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15 juin 2023
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
21/01746
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 15 Juin 2023
N° RG 21/01746 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GZCW
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d’ANNECY en date du 01 Juillet 2021, RG 2020J00046
Appelant
M. [P] [T]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
Représenté par la SAS SR CONSEIL, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimée
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SAINT FELIX – PAYS DES BAUGES dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SCP BREMANT GOJON GLESSINGER SAJOUS, avocat au barreau d’ANNECY
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 28 mars 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS [T] et Fils Echafaudages construction a pour activité la pose et dépose d’échafaudages, ainsi que la construction et démolition de partie de bâtiments. Elle a été immatriculée le 9 février 2018.
Par acte sous seing privé du 1er juin 2018, la Caisse régionale de Crédit mutuel Saint Félix et pays des Bauges (le Crédit mutuel), a consenti à la société [T] et fils un prêt professionnel d’un montant de 84 000 euros, remboursable en 60 mois au taux de 1,60 %. Ce prêt a été garanti par l’engagement de caution solidaire de:
– Mme [S] [Y], présidente de la société, dans la limite de la somme de 36 000 euros, couvrant le principal, les intérêts et, le cas échéant les pénalités ou intérêt de retard, et ce pour une durée de 60 mois,
– M. [P] [T], directeur général, dans la limite de la somme de 60 000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et ce pour une durée de 84 mois.
Par jugement du 19 novembre 2019, le tribunal de commerce d’Annecy a placé la société [T] et fils en liquidation judiciaire. Le Crédit mutuel a déclaré sa créance au passif de la société par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 décembre 2019, pour un montant total de 68 392,34 euros.
Par courriers recommandés du même jour, le Crédit mutuel a informé les cautions de la procédure collective et leur a rappelé leurs engagements du 1er juin 2018, les mettant en demeure de lui rembourser la somme de 60 000 euros (pour M. [T]) et la somme de 36 000 euros (pour Mme [Y]).
Cette mise en demeure étant restée sans effet, par actes délivrés le 24 février 2020, le Crédit mutuel a fait assigner Mme [Y] et M. [T] devant le tribunal de commerce d’Annecy en paiement des sommes précitées.
Les cautions se sont opposées aux demandes en invoquant à titre principal la disproportion de leurs engagements respectifs, mais également le manquement de la banque à son devoir de mise en garde, le défaut d’information annuelle des cautions, et enfin ont sollicité l’octroi de délais de paiement.
Par jugement contradictoire rendu le 1er juillet 2021, le tribunal de commerce d’Annecy a :
condamné Mme [Y] à payer au Crédit mutuel la somme de 36 000 euros,
dit que Mme [Y] dispose d’un délai de 9 mois à compter de la notification de la décision pour payer cette somme,
dit que les sommes dues par Mme [Y] porteront intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2019 et que les intérêts ainsi décomptés par année entière seront capitalisés,
condamné Mme [Y] à régler 30 % des dépens,
condamné Mme [Y] à payer au Crédit mutuel la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [T] à payer au Crédit mutuel la somme de 60 000 euros,
dit que les sommes dues par M. [T] porteront intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2019 et que les intérêts ainsi décomptés par année entière seront capitalisés,
condamné M. [T] à régler 70 % des dépens,
condamné M. [T] à payer au Crédit mutuel la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ordonné l’exécution provisoire de la décision,
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 29 juillet 2021, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement, limité aux dispositions du jugement qui la condamnent et la déboutent de ses demandes, en intimant le Crédit mutuel seul. Cette affaire a été enregistrée sous le n° R.G. 21/01597.
Par déclaration du 26 août 2021, M. [T] a également interjeté appel de ce jugement, limité aux dispositions du jugement qui le condamnent et le déboutent de ses demandes, en intimant le Crédit mutuel seul. Cette affaire a été enregistrée sous le n° R.G. 21/01746. C’est la présente instance.
Les deux affaires n’ont pas été jointes.
