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13 juillet 2023
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
21/01015
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 13 Juillet 2023
N° RG 21/01015 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GWLU
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 28 Avril 2021, RG 2021F00103
Appelante
Mme [X] [E] divorcée [U]
née le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]
Représentée par la SCP ARMAND – CHAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimée
S.A. BANQUE LAYDERNIER, dont le siège social est sis [Adresse 1] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SCP SAILLET & BOZON, avocat au barreau de CHAMBERY
-=-=-=-=-=-=-=-=-
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 09 mai 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie LAVAL, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Mme Myriam REAIDY, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS ACP, dont Mme [E] (divorcée [U]) était alors la présidente, a ouvert un compte courant n° [XXXXXXXXXX03] dans les livres de la Banque Laydernier. Le 7 décembre 2013, la banque a consenti à la société ACP une facilité de trésorerie associée à ce compte dans la limite de 25.000 euros.
Par acte du même jour, Mme [E] s’est portée caution personnelle et solidaire au profit de la Banque Laydernier, en garantie du remboursement tous engagements souscrits par la société ACP, dans la limite de 16 250 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, et pour une durée de 10 ans.
Par jugement du 14 janvier 2014, le tribunal de commerce de Chambéry a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société ACP. La Banque Laydernier a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 février 2014, pour un montant de 69 302,35 euros, à titre chirographaire, outre intérêts au taux contractuel de 9,5 % jusqu’à parfait paiement.
La créance a été admise pour ce montant par le juge commissaire.
Le 24 janvier 2017, le tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la résolution du plan de sauvegarde et ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société ACP. La créance actualisée de la banque a été admise pour 60 293,05 euros.
Enfin, par jugement du 25 septembre 2017, le tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la liquidation judiciaire de la société ACP, procédure dont la clôture pour insuffisance d’actif a été prononcée le 11 septembre 2020.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 octobre 2020, la Banque Laydernier a informé Mme [E] de la clôture de la liquidation judiciaire de la société ACP, et l’a mise en demeure de lui payer la somme de 16 250 euros. Cette mise en demeure, ainsi que celle du 11 janvier 2021, n’a été suivie d’aucun effet.
C’est dans ces conditions que, par acte délivré le 15 mars 2021, la Banque Laydernier a fait assigner Mme [E] devant le tribunal de commerce de Chambéry en paiement de la somme de 16 250 euros outre intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2020, outre une indemnité procédurale.
Mme [E] n’a pas comparu devant le tribunal.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 28 avril 2021, le tribunal de commerce de Chambéry a:
constaté que Mme [E] n’a pas constitué avocat,
condamné Mme [E] à payer, en deniers ou quittances valables, à la Banque Laydernier:
– la somme de 16 250,00 euros,
– les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 30 octobre 2020,
– la somme de 800 euros à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– les dépens.
Par déclaration du 11 mai 2021, Mme [E] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance rendue le 14 avril 2022, le conseiller de la mise en état a essentiellement déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir la demande présentée par Mme [E] au nom de M. [O].
Par conclusions notifiées le 8 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, Mme [E] demande en dernier lieu à la cour de :
Vu les anciens articles L. 341-1, L. 341-2, L. 341-4 du code de la consommation,
Vu l’article L. 313-22 du code monétaire et financier,
Vu l’article L. 622-28 du code de commerce,
Vu l’article 1343-5 du code civil,
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [E] à payer en deniers ou quittances valables à la Banque Laydernier :
– la somme de 16 250 euros montant principal de la cause sus-énoncée
– les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 30 octobre 2020
– la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
Et statuant à nouveau,
dire et juger que la Banque Laydernier a manqué à son obligation d’information à l’égard de Mme [E] (divorcée [U]),
condamner la Banque Laydernier à verser à Mme [E] (divorcée [U]) la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
dire et juger que l’engagement de caution de Mme [E] (divorcée [U]) est disproportionné,
en conséquence, dire et juger que la Banque Laydernier ne peut se prévaloir de l’engagement de caution de Mme [E] (divorcée [U]),
Subsidiairement,
constater que la Banque Laydernier ne justifie pas du respect de son obligation d’information annuelle de Mme [E] (divorcée [U]),
en conséquence, dire et juger que la Banque Laydernier doit être déchue du droit aux intérêts conventionnels du prêt ainsi qu’à tout intérêt, majorations ou pénalités de retard et ce depuis la première échéance du prêt,
dire et juger que les sommes réglées par la Société ACP doivent s’imputer en priorité sur le capital,
dire et juger que seul le taux d’intérêt légal sera applicable aux sommes dues, sans majoration de 5 points, la déchéance du droit aux intérêts résultant d’une faute de la banque,
Très subsidiairement,
dire et juger que Mme [E] (divorcée [U]) pourra bénéficier d’un délai de paiement sur deux ans pour régler les sommes dont elle serait redevable à la Banque Laydernier,
En tout état de cause,
condamner la Banque Laydernier à verser à Mme [E] (divorcée [U]) la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l’instance.
