Déclaration de créances : 12 juillet 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/04735

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Déclaration de créances : 12 juillet 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/04735
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12 juillet 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
21/04735

MINUTE N° 333/23

Copie exécutoire à

– Me Noémie BRUNNER

– Me Patricia CHEVALLIER -GASCHY

– Me Laurence FRICK

Le 12.07.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 12 Juillet 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/04735 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HWUR

Décision déférée à la Cour : 26 Octobre 2021 par le Tribunal judiciaire de SAVERNE – Chambre commerciale

APPELANT – INTIME INCIDEMMENT :

Monsieur [M] [E]

[Adresse 4]

[Localité 2] (ILE MAURICE)

Représenté par Me Noémie BRUNNER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me FREUDL, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIME – APPELANT INCIDEMMENT :

Monsieur [P] [N], en liquidation judiciaire, [Adresse 5]

Représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me GOSCINIAK, avocat au barreau de STRASBOURG

PARTIE INTERVENANTE :

S.A.S. DMJ, prise en la personne de Me [K] [C], mandataire judiciaire de Monsieur [N] [P], en liquidation judiciaire

[Adresse 3]

Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me GOSCINIAK, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE – INTIMEE INCIDEMMENT :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, un rapport de l’affaire ayant été présenté à l’audience.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l’assignation délivrée le 16 mai 2019, par laquelle la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alsace Vosges, ci-après également dénommée ‘le Crédit Agricole’ ou ‘la banque’, a fait citer M. [P] [N] devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l’article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d’application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Saverne,

Vu l’appel en garantie de M. [M] [E] par M. [P] [N],

Vu le jugement rendu le 26 octobre 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l’exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Saverne a statué comme suit :

‘REJETTE les contestations formées par M. [P] [N] ;

CONDAMNE M. [P] [N] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES la somme de 83 121,91 € (quatre vingt trois mille cent vingt et un euros et quatre vingt onze centimes) portant intérêts au taux conventionnel majoré de 5,25 % à compter du 18 janvier 2019 ;

CONDAMNE M. [M] [E] à tenir M. [P] [N] quitte et indemne de cette condamnation en principal et intérêts ;

CONDAMNE M. [P] [N] à payer une indemnité de 1 000 € (mille euros) à la banque CREDIT AGRICOLE au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [M] [E] à payer à M. [P] [N] une indemnité de 1 000 € (mille euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [P] [N] aux dépens, à l’exception des dépens de l’appel en garantie laissés à la charge de M. [M] [E] ;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement’

Vu la déclaration d’appel formée par M. [M] [E] contre ce jugement, et déposée le 16 novembre 2021,

Vu la constitution d’intimée de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alsace Vosges en date du 9 décembre 2021,

Vu la constitution d’intimée, en date du 6 avril 2022, de la SAS DMJ, prise en la personne de Me [K] [C], ès qualités de mandataire judiciaire de M. [P] [N], en état d’insolvabilité notoire, selon jugement du tribunal judiciaire de Saverne du 11 mars 2022,

Vu les dernières conclusions en date du 5 septembre 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [M] [E] demande à la cour de :

‘DECLARER l’appel recevable,

DECLARER l’appel bien fondé,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

– condamné Monsieur [M] [E] à tenir Monsieur [P] [N] quitte et indemne de sa condamnation en principal et en intérêts,

– condamné Monsieur [M] [E] à payer à Monsieur [P] [N] une indemnité de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné Monsieur [M] [E] aux dépens de l’appel en garantie,

Et statuant à nouveau sur ces points,

DECLARER l’appel en garantie sans objet,

En tout état de cause,

DEBOUTER Monsieur [P] [N] de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de Monsieur [M] [E],

CONDAMNER Monsieur [P] [N] aux dépens de l’appel en garantie de la procédure de 1ère instance,

En tout état de cause :

DEBOUTER Monsieur [P] [N] ainsi que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE de l’intégralité de leurs demandes,

