Déclaration de créances : 15 juin 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/02100

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Déclaration de créances : 15 juin 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/02100
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15 juin 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
22/02100

N° RG 22/02100 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JDQ4

COUR D’APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 15 JUIN 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2021002342

TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 9 mai 2022

APPELANTE :

S.A. BANQUE CIC NORD OUEST

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée et assistée par Me Philippe FOURDRIN de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN SUNA GUNEY ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN

INTIME :

Monsieur [P] [C]

né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Nathalie DEVILLERS-LANGLOIS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Estelle HERVIEUX-DUVAL, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 16 mars 2023 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 16 mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 1er juin 2023 puis prorogée au 15 juin 2023.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Madame FOUCHER-GROS, Présidente et par Mme RIFFAULT, Greffière

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 19 janvier 2016, Monsieur [P] [C] a constitué une SASU pour acquérir un fonds de commerce de garage.

Le 16 février 2016, Maître [J] [O] a dressé un acte de cession de fonds de commerce entre Monsieur [S] [V] et Madame [E] [Y], cédants, et la société [V] [C] Garage Auto Passion, cessionnaire.

Ce même jour, la banque CIC Nord Ouest a consenti à la société [V] [C] Garage Auto Passion SASU un prêt d’un montant de 120.000 euros, au taux contractuel de 2,90 % l’an, remboursable au moyen de 84 mensualités de 1.580,19 euros chacune, hors assurance, du 10 mars 2016 au 10 février 2023, destiné à financer l’acquisition du fonds de commerce.

 

Par acte sous seing privé du 28 janvier 2016, Monsieur [C], gérant de la société, s’est porté caution solidaire de ce crédit à hauteur de 60.000 euros pour une durée de 108 mois.

La société [V] [C] Garage Auto Passion a été placée en liquidation judiciaire le 8 janvier 2019.

 

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 janvier 2019, la banque CIC Nord Ouest a déclaré sa créance à Maître [B] [T], es qualité de liquidateur judiciaire, à titre privilégié nanti pour la somme de 91.378,47 euros, outre intérêts.

 

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 2019, la banque CIC Nord Ouest a mis en demeure Monsieur [C] en sa qualité de caution solidaire, de lui rembourser la somme de 39.771 euros pour le 15 février 2019, cette somme étant limitée à 50 % de l’encours en vertu de l’intervention de BPI France en qualité de contre-garant.

 

Un accord provisionnel de remboursement a été mis en place auquel il a été mis fin par la suite.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 2 juillet 2020, la banque CIC Nord Ouest a de nouveau mis en demeure Monsieur [C] en sa qualité de caution solidaire de lui rembourser la somme de 39.056,13 euros, outre les intérêts au taux légal.

Le 18 mars 2021, la banque a fait assigner monsieur [C], en sa qualité de caution, devant le tribunal de commerce de Rouen, en paiement de la somme de 39.205,52 euros arrêtée au 16 décembre 2020, outre les intérêts au taux conventionnel de 2,90 % l’an à compter du 17 décembre 2020.

 

Par jugement du 9 mai 2022, le tribunal de commerce de Rouen a :

– condamné Monsieur [C] à payer à la banque CIC Nord Ouest la somme de

39 205,52 euros, arrêtée au 16 décembre 2020, outre les intérêts au taux contractuel de 2,90% l’an à compter du 17 décembre 2020, au titre de son engagement de caution,

– condamné la banque CIC Nord Ouest à payer à Monsieur [C] la somme de

39 205,52 euros, arrêtée au 16 décembre 2020, outre les intérêts au taux contractuel de 2,90% l’an à compter du 17 décembre 2020, à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi,

– débouté Monsieur [C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

– ordonné la compensation entre ces sommes,

– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la banque CIC Nord Ouest aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 70,91 euros.

