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15 juin 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/01443
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/01443 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FQOL
Minute n° 23/00106
S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE
C/
[S], [S], S.C.P. [M] LANZETTA
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 18 Mars 2021, enregistrée sous le n° 2018/02135
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 15 JUIN 2023
APPELANTE :
S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE représentée par son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS A TITRE PRINCIPAL ET APPELANTS A TITRE INCIDENT :
Madame [F] [S]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
Monsieur [R] [S]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
SCP [M] LANZETTA prise en la personne de Maître [M] es qualités de mandataire judiciaire dans la procédure de redressement judiciaire de Madame [F] [S],
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-luc HENAFF, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 07 Février 2023 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 15 Juin 2023.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon offre préalable du 24 décembre 2004 et acceptée le 10 janvier 2005, la SA Banque Populaire Lorraine Champagne aux droits de laquelle vient la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (ci-après la SA BPALC) a proposé à Mme [F] [S] un prêt immobilier dénommé «privilège» n°1666775 d’un montant de 72.000 euros remboursable en 180 mois au taux d’intérêt contractuel fixe de 4,50%.
Par acte sous seing privé signé le 18 janvier 2005, M. [R] [S] s’est porté caution personnelle et solidaire du crédit immobilier souscrit par Mme [S] dans la limite de la somme de 109.058 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 216 mois, avec renonciation aux bénéfices de discussion et de division.
Par jugement du 29 novembre 2012, le tribunal judiciaire de Metz a condamné solidairement M. et Mme [S] à payer à la SA BPALC la somme de 50.351,76 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,5% l’an sur la somme de 50.197,34 euros à compter du 26 mars 2012.
Ce jugement n’ayant pas été signifié dans les six mois de son prononcé, le juge de l’exécution de Metz, par jugement du 9 mars 2017, a déclaré ce dernier caduc.
Par acte d’huissier du 11 juillet 2017, la SA BPALC a fait assigner M. et Mme [S] devant le tribunal de grande instance de Metz aux mêmes fins, en réitération de la première demande, pour obtenir une décision libellée dans les mêmes termes que le jugement du 29 novembre 2012.
Mme [S] ayant fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire par jugement du 2 juillet 2019, la SCP [M]-Nodée-Lanzetta, prise en la personne de M. [M], mandataire judiciaire, est intervenue volontairement à l’instance.
Par conclusions récapitulatives du 23 septembre 2020, la SA BPALC a demandé au tribunal de :
– dire et juger que l’assignation valait réitération de l’assignation initiale du 26 mars 2012,
– condamner M. [S] à lui payer la somme de 53.461,95 euros avec intérêt au taux conventionnel de 4,50% l’an à compter du 10 février 2012,
– fixer la créance due par Mme [S] à la somme de 53.461,95 euros avec intérêt au taux conventionnel de 4,50% l’an à compter du 10 février 2012,
– condamner M. [S] à lui payer la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– fixer la créance due par Mme [S] à la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– condamner M. et Mme [S] solidairement en tous les frais et dépens.
Par conclusions récapitulatives du 27 décembre 2019, M. [M] ès qualités de mandataire judiciaire de Mme [S] et M. [S] ont demandé au tribunal de :
A titre principal,
– constater que la SA BPALC ne justifiait pas de l’exigibilité de sa créance,
En conséquence,
– débouter la SA BPALC de l’intégralité de ses demandes à leur encontre
A titre subsidiaire,
– déclarer prescrite l’action en recouvrement de la SA BPALC,
En conséquence,
– débouter la SA BPALC de l’intégralité de ses demandes
En tout état de cause, dire irrecevables et mal fondées les prétentions de la SA BPALC à l’encontre de Mme [S] faute de justification d’une déclaration de créances en bonne et due forme compte tenu de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à son égard;
– l’en débouter,
En cas de justification d’une déclaration de créances et si par extraordinaire la juridiction de céans venait à considérer les prétentions de la SA BPALC recevables et bien fondées,
– débouter la SA BPACL de sa demande de condamnation à l’encontre de Mme [S],
– dire qu’il y aura lieu à fixation de la créance au passif du redressement judiciaire de Mme [S] pourra intervenir le cas échéant,
Par ailleurs,
– condamner la SA BPALC à payer à M. et Mme [S] et M. [M], en qualité de mandataire judiciaire du redressement judiciaire de Mme [S], la somme de 2.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SA BPALC aux entiers frais et dépens de l’instance.
Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :
– donné acte à M. [M], mandataire judiciaire de la SCP [M]-Nodée-Lanzetta, de son intervention volontaire à la procédure en qualité de mandataire judiciaire désigné, selon un jugement de redressement judiciaire rendu le 2 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Metz sous la référence RG n°17/00073 à l’égard de Mme [S],
– constaté que la déchéance du terme prononcée par la banque dans son courrier du 9 février 2012 n’avait pu produire d’effet à défaut de mise en demeure préalable de Mme [S],
– débouté en conséquence la SA BPALC de sa demande de condamnation à hauteur de l’exigibilité de la totalité des sommes résultant du prêt immobilier «privilège» n°1666775 souscrit par Mme [S] le 10 janvier 2005,
Pour le surplus,
– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale présentée à titre subsidiaire par M. et Mme [S],
– condamné M. [S] à régler à la SA BPALC la somme de 5.966,40 euros outre les intérêts contractuels au taux de 4,50% à compter du 10 février 2012 sur celle de 5.862,18 euros,
– fixé à la somme de 5.966,40 euros outre les intérêts contractuels au taux de 4,50% à compter du 10 février 2012 sur celle de 5.862,18 euros la créance de la SA BPALC à l’égard de la procédure collective de Mme [S] selon jugement RG n°17/00073 rendu le 2 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Metz,
– condamné M. [M], agissant ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de Mme [S] in solidum aux dépens,
– condamné M. [S] à régler à la SA BPALC la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la SA BPALC de sa demande de fixation d’une créance au titre de frais irrépétibles réclamés contre Mme [S],
– débouté M. et Mme [S] et M. [M], agissant ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de Mme [S], de leur demande formée chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– prononcé l’exécution provisoire du présent jugement.
Le tribunal a relevé que, par lettre adressée le 9 février 2012 à Mme [S], la SA BPALC avait prononcé la déchéance du terme du prêt n°01666775 et avait entendu se prévaloir de l’exigibilité des sommes résultant du non-paiement des échéances du prêt mais que ce courrier ne saurait s’analyser en la mise en demeure exigée par la jurisprudence. Il a ajouté que la SA BPALC n’apportait pas la preuve que les courriers datés du 3 janvier 2012 destinés à M. et Mme [S] avaient été envoyés à Mme [S], de sorte que la déchéance du terme n’avait pas été valablement prononcée, et qu’en conséquence, la déchéance du terme prononcée par la demanderesse dans son courrier du 9 février 2012 n’avait pas pu produire d’effet.
S’agissant de la prescription de l’action en paiement soulevée par M. et Mme [S], le tribunal a considéré que les échéances mentionnées dans le décompte de la SA BPALC étaient celles du 30 avril 2011 au 30 janvier 2012 dont le délai pour agir avait commencé à courir à compter de chacune de ces dates pour expirer au plus tôt le 30 avril 2013 à minuit, que la banque avait assigné M. et Mme [S] le 26 mars 2012, avant l’expiration du délai pour agir et que, l’effet interruptif de prescription résultant d’une action en justice n’a pas eu pour conséquence de faire courir à compter de la citation initiale un nouveau délai égal à celui interrompu et susceptible d’être sanctionné par une éventuelle prescription, de sorte qu’aucune prescription ne saurait être encourue par le prêteur.
Le tribunal a ensuite retenu que les échéances impayées étaient contractuellement exigibles dès leurs dates d’échéances successives sans qu’une mise en demeure soit nécessaire de ce chef, que le décompte des sommes dues avait été adressé le 9 février 2012 à Mme [S], qui en avait accusé réception le 12 février 2012, et à M. [S], qui en accusé réception le 13 février 2012 et qu’en l’absence de critiques des défendeurs sur le décompte produit par le prêteur et en présence d’une déclaration de créance de la banque pour le prêt, la créance de la SA BPALC était exigible.
Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz du 7 juin 2021, la SA BPALC a interjeté appel aux fins d’annulation, subsidiairement infirmation de ce jugement en ce qu’il :
– a constaté que la déchéance du terme prononcée par la banque dans son courrier du 9 février 2012 n’avait pu produire d’effet à défaut de mise en demeure préalable de Mme [S],
– l’a déboutée en conséquence de sa demande de condamnation à hauteur de l’exigibilité de la totalité des sommes résultant du prêt immobilier «privilège» n°1666775 souscrit par Mme [S] le 10 janvier 2005,
– a condamné M. [S] à lui régler la somme de 5.966,40 euros outre les intérêts contractuels au taux de 4,50% à compter du 10 février 2012 sur celle de 5 862,18 euros, alors qu’il était réclamé sa condamnation à la somme de 53.461,95 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,50 % l’an à compter du 10 février 2012,
– a fixé à la somme de 5.966,40 euros outre les intérêts contractuels au taux de 4,50% à compter du 10 février 2012 sur celle de 5.862,18 euros sa créance à l’égard de la procédure collective de Mme [S], alors qu’il était réclamé la fixation de la créance à la somme de 53.461,95 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,50 % l’an à compter du 10 février 2012,
– l’a déboutée de sa demande de fixation d’une créance au titre de frais irrépétibles réclamés contre Mme [S].
Par conclusions déposées le 5 octobre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens,la SA BPALC demande à la cour de :
– recevoir son appel
– rejeter l’appel incident de M. et Mme [S],
– infirmer le jugement du 18 mars 2021, en ce qu’il :
* a constaté que la déchéance du terme prononcée par la banque dans son courrier du 9 février 2012 n’avait pu produire d’effet à défaut de mise en demeure préalable de Mme [S],
* l’a déboutée en conséquence de sa demande de condamnation à hauteur de l’exigibilité de la totalité des sommes résultant du prêt immobilier «privilège» n°1666775 souscrit par Mme [S] le 10 janvier 2005,
* condamné M. [S] à régler à la SA BPALC la somme de 5.966,40 euros outre les intérêts contractuels au taux de 4,50% à compter du 10 février 2012 sur celle de 5.862,18 euros, alors qu’il était réclamé sa condamnation à la somme de 53.461,95 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,50 % l’an à compter du 10 février 2012,
* fixé à la somme de 5.966,40 euros outre les intérêts contractuels au taux de 4,50% à compter du 10 février 2012 sur celle de 5.862,18 euros sa créance à l’égard de la procédure collective de Mme [S] alors qu’il était réclamé la fixation de la créance à la somme de 53.461,95 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,50 % l’an à compter du 10 février 2012,
* l’a déboutée de sa demande de fixation d’une créance au titre de frais irrépétibles réclamés contre Mme [S].
Et statuant à nouveau :
– fixer sa créance sur le principe de la procédure collective de Mme [S] à la somme de 52.655,73 euros, outre intérêts en cours jusqu’à paiement intégral et subsidiairement à la somme de 49.555,73 euros, outre intérêts en cours.
– condamner M. [S] à lui payer la somme de 49.555,73 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4,5 % l’an du 10 février 2012 jusqu’à paiement intégral et subsidiairement la somme de 43.331,73 euros du 5 octobre 2022 jusqu’à paiement intégral,
– ordonner la capitalisation des intérêts qui auront courus pour une année entière,
En tout état de cause,
– déclarer M. et Mme [S] irrecevables et subsidiairement mal fondés en l’ensemble de leurs demandes,
– condamner M. [S] aux dépens d’instance et d’appel,
– juger, s’agissant de Mme [S], que les dépens d’instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [S] à lui payer une somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner M. [S] à lui payer une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’appel.
La SA BPALC considère avoir interrompu la prescription par demande en justice présentée le 29 mars 2012, aboutissant au jugement rendu le 29 novembre 2012. Elle conclut que l’acte introductif d’instance n’a souffert d’aucune irrégularité et que l’article 2243 du code civil ne concerne que les instances ayant abouties à un désistement, une péremption, ou à une demande définitivement rejetée et non pas les procédures où la décision de justice a été déclarée non avenue. Elle en déduit que l’effet interruptif de prescription subsiste et que le moyen tiré de la prescription est infondé.
L’appelante ajoute, à cet égard, que la prescription d’une dette payable par termes successifs se divise comme la dette elle-même et que l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité.
Sur le fond, la SA BPALC fait valoir qu’elle a adressé deux lettres recommandées avec demande d’avis de réception à M. et Mme [S] le 9 février 2012, que la déchéance du terme du contrat de prêt est bien intervenue et que la banque était, dès lors, en droit de réclamer l’intégralité des sommes dues au titre du contrat de prêt.
Subsidiairement, l’appelante souligne qu’elle est en droit de solliciter le remboursement des échéances mensuelles du prêt qui n’ont pas été honorées par Mme [S] et que sa demande reste inchangée, puisqu’elle tend toujours à ce que les consorts [S] soient condamnés à lui rembourser les sommes dues au titre du prêt contracté. Elle affirme qu’il n’y a aucune demande nouvelle, qu’elle est recevable à invoquer des moyens nouveaux ou de nature à faire écarter les prétentions adverses. Elle ajoute qu’une modification du quantum d’une demande ne constitue pas non plus une demande nouvelle.