Par conclusions notifiées le 25 novembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [T] demande en dernier lieu à la cour de :
Vu l’article L. 332-1 du code de la consommation
Vu les articles L. 314-17, L. 331-1 et L. 343-5 du code de la consommation,
Vu l’article L. 311-22 du code monétaire et financier,
Vu les articles 1231-1 et 1343-5 du code civil,
infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
– condamné M. [T] à payer au Crédit mutuel la somme de 60 000 euros,
– dit que les sommes dues par M. [T] porteront intérêt au taux légal à compter du 9 décembre 2019 et que les intérêts ainsi décomptés par année entière seront capitalisés,
– condamné M. [T] à régler 70 % des dépens,
– condamné M. [T] à payer au Crédit mutuel la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Statuant à nouveau,
A titre principal :
dire et juger que l’engagement de caution de M. [T] en date du 1er juin 2018, est manifestement disproportionné,
dire et juger que le Crédit mutuel ne peut se prévaloir de l’acte de caution litigieux à l’encontre de M. [T],
en conséquence, débouter le Crédit mutuel de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire :
dire et juger que le Crédit mutuel n’a pas déféré à son obligation de mise en garde à l’égard de M. [T], caution non avertie,
en conséquence, condamner le Crédit mutuel à verser à M. [T] des dommages et intérêts à hauteur des sommes qu’il lui réclame, à savoir 60 000 euros, et ordonner la compensation entre les créances respectives des parties,
A titre infiniment subsidiaire :
dire et juger que le Crédit mutuel n’a pas déféré à son obligation d’information annuelle de la caution,
en conséquence, prononcer à l’encontre du Crédit mutuel la déchéance du droit aux intérêts contractuels depuis l’origine des engagements de caution, ainsi que la déchéance des intérêts et pénalités de retard depuis le premier incident de paiement,
dire et juger qu’à défaut pour le Crédit mutuel, de produire un décompte de créance expurgé de tous les intérêts, frais et pénalités, le Crédit mutuel devra être considéré comme ne justifiant pas d’une créance certaine en son montant,
constater en outre que le Crédit mutuel sollicite une condamnation totale de 96 000 euros, alors qu’il fixe sa créance à la somme de 68 392,34 euros,
en conséquence, débouter le Crédit mutuel de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de M. [T], faute de créance certaine, liquide et exigible,
A titre plus qu’infiniment subsidiaire :
octroyer à M. [T] un échelonnement de la dette sur 24 mois, avec imputation des paiements en priorité sur le capital,
En tout état de cause :
condamner le Crédit mutuel au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions notifiées le15 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, le Crédit mutuel demande en dernier lieu à la cour de:
Vu les articles 2288 et suivants du code civil,
déclarer recevable mais mal fondé l’appel interjeté par M. [T],
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
déclarer recevable et bien fondée l’action du Crédit mutuel.
en conséquence, condamner M. [T], en sa qualité de caution solidaire de la société [T] et fils échafaudages construction à payer au Crédit mutuel la somme de 60 000,00 euros en garantie de compte de prêt n°[XXXXXXXXXX02], outre intérêts à compter du 9 décembre 2019, date de la mise en demeure jusqu’à complet paiement.
juger que l’engagement de caution n’est pas disproportionné,
juger que le Crédit mutuel a respecté son obligation de mise en garde et d’information annuelle,
débouter M. [T] de sa demande en paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,
juger irrecevable le demande de M. [T] tendant à l’octroi de délai de paiement,
en tout état de cause, débouter M. [T] de ses plus amples demandes, fins et prétentions,
condamner M. [T], en sa qualité de caution solidaire de la société [T] et fils échafaudages construction à payer au Crédit mutuel la somme de 3 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
condamner M. [T], en sa qualité de caution solidaire de la société [T] et Fils Echafaudages construction aux entiers dépens.
L’affaire a été clôturée à la date du 13 mars 2023 et renvoyée à l’audience du 28 mars 2023, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 1er juin 2023, prorogé à ce jour.