La banque CIC Nord Ouest a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 juin 2022.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 8 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la banque CIC Nord Ouest qui demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de Commerce de Rouen le 9 mai 2022 en ce qu’il a :

– condamné la banque CIC Nord Ouest à payer à Monsieur [C] la somme de

39 205,52 euros arrêtée au 16 décembre 2020, outre les intérêts au taux contractuel de 2,90 % l’an à compter du 17 décembre 2020, à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi,

– ordonné la compensation des sommes dues,

– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la banque CIC Nord Ouest aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 70,91 euros,

En conséquence et statuant à nouveau,

– débouter Monsieur [C] de l’intégralité de ses demandes,

– juger irrecevable la demande nouvelle de Monsieur [C] relative à un prétendu préjudice moral,

– condamner Monsieur [C], à verser à la banque CIC Nord Ouest la somme de

2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [C], en tous les dépens,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de Commerce de Rouen le 9 mai 2022 en ce qu’il a :

– condamné Monsieur [C], à verser à la banque CIC Nord Ouest la somme de

39 205,52 euros, arrêtée au 16 décembre 2020, outre les intérêts au taux contractuel de 2,90 % l’an à compter du 17 décembre 2020.

Vu les conclusions du 3 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Monsieur [C] qui demande à la cour de :

A titre principal :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen le 9 mai 2022 en ce qu’il a :

– jugé que l’engagement de Monsieur [C] n’était pas disproportionné au jour de la signature de l’acte de cautionnement,

– condamné Monsieur [C] à payer à la banque CIC Nord Ouest la somme de

39 205,52 euros, arrêtée au 16 décembre 2020, outre les intérêts au taux contractuel de 2,90 % l’an à compter du 17 décembre 2020, au titre de son engagement de caution,

– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

En conséquence, statuant à nouveau,

– débouter la banque CIC Nord Ouest de l’intégralité de ses demandes,

– juger que l’engagement de caution opposé à Monsieur [C] est disproportionné et en conséquence sans effet,

– condamner la banque CIC Nord Ouest en tous les dépens,

Subsidiairement,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen le 9 mai 2022 en ce qu’il a :

– condamné la banque CIC Nord Ouest à payer à Monsieur [C] la somme de 39 205,52 euros arrêtée au 16 décembre 2020, outre les intérêts au taux contractuel de 2,90 % l’an à compter du 17 décembre 2020, à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi,

– ordonné la compensation des sommes dues,

-condamné la banque CIC Nord Ouest aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 70,91 euros,

Plus subsidiairement,

– surseoir à statuer et ordonner la production d’un décompte expurgé des frais et intérêts en 2017 et 2018 et réintégrant les intérêts indûment perçus, portant eux-mêmes intérêts et imputés sur le capital,

Infiniment subsidiairement,

– ramener les sommes à 35 403, 68 euros et octroyer un échéancier sur 24 mois avec 23 mensualités à 100 euros par mois et le solde sur la 24ème mensualité,

– juger que pendant l’échéancier, les intérêts contractuels seront suspendus,

En tout état de cause,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il l’a débouté Monsieur [C] sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral qu’il a subi et statuant à nouveau,

– condamner la banque CIC Nord Ouest à verser 3 000 euros à Monsieur [C] en réparation du préjudice moral subi.

– condamner le CIC Nord Ouest à payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner en tous les dépens,

– débouter le CIC Nord Ouest de l’intégralité de ses demandes.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’engagement de caution du 28 janvier 2016

Moyens des parties

Monsieur [C] soutient que :

* la disproportion au moment de la signature est avérée ; il ne disposait d’aucun revenu puisqu’il perdait son salaire, tout comme son épouse et il devait faire face au remboursement du prêt immobilier, le crédit restant à courir étant de 140.000 euros ;

 

* il ne peut pas être tenu compte des revenus escomptés dans l’activité professionnelle initiée ;

* le seul patrimoine était la valeur subsistante du domicile conjugal ; la famille est composée de quatre personnes dont un enfant lourdement handicapé ;

* la banque ne démontre pas qu’il est en mesure de faire face à son engagement de caution au jour où il est appelé.