CONDAMNER Monsieur [P] [N] à verser à Monsieur [M] [E] une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [P] [N] aux frais et dépens de la procédure d’appel’

et ce, en invoquant, notamment :

– le défaut de justification d’une déclaration de créance de la banque au passif de la liquidation judiciaire de la société Orial comme de M. [N], objet d’une procédure de faillite civile de droit local, de sorte que M. [N] serait fondé à se prévaloir de l’absence de déclaration de créance à l’égard du débiteur qu’il a garanti pour être libéré (article 2314 du code civil), outre que, conformément aux dispositions de l’article L. 622-26 du code de commerce, la créance de la banque serait inopposable à la procédure collective de M. [N], le concluant ne pouvant, en conséquence, être reconnu débiteur de sommes qui ne sont pas exigibles envers M. [N] qu’il a été condamné en première instance à garantir,

– la décharge de M. [N] au titre de la disproportion de son engagement de caution, alors qu’au moment de l’engagement, il n’aurait disposé que de revenus symboliques pour assumer des charges importantes, dans un contexte où les banques créancières se seraient accordées sur un financement global dans le cadre d’un pool envers lequel les engagements de cautionnement de M. [N] seraient largement disproportionnés à ses capacités,

– l’engagement de la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde envers M. [N], qui n’aurait jamais disposé ni des connaissances, ni de compétences afin d’appréhender les risques inhérents à l’obligation principale financée ni à la garantie souscrite, ce qui expliquerait largement la déconfiture de l’entreprise rachetée 4 mois après son acquisition,

– à titre subsidiaire, l’absence de garantie du concluant envers M. [N], le rachat ayant eu lieu dans un contexte de collaboration entre les parties, et M. [N] ayant disposé d’un accès à tous les documents financiers et comptables relatifs aux marchés en cours et à l’état du compte, l’état de cessation des paiements au 30 avril 2018, tel que reconnu par le jugement de liquidation judiciaire auquel il a été fait tierce opposition étant contesté, peu important le rejet d’un chèque par le CIC, auprès duquel le remboursement du découvert bancaire ne résulterait que de la volonté de l’acquéreur de changer de partenaire bancaire, la dégradation ultérieure de la position du compte bancaire s’expliquant par l’incompétence de M. [N] et son manque total d’implication dans le fonctionnement quotidien de l’entreprise, au contraire du concluant, et par une minoration délibérée de l’actif disponible de l’entreprise, liée soit à une insatisfaction des clients, soit à un manque de suivi des factures, pour certaines desquelles des erreurs sont relevées et des contestations élevées par le concluant,

– le caractère déterminant de l’absence de cessation des paiements pour M. [N] dans sa décision d’acquisition, au regard des informations qualifiées de fiables et exhaustives dont il aurait disposé sur la situation financière de la société cible, grâce à un accès au logiciel de comptabilité, à un audit financier transversal du cabinet In Extenso, de multiples échanges documentaires, d’un dispositif d’immersion en entreprise sous l’égide du Pôle Emploi pour contrôler les devis, le suivi des chantiers et la facturation, de son démarrage dans la société dès début avril 2018, en étant impliqué dans l’activité courante de la société ce qui lui aurait permis de cerner exactement l’état d’avancement de chaque chantier, sans, en conséquence, être trompé sur son fonctionnement, l’ayant conduit à acquérir en connaissance de cause les parts sociales, la reprise des documents sociaux par M. [E] étant contestée,

– l’absence d’analyse objective, contradictoire et définitive, au jour des conclusions, de la date exacte de l’état de cessation des paiements de la société AW – [M] [E],

– l’absence de prise en compte, par le premier juge, des contestations du concluant et de la légèreté de M. [N], lequel aurait précipité l’état de cessation des paiements sans envisager de mesure préventive.

