Déclaration de créances : 12 juillet 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/03598

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Déclaration de créances : 12 juillet 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/03598
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12 juillet 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
22/03598

MINUTE N° 328/23

Copie exécutoire à

– Me Christine LAISSUE -STRAVOPODIS

– Me Laurence FRICK

Le 12.07.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 12 Juillet 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/03598 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H5TJ

Décision déférée à la Cour : 23 Août 2022 par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de MULHOUSE – 1ère chambre civile

APPELANTE :

S.C.I. ALTUNDAG

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat à la Cour

INTIMEES :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL SAINT ANTOINE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me PEGUET, avocat au barreau de STRASBOURG

S.E.L.A.R.L. HARTMANN & CHARLIER

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

non représentée, assignée par le commissaire de justice à personne habilitée le 04.01.2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

– réputé contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon offre du 8 juillet 2010, la Caisse de Crédit Mutuel Saint Antoine a consenti à la SCI Altundag un prêt immobilier d’un montant de 220 000 euros.

Un acte authentique a été dressé le 30 juillet 2010.

Par jugement du 9 octobre 2017, la SCI Altundag a été mise en redressement judiciaire.

Par lettre du 25 octobre 2017, la Caisse de Crédit Mutuel Saint Antoine a déclaré sa créance. Le mandataire a, par lettre du 7 novembre 2018, informé le créancier d’une contestation du débiteur sur le montant de la créance et par lettre datée du 19 novembre 2018, le mandataire a reçu une réponse.

Par ordonnance du 20 décembre 2019, confirmée par arrêt du 21 juin 2021, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Mulhouse a :

– déclaré régulière la déclaration de créance formée par la CCM Saint Antoine le 25 octobre 2017 à l’encontre de la SCI Altundag pour un montant de 186 339,77 euros, à titre privilégié, en ce non compris les intérêts en sus à compter du 10 octobre 2017,

– renvoyé les parties à mieux se pourvoir et invité la SCI Altundag à saisir la juridiction compétente pour trancher la contestation dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance, ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion.

Par acte d’huissier de justice du 31 janvier 2020, la SCI Altundag a fait assigner la

Caisse de Crédit Mutuel Saint Antoine et la Selarl Hartmann & Charlier en sa qualité de mandataire judiciaire, devant le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de :

– rejet de la demande de la Caisse de Crédit Mutuel Saint Antoine de fixation de créances dans le cadre de la procédure collective dont elle fait l’objet,

– nullité de la déclaration de créance,

– déchéance du prêteur du droit aux intérêts pour erreur dans le TEG, subsidiairement de rejet de la créance comportant des intérêts conventionnels,

– indemnisation pour manquement de la Caisse de Crédit Mutuel Saint Antoine dans l’octroi des concours bancaires et manquement à un devoir de mise en garde et à une obligation d’information.

La Caisse de Crédit Mutuel Saint Antoine a saisi le juge de la mise en état en invoquant la prescription de l’action en responsabilité.

Par ordonnance du 23 août 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

– déclaré irrecevable l’action en responsabilité dirigée contre la Caisse de Crédit Mutuel Saint Antoine pour manquement à un devoir de mise en garde et manquement à une obligation d’information,

– condamné la SCI Altundag à payer à ladite Caisse la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté sa demande de ce chef, renvoyé les parties à l’audience de mise en état et dit que le sort des dépens de l’incident suivra celui de ceux au principal.

La SCI Altundag en a interjeté appel le 22 septembre 2022 par voie électronique.

Le 4 octobre 2022, la Caisse de Crédit Mutuel Saint Antoine s’est constituée intimée par voie électronique.

Par ordonnance du 3 janvier 2023, l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 3 avril 2023 et le greffe a émis le 3 janvier 2023, l’avis de fixation de l’affaire à bref délai.

Par acte d’un commissaire de justice délivré le 4 janvier 2023, à la requête de la SCI Altundag, la Selarl Hartmann & Charlier, a été assignée à comparaître devant la cour d’appel et lui a été signifiée la déclaration d’appel, son récapitulatif, les conclusions d’appel du 22 décembre 2022, l’ordonnance et l’avis de fixation et l’avis de convocation du 3 janvier 2023.