La banque CIC Nord Ouest réplique que :

* Monsieur [C] ne verse aux débats aucun document contemporain de son engagement de caution du 28 janvier 2016 ; aucune disproportion n’est démontrée ;

 

* dans la fiche patrimoniale, Monsieur [C] a évalué son actif à 95.000 euros ; ce montant est proportionné à son engagement de caution d’un montant de 60.000 euros ;

* Monsieur [C] est en mesure de faire face à son engagement de caution au jour où il est appelé, le montant des sommes réclamées étant désormais de 39.205,52 euros.

 

Réponse de la cour

L’article 2300 du code civil, issu de l’ordonnance du 15 septembre 2021 n’est applicable qu’à compter du 1er janvier 2022 et l’article 37 de cette ordonnance dispose que les cautionnements conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public.

Aux termes de l’article L341-4 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 5 août 2003 au 1er juillet 2016 : ” Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.”

Il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement au jour de la signature par rapport à ses biens et revenus. Lorsque le créancier professionnel fait établir par celui qui entend s’engager en qualité de caution une fiche de renseignements sur son patrimoine, il appartient à cette dernière de déclarer loyalement ses biens, ses revenus, ses charges et ses dettes. En signant la fiche de renseignements, la caution en approuve le contenu. Elle ne pourra pas se prévaloir de l’inexactitude de ses propres déclarations ou de ses omissions. Le créancier professionnel n’a pas à vérifier l’exhaustivité et l’exactitude des informations fournies par la caution dans la fiche de renseignements en l’absence d’anomalies apparentes sauf s’il avait connaissance ou ne pouvait pas ignorer l’existence d’autres charges pesant sur la caution non déclarées sur la fiche de renseignements.

Les époux étant mariés sous le régime de la communauté légale, la disproportion manifeste de l’engagement de la caution commune en biens s’apprécie au regard des biens propres et revenus de celle-ci, et des biens communs, incluant les revenus du conjoint.

Le 28 janvier 2016, Monsieur [C], s’est porté caution de la société [V] [C] Garage Auto Passion à hauteur de la somme de 60 000 euros pour une durée de 108 mois au titre du prêt d’un montant de 120 000 euros consenti à la société.

Au titre des renseignements de caution, Monsieur [C] qui a certifié exacts les renseignements le concernant et signé la fiche ”patrimoniale caution”, a indiqué être propriétaire d’un bien immobilier depuis le 18 mai 2015 d’une valeur estimée à 245 000 euros et dont le solde du prêt y afférent était de 140.000 euros. Il est mentionné sur la fiche de renseignement un prêt immobilier souscrit auprès du Crédit Agricole pour une durée de 24 ans remboursé par mensualités de 716 euros. Il est indiqué que des salaires mensuels sont versés.

Il en résulte que l’actif net patrimonial était de 105 000 euros de sorte qu’au jour auquel il a été pris, l’engagement de caution à hauteur de 60 000 euros n’était pas manifestement disproportionné par rapport à ce patrimoine.

Il résulte de ce qui précède que le moyen relatif à la possibilité pour M. [C] de faire face à son engagement au jour où il a été appelé est sans objet.

Le premier juge a examiné cette demande mais a omis de statuer dans le dispositif de son jugement. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [C] de sa demande tendant à voir juger que son engagement est disproportionné.

Sur l’information de la caution

Moyens des parties

Monsieur [C] fait valoir que :

* il n’a pas reçu d’information annuelle de la banque en 2017 et 2018 ; les intérêts et pénalités doivent être rejetés ; seul le capital restera dû et les sommes perçues auprès du débiteur principal à titre d’intérêts seront productives d’intérêts et devront être imputées sur le capital restant dû.

La banque réplique que :

* elle n’a pas indexé sa créance sur le taux contractuel ; le taux légal est appliqué depuis le 27 janvier 2019.