Vu les dernières conclusions en date du 13 mars 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alsace Vosges demande à la cour de :

‘SUR APPEL DE M. [M] [E],

CONSTATER en tant que de besoin DECLARER que la Cour d’Appel n’est pas saisie d’une demande d’infirmation du jugement du 26 octobre 2021 par Monsieur [M] [E] en ce que ce jugement condamne Monsieur [P] [N] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES la somme de 83.121,91 euros portant intérêts au taux conventionnel majoré de 5,25 % à compter du 18 janvier 2019.

DECLARER irrecevable les conclusions de Monsieur [M] [E] en ce qu’elles concluent au débouté du CREDIT AGRICOLE de l’intégralité de ses fins et conclusions, respectivement des demandes de condamnation du CREDIT AGRICOLE à l’encontre de Monsieur [P] [N],

STATUER ce que de droit quant à l’appel de Monsieur [M] [E] à l’encontre de Monsieur [P] [N],

CONDAMNER Monsieur [M] [E] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER Monsieur [M] [E] aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel,

SUR APPEL INCIDENT DE M. [P] [N] ET DU LIQUIDATEUR

REJETER l’appel incident,

DEBOUTER Monsieur [P] [N] et la SAS DMJ – MANDATAIRES JUDICIAIRES, ès-qualité de liquidateur de Monsieur [P] [N] de l’intégralité de leurs fins et conclusions

CONFIRMER le jugement du 26 octobre 2021 dans les relations entre le CREDIT AGRICOLE et Monsieur [P] [N], sauf à fixer la créance du CREDIT AGRICOLE à l’encontre de Monsieur [P] [N], suite au prononcé de sa liquidation judiciaire,

Eu égard à l’évolution du litige :

FIXER la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES, dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de Monsieur [P] [N], à la somme de 97 781.25 euros augmentée des intérêts au taux de 5,25 % à compter du 8 avril 2022 subsidiairement à la somme de 83.121,91 euros augmentée des intérêts au taux de 5,25 % à compter du 18 janvier 2019, à la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du CPC pour la procédure de première instance et à un montant équivalent aux frais et dépens de la procédure de première instance.

ADMETTRE la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES, dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de Monsieur [P] [N], à la somme de 97 781.25 euros augmentée des intérêts au taux de 5,25 % à compter du 8 avril 2022 subsidiairement à la somme de 83.121,91 euros augmentée des intérêts au taux de 5,25 % à compter du 18 janvier 2019, à la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du CPC pour la procédure de première instance et à un montant équivalent aux frais et dépens de la procédure de première instance et ce à titre chirographaire,

CONDAMNER in solidum Monsieur [P] [N] et la SAS DMJ – MANDATAIRES JUDICIAIRES, ès-qualité de liquidateur de Monsieur [P] [N], aux entiers frais et dépens de l’appel incident,

CONDAMNER in solidum Monsieur [P] [N] et la SAS DMJ – MANDATAIRES JUDICIAIRES, ès-qualité de liquidateur de Monsieur [P] [N] à payer à la CAISSE REGIONALE DE (C)REDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile’

et ce, en invoquant, notamment :

– l’absence de conclusions prises à son encontre par M. [E], la rendant étrangère au litige opposant MM. [N] et [E],

– le rappel de l’irrecevabilité des conclusions déposées par M. [E] le 5 septembre 2022 en ce qu’elles présentent une demande de la débouter de l’intégralité de ses demandes, tel que retenu par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 février 2023, et en tout état de cause faute de mention dans sa déclaration d’appel et d’intérêt à agir de M. [E],

– la recevabilité de ses demandes au regard de la justification de la déclaration de ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Orial et de celle de M. [N],

– sur l’appel incident de M. [N], l’absence de disproportion manifeste de son engagement, au regard des éléments de la fiche de renseignements qu’il a renseignée en certifiant exacts et sincères ces renseignements, que la concluante détaille, sans que les éléments postérieurs à l’engagement, tels les autres engagements de caution bancaire, n’aient à être pris en compte,

