Déclaration de créances : 15 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02497

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Déclaration de créances : 15 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02497
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15 juin 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/02497

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/02497 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FTEP

Minute n° 23/00103

S.A.R.L. ETABLISSEMENTS DELESSE

C/

MINISTERE PUBLIC S.E.L.A.R.L. [F] ET [R]

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 06 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 21/00619

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. ETABLISSEMENTS DELESSE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marjorie EPISCOPO, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

MINISTERE PUBLIC

Représenté par M. Le Procureur Général près de la cour d’appel de Metz

[Adresse 3]

[Adresse 3]

S.E.L.A.R.L. [F] ET NARDI Prise en la personne de Me [V] [F] ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL ETABLISSEMENTS DELESSE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 21 Mars 2023 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 15 Juin 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

MINISTERE PUBLIC PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme MARTIN

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par requête du 21 septembre 2021, la SARL Établissements Delesse a sollicité l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à son égard sur le fondement des articles L. 640-1 et suivants ainsi que R. 640-1 et suivants du code de commerce.

Par jugement du 6 octobre 2021, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz a :

‘ constaté la cessation des paiements et en a fixé la date au 7 avril 2020,

‘ déclaré ouverte la procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la SARL Établissements Delesse, demeurant [Adresse 1],

‘ désigné :

en qualité de juge-commissaire : M. [I] [Z],

en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire : la SELARL [F] et Nardi, prise en la personne de Maître [V] [F], Eco park, [Adresse 2],

‘ dit que l’inventaire sera établi par M. [J], huissier de justice à [Localité 4],

‘ invité l’huissier de justice ainsi désigné à déposer l’inventaire au greffe du tribunal dans les 15 jours du jugement,

‘ dit que les frais d’inventaire seront à la charge de la procédure collective,

‘ ordonné les mesures de publicité prévues par la loi,

‘ dit que le liquidateur devra déposer la liste des créances déclarées dans un délai de dix mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances,

‘ rappelé que, conformément aux dispositions de l’article R. 622-5 du code de commerce, la liste certifiée des créanciers et du montant des dettes devra être remise au liquidateur dans un délai de huit jours,

‘ dit que la clôture de la procédure devra être examinée dans un délai de trois ans,

‘ rappelé que le jugement est de droit exécutoire par provision,

‘ dit que les dépens exposés seront employés en frais privilégiés de procédure.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a relevé que la SARL Établissements Delesse ne pouvait pas faire face à son passif de 1 360 441 euros avec son actif disponible, un redressement apparaissant ainsi impossible. Il a donc ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société et fixé la date de cessation des paiements au 7 avril 2020 au regard des éléments du dossier.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz du 12 octobre 2021, la SARL Établissements Delesse a interjeté appel aux fins d’annulation ou infirmation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 6 octobre 2021 en ce qu’il a fixé la date de cessation des paiements au 7 avril 2020.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions du 29 décembre 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SARL Établissements Delesse demande à la cour de :

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

‘ annuler le jugement entrepris en ce qu’il a fixé la date de cessation des paiements au 7 avril 2020,

Vu l’article L. 631-8 alinéa 2 du code de commerce,

‘ débouter le liquidateur de sa demande de fixation de la date de cessation des paiements au 7 avril 2020,

Statuant à nouveau,

‘ fixer la date de cessation des paiements au 23 septembre 2021, date de la déclaration de cessation des paiements,

‘ confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

‘ dire et juger que les dépens d’appel seront considérés comme frais privilégiés de la procédure.

La SARL Établissements Delesse fait valoir que le jugement encourt la nullité en ce qu’il a fixé la date de cessation des paiements au 7 avril 2020 car les premiers juges ont fixé la date sans aucune motivation, en violation de l’article 455 du code de procédure civile. Elle ajoute qu’en première instance, le ministère public a demandé la fixation de la date de cessation des paiements à 18 mois sans fournir aucune explication.

L’appelante indique que sa déclaration de cessation des paiements visait uniquement la date du 23 septembre 2021 pour la date de cessation des paiements. Elle conteste avoir été en cessation des paiements dès le 23 avril 2021 et au cours de l’année 2020. Elle expose que les comptes annuels laissent apparaître au 31 décembre 2020 un actif circulant de 1 126 804 euros pour un passif de 1 360 441 euros à la même date. Elle précise en outre que ce passif intègre deux emprunts mis en place au titre du PGE pour 681 125 euros et non exigibles de sorte qu’il pourrait être extrapolé que le passif en cours représentait 679 316 euros pouvant être exigibles.

La SARL Établissements Delesse fait valoir qu’il est déraisonnable de soutenir que les PGE ne lui auraient pas permis de régler l’intégralité des créanciers au terme de l’année 2020. Elle ajoute qu’il ne lui appartient pas de démontrer qu’elle n’était pas en état de cessation des paiements entre le 1er janvier et le 23 septembre 2021.

Elle relève également que la demande du liquidateur en fixation de la date de cessation des paiements doit être rejetée car il n’a pas introduit d’action en report de la date de cessation des paiements fondée sur l’article L. 631-8 alinéa 2 du code de commerce.

Par ses dernières conclusions du 20 avril 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SELARL [F] et Nardi, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Établissements Delesse, demande à la cour de :

‘ rejeter l’appel,

‘ débouter la SARL Établissements Delesse de sa demande tendant à annuler le jugement entrepris en ce qu’il a fixé la date de cessation des paiements au 7 avril 2020,

‘ confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Subsidiairement, en cas d’annulation à ce titre,

Vu l’effet dévolutif,

‘ fixer la date de cessation des paiements de la SARL Établissements Delesse au 7 avril 2020, subsidiairement au 31 décembre 2020,

‘ con’rmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

En tous cas,

‘ dire et juger que les dépens d’appel seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective.

La SELARL [F] et Nardi soutient qu’il n’y a pas lieu à nullité car le tribunal a statué au vu des pièces produites conformément à l’article R. 631-1 du code de commerce, et qu’en tout état de cause, la cour serait amenée à statuer en vertu de l’effet dévolutif.

Le liquidateur judiciaire relève que le bilan clos au 31 décembre 2020 laisse apparaître un passif de 1 360 441 euros (679 317 euros en excluant les deux PGE) tandis que le montant de l’actif disponible ressort à la somme de 168 690 euros. Il en conclut qu’au cours de l’exercice 2020, la société débitrice était déjà dans l’incapacité manifeste de procéder, avec son actif disponible, au règlement de ses dettes exigibles et il souligne que ce passif était notamment composé de dettes fournisseurs supérieures à 438 000 euros et d’un découvert bancaire de plus de 50 000 euros. Il considère que la date de cessation des paiements pouvait donc être fixée au 7 avril 2020 dans la limite autorisée par les textes.

L’intimé fait valoir que la SARL Établissements Delesse, qui est appelante, supporte la charge de la preuve qu’elle était en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible au 7 avril 2020 ou à tout le moins au 31 décembre 2020.

Me [F] ajoute qu’une ordonnance de référé du 21 septembre 2021 démontre que la société débitrice présentait des impayés dès décembre 2020 pour la mise à disposition de personnel pour un montant de 261 154,41 euros et que la déclaration de créance de la Pro BTP fait apparaître des impayés, certes minimes, depuis fin 2018.

Le liquidateur précise que la notion de cessation des paiements implique que le passif exigible soit mis en comparaison avec l’actif disponible et non avec l’actif circulant et qu’il ressort des éléments du dossier qu’à défaut de confirmation de la date du 7 avril 2020, elle mérite d’être fixée a minima au 31 décembre 2020 au regard des éléments objectifs du dossier.

Par conclusions écrites du 14 février 2022 régulièrement communiquées aux parties qui ont eu le temps nécessaire pour y répondre, le ministère public conclut à l’annulation partielle du jugement entrepris en ce qu’il détermine la date de cessation des paiements au 7 avril 2020 et, vu l’effet dévolutif de l’appel, à la fixation la date de cessation des paiements au 21 juin 2021.

Le ministère public considère que le jugement doit être annulé sur la date de cessation des paiements au regard de l’absence de motivation sur ce point.