Réponse de la cour

Les dispositions des articles L 341-6 et L 341-8 du code de la consommation ne s’appliquent qu’à l’emprunteur et non à la caution.

L’obligation d’information annuelle de la caution et ses sanctions en cas de manquement est prévue s’agissant d’un concours financier accordé à une entreprise par les dispositions de l’article L 313-22 du code monétaire et financier.

Aux termes de ces dispositions dans leur version en vigueur du 1er janvier 2014 au 11 décembre 2016 applicables à l’espèce, ” les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.’

Il résulte des dispositions précitées que les établissements de crédit ayant accordé à une entreprise un concours financier, au sens de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, sous la condition d’un cautionnement, doivent se conformer aux prescriptions de ce texte jusqu’à l’extinction de la dette garantie. Cette obligation perdure au-delà du redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire du débiteur principal.

Si la banque n’a pas à justifier que la caution a reçu les documents l’informant de la situation de la dette principale, elle doit en revanche justifier qu’elle a envoyé les courriers d’information considérés. Par ailleurs l’information doit être complète et indiquer le terme de l’engagement.

L’engagement de caution datant du 28 janvier 2016, l’obligation annuelle d’information devait intervenir pour la première fois avant le 31 mars 2017.

La banque produit la copie de deux lettres d’information destinées à Monsieur [C] datées du 17 février 2017 et 19 février 2018 ce qui ne suffit pas à justifier de son envoi.

Par conséquent, la banque est déchue du droit de demander à la caution le paiement des intérêts échus du jour de l’engagement de caution.

Il ressort de la déclaration de créance faite par la banque à Maître [T] que la dernière échéance payée est celle du mois de décembre 2018. Il ressort du tableau d’amortissement joint au contrat de prêt que la somme des intérêts payés jusqu’à l’échéance du mois de décembre 2018 incluse est de 8 064,90 euros. Ces paiements faits par le débiteur principal doivent être, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette, et par conséquent soustraits de la somme due par Monsieur [C] .

Sur la créance de la banque

Monsieur [C] fait valoir que :

* le fonds de commerce a été vendu 9 000 euros ; la banque bénéficiait d’un nantissement sur ce fonds en garantie du prêt ; elle doit justifier des sommes reçues ou non du liquidateur ;

* l’indemnité d’exigibilité est une clause pénale qui doit être réduite à l’euro symbolique.

Réponse de la cour

Par courrier du 29 janvier 2019, la banque a déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société ouverte par jugement du 8 janvier 2019 au titre du prêt d’un montant initial de 120 000 euros, les sommes suivantes :

Capital restant dû après échéance du 10 décembre 2018 : 74 338,44 euros

Indemnité d’exigibilité anticipée de de 7% : 5 203,69 euros

Soit un total au titre de ce prêt: 79 542,13 euros

Il ressort du tableau d’amortissement que la somme déclarée au titre du capital restant dû est exacte.

Sur l’indemnité d’exigibilité anticipée :

La société [V] [C] était débitrice envers la banque de l’ indemnité d’exigibilité anticipée stipulée au contrat de prêt et l’engagement de caution de Monsieur [C] couvre le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard dus au titre de ce contrat.

L’indemnité d’exigibilité de 7%, du capital restant dû prévue par le contrat à la fois comme un moyen de contraindre l’emprunteur à l’exécution spontanée et comme l’évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le prêteur du fait de l’obligation d’engager une procédure, doit s’analyser comme une clause pénale au sens de l’article 1226 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.

Si le juge peut augmenter ou modérer les peines convenues, en application de l’article 1152 du même code, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, l’indemnité de 7% du capital restant dû, qui résulte des dispositions contractuelles n’est pas manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le prêteur privé du paiement des intérêts à échoir. Par voie de conséquence, l’indemnité d’exigibilité anticipée est due à concurrence de 7 % du capital restant dû.