– l’absence d’obligation de mise en garde envers M. [N] (en l’absence, par ailleurs, d’obligation de conseil à raison des crédits souscrits tout comme à l’égard de la caution) :

* compte tenu du caractère averti de la caution, au regard de son niveau de qualification, mais également de la nature de ses fonctions et des éléments dont il disposait pour apprécier la faisabilité du projet et ainsi analyser les risques financiers que prenait la société Orial et par là-même lui-même en cautionnant cette société, dont plusieurs études réalisées par un cabinet comptable et un bilan de la société, peu important que ces éléments ne se soient pas avérés exacts par la suite,

* en l’absence de risque d’endettement pour la caution, compte tenu de sa situation financière,

* à défaut de perte de chance de ne pas contracter, d’autre part, faute pour l’intéressé, à qui il reviendrait de le faire, de démontrer qu’en présence d’informations complémentaires, il aurait renoncé à s’engager en qualité de caution de la société dont il était l’associé unique et le gérant,

– l’évolution du litige, justifiant la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de M. [N], à la suite du jugement d’ouverture de cette procédure en date du 11 mars 2022.

Vu les dernières conclusions en date du 20 octobre 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [P] [N] et la SAS DMJ, ès qualités, demandent à la cour de :

‘DIRE ET JUGER l’appel de monsieur [M] [E] mal fondé

DEBOUTER monsieur [M] [E] de l’ensemble de ses fins et prétentions

Sur appel incident,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné monsieur [N] à payer à la Caisse de Crédit Agricole la somme de 83 121,91 € portant intérêts au taux conventionnel majoré de 5,25 % à compter du 18 janvier 2019 ainsi qu’à la somme de 1 000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, et débouté Monsieur [N] de ses demandes, fins et conclusions,

DIRE ET JUGER l’appel incident de monsieur [P] [N] recevable et bien fondé

Statuant à nouveau,

A titre principal

DECLARER Monsieur [P] [N] déchargé de ses obligations de cautions à l’égard de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES telles que souscrites aux termes de l’acte sous seing privé du 17 avril 2018

DEBOUTER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions

A titre subsidiaire

CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES à payer à monsieur [N] la somme de 104 000,00 € au titre de dommages et intérêts

ORDONNER la compensation de ladite somme avec tout montant auquel monsieur [N] pourrait se trouver condamné

Sur l’appel en garantie

CONFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire de SAVERNE du 26 octobre 2021 en ce qu’il a condamné monsieur [M] [E] à tenir monsieur [N] quitte et indemne de toute condamnation en principal et intérêts

En toutes hypothèses

CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES à payer à monsieur [N] la somme de 2 500,00 € au titre de la procédure de première instance et à la somme de 2 500,00 € au titre de la procédure d’appel par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile

CONDAMNER monsieur [M] [E] à payer à monsieur [N] une indemnité de 5 000,00 € au titre de la procédure de première instance et une indemnité de 5 000,00 € au titre de la procédure d’appel par application des dispositions de I’article 700 du Code de Procédure Civile

CONDAMNER in solidum monsieur [M] [E] et la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel

DEBOUTER Monsieur [E] de ses fins et conclusions

CONDAMNER monsieur [M] [E] aux entiers frais et dépens de l’appel en garantie’

et ce, en invoquant, notamment :

– sur appel incident, à titre principal, la disproportion manifeste de son engagement de caution, nonobstant l’existence d’un patrimoine immobilier encore grevé d’emprunt et qu’il a dû céder pour rembourser ses dettes et en-cours liés à la société cautionnée, outre qu’il se trouvait sans emploi avec des revenus qualifiés de symboliques, inférieurs à ceux mentionnés dans la fiche de renseignements, qu’il ne pouvait être tenu compte des parts sociales acquises ultérieurement et qui ne pouvaient être valorisées à leur prix de cession, mais que devaient être pris en compte les autres engagements de caution pris par M. [N], et s’inscrivant dans une opération de financement globale,

