Déclaration de créances : 15 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/12602

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Déclaration de créances : 15 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/12602
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15 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/12602

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 15 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/12602 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDHF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2022 -Tribunal de Commerce de bobigny – RG n° 2021L02135

APPELANT

M. [T] [P]

né le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 12] (TURQUIE)

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représenté par Me Jean-marc BENHAMOU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0849

INTIMES

Mme [D] [Z]

née le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 13]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentée par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

S.E.L.A.F.A. MJA

prise en la personne de Maître [U] [C] es qualité de mandataire liquidateur de la SAS OHM, dont le siège social est sis [Adresse 6]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Non représenté

LE PROCUREUR GENERAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

Représenté par M. [O] [G]

[Adresse 5]

[Localité 8]

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie MOLLAT, Présidente

Mme Isabelle ROHART, Conseillère

Mme Déborah CORICON, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL.

ARRET :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI,Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

La SAS Ohm, précédemment dénommée Orion holding, détenait des participations dans des sociétés chargées d’exploiter et de gérer l’installation des équipements des services de télévision, d’internet et de téléphonie pour plusieurs hôpitaux. Elle avait pour actionnaire unique M. [T] [P] . Ce dernier en était le gérant de droit jusqu’au 1° septembre 2015, date à laquelle il a été remplacé par Mme [Z].

Par jugement du 19 novembre 2013, le tribunal de commerce de Bobigny avait ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Orion holding et par jugement du 18 novembre 2014, son plan de sauvegarde avait été arrêté.

Invoquant des impayés, et l’impossibilité de payer les dividendes du plan, Mme [Z] a effectué une déclaration de cessation des paiements.

C’est ainsi que par jugement du 10 avril 2018, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société Ohm, désigné la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [C], en qualité de liquidateur judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 30 novembre 2017.

Par arrêt en date du 26 octobre 2021, la cour d’appel a modifié la date de cessation des paiements, la fixant au 10 octobre 2016.

Les opérations de liquidation judiciaire ont laissé apparaître une insuffisance d’actif de 4.905.296,33 euros.

Saisi par requête du ministère public du 3 novembre 2020 , déposée au greffe du tribunal de commerce de Bobigny le 1er décembre 2020, M.[P] n’a été assigné à comparaître par acte du 10 août 2021 et Mme [Z] par acte du 18 août 2021, pour être entendus et faire toutes observations sur l’application à leur encontre des dispositions des articles L. 653-1 à L. 653-11 du code de commerce.

Il était notamment reproché aux dirigeants un défaut de comptabilité et une augmentation frauduleuse du passif de la personne morale.

Par jugement du 24 mai 2022, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la faillite personnelle de Mme [Z] et de M. [P] pour une durée de 15 ans.

Par déclarations des 5 juillet 2022 et 12 juillet 2022, seul M. [P] a interjeté appel.

Par ordonnance du 27 octobre 2022, les deux déclarations d’appel ont été jointes et l’affaire enrôlée sous le numéro 22/12602.

******

Dans leurs conclusions notifiées par RPVA en date du 13 février 2023, Madame [D] [Z] et M. [T] [P] demandent à la cour de :

A titre principal :

INFIRMER le jugement en toutes ses dispositions.

Et statuant à nouveau :

PRONONCER la prescription de l’action ouverte au ministère public en application de l’article L. 653-1 et suivants du code de commerce pour n’avoir pas été valablement intentée dans le délai de trois ans à compter du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société Ohm du 10 avril 2018.

A titre subsidiaire :

DIRE ET JUGER que Mme [Z] n’encourt aucune sanction de faillite personnelle.

REJETER la requête aux fins de sanctions personnelles du ministère public et le débouter de l’intégralité de ses demandes à cet égard comme étant particulièrement mal fondées et pour le moins injustifiées.

En conséquence et y faisant droit :

STATUER ce que de droit au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens d’instance.

******

Dans son avis en date du 20 décembre 2022, le ministère public invite la cour à rejeter le moyen de procédure relatif à la prescription de l’action, à juger que M. [P] était bien gérant ou cogérant de la société Ohm et à confirmer le jugement quant au principe des griefs reprochés mais à l’infirmer en ce qui concerne le quantum de la sanction en retenant une mesure d’interdiction de gérer pour une durée de 6 ans.

******

SUR CE,

A titre liminaire.

La cour constate que seul M. [P] a interjeté appel et qu’aucun appel n’ayant été formé par Mme [Z], la cour n’est pas saisie de ses demandes.

Sur la prescription

M. [P] rappelle que le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société Ohm en date du 10 avril 2018, de sorte que le délai de 3 ans pour agir en faillite personnelle expirait le 10 avril 2021.Il souligne que la requête du parquet du 3 novembre 2020 a déposée au greffe du tribunal de commerce de Bobigny le 1er décembre 2020, mais qu’il n’a été assigné à comparaître que le 10 août 2021, c’est à dire postérieurement au délai de 3 ans. Il prétend que l’action est prescrite.

Le ministère public répond que l’article 2241 du code civil n’exige pas que l’acte interruptif de prescription soit porté à la connaissance du débiteur dans le délai de prescription et que la requête du ministère public constitue une demande en justice interruptive de prescription. Il fait valoir qu’en l’espèce la requête du parquet en date du 3 novembre 2020 a été déposée au greffe du tribunal de commerce de Bobigny le 1er décembre 2020 soit dans un délai de moins de 3 ans à compter du jugement de liquidation judiciaire de la société Ohm.

Il résulte de l’article L. 653-1 II du code de commerce que les actions en sanctions personnelles se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l’ouverture de la procédure.