Sur les sommes versées entre les mains du liquidateur

Monsieur [C], en sa qualité de dirigeant de la société en liquidation pouvait aisément, en se rapprochant du mandataire liquidateur être informé des sommes que la banque a pu percevoir à la suite de la vente du fonds. Dès lors qu’il soutient que la banque a perçu de telles sommes, il lui appartient d’en rapporter la preuve. Faute pour monsieur [C] d’en justifier, il ne sera pas suivi dans son argumentation.

Sur le montant de la créance :

Il est constant entre les parties, que depuis la déclaration de créance du 29 janvier 2019, M. [C] a réglé à la banque la somme de 1 200 €.

Le décompte de créance détaillé du 16 décembre 2012 ne donne aucune explication sur le montant du capital de 38 869,05 €, alors que ce capital était à la date de la déclaration de créance de 37 169,22 € (74 338,44 : 2).

A partir de la créance déclarée, la somme due par M. [C] se décompose ainsi :

37 169 , 22 € + 2 601, 84 € (indemnité de 7%) = 39 771, 06 €

Il convient de soustraire de cette somme :

Les intérêts de 8 064,90 euros dont la banque est déchue à l’égard de la caution ;

Les paiements effectués à hauteur de 1 200 euros

Le solde de la créance est de 30 506,16 €

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné Monsieur [C] à payer à la banque CIC Nord Ouest la somme de 39 205,52 euros, arrêtée au 16 décembre 2020, outre les intérêts au taux contractuel de 2,90% l’an à compter du 17 décembre 2020, au titre de son engagement de caution.

La créance de la société CIC Nord Ouest sera fixée à la somme de 30 506,16 € . Dès lors que cette somme n’intègre pas les intérêts de retard échus entre la mise en demeure et le décompte du 16 décembre 2020 , les intérêts de retard sur cette somme courront à compter du 28 janvier 2019, date de la mise en demeure.

Sur la responsabilité de la banque

Moyens des parties

La banque CIC Nord Ouest soutient que :

* il incombe à la caution d’apporter la preuve du risque d’endettement excessif du débiteur principal ainsi que de l’insuffisance de ses propres capacités de remboursement ; aucun devoir de mise en garde ne s’impose au prêteur en l’absence de risque d’endettement excessif né de l’octroi d’un prêt ; monsieur [C] ayant évalué son actif à 105.000 euros, aucun risque d’endettement excessif n’existait au jour de son engagement de caution ;

 

* Monsieur [C] ne rapporte pas la preuve du risque d’endettement excessif de l’emprunteur et ne produit aucune pièce relative à la situation financière de la société cautionnée ; rien ne démontre qu’au 16 février 2016, la situation de la société [V] [C] Garage Auto Passion était obérée ; monsieur [C] ne caractérise pas le risque de non-remboursement de cette société autrement que par l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire par jugement du 8 janvier 2019 alors que toutes les échéances du prêt ont été réglées par l’emprunteur ;

* la banque CIC Nord Ouest, dispensatrice du crédit, n’est pas débitrice d’un devoir de conseil sur la pertinence de l’opération financée compte tenu de son devoir de non-immixtion.

Monsieur [C] réplique que :

* en présence d’une caution non avertie, il appartient au prêteur de rapporter la preuve du respect de son obligation de devoir de mise en garde ; le devoir de mise en garde est dissocié de la proportion de l’engagement de la caution ;

* la société Banque CIC Nord Ouest, présente à la vente du 16 février 2016 pour consentir le prêt n’avait aucune visibilité sur la capacité financière de la société à générer une trésorerie adaptée au règlement de l’emprunt qui s’est avéré disproportionné ;

* la société [V] [C] a dû emprunter la totalité du prix d’achat du fond et recourir à un paiement à terme pour une partie du solde du prix ; elle a dû emprunter 18.000 euros pour faire face aux premiers aléas dès le mois de décembre 2016 ; le remboursement du prêt ayant servi à l’acquisition du fonds de commerce n’a été financé que par des fonds extérieurs ;

* la caution n’avait pas la capacité financière de suppléer aux impayés de l’emprunteur ;

* Monsieur [C] a perdu toute chance de ne pas contracter cet engagement de caution, de ne pas démissionner de son emploi ainsi que son épouse qui l’a rejoint et alors qu’ils avaient des charges de remboursement de prêt ; c’est à bon droit que le tribunal a condamné la banque à des dommages et intérêts du montant de la somme réclamée au titre de l’engagement de caution.