– toujours sur appel incident, à titre subsidiaire, un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, en l’absence de caractère averti de la caution, qui n’aurait pas eu la formation ou l’expérience nécessaire pour appréhender, même en disposant d’un audit comptable, fiscal et juridique, et ayant suivi un stage d’immersion que son manque de compétence rendait justement nécessaire, les risques liés à l’acte souscrit ni à l’obligation principale financée qu’il garantissait, et alors que la date de l’état de cessation des paiements a été fixée quelques jours seulement après son engagement en tant que caution, la société se trouvant alors déjà dans une situation financière définitivement compromise, notamment s’agissant du découvert en compte courant, sans avoir de faculté de redressement, indépendamment de la situation financière propre de la caution, qui ne serait pas tenue, toute perte de chance ouvrant droit à réparation, de démontrer que, dûment mise en garde par la banque, elle ne se serait pas engagée dans l’opération litigieuse,

– l’absence de mise en compte des intérêts et pénalités de retard à défaut d’information sur les incidents de paiement,

– sur l’appel en garantie à l’égard de M. [E], en cas de confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [N] à paiement au Crédit Agricole, l’existence d’un dommage trouvant exclusivement son origine dans la faute commise par M. [E] dans le cadre de la cession des parts de la société AW ‘ [M] [E], l’intéressé ayant dissimulé, par des man’uvres constitutives d’un dol, la situation irrémédiablement compromise de l’entreprise, dont il aurait pourtant eu connaissance, notamment à l’occasion de la notification du rejet de chèques, cette situation ayant été évaluée sur la base d’informations incomplètes et non sincères, alors que le tribunal ayant prononcé la liquidation judiciaire devait ensuite faire remonter, certes à titre provisoire, compte tenu de la tierce opposition puis de l’appel de M. [E], la cessation des paiements antérieurement à la date de cession des parts, et que M. [N], entré en fonction le 21 juin 2018, date à laquelle lui auraient été remis tous les documents comptables, ne pourrait être tenu pour responsable de la gestion antérieure.

Vu l’ordonnance, rendue le 20 février 2023, par laquelle le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions, susvisées, déposées par M. [M] [E] le 5 septembre 2022, seulement en ce qu’elles présentent une demande de débouté du Crédit Agricole de l’intégralité de ses demandes, dit que les dépens suivraient le sort de ceux de l’instance en principal, et fixé un calendrier,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 29 mars 2023,

Vu les débats à l’audience du 5 avril 2023,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Il convient, au préalable de rappeler que, les conclusions de M. [E] ayant été déclarées irrecevables en ce qu’elles tendent au débouté du Crédit Agricole de l’ensemble de ses demandes, il en résulte que la cour n’est saisie ni des fins, ni des moyens de M. [E] à ce titre, ce qui implique de ne pas prendre en compte l’argumentation de M. [E] en ce qu’elle concerne les rapports entre M. [N] et la banque.

Sur la disproportion manifeste de l’engagement de caution de M. [N] :

Aux termes de l’article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, en leur version applicable à la cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

À ce titre, il convient, tout d’abord, de préciser que le caractère manifestement disproportionné de l’engagement souscrit par la caution, au sens de ces dispositions, s’apprécie au regard du montant de cet engagement et non de celui du prêt garanti ou de ses échéances.

Par ailleurs, en application des dispositions précitées, c’est à la caution de justifier qu’au jour de sa conclusion, son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Lorsqu’à l’occasion de la souscription de son engagement, la caution a déclaré au créancier des éléments sur sa situation personnelle, le créancier peut, en l’absence d’anomalie apparente, s’y fier et n’a pas à vérifier l’exactitude de ces déclarations.

Dans ce cas, la caution ne sera alors pas admise à établir, devant le juge, que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle avait déclarée à la banque.