MOTIFS ET DÉCISION
Sur la disproportion de l’engagement de caution
M. [T] soutient que le Crédit mutuel ne peut se prévaloir de son engagement de caution, celui-ci étant manifestement disproportionné à ses revenus.
Conformément aux articles 2288 et suivants du même code, celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même. Le cautionnement ne se présume point. Il doit être exprès et on ne peut l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.
L’article L.332-1 du code de la consommation, dispose qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution qui invoque la disproportion de son engagement d’en rapporter la preuve à la date du contrat.
Pour apprécier la disproportion, il convient de prendre en considération la situation patrimoniale de la caution dans sa globalité. Sont donc non seulement pris en compte les revenus et les biens propres de la caution mais également tous les éléments du patrimoine susceptibles d’être saisis. Viennent en déduction des actifs ainsi identifiés l’ensemble des prêts et des engagements souscrits par la caution à l’exception de ceux qui auraient été pris postérieurement à la souscription de la garantie litigieuse.
En l’absence d’anomalies apparentes, la fiche déclarative de patrimoine renseignée par la caution au moment de la souscription de l’engagement lui est opposable, conformément à l’article 1104 du code civil, sans que la banque ait à vérifier l’exactitude des éléments financiers déclarés.
En l’espèce, la banque produit la fiche patrimoniale renseignée par M. [T] le 29 mai 2018 (pièce n° 10 du Crédit mutuel) selon laquelle il a déclaré percevoir un salaire mensuel de 2 000 euros, complété par une pension d’invalidité de 829 euros mensuels, et disposer d’un important patrimoine immobilier d’une valeur de 2 230 000 euros, par l’intermédiaire de plusieurs sociétés (SCI les 3 Jonquilles, SCI les Capucines et société bar la Cigogne), sans préciser la part qu’il détient. Le montant du passif dû au titre de ce patrimoine est indiqué pour 605 541 euros, soit un patrimoine net de 1 624 459 euros.
Il a également déclaré devoir rembourser un crédit automobile pour lequel il restait alors dû un montant de 49 348 euros, sans précision de durée. Il a enfin précisé s’être porté caution de la SCI les 3 Jonquilles, au profit de la Banque Laydernier, et de la SCI les Capucines, au profit du Crédit agricole, sans en indiquer la date ni le montant. Il y a lieu de noter qu’il ne produit aujourd’hui aucune pièce relative à ces engagements de caution.
Cette fiche patrimoniale ne comporte aucune anomalie apparente, et, en tout état de cause, il appartient à M. [T] de rapporter la preuve de la disproportion de son engagement.
Or M. [T], qui ne conteste pas être l’auteur des renseignements portés dans la fiche de renseignements, prétend aujourd’hui que ses revenus n’étaient en réalité que de 1 551,75 euros par mois à la date de son engagement, et qu’il s’était porté caution antérieurement:
– à hauteur de 195 000 euros pour la société Rhône Alpes Echafaudages au profit de la Société Générale, la société débitrice ayant été mise en liquidation judiciaire le 24 juin 2014, et lui-même ayant été assigné en paiement par la banque en novembre 2017,
– à hauteur de 144 000 euros pour la société bar restaurant la Cigogne, selon acte du 4 février 2010, au profit de la Banque de Savoie, celle-ci l’ayant assigné en paiement en juin 2017,
– à hauteur de 104 000 euros de la société FM Démolition Construction, au profit de la Banque Laydernier, la société débitrice ayant été placée en liquidation judiciaire le 6 février 2018, lui-même ayant été assigné en paiement par la banque, puis condamné par jugement du 10 juillet 2020.
M. [T] expose encore qu’il était l’objet de plusieurs contraintes du RSI et qu’enfin le patrimoine immobilier n’était pas le sien mais celui de SCI.
