidateur en date du 9 juin 2021 par lettre recommandée qui avait été valablement présentée au mandataire de la société Garajo Red Limited, son avocat parisien, de sorte qu’ayant été correctement avisée, la société Garajo Red Limited avait un mois pour répondre à la contestation.
La société Garajo Red Limited fait valoir qu’elle n’a pas reçu la lettre recommandée de contestation et que lorsqu’elle a eu connaissance de la dite contestation, elle a répondu dans le mois.
Sur ce,
L’article L622-27 du code de commerce dispose : ”il y a discussion sur tout ou partie d’une créance autre que celles mentionnées à l’article L. 625-1, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l’invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances.’
En outre, l’article R624-1 du même code prévoit : ‘La vérification des créances est faite par le mandataire judiciaire, le débiteur et, le cas échéant, les contrôleurs désignés, présents ou dûment appelés.
Si une créance autre que celle mentionnée à l’article L. 625-1 est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le délai de trente jours prévu à l’article L. 622-27 court à partir de la réception de la lettre. Cette lettre précise l’objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l’inscription est proposée et rappelle les dispositions de l’article L. 622-27.
Le délai prévu par le deuxième alinéa de l’article L. 624-1 est de trente jours. Il court à compter de la date à laquelle le débiteur a été mis en mesure, par le mandataire judiciaire, de formuler ses observations. Lorsque le débiteur ne participe pas à la vérification des créances, le délai court à compter de la réception de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception qui lui est adressée par le mandataire judiciaire. Cette lettre comporte les propositions d’admission, de rejet ou de renvoi mentionnées au premier alinéa de l’article L. 624-1.
Il appartient au mandataire judiciaire de justifier de la date à laquelle il a sollicité les observations du débiteur’.
La société Garajo Red Limited a valablement déclaré sa créance le 6 avril 2021, le délai maximum étant le 14 juin 2021. La selarl Etude Bouvet et Guyonnet liquidatrice a formé une contestation le 9 juin 2021 adressée par lettre recommandée avec accusé de réception au mandataire de la société Garajo Red Limited, le cabinet Penningtons Manches Cooper à [Localité 5], mais celle-ci n’a pas été retirée et porte la mention ‘pli avisé non réclamé’ et la mention ‘abs’. En revanche, elle a été destinataire de la contestation le 31 janvier 2022 et a répondu à la selarl Etude Bouvet et Guyonnet par courrier du 22 février 2022.
Selon la jurisprudence (nota cour de cassation, chambre commerciale, 5 novembre 2003, pourvoi n°01-00-881), il résulte des articles susvisés que si le mandataire judiciaire conteste la créance, il en avise le créancier intéressé ou son mandataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et que le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du représentant des créanciers, ce délai courant à partir de la réception de la lettre, de sorte que le créancier, qui n’a pas retiré la lettre recommandée l’informant de la contestation peut contester la décision de rejet de sa créance par le juge-commissaire dans la mesure où le délai n’a pas couru.
En conséquence, la contestation par la société Garajo Red Limited sur la contestation ab initio de sa créance par la selarl Etude Bouvet et Guyonnet est parfaitement recevable.
B – Sur le montant de la créance
La société Garajo Red Limited fait valoir d’une part que la contestation de sa créance par le liquidateur n’était pas recevable, s’agissant d’une créance fixée judiciairement par jugement définitif, d’autre part, que sa créance est bien fondé et incontestable puisque résultant du jugement définitif rendu le 3 mai 2017.
M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière n’a pas présenté de moyens sur le fond.
Sur ce,
La selarl Etude Bouvet et Guyonnet a contesté la créance de la société Garajo Red Limited par référence au courrier de l’avocat de la débitrice en date du 3 juin 2021 qui faisait valoir que le jugement avait condamné la société Profin Développement La Rosière en deniers ou quittances, en faisant référence à la motivation page 6 (‘il n’y a pas d’ambiguïté sur l’intention des parties de convertir une avance en capital’) et en précisant que la société Garajo Red Limited n’avait pas d’existence légale au moment de la procédure de 2017.
La procédure de vérification et d’admission des créances ne tend qu’à vérifier l’existence, le montant et la nature des créances détenues sur le débiteur, de sorte que lorsqu’une créance a été constatée par une décision ayant autorité de la chose jugée, cette décision est opposable au liquidateur judiciaire qui ne peut que vérifier que la créance déclarée est conforme au titre qui l’a constatée mais ne peut en contester ni le principe ni le montant. Ainsi, en ayant constaté que le jugement du tribunal de commerce de Chambéry en date du 3 mai 2017 avait condamné la société Profin Développement La Rosière à payer à la société Garajo Red Limited la somme de 687 088 euros, l’autorité de la chose jugée attachée à cette décision rendait irrecevable la contestation formée par le liquidateur sur son existence.
Cependant, la contestation de la selarl Etude Bouvet et Guyonnet restait recevable par rapport à l’argument selon lequel la créance avait pu être réglée par avance en capital, l’autre argument de contestation (existence de la société au moment de la procédure ayant abouti au jugement de 2017) n’étant pas recevable.
En tout état de cause, M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière ne soutient pas, ni ne prouve, devant la cour avoir réglé cette dette que ce soit d’ailleurs en deniers ou quittances comme par exemple sous la forme d’une avance en capital. Il n’existe aucune contestation sur la somme principale, les intérêts et frais pour le montant global de 717 638,43 euros.
En conséquence, l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a admis la créance au passif de la procédure à hauteur de ce montant.
III – Sur les demandes accessoires
Succombant, M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière sera condamné aux dépens de l’instance, distraits au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocate associée de la Selurl Bollonjeon, sur son affirmation de droit.
L’équité commande de faire droit à la demande d’indemnité procédurale de la société Gajaro Red Limited à hauteur de 2 500 euros.
La créance de frais irrépétibles et de dépens est non seulement postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective du débiteur (article L622-17 du code de commerce) mais est aussi utile au déroulement de la dite procédure collective, puisqu’il s’agissait d’un appel d’une ordonnance fixant une créance au passif de la liquidation contestée par la débitrice. En conséquence, M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière sera condamné au paiement de l’indemnité procédurale et aux dépens au lieu d’une fixation de ces créances.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déboute la société Garajo Red Limited de sa demande tendant à la nullité ou l’irrecevabilité de l’appel,
Rejette la fin de non recevoir de M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière, tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société Garajo Red Limited,
Confirme l’ordonnance entreprise,
Y ajoutant
Condamne M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière aux dépens de l’instance, distraits au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocate associée de la Selurl Bollonjeon, sur son affirmation de droit,
Condamne M. [F] [J], en qualité de gérant de la société Profin Développement La Rosière à payer à la société Gajaro Red Limited une indemnité procédurale de 2 500 euros.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 20 Juin 2023
à
Me Christian FORQUIN
la SELARL BOLLONJEON
Me Alice TOURREILLE
Copie exécutoire délivrée le 20 Juin 2023
à
la SELARL BOLLONJEON
Me Alice TOURREILLE