Par conclusions notifiées le 22 mars 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la Société Générale, venant aux droits et obligations de la Banque Laydernier demande en dernier lieu à la cour de :
Vu les articles 1134 ancien et s. du Code civil,
Vu l’article 1315 ancien du Code civil,
Vu les articles 2288 et suivants du Code civil,
Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile,
constater que la Société Générale vient aux droits de la Banque Laydernier par suite des opérations de fusion-absorption de la Banque Laydernier par le Crédit du Nord, puis de la fusion absorption du Crédit du Nord par la Société Générale, suivant traités de fusion par voie d’absorption par actes sous-seing privés du 15 juin 2022, lesdites fusions-absorptions étant devenues définitives le 1er janvier 2023,
constater que le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable la demande de Mme [E] de voir juger que la Banque Laydernier a manqué à son obligation d’information à l’égard de M. [O],
juger mal fondées les demande de Mme [E],
débouter Mme [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
confirmer le jugement entrepris qui a condamné Mme [E] à payer, en deniers ou quittances valables, à la SA Banque Laydernier :
– la somme de 16 250,00 euros ;
– les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 30 octobre 2020 ;
– la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les dépens.
vu la fusion absorption intervenue, juger que les condamnations prononcées en première instance le sont en faveur de la Société Générale venant aux droits de la Banque Laydernier,
A titre subsidiaire, si la cour devait accorder des délais de grâce,
dire et juger qu’à défaut de règlement d’une seule mensualité à sa date, l’intégralité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible et la Société Générale venant aux droits de la Banque Laydernier pourra engager les poursuites,
En tout état de cause,
condamner Mme [E] à payer à la Société Générale aux droits de la Banque Laydernier la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner Mme [E] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Saillet & Bozon en application de l’article 699 du code de procédure civile.
L’affaire a été clôturée à la date du 06 avril 2023 et renvoyée à l’audience du 09 mai 2023, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 06 juillet 2023, prorogé à ce jour.
MOTIFS ET DÉCISION
A titre liminaire, il convient de constater que la Société Générale justifie venir aux droits de la Banque Laydernier ensuite des fusions absorptions successives intervenues et rappelées ci-dessus. Au demeurant Mme [E] ne conteste pas la qualité à intervenir de la Société Générale.
Sur le manquement de la banque à son obligation de s’informer sur la situation financière de la caution
Pour fonder sa demande indemnitaire, Mme [E] se prévaut du fait qu’elle n’a renseigné aucune fiche de patrimoine avant la formalisation de son engagement de caution. Elle soutient en conséquence que la banque a commis une faute à son égard pour n’avoir pris aucune information sur sa situation financière.
L’établissement d’une fiche de renseignement préalable à l’engagement, permet à la banque d’opposer à la caution, sauf anomalie apparente, sa propre déclaration de patrimoine et d’établir, le cas échéant, l’absence de disproportion manifeste au jour du cautionnement.
Toutefois l’établissement d’une telle fiche n’est pas une obligation légale, et son absence a pour seul effet de permettre à la caution qui entend se prévaloir de la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, de rapporter la preuve de cette disproportion par tous moyens, sans qu’une déclaration puisse lui être opposée.