La SCI Altundag a transmis des conclusions datées du 22 décembre 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour , par lesquelles elle demande à la cour de :

– déclarer son appel recevable et bien fondé,

– infirmer l’ordonnance 23 août 2022,

et statuant à nouveau,

Sur les exceptions soulevées par le Crédit Mutuel :

– prendre acte que le concours bancaire a été souscrit en octobre 2007, avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008,

– prendre acte que le Crédit Mutuel a entrepris des voies d’exécution et mise en oeuvre de l’hypothèque en 2016,

– prendre acte que le Crédit Mutuel a, par lettre du 1er mars 2016, prononcé la déchéance du terme,

– dire et juger que la prescription n’est pas acquise au regard du comportement du Crédit Mutuel, qui a trompé la SCI emprunteuse,

– débouter le Crédit Mutuel de l’ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

– débouter le Crédit Mutuel de l’ensemble de ses demandes,

– condamner le Crédit Mutuel au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le Crédit Mutuel aux entiers frais et dépens d’appel,

en soutenant que son action n’est pas prescrite, en faisant valoir, en substance, que :

– le concours bancaire a été conclu en 2007, soit avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, et qu’elle disposait d’un délai plus long que le délai de 5 ans prévu par l’article 2224 du code civil et que la prescription n’était pas acquise au 17 juin 2008.

– l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire le 9 octobre 2017 a interrompu la prescription,

– le point de départ de la prescription court du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, que selon la jurisprudence concernant l’action en responsabilité du prêteur pour manquement au devoir de mise en garde, le délai de prescription court à compter de la date d’exigibilité des sommes que l’emprunteur n’est pas en mesure de payer, qu’il convient de se placer à l’époque où le créancier a engagé des voies d’exécution et a prononcé la déchéance du terme, invoquant à cet effet sa pièce 26, et a envoyé la lettre du 1er mars 2016, qu’elle produit en pièce 27, date qu’il convient de retenir comme point de départ.

La Caisse de Crédit Mutuel Saint Antoine a transmis des conclusions datées du 19 janvier 2023, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le 20 janvier 2023, ainsi qu’un bordereau de communication de pièces qui n’a pas non plus fait l’objet de contestation transmis par voie électronique le 27 mars 2023.

Par ces conclusions, elle demande à la cour de :

– déclarer l’appel mal fondé,

– rejeter l’appel,

– confirmer l’ordonnance entreprise,

– débouter la SCI Altundag de l’intégralité de ses fins et conclusions,

– condamner la SCI Altundag aux entiers frais et dépens,

– condamner la SCI Altundag à lui payer une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et ce, en soutenant, en substance, que :

– le prêt a été contracté en juillet 2010, de sorte que le délai pour agir est de cinq ans,

– le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité pour manquement au devoir de mise en garde se situe au jour du premier incident de paiement, permettant à l’emprunteur d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement,

– en l’espèce, le premier incident de paiement remonte au moins en juin 2014, ayant été contrainte de la sommer de régulariser la situation, à la suite de deux échéances partiellement ou entièrement impayées.

L’affaire a été appelée à l’audience du 3 avril 2023.

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

La cour constate que la déclaration de créance a été effectuée au titre d’un acte notarié du 30 juillet 2010 et que selon cet acte authentique, produit aux débats par la Caisse, celle-ci a consenti à la SCI Altundag un prêt de 220 000 euros selon offre du 8 juillet 2010 acceptée le 20 juillet 2010.

L’ordonnance du 20 décembre 2019 invitant la SCI Altundag à saisir la juridiction pour trancher la contestation de la créance déclarée indiquait, dans ses motifs, que la contestation portait notamment sur le défaut d’information et de renseignement incombant à l’établissement de crédit.

