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14 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n°
21-25.204
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 juin 2023
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 423 F-B
Pourvoi n° E 21-25.204
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023
1°/ La société Eurotitrisation, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], agissant en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, venant aux droits du fonds commun de titrisation Isodev, compartiment Génération 2, représenté par la société France titrisation, venant lui-même aux droits de la société Isodev,
2°/ la société France titrisation, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de représentant du fonds commun de titrisation FCT Isodev, compartiment Génération 2, venant aux droits de la société Isodev,
ont formé le pourvoi n° E 21-25.204 contre l’arrêt rendu le 27 septembre 2021 par la cour d’appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Mme [P] [K], domiciliée [Adresse 3], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul,
3°/ à la société ADJE administrateurs judiciaires, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [M] [Z], prise en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul,
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Eurotitrisation, ès qualités, et France titrisation, ès qualités, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, et l’avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 27 septembre 2021), le 3 février 2014, la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul (la société Sifferlin) a emprunté à la société Isodev une somme de 103 500 euros pour une durée de cinq ans. Le 31 juillet 2014, la société Isodev a cédé sa créance au fonds commun de titrisation dénommé « FCT Isodev » dont la société de gestion était la société France titrisation.
2. En février 2015, la société Isodev a été mise en liquidation judiciaire. Par une lettre du 2 avril 2015, la société Eos Credirec a informé la société Sifferlin de la titrisation intervenue et l’a invitée à prendre attache avec elle en sa qualité de nouveau gestionnaire du contrat.
3. La société Sifferlin n’ayant plus été en mesure de rembourser les échéances du prêt, la société Eos Credirec a prononcé, le 12 janvier 2016, la déchéance du terme.
4. Le 30 janvier 2017, la société Sifferlin a été mise en redressement judiciaire, la société ADJE administrateurs judiciaires étant nommée administrateur et Mme [K] mandataire judiciaire. Le 15 mars 2017, la société France titrisation, en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Isodev, a déclaré la créance de celui-ci que la société Sifferlin a contestée.
5. Le 10 octobre 2019, la créance a été cédée au fonds commun de titrisation Credinvest, géré par la société Eurotitrisation.
6. Par une ordonnance du 16 décembre 2020, le juge-commissaire a déclaré recevable la déclaration de créance du 15 mars 2017 et admis la créance du fonds commun de titrisation Credinvest, représenté par la société Eurotitrisation, à concurrence de la somme de 113 750,48 euros à titre chirographaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
7. Les sociétés Eurotitrisation et France titrisation, en leurs qualités respectives de représentantes des fonds communs de titrisation Credinvest et Isodev, font grief à l’arrêt de déclarer irrecevable la déclaration de créance de la société France titrisation en raison de son défaut de qualité à agir, de rejeter la créance et de la déclarer inopposable au plan pour un montant total de 113 750,78 euros TTC, alors :
« 2°/ qu’il résultait des dispositions combinées des articles L. 214-172 et L. 214-180 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, que la société de gestion d’un fonds de titrisation n’avait pas qualité pour agir en recouvrement des créances qui avaient été cédées à celui-ci par bordereau, sauf si elle avait été désignée à cet effet et si le débiteur en avait été informé par lettre simple ; que toutefois, en application de l’article 126 du code de procédure civile, cette fin de non-recevoir a disparu à la suite de l’entrée en vigueur, en cours d’instance, de l’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 puis de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, modifiant l’article L. 214-172 du code monétaire et financier, qui a conféré à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d’une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées ; qu’en affirmant, au contraire, que “la circonstance que France Titrisation ait ultérieurement obtenu la qualité légale pour déclarer la créance n’a pu faire disparaître son défaut de qualité au jour où la créance était déclarée en son nom, date à laquelle la créance ne pouvait être déclarée que par la société Eos Credirec”, la cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa version issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, et l’article 126 du code de procédure civile ensemble l’article L. 622-24 du code de commerce ;
3°/ qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa version issue de l’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, et l’article 126 du code de procédure civile ensemble l’article L. 622-24 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, et l’article 126 du code de procédure civile :
8. Il résultait des dispositions combinées des articles L. 214-172 et L. 214-80 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, que si, ne jouissant pas de la personnalité morale, un fonds commun de titrisation était, à l’égard des tiers et dans toute action en justice, représenté par sa société de gestion, il appartenait à celui qui lui transférait des créances par bordereau, ou à l’entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d’exercer les actions en justice nécessaires, et, le cas échéant, de déclarer les créances au passif du débiteur lorsqu’il avait été mis en procédure collective, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie de ce recouvrement à une autre entité désignée à cet effet supposant que le débiteur soit informé de cette modification par lettre simple. Si, par suite, la déclaration de créance opérée par un fonds commun de titrisation sous l’empire des textes précités était irrecevable, la disparition de cette fin de non-recevoir, en application du second texte susvisé, résulte de l’entrée en vigueur au cours de l’instance en vérification et admission des créances, le 3 janvier 2018, de l’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, puis, le 24 mai 2019, de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, conférant à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d’une action en justice ou d’une déclaration de créance, tout ou partie du recouvrement des créances transférées.
9. Pour dire irrecevable la déclaration de créance de la société France titrisation du 15 mars 2017, l’arrêt énonce que seule la société chargée du recouvrement de la créance bénéficie du droit d’agir en justice et retient que la société France titrisation n’a obtenu la qualité légale pour agir en recouvrement et déclarer la créance que du fait de la modification de l’article L. 214-172 par l’ordonnance du 4 octobre 2017, entrée en vigueur le 3 janvier 2018, soit après la déclaration de créance effectuée en son nom, de sorte qu’au jour où elle a été faite, la déclaration de créance l’a été au nom d’une personne dépourvue de qualité à cet effet, la circonstance que la société France titrisation ait ultérieurement obtenu la qualité légale pour déclarer la créance n’ayant pu faire disparaître son défaut de qualité au jour où la créance a été déclarée en son nom.
10. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait qu’au cours de la procédure de vérification et d’admission des créances, la société France titrisation avait obtenu, en tant que représentante du fonds commun de titrisation auquel la créance avait été transférée, qualité légale pour déclarer la créance, ce dont il résultait que la fin de non-recevoir avait disparu, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 septembre 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Metz ;
Condamne la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, Mme [K], en qualité de mandataire judiciaire de cette société, et la société ADJE administrateurs judiciaires, en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.