Réponse de la cour

Le banquier dispensateur de crédit est tenu à un devoir de mise en garde à l’égard de la caution non avertie lorsque au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

Monsieur [C] n’avait jamais, lors de son engagement, exercé de fonction de dirigeant ni exploité en son nom un fonds de commerce ayant toujours été salarié, ce que la banque ne discute pas. Il ne disposait pas des compétences nécessaires à l’appréciation du risque inhérent à l’opération garantie, de sorte qu’il était est une caution non avertie.

Il appartient à la caution et non à la banque de démontrer l’inadaptation de l’engagement de la caution à ses capacités financières ou l’existence d’un risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur, ces deux conditions étant alternatives.

Dès lors que cette démonstration est faite par la caution, la banque doit justifier avoir rempli son obligation de mise en garde.

La société [V] [C] a été créée par Monsieur [C] le 19 janvier 2016 et elle a acquis le 16 février 2016 un fonds de commerce de réparation de véhicules, vente de pièces détachées et de véhicules pour un montant de 120 000 euros payé à concurrence de 100 000 euros au moyen du prêt souscrit auprès de la banque CIC Nord Ouest, remboursable par échéances mensuelles de 1604,19 euros, la différence soit la somme de 20 000 euros étant payée à terme au vendeur par versements mensuels de 500 euros pendant 40 mois.

Si les échéances de prêts ont été remboursées jusqu’à l’ouverture de la procédure collective en janvier 2019 comme le fait observer la banque, il n’est pas contesté par cette dernière, et monsieur [C] l’établit par des bordereaux de remise de chèques, que la société a bénéficié d’apports importants de fonds versés sur son compte provenant du compte personnel des époux [C] ou encore de tiers dans le courant des années 2017 et 2018.

Enfin, selon le compte analytique résumé de la société [V] [C] émanant de l’étude du liquidateur de la société, maître [T], le fonds de commerce a été cédé en 2019 pour la somme de 9000 euros faisant ressortir que son prix acquisition en février 2016 était très élevé alors que le rendement du garage n’était pas autrement connu que par des éléments parcellaires qui ne donnait aucune réalité de l’activité cédée.

Il est mentionné à l’acte de cession que :

* le fonds est exploité dans un local consenti à bail à la société [V] [C] moyennant un loyer annuel de 14 400 euros, hors charges et taxe foncière.

* le chiffre d’affaires pour la période du 21 juin 2014 au 31 décembre 2014 est de

111 100,78 euros dont 4 392 € HT de location gérance et un bénéfice de 5 804 euros

* un chiffre d’affaires de 421 641,86 euros pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, étant précisé que ce chiffre d’affaires de résulte d’une évaluation faite par le cédant et que le bénéfice sur cette période est indéterminé.

* sur les exercices antérieurs, les vendeurs n’avaient pour chiffre d’affaires que la redevance de location gérance.

Ainsi, cette nouvelle société dont le président n’avait pas d’expérience en matière de gestion s’engageait avant toute autre charge liée à l’exploitation du fonds, à subir les paiements mensuels suivants :

* loyer : 1 200 euros

* remboursement du prêt : 1604,19 euros

* paiement mensuel du solde du prix d’acquisition du fonds de commerce: 500 euros

Soit une somme totale de 3 304,19 euros par mois

Les charges relatives à l’acquisition du fonds et au bail, avant même celles afférentes à l’exploitation du garage, étaient connues de la banque, qui est intervenue à l’acte de cession pour consentir le prêt.