Aucune faute n’est donc établie de ce chef.
Sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde
Mme [E] soutient encore que, faute pour la banque de s’être renseignée sur sa situation financière, elle ne l’a pas mise en garde sur le risque d’endettement excessif lié à la souscription de son engagement, ni conseillée de manière pertinente.
Il est de jurisprudence constante que le banquier dispensateur de crédit est tenu, envers la caution, d’un devoir de mise en garde et sa responsabilité peut être engagée pour manquement à ce devoir si l’engagement de la caution n’est pas adapté, soit à ses capacités financières, soit au risque d’endettement né de l’octroi du prêt, lequel s’apprécie compte tenu d’un risque caractérisé de défaillance du débiteur.
Toutefois, la banque n’est pas tenue d’une telle obligation à l’égard d’une caution avertie, à moins que le prêteur ait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l’état du succès escompté de l’opération cautionnée, des informations que la caution ignorait.
En l’espèce, la Société Générale soutient que Mme [E] est une caution avertie puisqu’elle dirigeait la société ACP depuis déjà cinq ans au moment de son engagement.
Mme [E] n’a pas répondu à ce moyen.
Or elle ne conteste pas avoir été présidente de la SAS ACP depuis le 09 décembre 2008, soit depuis cinq ans à la date de son engagement de caution. S’agissant d’une simple facilité de trésorerie, l’opération ne présentait pas un caractère particulièrement complexe et Mme [E] rappelle elle-même qu’elle s’était déjà portée caution à au moins trois reprises au bénéfice d’autres établissements financiers pour la société ACP (deux engagements en décembre 2012 et janvier 2013, pièces n° 6 et 7) mais également pour une société CIMS Fraissard, dont le siège social était à son adresse personnelle et dont elle était associée (en novembre 2007, pièce n° 7).
Il résulte de ce qui précède que Mme [E] est une caution avertie, de sorte que la banque n’était pas tenue à son égard à un devoir de mise en garde.
Aucune faute ne peut donc être retenue de ce chef contre la banque et la demande de dommages et intérêts sur ce fondement sera rejetée.
Sur la disproportion
En application de l’article L.341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur au jour de la signature de l’acte de caution litigieux, (devenu l’article L.332-1), un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
L’appréciation de la disproportion se fait donc à la date du cautionnement, à charge pour la caution de démontrer son existence. Dans l’affirmative, le créancier peut toutefois démontrer que le patrimoine de la caution est suffisant pour honorer l’engagement au jour de l’appel en garantie. A défaut, l’acte de cautionnement est inopposable à la caution.
Cette disposition est mobilisable par toutes les cautions personnes physiques, qu’elles soient ou non averties.
Pour apprécier la disproportion, il convient de prendre en considération la situation patrimoniale de la caution dans sa globalité. Sont donc non seulement pris en compte les revenus et les biens propres de la caution mais également tous les éléments de patrimoine susceptibles d’être saisis.
Concernant l’appréciation de la disproportion manifeste au jour de la signature de l’engagement, viennent en déduction des actifs ainsi identifiés l’ensemble des prêts et des engagements souscrits par la caution à l’exception de ceux qui auraient été pris postérieurement à la souscription de la garantie litigieuse.
S’agissant de l’appréciation de la disproportion au jour de l’appel en garantie, la consistance du patrimoine de la caution à prendre en considération s’entend de son endettement global à cette date, en ce compris celui résultant d’autres engagements de la caution.
En l’absence de fiche de renseignements remplie par Mme [E] au jour de son engagement, soit le 7 décembre 2013, il lui appartient de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle allègue.
Il ressort des pièces produites aux débats que Mme [E], qui était alors encore mariée à M. [U], a perçu des revenus de 28 778 euros en 2011, auxquels s’ajoutent des revenus foncier pour le couple de 5993 euros, soit 2996,50 euros pour elle-même (pièce n° 4 de l’appelante). Elle ne produit pas de justificatif de ses revenus en 2012 et 2013.