En revanche, en présence d’anomalie apparente, ou lorsque la caution n’a déclaré aucun élément sur sa situation patrimoniale à la banque lors de son engagement, notamment parce que cette dernière ne lui a rien demandé, la caution est libre de démontrer, devant le juge, quelle était sa situation financière réelle lors de son engagement. Elle peut aussi opposer à la banque les éléments non déclarés dont celle-ci avait connaissance.

De son côté, la banque peut invoquer des éléments de la situation de la caution qu’elle n’aurait pas déclarés.

Au cas où la disproportion manifeste de l’engagement au jour de sa conclusion serait retenue, c’est à la banque qu’il appartient d’établir qu’au jour où elle a appelé la caution, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation.

En l’espèce, il ressort de la fiche de renseignements établie par M. [N] en date du 10 avril 2018, soit une semaine avant la souscription de son engagement de caution, ce qui ne permet pas, en l’absence d’autres éléments à ce titre, de douter de son actualisation, que l’intéressé, sans emploi, pacsé, en séparation de biens et avec deux enfants à charge, déclarait percevoir un revenu net de 33 800 euros, sans précision sur la périodicité de ce revenu, qui doit manifestement s’entendre comme annuelle, et disposait d’une maison de 420 000 euros grevée d’emprunt à hauteur de 90 000 euros de capital restant dû, ainsi que d’une épargne de 10 000 euros, tout en mentionnant la charge d’une pension alimentaire de 9 200 euros et de 1 000 euros au titre d’un ‘prêt permis 1 €’.

Au vu de ces éléments, que M. [N] a certifiés ‘exacts et sincères’, et en l’absence d’anomalie apparente, qui ne saurait se déduire des éléments produits par M. [N] pour justifier de ses revenus, selon lui, réels et qu’il qualifie de ‘quasiment symboliques’, ce qui n’est, au demeurant, pas corroboré par l’attestation de Pôle Emploi pour le mois d’avril 2018, et dès lors que, comme il vient d’être rappelé, il ne saurait invoquer une situation financière moins favorable que celle déclarée, aucune disproportion manifeste de l’engagement de caution de l’intéressé n’apparaît caractérisée, et ce, même sans prendre en compte, comme le demande la banque, la valeur des parts sociales acquises par la société Orial et même en envisageant les engagements souscrits dans leur globalité par la caution pour le financement de l’acquisition, fussent-ils postérieurs, ce qui n’imposait pas à la banque d’en tenir compte, même s’ils étaient prévisibles, le premier juge ayant justement rappelé que la caution s’était trouvée engagée à un montant total de 267 155 euros, engagement litigieux inclus.

En conséquence, le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception opposée à ce titre par M. [N].

Sur la responsabilité du Crédit Agricole au titre du devoir de mise en garde :

La banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard de la caution non avertie s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur, qu’il appartient alors à la caution d’établir.

À défaut d’avoir exécuté son devoir de mise en garde, la banque sera tenue de réparer le préjudice causé à la caution, lequel ne peut s’analyser qu’en une perte de chance de ne pas contracter.

En l’espèce, si M. [N] bénéficiait d’une formation supérieure et d’expériences d’encadrement, voire de direction de production, de projet et même de responsable commercial, il n’en était pas moins, d’abord, spécialisé dans le domaine de l’électricité et des automatismes, même s’il avait ensuite étendu son domaine de compétence, et ne disposait d’aucune expérience dans la direction d’entreprise, le secteur financier ou même la recherche de financement.

S’il est vrai que M. [N] mentionne, dans son CV, une formation à la comptabilité, aux études de marché et à l’étude de bilans et marchés, dans le cadre de la recherche de reprise d’entreprise, et si, à ce titre, il a effectué une ‘immersion en entreprise’ grâce à Pôle Emploi entre le 3 avril et le 30 avril 2018 au sein précisément de l’entreprise [M] [E], il convient de relever que cet investissement était récent, voire s’agissant du stage d’immersion, contemporain de son engagement, de sorte qu’il ne saurait en résulter à suffisance qu’il était une caution avertie.