Toutefois, M. [T] n’explique pas pour quelle raison il n’a pas fait mention de ses précédents engagements de caution, alors qu’au jour de son engagement de caution au profit du Crédit mutuel il avait fait l’objet d’au moins deux assignations en paiement en qualité de caution par deux banques différentes. Si les renseignements qu’il a donnés au Crédit mutuel sont inexacts ou incomplets c’est du fait de M. [T] seul et il ne peut être reproché à la banque de n’avoir pas cherché à obtenir des renseignements supplémentaires sur sa situation en l’état de la fiche qu’il avait renseignée. Seul M. [T] était en mesure de donner des informations complètes s’il avait eu un comportement loyal.
En ce qui concerne le patrimoine immobilier, le Crédit mutuel fait justement observer que M. [T] est associé majoritaire des deux SCI les Capucines et les 3 Jonquilles (pièce n° 4 de l’appelant) de sorte que la valeur des parts détenues dépend de celle des immeubles dont ces sociétés sont propriétaires. M. [T] ne s’y est d’ailleurs pas trompé en indiquant la valeur des immeubles propriété de ces deux SCI dans sa fiche patrimoniale.
Ainsi, et même en considérant que M. [T] aurait été engagé à hauteur de 547 904,68 euros à la date du 1er juin 2018 comme il le prétend, il apparaît que, compte tenu des valeurs déclarées par lui des immeubles des deux SCI, après déduction des emprunts en cours, et en tenant compte du fait qu’il était détenteur de 60 % des parts sociales de ces sociétés, la valeur nette de ses droits dans leur patrimoine s’élevait à 661 475,40 euros, et ce sans tenir compte de la valeur du fonds de commerce du bar la Cigogne et des murs dans lesquels ce fonds est exploité (déclaré pour 450 000 euros).
Il en ressort donc que, même avec les éléments aujourd’hui déclarés par M. [T], l’engagement de caution consenti au profit du Crédit mutuel n’était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus au 1er juin 2018.
Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.
Sur le devoir de mise en garde
M. [T] soutient que le Crédit mutuel ne l’a pas suffisamment mis en garde sur le risque d’endettement lié à l’engagement consenti et il fait grief au jugement déféré d’avoir retenu qu’il est une caution avertie.
Le banquier dispensateur de crédit est tenu, envers la caution, d’un devoir de mise en garde et sa responsabilité peut être engagée pour manquement à ce devoir si l’engagement de caution n’est pas adapté soit aux capacités financières de la caution, soit au risque d’endettement né de l’octroi du prêt, lequel s’apprécie compte tenu d’un risque caractérisé de défaillance du débiteur.
La banque n’est tenue de cette mise en garde qu’à l’égard de la caution non avertie, à moins qu’elle ait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l’état du succès escompté de l’opération cautionnée, des informations que la caution ignorait.
En l’espèce, c’est à juste titre et par des motifs que la cour adopte que le tribunal a retenu que:
– en l’absence de disproportion manifeste de l’engagement de caution litigieux, le risque d’endettement excessif n’est pas avéré,
– M. [T] apparaît comme dirigeant de nombreuses sociétés depuis au moins 2009, pour lesquelles il s’est porté caution auprès de divers établissements bancaires, de sorte qu’il n’ignorait pas la portée de son engagement,
– qu’avant même de s’engager au profit du Crédit mutuel, il avait d’ailleurs été assigné en paiement par deux autres établissements bancaires en qualité de caution, de sorte qu’il avait une parfaite conscience des conséquences éventuelles de son engagement en cas de défaillance de l’emprunteur,
– que le fait que M. [T] ait du mal à pérenniser l’activité de ses entreprises ne fait pas de lui une caution profane.
Il sera ajouté sur ce dernier point que M. [T] ne saurait exciper de la déconfiture de ses sociétés pour prétendre n’avoir pas été une caution avertie alors qu’il résulte des pièces produites aux débats qu’il dirige ou a dirigé depuis 1997 une société holding Financière [P] [T], qu’il est gérant du bar la Cigogne depuis 2009, et gérant des deux SCI les Capucines et les 3 Jonquilles (pièces n° 12 à 15 de l’intimé), sans compter les sociétés FM Démolition Construction et Rhône-Alpes Echafaudages dont il était également le dirigeant.