Concernant le patrimoine, outre ses parts dans la société ACP et la société CIMS Fraissard, dont on ignore la valeur, il résulte des documents produits par la banque que Mme [E] était propriétaire, en commun avec son époux, d’un bien immobilier à [Localité 5], lequel a été vendu en 2016 pour 244 800 euros, dont moitié revenant à Mme [E]. Ce bien peut donc être estimé à 122 400 euros au plus à la date de l’engagement. Mme [E] ne fait état d’aucun emprunt courant sur ce bien en 2013, c’est donc cette valeur nette qu’il convient de retenir.
L’appelante ne fait état d’aucun crédit ou emprunt personnel auquel elle aurait dû faire face à cette époque.
Mme [E] justifie par ailleurs s’être portée caution antérieurement :
– le 23 novembre 2007, de la société CIMS Fraissard au profit du Crédit agricole, dans la limite de 80 000 euros pour une durée de 108 mois. Le prêt consenti à la société CIMS Fraissard est d’un montant de 360 000 euros pour 84 mois, soit jusqu’en octobre 2014 (pièce n° 7).
– le 14 décembre 2012, de la société ACP, au profit du Crédit mutuel, dans la limite de 60 000 euros, pour une durée de six ans. Le prêt consenti à la société ACP est d’un montant de 207 000 euros, pour une durée de 48 mois, soit jusqu’en décembre 2016 (pièce n° 6).
– le 15 janvier 2013, de la société ACP, au profit du Crédit agricole, dans la limite de 30 000 euros, pour une durée de 120 mois. Le crédit de trésorerie consenti à la société ACP est d’un montant de 60 000 euros, pour une durée indéterminée.
La caution était donc susceptible d’être actionnée à la date du 7 décembre 2013 pour ces trois engagements antérieurs, pour un montant total de 170 000 euros.
La Société Générale soutient que le chiffre d’affaires réalisé à l’époque par la société ACP était de 1 058 597 euros au 31 août 2013 et que la valeur des parts sociales était nécessairement importante. Toutefois aucun document produit ne justifie le chiffre d’affaires avancé, étant rappelé que la procédure de sauvegarde de la société ACP a été ouverte dès le mois de janvier 2014, soit un mois après l’engagement litigieux, de sorte que la valeur des parts ne peut qu’être très relativisée.
Il résulte de ce qui précède que, en ajoutant l’engagement litigieux, Mme [E] était caution pour un total de 186 250 euros, excédant son patrimoine immobilier, et auquel elle ne pouvait manifestement pas faire face à la date de son engagement, ses revenus n’étant pas suffisants pour pallier l’insuffisance de patrimoine.
Cet engagement est donc, à la date à laquelle il a été souscrit, manifestement disproportionné.
La Société Générale soutient qu’en tout état de cause, la situation financière de Mme [E], au jour où elle est appelée, lui permet de faire face à son engagement de caution.
Mme [E] ne précise pas le sort de l’engagement de caution le plus ancien, venu à échéance avant qu’elle ne soit appelée par la Banque Laydernier. Concernant la société ACP il est constant que les parts sociales de celle-ci n’ont plus aucune valeur puisque la société a fait l’objet d’une liquidation judiciaire, clôturée pour insuffisance d’actif le 11 septembre 2020. Mme [E] ne donne aucune information quant aux poursuites dont elle pourrait avoir fait l’objet de la part du Crédit agricole ou du Crédit mutuel pour les deux autres engagements de caution de la société ACP.
Ses revenus en 2019 se sont élevés à 40 963 euros, et la Société Générale produit un état hypothécaire duquel il ressort que Mme [E] est propriétaire, pour 1/4 en indivision, de terrains d’une valeur globale de 195 623 euros, soit un peu plus de 48 000 euros pour sa part. En revanche, il ne peut être tenu compte des liquidités récoltées lors de la vente du bien immobilier de Aiton en 2016, cette vente étant antérieure de près de cinq ans à l’assignation en paiement.
Si Mme [E] justifie en outre faire l’objet d’une procédure de licenciement pour motif économique en mars 2021, pour autant elle ne justifie pas de ses revenus actuels, de sorte que doivent être retenus ceux de 2019.