Elle indique que le prêt devait arriver à terme le 3 janvier 2020, que l’ensemble des échéances du prêt sont exigibles, et qu’elle a justifié sa déclaration de créance au passif de la procédure collective de Mme [S], de sorte qu’elle est en droit de réclamer le remboursement de l’intégralité des sommes dues. Elle précise que M. et Mme [S] ne critiquent pas le quantum des demandes.
Elle considère qu’aucun manquement au devoir d’information annuel ne subsiste à l’égard de Mme [S] puisqu’elle était emprunteur principal et non caution du prêt et que l’établissement de crédit qui n’aurait pas respecté l’obligation d’information annuelle reste en droit de prétendre aux intérêts au taux légal. Elle précise enfin que le plan de continuation de Mme [S] a été arrêté, de sorte que la caution, M. [S], ne pourra plus se prévaloir de l’arrêt des poursuites.
Par conclusions déposées le 1er août 2022, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. et Mme [S] demandent à la cour de :
– rejeter l’appel de la SA BPALC et de le dire mal fondé,
– au contraire, recevoir leur appel incident et le dire bien fondé,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale
* condamné M. [S] à régler à la SA BPALC la somme de 5.966,40 euros outre les intérêts contractuels au taux de 4,5% à compter du 10 février 2012 sur celle de 5.862,18 euros,
* fixé à la somme de 5.966,40 euros outre les intérêts contractuels au taux de 4,5% à compter du 10 février 2012 sur celle de 5.962,18 euros la créance de la SA BPALC à l’égard de la procédure collective de Mme [S],
* condamné M. [M], ès qualités de mandataire judiciaire de la procédure de redressement judiciaire de Mme [S], et M. [S] in solidum aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* débouté M. et Mme [S] de leur demande formée chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
– déclarer irrecevable comme prescrite l’action en recouvrement de la SA BPALC à leur encontre
– en conséquence, la débouter de l’intégralité de ses demandes
Subsidiairement,
– juger que la SA BPALC ne justifie pas de l’exigibilité de sa créance dès lors que la déchéance du terme a été prononcée sans mise en demeure préalable adressée à l’emprunteur défaillant d’avoir à régler les échéances impayées,
– en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SA BPALC de sa demande en paiement du capital restant dû et de l’indemnité légale,
En tout état de cause,
– déclarer irrecevable et, subsidiairement, mal fondée la demande nouvelle en appel de la SA BPALC tendant à voir M. [S] condamné à lui payer la somme de 49.555,73 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4,5% l’an jusqu’à paiement intégral ainsi qu’à voir fixer sa créance au passif de Mme [S] à ce montant,
– plus subsidiairement encore, dire et juger que la SA BPALC est déchue de tous les accessoires, intérêts, frais et pénalités afférentes au prêt consenti à Mme [S],
– condamner la SA BPALC en tous frais et dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000 euros par instance, soit au total 6.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils invoquent la prescription de deux ans de l’article L137-2 du code de la consommation, et soutiennent que l’effet interruptif de la prescription se conserve si la réitération de celle-ci a lieu avant que le délai de la prescription, qui recommence à courir à la date à laquelle le jugement est frappé de caducité, vienne à son échéance. Ils indiquent qu’en l’espèce, le jugement du 29 novembre 2012 est devenu caduc le 29 mai 2013, faute de signification, de sorte que le délai de prescription a recommencé à courir à compter du 29 mai 2013. Ils en concluent que la demande réitérée par assignation du 11 juillet 2017 est tardive et prescrite.
Ils exposent qu’il incombe à la banque d’adresser une mise en demeure à l’emprunteur avant de pouvoir prononcer la déchéance du terme du prêt si celle-ci est restée sans effet. Or, ils estiment que la SA BPALC ne justifie d’aucune mise en demeure préalable à la déchéance du terme du prêt, les lettres datées du 3 janvier 2012 n’étant pas constitutives d’une mise en demeure dès lors qu’elles n’ont pas été adressées par recommandé avec demande d’avis de réception. Les intimés ajoutent que la lettre du 3 janvier 2012 fait courir un délai de 8 jours à compter de son expédition alors qu’aucune pièce ne vient attester de cette expédition, qu’elle n’emporte pas demande de paiement mais de régulariser l’intégralité de la situation et que cette lettre n’a jamais été réceptionnée par Mme [S] et ne saurait valoir mise en demeure avant le prononcé de la déchéance du terme.
S’agissant de la lettre du 9 février 2022, ils reconnaissent que cette lettre a prononcé la déchéance du terme du prêt mais considèrent qu’elle ne saurait s’analyser en la mise en demeure qui doit être préalable et doit avoir pour objet de mettre l’emprunteur en mesure de régulariser le paiement des impayés et d’éviter la déchéance susceptible d’être encourue. Ils concluent que l’appelante ne peut se prévaloir de la déchéance du terme puisqu’elle a été prononcée sans avoir préalablement mis en demeure l’emprunteur de régler les échéances impayées ni lui avoir indiqué le délai dont il disposait pour ce faire.
M. et Mme [S] estiment que la demande par laquelle la SA BPALC sollicite le paiement d’une somme de 49.555,73 euros au titre des mensualités échues du prêt est une demande nouvelle radicalement irrecevable puisque la banque se prévalait, en première instance, de la déchéance du terme et réclamait paiement des sommes résultant de la résolution du prêt, tandis qu’elle sollicite, par cette demande, le règlement des sommes dues en exécution du prêt.
Sur les montants réclamés, M. et Mme [S] font valoir qu’il est imposé aux établissements de crédit une obligation d’information des cautions, par laquelle ils sont tenus de renseigner annuellement les cautions sur l’engagement qu’elles ont souscrit et sur le montant restant dû par celles-ci en principal, intérêts, frais et accessoires. Or ils affirment que la SA BPALC ne justifie pas s’en être acquittée, de sorte que celle-ci doit être déchue de tous les accessoires, intérêts, frais et pénalités.
Par conclusions déposées le 25 octobre 2021, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SCP [M]-Lanzetta, prise en la personne de M. [M], ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de Mme [S], demande à la cour de lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour, et demande de
dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des demandes formées par la SA BPALC
* Sur la prescription des demandes principales
Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il résulte de l’ancien article L137-2 devenu l’article L218-2 du code de la consommation que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans.
Les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit sont des services financiers fournis par des professionnels et sont soumis à ce délai de prescription de deux ans.
Il résulte de l’article L137-2 susvisé ainsi que des articles 2224 et 2233 du code civil qu’à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéances successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité.
Par ailleurs, selon les articles 2241 et 2242 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige, la demande en justice interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion et l’interruption de la prescription résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.
Aux termes de l’article 478 du code de procédure civile, le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date. La procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive.
La citation en justice introduit une instance qui s’éteint par le dessaisissement du juge, résultant notamment d’un jugement. L’effet interruptif de la citation en justice se poursuit jusqu’à l’extinction de l’instance qu’elle a introduite.
Lorsque le jugement est non avenu par application de l’article 478 précité, la réitération de la citation introduit une nouvelle instance. Il en résulte que cet effet interruptif cesse à la date du prononcé du jugement rendu, sur la citation primitive, par la juridiction ainsi dessaisie, quand bien même ce jugement serait, par la suite, déclaré non avenu.
En l’espèce, la première assignation en paiement délivrée par la SA BPALC a été signifiée à Mme [F] [S] et M. [R] [S] le 26 mars 2012.
Cette assignation a ainsi interrompu le délai de prescription de deux ans jusqu’à la fin de l’instance qui résulte du jugement du 29 novembre 2012, même si ce jugement a été déclaré ensuite non avenu par jugement du juge de l’exécution de Metz du 9 mars 2017.
L’article 2231 du code civil précise que l’interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.
Dès lors, un nouveau délai de deux ans a recommencé à courir à compter du 29 novembre 2012 pour s’achever le 29 novembre 2014.
Toutefois la SA BPALC n’a réitéré son assignation en paiement à l’encontre de M. et Mme [S] que par acte d’huissier du 11 juillet 2017.
En conséquence, au regard du délai de prescription de deux ans, la SA BPALC n’est recevable à agir en recouvrement de sa créance que pour les sommes exigibles à compter du 11 juillet 2015.
Or, la SA BPALC sollicite dans sa demande formée à titre principal la somme de 52.655,73 euros se décomposant ainsi:
– 5.862,18 euros au titre des échéances impayées du 30 avril 2011 au 30 janvier 2012
– 44.342,38 euros au titre du capital restant dû au 30 janvier 2012
– 3.103,97 euros au titre de l’indemnité contractuelle de 7%.
La prescription de deux ans s’appliquant à chaque échéance échue impayée non régularisée, les échéances échues impayées pour la période du 30 avril 2011 au 30 janvier 2012, sont prescrites depuis le 30 avril 2013 pour la plus ancienne (avril 2011) et depuis le 30 janvier 2012 pour celle de janvier 2012, dernière échéance sollicitée.
De même, à supposer que la déchéance du terme soit intervenue le 3 janvier 2012 comme le soutient l’appelante, la demande en paiement du capital restant dû et de l’indemnité contractuelle de 7% auraient dû être formées dans le délai de deux ans soit avant le 3 janvier 2014.
L’assignation n’ayant été délivrée contre M. et Mme [S] que par acte d’huissier du 11 juillet 2017, les prétentions formées par la SA BPALC à titre principal doivent donc être déclarées irrecevables.
Le jugement entrepris qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par M. et Mme [S] sera donc infirmé dans toutes ses dispositions.
* Sur la recevabilité des demandes formées à hauteur de cour à titre subsidiaire relatives aux échéances impayées
Si l’article 563 du code de procédure civile permet aux parties d’invoquer des moyens nouveaux en appel l’article 564 dispose en revanche, qu’à «peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.»
L’article 565 du code de procédure civile également invoqué par la SA BPALC, dispose que «les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent».
L’article 566 du même code n’est pas invoqué par les parties.
En l’espèce, la SA BPALC sollicitait au titre du prêt souscrit par Mme [S] en première instance la somme de 53.461,95 euros correspondant aux échéances échues impayées d’avril 2011 à janvier 2012 ainsi qu’au montant du capital restant dû à la déchéance du terme fixée par l’appelante au 9 février 2012 et à l’indemnité contractuelle de 7%.
Devant la cour, l’appelante maintient cette demande principale ramenée à la somme totale de 52.655,73 euros mais à titre subsidiaire la SA BPALC sollicite, dans l’hypothèse où il serait jugé que la déchéance du terme n’a pas été prononcée régulièrement, la somme de 49.555,76 euros correspondant au montant total de toutes les échéances mensuelles échues impayées d’avril 2011 à janvier 2020, terme du contrat.
Il faut ainsi constater que la demande principale tend au paiement des sommes dues au titre du prêt à la suite de sa résiliation par le prononcé de la déchéance du terme. En revanche, la demande subsidiaire tend au paiement des sommes dues au titre de l’exécution du contrat de prêt.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l’appelante, il ne s’agit pas d’un moyen nouveau mais bien d’une demande nouvelle puisqu’elle n’a pas la même fin que la demande principale et il ne s’agit pas simplement d’une modification du montant sollicité. La demande subsidiaire tend à voir exécuter le contrat de prêt, sans que sa résiliation par déchéance du terme soit invoquée, alors que la demande principale invoque la résiliation de celui-ci et les conséquences financières qui en découlent.
Dès lors, la demande de la SA BPALC tendant à voir fixer à titre subsidiaire sa créance au passif de la procédure collective de Mme [S] à la somme de 49.555,73 euros sera déclarée irrecevable. Pour les mêmes motifs, sa demande de condamnation de M. [S] à lui payer à titre subsidiaire cette même somme de 49.555,73 euros sera également déclarée irrecevable.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La SA BPALC qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance.
L’équité commande de laisser à chacune des parties la charge des frais engagés par elle et non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La SA BPALC qui succombe également en appel sera condamnée aux dépens.
L’équité commande de laisser à chacune des parties la charge des frais engagés par elle à hauteur de cour et non compris dans les dépens, par application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 18 mars 2021 dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
Déclare irrecevables comme étant prescrites les prétentions formées à titre principal par la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne contre M. [R] [S] et la SCP [M]-Lanzetta, prise en la personne de M. [M], ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de Mme [F] [S];
Condamne la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens de première instance;
Laisse à chacune des parties la charge des frais engagés par elle en première instance et non compris dans les dépens;
Y ajoutant,
Déclare irrecevables les prétentions formées à titre subsidiaire par la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne contre M. [R] [S] et la SCP [M]-Lanzetta, prise en la personne de M. [M], ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de Mme [F] [S];
Condamne la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens de l’appel;
Laisse à chacune des parties la charge des frais engagés par elle en appel et non compris dans les dépens.
Le Greffier La Présidente de Chambre