Il ne ressort pas de cette ordonnance que la SCI Altundag se serait prévalu d’un manquement de la banque au titre d’un autre prêt que celui au titre duquel la déclaration de créance a été effectuée. Elle ne l’indique pas non plus dans les conclusions d’appel déposées dans le cadre de la présente instance. La production d’un acte notarié du 2 juin 2008 (sa pièce 1) relative à un prêt que la Caisse lui a alors consenti est donc inopérante.

En outre, et surtout, alors que la SCI Altundag se prévaut de la lettre du 1er mars 2016 prononçant la déchéance du terme, il peut être observé que cette lettre indique comme référence un numéro, qui est le même que celui figurant sur la lettre de mise en demeure du 7 août 2014 qui précise concerner le prêt 03009 00020256202, et que ce numéro est celui du prêt consenti en 2010 selon les références mentionnées dans l’acte authentique précité.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la SCI Altundag, le prêt en litige a été souscrit après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.

Il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce que les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Le manquement d’une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d’endettement excessif né de l’octroi d’un prêt prive cet emprunteur d’une chance d’éviter le risque qui s’est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l’emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt. Il en résulte que le délai de prescription de l’action en indemnisation d’un tel dommage commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d’exigibilité des sommes au paiement desquelles l’emprunteur n’est pas en mesure de faire face. (Com., 25 janvier 2023, pourvoi n° 20-12.811).

En l’espèce, par lettre du 7 août 2014, la Caisse a mis la SCI Altundag en demeure de payer des mensualités impayées au titre dudit prêt, pour une somme de 1 952,07 euros.

En outre, selon le décompte joint à cette mise en demeure, mais aussi l’historique des opérations du compte produit en pièce 13 par la Caisse, des incidents de paiement des mensualités sont intervenus au mois de juin 2014, puis des prélèvements de mensualités partielles sont intervenus mais sans permettre de régler à bonne date le montant exigible chaque mois.

Ainsi, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au plus tard au mois de juin 2014, et ce sans qu’il y ait lieu de décaler ce point de départ au jour du prononcé de la déchéance du terme du prêt par la banque ou des voies d’exécution pratiquées.

En outre, lorsqu’un débiteur fait l’objet d’une procédure collective, ce n’est pas l’ouverture de ladite procédure, mais la déclaration de créance à son passif, assimilée à une demande en justice, qui interrompt les délais de prescription pour agir à son encontre.

En revanche, ni l’ouverture de la procédure collective, ni la déclaration de créance du créancier n’interrompt le délai de prescription de l’action engagée par la personne mise en procédure collective à l’encontre de ce dernier, qu’elle estime être son débiteur.

En effet, en application de l’article 2241 du code civil, pour être interruptive de prescription, la demande en justice doit émaner du créancier lui-même et être adressée au débiteur que l’on veut empêcher de prescrire.

De plus, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, sauf lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première (Par ex. : 2e Civ., 7 juillet 2022, pourvoi n° 20-21.294).

En l’espèce, le but de l’action de la banque et de celle de la SCI Altundag diffèrent et l’action de la SCI Altundag n’est pas virtuellement comprise dans celle de la banque. Le débiteur, à savoir la SCI Altundag, ne peut donc pas bénéficier de l’interruption de prescription attachée à l’action en justice exercée à son encontre par son adversaire.

La banque soutient, comme l’a retenu le premier juge et sans que cela soit contesté par la SCI Altundag, que celle-ci a engagé son action en justice le 31 janvier 2020.

Dès lors, à cette date, le délai quinquennal de prescription ayant couru au moins depuis le mois de juin 2014 était expiré.

Enfin, l’emprunteur n’explique pas en quoi la Caisse l’a trompé et n’est donc pas fondé à soutenir que la prescription n’est pas acquise au regard du comportement de la Caisse qui l’a trompée.

Il convient, dès lors, de confirmer l’ordonnance entreprise, y compris en ce qu’elle a statué sur les frais et dépens.

A hauteur d’appel, la SCI Altundag succombant, les dépens de l’instance d’appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

L’équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les demandes de ce chef formées à hauteur d’appel seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse du 23 août 2022,

Y ajoutant,

Dit que les dépens de l’instance d’appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective,

Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :

 


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