Il résulte de ce qui précède qu’au jour où elle est appelée, Mme [E] dispose d’un patrimoine suffisant pour faire face à son engagement de sorte que la Société Générale est bien fondée à s’en prévaloir.
Sur l’information annuelle de la caution
Mme [E] soutient que la banque doit être déchue de tout droit aux intérêts, faute de justifier de l’information annuelle due à la caution, la procédure collective ouverte à l’égard du débiteur principal ne mettant pas fin à cette obligation.
En application de l’article L.313-22 code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à la date de l’engagement litigieux, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l’information.
Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
En l’espèce, le cautionnement a été consenti le 7 décembre 2013, de sorte que la première information due par la banque devait intervenir le 31 mars 2014.
Or il résulte des pièces produites aux débats que la société ACP a été placée en procédure de sauvegarde le 14 janvier 2014, la déclaration de créance de la Banque Laydernier ayant été faite le 3 février 2014 pour 69 302,35 euros. S’agissant d’une autorisation de découvert en compte courant, aucune mensualité n’est prévue, le remboursement dépendant du fonctionnement du compte lui-même.
Postérieurement à cette date, la banque a perçu des dividendes du plan de sauvegarde, et aucun intérêt contractuel n’a couru sur le principal ramené en dernier lieu à 57 523,79 euros selon l’indication de la Société Générale. Le relevé des sommes dues au 12 novembre 2020 (pièce n° 11 de l’intimée) révèle en effet que la créance n’a pas été augmentée d’un quelconque taux d’intérêt, ni de pénalités de retard.
Ainsi, et quand bien même la banque ne justifie pas de l’information annuelle de la caution, force est de constater que la déchéance du droit aux intérêts encourue est sans effet sur le montant dû par Mme [E] au titre de son engagement de caution, lequel est très inférieur au montant du principal de la créance, aucun intérêt contractuel ni pénalités n’ayant été ajoutés au-delà du 03 février 2014.
Enfin, Mme [E] se prévaut de l’absence d’information de la part de la banque du premier incident de paiement non régularisé (article L. 341-1 de l’ancien code de la consommation), pour obtenir la même sanction.
Toutefois, outre les motifs ci-dessus, il convient de rappeler que, s’agissant d’une autorisation de découvert en compte, cette disposition n’est pas applicable, le dépassement du découvert autorisé n’étant pas un incident de paiement au sens de l’article L. 341-1 invoqué.
En conséquence, Mme [E] est tenue au paiement de la somme de 16 250 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 octobre 2020.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur la demande de délais de paiement
En application de l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront un intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
En l’espèce, et comme rappelé ci-dessus, Mme [E] ne justifie pas de sa situation exacte, et ne justifie notamment pas de ses revenus et charges actuels, ni des poursuites dont elle aurait pu faire l’objet au titre des autres engagements de caution qu’elle avait consentis. Elle n’explique pas de quelle manière elle entend payer la somme due dans le délai de 24 mois.
En outre, elle a d’ores et déjà bénéficié, par la seule durée de l’instance, de délais de paiement importants, le jugement déféré ayant été rendu le 28 avril 2021.
La demande de délais de paiement sera donc rejetée.
Sur les demandes accessoires
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Société Générale la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [E] supportera les entiers dépens d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Saillet & Bozon.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chambéry le 28 avril 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Constate que la Société Générale vient aux droits et obligations de la Banque Laydernier,
Dit que les condamnations prononcées par le jugement déféré au profit de la Banque Laydernier, le sont à celui de la Société Générale, venant aux droits de la Banque Laydernier,
Déboute Mme [X] [E], divorcée [U], de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute Mme [X] [E], divorcée [U], de sa demande de délais de paiement,
Condamne Mme [X] [E], divorcée [U], à la Société Générale la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [X] [E], divorcée [U], aux entiers dépens d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Saillet & Bozon.
Ainsi prononcé publiquement le 13 juillet 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie LAVAL, Greffière.
La Greffière La Présidente