Il ressort de ces éléments que la banque a consenti le prêt de 120 000 euros à une société au capital social de 3 000 euros nouvellement créée pour reprendre un fonds de commerce de garage précédemment exploité alors qu’elle n’ignorait ni le montant modeste du bénéfice au regard des charges, ni la situation financière incertaine du fonds cédé ; sa rentabilité lui étant présentée de façon très incomplète rendant par voie de conséquence totalement incertaine les capacités de remboursement à venir.

Au regard de ces éléments, et en particulier du bénéfice modique de 5 804 € euros sur une période de six mois,le prêt était dès l’origine inadapté aux facultés contributives de la société [V] [C]. La banque professionnelle du crédit, devait mettre en garde la caution profane sur le facteur de risque d’endettement en résultant pour l’emprunteur.

En n’alertant pas Monsieur [C] sur le caractère aléatoire du remboursement du prêt par le débiteur principal et sur les risques financiers qui en résulteraient pour l’emprunteur, la banque a manqué à son obligation et engagé sa responsabilité envers la caution.

Ce manquement a causé à Monsieur [C] un préjudice caractérisé par la perte de chance de ne pas s’engager comme caution à hauteur de 60 000 euros alors qu’il disposait avec son épouse d’un unique bien immobilier d’une valeur nette de 105 000 euros constituant la résidence de la famille adaptée aux besoins d’un enfant handicapé, que monsieur [C] démissionnait de son emploi de salarié pour travailler dans la société où son épouse le rejoignait alors que le couple remboursait un prêt immobilier de

714 euros au titre de l’acquisition de leur habitation.

La perte de chance ne peut être équivalente à l’avantage qui aurait été tiré si l’évènement s’était réalisé.

Au regard des éléments exposés ci-dessus, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la banque CIC Nord Ouest à payer à Monsieur [C] la somme de

39 205,52 euros, arrêtée au 16 décembre 2020, outre les intérêts au taux contractuel de 2,90% l’an à compter du 17 décembre 2020, à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi.

La chance qui a été perdue pour Monsieur [C] de ne pas s’engager comme caution sera justement réparée par l’octroi à monsieur [C] d’une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts. Les intérêts sur cette indemnité courront à compter du présent arrêt.

Sur la compensation

En application des dispositions de l’article 1347 du code civil, la compensation sera ordonnée entre les créances réciproques

Sur le préjudice moral

La banque soutient à tort que la demande présentée à ce titre par monsieur [C] est nouvelle dès lors qu’elle a été formulée devant le premier juge et est mentionnée dans le jugement du tribunal de commerce qui y a répondu par son rejet. La fin de non recevoir sera rejetée.

Monsieur [C] se borne à alléguer l’existence d’un préjudice moral sans caractériser la faute à l’origine du prétendu préjudice moral subi qui n’est pas plus défini et par là même non établi. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [C] de cette demande.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Déclare recevable la demande présentée par M. [C] au titre de son préjudice moral ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

– condamné Monsieur [C] à payer à la banque CIC Nord Ouest la somme de 39 205,52 euros, arrêtée au 16 décembre 2020, outre les intérêts au taux contractuel de 2,90% l’an à compter du 17 décembre 2020, au titre de son engagement de caution,

– condamné la banque CIC Nord Ouest à payer à Monsieur [C] la somme de 39 205,52 euros, arrêtée au 16 décembre 2020, outre les intérêts au taux contractuel de 2,90% l’an à compter du 17 décembre 2020, à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi,

– ordonné la compensation entre ces sommes,

Statuant à nouveau

Dit que la créance de la banque CICI Nord Ouest à l’encontre de M. [C] est de

30 506,16 euros outre intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2019,

Dit que la créance de M. [C] à l’encontre de la banque CIC Nord Ouest est de

30 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne la compensation entre les créances réciproque ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Condamne la banque CIC Nord Ouest aux dépens de l’appel.

Condamne la banque CIC Nord Ouest à payer à monsieur [C] la somme de

2000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;

La greffière, La présidente,

 


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