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15 juin 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/01631
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 15/06/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 22/01631 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UGOR
Ordonnance (N° 2022000683) rendue le 15 mars 2022 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Valenciennes
APPELANTE
SARL Slama Centre Auto, société en liquidation judiciaire, prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social, [Adresse 3]
représentée par Me Farid Belkebir, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
INTIMÉS
Maître [J] [R] agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Slama Centre Auto
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
SA Star Lease prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 2]
représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Quentin Sigrist, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 21 mars 2023 tenue par Samuel Vitse magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023 après prorogation du délibéré du 01 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 février 2023
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EXPOSE DU LITIGE
La société Slama centre auto exerçait une activité de réparation de véhicules automobiles.
Par acte sous seing privé du 28 octobre 2019, elle a conclu avec la société Star Lease un contrat de crédit-bail portant sur de l’outillage d’une valeur totale de 88 244,24 euros.
Aux termes de cet engagement, elle devait s’acquitter de soixante loyers mensuels de 1 602,24 euros à compter du 1er juin 2020.
Par jugement du 11 octobre 2021, le tribunal de commerce de Valenciennes a prononcé la liquidation judiciaire de la société Slama centre auto, Maître [J] [R] étant désigné en qualité de liquidateur.
Par lettre du 16 octobre 2021, la société Franfinance a déclaré, pour le compte de la société Star Lease, une créance de 62 545,64 euros au titre de l’indemnité de résiliation du contrat de crédit-bail.
Par lettre 2 décembre 2021, la société Slama centre auto a contesté un tel montant par l’intermédiaire du liquidateur judiciaire.
Par lettre du 9 décembre 2021, la société Franfinance a indiqué, pour le compte de la société Star Lease, maintenir la déclaration de créance pour le montant susdit.
‘ Par ordonnance du 15 mars 2022, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Valenciennes a admis la société Star Lease au passif de la liquidation judiciaire de la société Slama centre auto pour la somme de 62 545,64 euros à titre chirographaire et ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure.
‘ Par déclaration du 5 avril 2022, la société Slama centre auto a relevé appel de cette décision en ce qu’elle a admis la déclaration de créance de la société Star Lease à hauteur du montant précité.
‘ Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2023, la société Slama centre auto demande à la cour de :
« Infirmer l’Ordonnance du Juge commissaire près le Tribunal de commerce de Valenciennes du 15 Mars 2022 en toutes ses dispositions.
En conséquence,
Rejeter la déclaration de créance de la Société STAR LEASE.
Subsidiairement,
Minorer la clause pénale prévue à l’article 10 du Contrat de crédit-bail dans les plus larges proportions et/ou à l’euro symbolique.
Réduire la déclaration de créance de la Société STAR LEASE à hauteur de la réduction de cette clause pénale.
Dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la Société SLAMA CENTRE AUTO. »
‘ Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2022, Maître [J] [R], ès qualités, demande à la cour de :
« CONFIRMER l’ordonnance rendue par le Juge commissaire le 15 mars 2022 en toutes ses dispositions.
DEBOUTER la société SLAMA CENTRE AUTO de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Dépens en frais de procédure collective. »
‘ Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2023, la société Star Lease demande à la cour de :
« DEBOUTER la société SLAMA CENTRE AUTO de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
PRENDRE ACTE que Maître [J] [R], ès qualités de liquidateur de la société SLAMA CENTRE AUTO, sollicite la confirmation de l’ordonnance entreprise ainsi que le débouté de la société SLAMA CENTRE AUTO de ses demandes, fins et prétentions ;
CONFIRMER en son intégralité l’ordonnance du Juge Commissaire à la liquidation judiciaire de la société SLAMA CENTRE AUTO en date du 15 mars 2022 [RG n° 2022000683], soit en ce qu’elle a admis à titre chirographaire la créance de la société STAR LEASE à hauteur de la somme de 62.545,64 € ;
CONDAMNER la société SLAMA CENTRE AUTO à payer à la société STAR LEASE la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
LA CONDAMNER aux entiers dépens d’appel. »
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour l’exposé de leurs moyens.