En l’espèce, le jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire est du 10 avril 2018 et la requête du ministère public a été déposée au geffe le 1er décembre 2020, c’est à dire moins de 3 ans après le jugement d’ouverture, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré non prescrite l’action en sanction personnelle initiée par le ministère public.

Sur la direction de fait.

Le ministère public soutient que M.[P], dirigeant de droit jusqu’en septembre 2015, a continué à diriger la société débitrice après cette date et qu’il en était le dirigeant de fait.

Il fait valoir que M.[P] était l’associé unique de la société débitrice, que la dirigeante de droit avait l’obligation de le consulter pour les décisions d’une importance particulière, qu’elle était révocable ad nutum, que le siège social de la société débitrice est à [Localité 14], alors que Mme [Z] demeure à Sarlat et M.[P] en Seine Saint Denis et en conclut qu’elle était trop éloignée géographiquement pour diriger effectivement la société Ohm.

La cour considère que le dirigeant de fait est celui qui effectue des actes positifs de gestion en toute souveraineté et indépendance.

Or, en l’espèce, le ministère public ne démontre l’existence d’aucun acte de gestion réalisé par M.[P] postérieurement à septembre 2015, de sorte que la direction de fait n’est pas caractérisée postérieurement à cette date.

Sur les griefs invoqués à l’encontre des dirigeants de la société

Sur le grief tenant à la comptabilité soustraite ou inexistante

Le ministère public indique qu’il résulte du rapport général de la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [C], que si les bilans des exercices 2015 et 2016 lui ont été transmis, en revanche, en dépit des demandes adressées par le liquidateur judiciaire à Mme [Z] et à M. [P], les documents comptables prévus à l’article L. 123-12 et suivants du code de commerce à savoir : les journaux, grands livres, bilan 2017, comptes de résultats et annexes ne lui ont pas été communiqués. Il en conclut que la comptabilité est manifestement incomplète ou irrégulière et que le grief relatif à la comptabilité est établi.

M. [P] répond que la comptabilité était parfaitement tenue par un cabinet d’expertise comptable. Il fait valoir qu’il a produit tous les documents sociaux, participé aux opérations de la procédure collective, donné tous renseignements sur l’activité de la société et régulièrement tenu les comptes de la société.

Il souligne qu’en tant que délégataire de service public, la société Ohm n’avait d’autre choix que de tenir une comptabilité conforme. En outre, il ajoute que les documents comptables ont été produits lors du mandat ad hoc en 2013, des procédures de sauvegarde en 2014 et de liquidation judiciaire en 2018.

Selon lui, le tribunal a retenu à tort que la société n’avait pas produit les documents comptables, journaux, grands livres, bilans 2017, comptes de résultat et annexes. Il soutient qu’il n’est pas possible de condamner en se contentant d’une allégation in abstracto d’absence de comptabilité et que le tribunal n’a pas caractérisé le lien de causalité entre le défaut allégué de production partielle des éléments de comptabilité et la responsabilité du gérant.

Il résulte de l’article L. 653-5, 6°du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L. 653-1 contre laquelle a été relevé le fait d’avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

En l’espèce, la cour relève que si la comptabilité était tenue par le cabinet d’expertise comptable Fiducial Expertise et si les bilans 2015 et 2016 ont bien été communiqués, en revanche les journaux, grands livres pour les exercices 2015, 2016 et 2017, bilans 2017, comptes de résultat et annexes n’ont pas été transmis au liquidateur judiciaire, malgré ses demandes réitérées adressées tant à M. [P], ainsi qu’il résulte du rapport du liquidateur judiciaire.

Il s’ensuit que le grief de tenue incomplète de comptabilité sera retenu et le jugement confirmé sur ce point.

Sur le grief tenant à l’augmentation frauduleuse du passif

Le ministère public soutient que les dirigeants ont détourné les cotisations sociales des salariés, en violation de l’article R. 244-3 du code de la sécurité sociale, ce qui, selon lui, constitue une augmentation frauduleuse du passif de la personne morale.

Il précise que le rapport du liquidateur judiciaire en date du 27 octobre 2020 a relevé que « l’examen de la déclaration de créance de l’URSSAF fait apparaître une créance due au titre de la part salariale d’un montant de 40 930 euros ». Il fait valoir que le grief relatif à l’augmentation frauduleuse du passif est donc établi.

M. [P] conteste avoir augmenté frauduleusement le passif de la personne morale.

Il résulte de l’article L. 653-4 5° du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, contre lequel il a été relevé le fait d’avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

En l’espèce, s’il est effectivement très criticable de ne pas avoir payé la part salariale, cependant, en l’absence de pénalités, cette omission n’a pas eu pour effet d’augmenter le passif, de sorte que le grief ne sera pas retenu et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la sanction

Seul le grief de comptabilité incomplète ayant été retenu et ce grief ayant existé sous la direction de M. [P], les journaux et grands livres 2015 n ‘ayant pas été produits, mais tenant compte également de l’importance de l’insuffisance d’actif, il convient, infirmant le jugement, de condamner tant M. [P] à une interdiction de gérer d’une durée de 2 ans.

M. [P] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de la saisine,

Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription,

Rejette la demande du ministère public de qualifier M. [P] de dirigeant de fait à compter de septembre 2015,

Confirme le jugement en ce qu’il a retenu le grief relatif à la comptabilité,

L’infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [P] à une intrediction de gérer, diriger, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale pendant une durée de 2 ans,

Condamne M. [P] aux dépens de première instance et appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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