Il expose ensuite que la société disposait d’un actif circulant de 1 126 804 euros et qu’il ressort des éléments du dossier que toutes les dettes n’étaient pas exigibles immédiatement et que la société devait recouvrer certaines dettes de sorte que l’état de cessation des paiements n’était pas caractérisé au 31 décembre 2020.

Il ajoute qu’il est établi que les difficultés ont commencé à apparaître au courant du printemps 2021 et qu’au 31 août 2021, la SARL Établissements Delesse se trouvait dans l’incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Il précise que les dirigeants n’ont pas pu payer les salaires d’août et septembre. Au regard de ces éléments, le ministère public considère qu’au cours des mois de juin et juillet 2021, la société était en grande difficulté et qu’il convient donc de fixer la date de cessation des paiements au 21 juin 2021.

MOTIVATION

Sur l’annulation de la disposition relative à la date de cessation des paiements

Il résulte des articles 455 et 458 du code de procédure civile que le jugement doit être motivé, à peine de nullité.

En l’espèce, s’agissant de la date de cessation des paiements, seule disposition du jugement dont il est fait appel, le jugement énonce « il ressort des éléments du dossier que la date de cessation des paiements peut être fixée au 07 avril 2020 », ce qui ne satisfait pas à l’exigence de motivation précitée.

En conséquence, il y a lieu d’annuler cette disposition du jugement dont il convient de relever qu’elle constitue le seul chef critiqué.

L’article 561 du code de procédure civile dispose que l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit. Ainsi, par application de l’effet dévolutif de l’appel, il sera statué sur la fixation de la date de cessation des paiements.

Sur la date de cessation des paiements

L’article L. 631-8 dispose que le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur.

Il résulte de la combinaison des articles L. 631-1, L. 631-8 et L. 641-1, IV, que la date de cessation des paiements est, en cas de liquidation judiciaire, fixée comme en matière de redressement judiciaire, au jour où le débiteur a été placé dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

L’article L. 631-1 précise que le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.

Il est constant que l’actif disponible au sens de l’article L. 631-1 du code de commerce est l’actif utilisable ou réalisable immédiatement ou à très court terme, dont sont notamment exclus les stocks de marchandise et les créances clients, sauf au débiteur à démontrer qu’ils sont réalisables à très court terme.

En l’espèce, s’agissant du passif exigible, les parties s’accordent pour en exclure les prêts garantis par l’État, non exigibles, de sorte qu’il s’élève à 679 316 euros.

S’agissant de l’actif disponible, la société débitrice ne démontre pas que ses créances clients, qu’elle évalue à la somme de 1 044 752,29 euros au 31 août 2021, soient recouvrables à très court terme. Ni ces créances, ni les stocks de matières premières, c’est-à-dire l’actif circulant dont la société se prévaut, ne peuvent donc être inclus dans l’actif disponible de la SARL Établissements Delesse.

Dès lors, il ressort du bilan pour l’exercice 2020 qu’au 31 décembre 2020, la SARL Établissements Delesse avait un passif exigible de 679 316 euros et des disponibilités à hauteur de 168 690 euros (p. 5 du bilan pour l’année 2020). Il est donc établi qu’à cette date, elle se trouvait dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Bien qu’il soit indiqué dans la déclaration de cessation des paiements que « jusqu’au terme du printemps 2021, la société n’aura pas de difficultés », la débitrice ne démontre qu’elle aurait bénéficié de réserves de crédit ou de moratoires qui lui auraient permis de faire face à son passif exigible avec son actif disponible après le 31 décembre 2020.

Au regard de ces éléments tirés des pièces produites par les parties, il y a lieu, en conséquence, de fixer la date de cessation des paiements au 31 décembre 2020.

Les frais et dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la SARL Établissements Delesse.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Annule partiellement le jugement rendu par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz le 6 octobre 2021 en ce qu’il a fixé la date de cessation des paiements au 7 avril 2020 ;

Et statuant sur effet dévolutif de l’appel dans les limites de sa saisine,

Fixe la date de cessation des paiements de la SARL Établissements Delesse au 31 décembre 2020 ;

Condamne la SARL Établissements Delesse aux dépens d’appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Le Greffier La Présidente de Chambre

 


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