Ainsi, compte tenu de cette expérience particulièrement fournie, la banque n’était pas tenue à son égard d’un devoir de mise en garde.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [T].
Sur l’information annuelle de la caution
L’article L. 313-22 du code monétaire et financier dispose que, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l’information.
Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
En application de l’article L. 341-1 du code de la consommation, sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.
Il appartient à la banque de rapporter la preuve de l’envoi effectif de l’information annuelle, la preuve de la réception par la caution n’étant pas exigée.
En l’espèce, il convient de noter que le prêt a été octroyé le 1er juin 2018 et que la société [T] et fils a été placée en liquidation judiciaire dès le 19 novembre 2019, de sorte que la banque doit rapporter la preuve de l’information annuelle devant être délivrée au plus tard le 31 mars 2019. En effet, le prononcé de la liquidation judiciaire a rendu le prêt exigible et la caution a d’ailleurs été recherchée dès la mise en demeure du 9 décembre 2019 (pièce n° 7 de l’intimé), puis assignée en paiement le 24 février 2020, de sorte qu’il n’y a plus lieu à information annuelle postérieure.
Le Crédit mutuel produit le courrier simple adressé à M. [T] daté du 18 février 2019 contenant information sur la situation de la société [T] et fils, qui ne présentait alors aucun impayé (pièce n° 9).
M. [T] conteste avoir reçu ce courrier.
Toutefois, il convient de souligner qu’il ne conteste pas l’adresse qui y est portée, et, par ailleurs, le Crédit mutuel produit un procès-verbal de constat d’huissier établi le 12 mars 2019 (pièce n° 20) par lequel il est justifié des opérations de mise sous pli et expédition des informations annuelles des cautions, le numéro de lot porté sur le courrier destiné à M. [T] (GH.20190311) correspondant à ceux objet du constat. Les exemplaires annexés au procès-verbal portent également la date du 18 février 2019.
Il sera enfin ajouté qu’au jour de la liquidation judiciaire aucun incident de paiement n’avait été enregistré, de sorte qu’il n’y avait pas lieu à information de la caution sur un incident inexistant. Ainsi qu’il a été dit ci-dessus, M. [T] a été dûment informé du placement en liquidation judiciaire de la société [T] et fils.
Le jugement déféré sera donc encore confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [T] de déchéance de la banque de son droit aux intérêts.
Sur le montant de la créance
M. [T] ne discute pas le montant qui lui est réclamé de 60 000 euros qui correspond à son engagement de caution, la créance du Crédit mutuel sur la société [T] et Fils étant supérieure à ce montant ainsi qu’il résulte de la déclaration de créance au passif de la société.
Le jugement déféré sera donc confirmé quant à la condamnation prononcée.
Sur les délais de paiement
En application de l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront un intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
M. [T] sollicite les plus larges délais de paiement en excipant de sa situation financière actuelle.
Toutefois, s’il justifie de ressources modestes, il ne donne aucune explication sur le patrimoine dont il a fait état lorsqu’il s’est engagé au profit du Crédit mutuel. En outre, il ne précise pas de quelle manière il entend payer sa dette et ne formule aucune proposition de règlement.
Par ailleurs, par l’effet de la durée de la procédure, il a d’ores et déjà bénéficié, de fait, de larges délais de paiement, sans avoir procédé au moindre paiement.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de délais de paiement.
Sur les demandes accessoires
Il serait inéquitable de laisser à la charge du Crédit mutuel la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [T], qui succombe en son appel, en supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Annecy le 1er juillet 2021 en toutes ses dispositions concernant M. [P] [T],
Y ajoutant,
Condamne M. [P] [T] à payer à la Caisse régionale de Crédit mutuel St Félix – Pays des Bauges, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,
Condamne M. [P] [T] aux entiers dépens de l’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 15 juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente