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13 juillet 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
22/02351
Ordonnance n 31
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13 Juillet 2023
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N° RG 22/02351 –
N° Portalis DBV5-V-B7G-GUIC
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[J] [M]
C/
S.E.L.A.R.L. [F] ET ASSOCIES,
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Ordonnance notifiée aux parties le :
R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT
Contestation d’honoraires d’avocat
Rendue le treize juillet deux mille vingt trois
Dans l’affaire qui a été examinée en audience publique le vingt deux juin deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère, agissant sur délégation de la première présidente de la cour d’appel de POITIERS, conformément à son ordonnance en date du 1er décembre 2022, assistée de Madame Inès BELLIN, greffière, lors des débats.
ENTRE :
Monsieur [J] [M]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Laurence TAUZIN, avocat au barreau de POITIERS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022-001078 du 30/01/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de POITIERS)
DEMANDEUR en contestation d’honoraires,
D’UNE PART,
ET :
S.E.L.A.R.L. [F] ET ASSOCIES, représentée par Maître [L] [G], membre de la SELARL EKIP, ès-qualité de liquidateur judiciaire selon décision du tribunal judiciaire de La Rochelle en date du 18 janvier 2022
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Olivier BOURU, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Bruno MAZAUDON, avocat au barreau de POITIERS
Maître Maître [L] [G], membre de la SELARL EKIP, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [F] et associés selon décision du tribunal judiciaire de LA ROCHELLE en date du 18 janvier 2022
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Olivier BOURU, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Bruno MAZAUDON, avocat au barreau de POITIERS
Maître [E] [R], Avocat Honoraire, en qualité de mandataire ad-hoc pour exercer les droits propres de la SELARL [F], notamment dans le cadre de l’ensemble des instances en cours, selon décision du tribunal judiciaire de LA ROCHELLE en date du 8 février 2023
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
DEFENDEURS en contestation d’honoraires,
D’AUTRE PART,
ORDONNANCE :
– Contradictoire
– Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– Signée par Madame Estelle LAFOND, conseillère agissant sur délégation de la première présidente et par Madame Inès BELLIN, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Par courrier réceptionné le 17 janvier 2022, Monsieur [J] [M] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Saintes d’une contestation des honoraires facturés par la SELARL [F] et Associés à la somme de 1 200 euros.
Par jugement du 18 janvier 2022, publié au BODACC le 27 février 2022, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte au bénéfice de la SELARL [F] et Associés.
Par décision du 15 septembre 2022, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Saintes a taxé les honoraires de la SELARL [F] et Associés à la somme de 833,33 euros hors taxes, soit 1 000 euros toutes taxes comprises et l’a condamnée à restituer le trop-perçu à Monsieur [J] [M], soit la somme de 200 euros toutes taxes comprises, à déclarer au passif de la liquidation.
La décision du bâtonnier a été notifiée à Monsieur [J] [M] le 20 septembre 2022, lequel a formé un recours entre les mains de la première présidente de la cour d’appel de Poitiers le 21 septembre 2022.
L’affaire, appelée une première fois à l’audience du 24 novembre 2022, a été renvoyée à l’audience du 26 janvier 2023, avant d’être évoquée à l’audience du 22 juin 2023.
Monsieur [J] [M], représenté par son conseil, Maître [X] [B], expose avoir confié la défense de ses intérêts à Maître [C] [F], membre de la SELARL [F] et Associés dans le cadre d’une procédure devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saintes en défense sur une assignation en vue d’une résiliation de bail d’habitation.
Il indique avoir réglé à son avocat la somme de 1 200 euros alors que ce dernier n’aurait accompli aucune diligence dans le dossier.
Il conteste ainsi la décision du bâtonnier taxant les honoraires de la SELARL [F] et Associés à la somme de 1 000 euros et la condamnant à lui restituer la somme de 200 euros.
Il estime que l’ensemble des honoraires versées serait injustifié, soit la somme de 1 200 euros, indiquant que la SELARL [F] et Associés ne justifierait pas des diligences retenues par le bâtonnier.
Monsieur [J] [M] indique être handicapé avec un taux d’incapacité supérieur à 80% et bénéficier de l’allocation adulte handicapé, de sorte qu’il aurait été éligible à l’aide juridictionnelle totale.
Il fait valoir qu’il appartiendrait ainsi à la SELARL [F] et Associés de justifier l’avoir informé de son droit à l’aide juridictionnelle et qu’il y aurait renoncé en toute connaissance de cause, à défaut de quoi elle perdrait son droit à honoraires.
Monsieur [J] [M] sollicite, à titre principal, la taxation des honoraires de la SELARL [F] & Associés à la somme de 0 euro et, à titre subsidiaire, que soit retenu un taux horaire de 60 euros toutes taxes comprises au regard de ses capacités financières.
Maître [E] [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la SELARL [F] & Associés et la SELARL EKIP, liquidateur judiciaire de la SELARL [F] & Associés, concluent au débouté du recours de Monsieur [J] [M] et de toutes ses demandes.
Ils font valoir que les demandes de Monsieur [J] [M] tendraient indirectement, mais nécessairement, à voir reconnaitre une créance de restitution d’honoraires à son profit, à l’encontre de la SELARL [F] & Associés, alors que ladite créance serait inopposable à la procédure collective faute d’avoir été régulièrement déclarée entre les mains du liquidateur.
Maître [E] [R] et la SELARL EKIP indiquent ainsi que la demande de Monsieur [J] [M] se heurterait aux dispositions de l’article L.622-24 du code de commerce, lequel interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a une origine antérieure à l’ouverture de la procédure collective et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.
Ils font valoir que le jugement de liquidation judiciaire ayant été publié au BODACC le 27 février 2022, le délai de déclaration de créance serait expiré depuis le 27 avril 2022 et celui pour exercer une action en relevé de forclusion depuis le 27 août 2022.
Ils indiquent qu’en l’absence d’une déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de la SELARL [F] & Associés ou d’une action en relevé de forclusion dans les délais impartis, Monsieur [J] [M] ne serait ni recevable, ni fondé à invoquer une quelconque créance à son encontre.
Maître [E] [R] et la SELARL EKIP ajoutent qu’il ressortirait des éléments du dossier que les honoraires perçus par la SELARL [F] & associés seraient justifiés au regard des diligences accomplies dans le dossier de Monsieur [J] [M].
En réponse à l’argumentation de Maître [E] [R] et de la SELARL EKIP, Monsieur [J] [M] indique avoir engagé une action en relevé de forclusion devant le tribunal de commerce en application des dispositions de l’article L.622-26 du code de commerce aux termes desquelles « si le créancier justifie avoir été placé dans l’impossibilité de connaître l’obligation du débiteur avant l’expiration du délai de six mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu’il ne pouvait ignorer l’existence de sa créance », de sorte que la présente décision ne pourrait préjuger de ce que dira le tribunal de commerce.
Il fait valoir, en outre, ne présenter aucune demande de condamnation à l’encontre de la SELARL [F] & Associés, mais simplement une demande de fixation de ses honoraires.
MOTIFS
Sur la recevabilité du recours de Monsieur [J] [M] :
Selon l’article 176 du décret du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel qui est saisi par l’avocat ou la partie par lettre recommandée avec accusé de réception. Le délai de recours est d’un mois à compter de la notification de la décision. En l’espèce, la décision du bâtonnier a été notifiée à Monsieur [J] [M] le 20 septembre 2022, lequel a formé un recours entre les mains de la première présidente de la cour d’appel de Poitiers le 21 septembre 2022.
Sur l’irrecevabilité soulevée par Maître [E] [R] et la SELARL EKIP sur le fondement de l’article L.622-24 du code de commerce, il convient de rappeler que ce n’est pas l’origine de la créance mais sa naissance qui détermine sa date, de sorte qu’en l’espèce elle ne saurait être antérieure à la décision du bâtonnier et par conséquent de la liquidation judiciaire. Les créanciers, dont la créance est née postérieurement au jugement d’ouverture mais ne répond pas aux conditions de l’article L. 622-17 du code de commerce ou de l’article L. 641-13 du code de commerce, doivent déclarer leurs créances échues ou à échoir dans les mêmes délais. Cependant le délai de déclaration de deux mois court à compter de l’exigibilité de la créance. Il appartiendra au juge-commissaire saisi de statuer sur l’admission ou non d’une éventuelle créance.
Le recours de Monsieur [J] [M] est recevable et régulier en la forme.
Sur le fond :
Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats sont réglées en recourant à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.
Il résulte de l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, que sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
A défaut de convention, les honoraires sont fixés au regard de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci, conformément au quatrième alinéa de l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.
Il sera rappelé qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’honoraire de se prononcer sur l’éventuelle responsabilité civile de l’avocat à l’égard de son client, liée au manquement à son devoir de conseil et d’information, ou à une exécution défectueuse de sa prestation. De tels griefs relèvent de la responsabilité professionnelle de l’avocat et non de l’évaluation des honoraires et ils ne peuvent pas non plus justifier une réduction de sa rémunération.
En l’espèce, il résulte des pièces produites et des explications données par les parties que Monsieur [J] [M] a confié la défense de ses intérêts à Maître [C] [F], membre de la SELARL [F] et Associés dans le cadre d’une procédure devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saintes en défense sur une assignation en vue d’une résiliation de bail d’habitation.
Aucune convention d’honoraires n’a été signée par les parties.
Au vu des pièces produites et des explications des parties, il est établi que Maître [C] [F] a accompli les diligences suivantes :
la tenue d’un rendez-vous physique avec son client le 7 janvier 2021,
l’étude du dossier ;
la rédaction de conclusions en défense en vue de l’audience de renvoi du 8 mars 2021, accompagnées de huit pièces ;
les échanges de mails avec le client.
Les honoraires réclamés s’établissent à un montant total de 1 200 euros toutes taxes comprises, entièrement réglés par Monsieur [J] [M].
La somme sollicitée n’apparaît pas justifiée au regard des diligences accomplies et c’est à juste titre que le bâtonnier de l’ordre des avocats a retenu que même si des diligences certaines avaient été accomplies, Maître [C] [F] n’était pas allé au bout de sa mission, ce qui justifiait de réduire les honoraires de la SELARL [F] et Associés à la somme de 833,33 euros hors taxes, soit 1 000 euros toutes taxes comprises et d’ordonner la restitution de la somme de 200 euros toutes taxes comprises à Monsieur [J] [M].
La décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Saintes sera donc confirmée.
En l’espèce, le fait générateur de la créance en restitution d’honoraires fixée par la présente ordonnance est de fait postérieur à l’ouverture de la procédure collective, de sorte que la créance n’est pas soumise à déclaration.
Ainsi, les moyens soulevés par Maître [E] [R] et la SELARL EKIP tendant à retenir que la demande de Monsieur [J] [M] se heurterait aux dispositions de l’article L.622-24 du code de commerce, lequel interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a une origine antérieure à l’ouverture de la procédure collective est inopérant.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence, statuant par délégation de la première présidente, par mise à disposition au greffe et par ordonnance réputée contradictoire,
Déclarons le recours de Monsieur [J] [M] recevable et régulier en la forme,
Confirmons l’ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Saintes en date du 15 septembre 2022.
Disons que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure de liquidation judiciaire.
La greffière, La déléguée de la première présidente,