‘ L’ordonnance de clôture a été prononcée le 28 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de préciser qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande tendant à prendre acte qui figure dans le dispositif des conclusions de la société Star Lease, dès lors qu’elle ne constitue pas une prétention au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile.
Sur le défaut de pouvoir du déclarant
Aux termes de l’article L. 622-24, alinéa 2, du code de commerce, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d’Etat. La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance.
La déclaration des créances équivalant à une demande en justice, la personne qui déclare la créance d’un tiers doit, si elle n’est pas avocat, être munie d’un pouvoir spécial, donné par écrit, avant l’expiration du délai de déclaration des créances. En cas de contestation, il peut en être justifié jusqu’au jour où le juge statue, ce qui englobe l’instance d’appel.
Le créancier peut également ratifier la déclaration de créance faite en son nom. Une telle ratification peut être implicite et résulter notamment des conclusions d’appel du créancier, signées et notifiées par son avocat, sollicitant l’admission de la créance litigieuse.
En l’espèce, la société Slama centre auto soutient que la société Franfinance n’avait pas le pouvoir de déclarer la créance de la société Star Lease ni non plus celui d’adresser des observations en réponse au liquidateur judiciaire.
Il apparaît toutefois que la société Star Lease verse au débat un contrat de mandat établi le 15 juin 2018, aux termes duquel son directeur général donne pouvoir au directeur général délégué de la société Franfinance, en charge de l’activité de financement aux entreprises, de produire à toutes procédures de conciliation, de médiation et de sauvegarde ainsi que toutes procédures collectives (redressement ou liquidation judiciaire).
Il est également versé au débat un contrat de mandat établi le 2 janvier 2020, aux termes duquel le directeur du recouvrement de l’activité de financement aux entreprises du Groupe Franfinance, ayant lui-même reçu mandat du directeur général délégué de la société Franfinance par acte du 18 juin 2018, donne pouvoir au responsable de pôle au sein du Service Recouvrement Contentieux de l’activité de Financement aux entreprises du Groupe Franfinance, de représenter la société Star Lease aux fins de produire à toutes procédures de conciliation, de médiation et de sauvegarde ainsi que toutes procédures collectives de redressement ou de liquidation judiciaire.
Contrairement à ce que soutient la société Slama centre auto, il est donc établi que la société Franfinance avait reçu pouvoir pour déclarer la créance de la société Star Lease et formuler toutes observations en réponse au liquidateur judiciaire.
Il s’infère au surplus des conclusions d’appel de la société Star Lease, signées et notifiées par son avocat, que celle-ci sollicite l’admission de la créance litigieuse, ce dont il résulte qu’elle a nécessairement ratifié la déclaration de créance faite en son nom.
Le moyen tiré du défaut de pouvoir du déclarant ne peut donc qu’être écarté.
Sur le déséquilibre significatif créé par la clause de résiliation
Aux termes de l’artilce 1171 du code civil, dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, est réputée non écrite. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation.
La société Slama centre auto soutient que l’article 10 du contrat de crédit-bail, qui prévoit les modalités de résiliation du contrat et ses conséquences, crée un déséquilibre significatif entre les parties, au motif qu’il exclut toute faculté de résiliation en faveur du preneur et ne prévoit aucune indemnité en cas de manquement du bailleur à ses obligations.
Un tel moyen manque en fait, dès lors que l’article 10.1 stipule qu’en cas de manquement du Bailleur dans l’exécution de son obligation, le Locataire pourra résilier le présent Contrat après la première présentation au Bailleur d’une mise en demeure de remédier à son manquement, par lettre recommandée avec avis de réception demeurée infructueuse pendant 8 (huit) jours. Le même article précise qu’en réparation du préjudice direct subi par le Locataire, ce dernier pourra engager la responsabilité du Bailleur, étant précisé que ladite responsabilité ne pourra pas excéder la somme des 6 (six) derniers loyers effectivement perçus par le Bailleur.
Le moyen tiré du déséquilibre significatif créé par la clause de résiliation ne peut donc qu’être écarté.
Sur le montant de la créance litigieuse
L’article L624-2 du code de commerce dispose qu’au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d’admission est recevable, décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission.
Selon l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
En l’espèce, l’article 10.2 du contrat de crédit-bail stipule que la résiliation intervient de plein droit en cas de non-paiement à la date d’exigibilité d’un seul terme des loyers, de non-exécution d’une seule des Conditions Générales ou Particulières du présent contrat ainsi que dans les cas prévus par la réglementation en vigueur applicable aux entreprises en difficultés.
Le même article ajoute que la résiliation du contrat impose au Locataire l’obligation de verser immédiatement au Bailleur, sans mise en demeure préalable, outre les loyers échus impayés T.T.C. et tous leurs accessoires, en réparation du préjudice subi, une indemnité égale à :
a) la totalité des loyers H.T. restant à échoir postérieurement à la résiliation, majorée du montant de l’option d’achat H.T. prévue contractuellement,
b) augmentée, pour assurer la bonne exécution du présent Contrat, d’une peine égale à 10 % de la totalité des loyers H.T. restant à échoir majorée du montant de l’option d’achat H.T. prévue contractuellement.
L’indemnité ci-dessus portera intérêts au taux défini à l’article 3.7
En ce qu’il est expressément prévu qu’elle est due en réparation du préjudice subi, l’indemnité forfaitaire précitée s’analyse en une pénalité au sens de l’article 1231-5 du code civil, comme telle susceptible de modération ou de majoration selon qu’elle est manifestement excessive ou dérisoire.
La société Slama centre auto soutient que l’indemnité prévue au contrat litigieux est manifestement excessive dès lors que la société Star Lease ne justifie d’aucun préjudice, motif pris qu’elle dispose d’un capital social de 55 000 000 d’euros et qu’elle a pu récupérer l’outillage litigieux en vue de son réemploi.
Le moyen tiré de l’importance du capital social est inopérant, dès lors qu’il ne s’agit pas d’apprécier les besoins du créancier, mais le préjudice que la résiliation anticipée du contrat litigieux lui a causé.
En revanche, la restitution de l’outillage, qui n’est pas contestée, et la faculté subséquente de le donner de nouveau à bail, doivent être prises en considération pour apprécier la réalité du préjudice subi.
La société Star Lease ne démontre pas ni même n’allègue que le marché de la réparation automobile ne lui permettrait pas de relouer l’outillage à un professionnel dans un délai raisonnable.
Compte tenu d’une telle perspective, la pénalité dont se prévaut la société Star Lease apparaît manifestement excessive, en ce qu’elle prend pour assiette la totalité des loyers à échoir au jour de la résiliation, soit quarante-trois loyers du 1er novembre 2021 au 1er mai 2025, soit encore une durée de trois ans et demi, bien supérieure au délai raisonnable précédemment évoqué.
Le préjudice réellement subi par la société Star Lease justifie de réduire l’indemnité de résiliation litigieuse à la somme de 30 000 euros.
L’ordonnance entreprise sera donc réformée de ce chef et la créance admise à titre chirographaire à hauteur du montant précité.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a ordonné l’emploi des dépens de première instance en frais privilégiés de procédure collective. Les dépens d’appel suivront le même sort.
L’équité justifie de laisser à la société Star Lease la charge de ses frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a admis la société Star Lease au passif de la liquidation judiciaire de la société Slama centre auto pour la somme de 62 545,64 euros à titre chirographaire ;
La confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Admet la créance la société Star Lease au passif de la liquidation judiciaire de la société Slama centre auto pour la somme de 30 000 euros à titre chirographaire ;
Déboute la société Star Lease de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l’emploi des dépens d’appel en frais privilégiés de procédure collective.
Le greffier
Marlène Tocco
Le président
[E] [C]