Le fait qu’il ait disposé d’éléments d’études financières, comptables et juridiques est sans incidence sur ses capacités à appréhender les risques liés à la réalisation de l’opération financée, et partant, aux conséquences de son engagement, ce qui implique une faculté d’analyse et, en tout cas, de compréhension personnelle suffisante, y compris en ce qui concerne les documentations dont la caution peut, éventuellement, disposer.

Pour autant, M. [N] n’établit pas que le financement souscrit, à hauteur, en l’espèce, de 160 000 euros, auquel devaient, certes, s’ajouter d’autres concours, aurait été inadapté aux capacités financières de l’emprunteur, alors qu’au-delà même de l’absence de risque d’endettement personnel excessif de la caution, tel qu’il ressort de l’analyse faite par la cour sous l’angle de l’examen de la disproportion manifeste, il ressort des éléments d’analyse réalisés par le cabinet In Extenso, qu’il s’agisse de l’étude prévisionnelle ’01/2018 à 12/2020″ et du compte-rendu de mission ‘diligences d’acquisition AW ‘ [M] [E]’, que, s’agissant de la SAS Holding Orial, dont les besoins de financement étaient évalués à 669 000 euros sur sept ans pour financer ‘les investissements de début d’activité’, l’acquisition des parts de la société [E] étant, à ce titre, seule mentionnée, il était indiqué un chiffre d’affaires issu de la facturation de la société [E], à hauteur de 150 000 euros en 2018, et de 180 000 euros en 2019 et en 2020, et une marge globale équivalente et un résultat d’exercice devant atteindre 79 829 euros en 2018, 92 702 euros en 2019 et 100 234 euros en 2020, tandis que le solde de trésorerie devait rester positif, à hauteur de 28 850 euros en 2018, 25 675 euros en 2019 et 26 403 euros en 2020.

Et s’agissant des perspectives liées à l’activité de la société [E], dont il s’agissait de financer l’acquisition de l’intégralité des parts, il était mentionné un solde ‘client’ de 501 203,74 euros, dont 27 clients ‘non anciens’ pour 294 211 euros au titre de l’en-cours 2017 et un montant de produits constatés d’avance comptabilisés au 31 décembre 2017 pour 119 090,63 euros.

Dans ces conditions, et peu important, à ce titre, l’incidence des événements ultérieurs et du sort finalement connu par les sociétés [E] et Orial, aucun risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti n’apparaît suffisamment démontré, de sorte que la demande formée par M. [N] au titre d’un manquement de la banque à son devoir de mise en garde sera rejetée.

Il résulte de ce qui précède que la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a mis en compte à l’encontre de M. [P] [N] la somme de 83 121,91 euros, portant intérêts au taux conventionnel majoré de 5,25 % à compter du 18 janvier 2019, sous réserve de fixer la créance du Crédit Agricole à hauteur de ce montant, sans que la cour n’ait le pouvoir d’admettre cette créance, ce qui relève des prérogatives du juge commissaire.

Sur l’appel en garantie dirigé contre M. [E] :

M. [E] conteste toute responsabilité dans la déconfiture des sociétés Orial et [E], arguant de ce que la société [E], qui n’aurait procédé au remboursement d’un découvert bancaire pour changer de partenaire bancaire, aurait été, en réalité, in bonis, tant au 30 avril 2018, date retenue, fût-ce provisoirement par le jugement de liquidation judiciaire, frappé de tierce opposition déclarée irrecevable par un jugement lui-même frappé d’appel, qu’au 20 juin 2018, c’est-à-dire juste avant la prise de fonction de M. [N], dont il invoque à la fois la nécessaire connaissance du fonctionnement de l’entreprise au regard de l’investissement qu’il réalisait, d’autant qu’il était présent ‘en immersion’ dans la société avant sa prise de fonction, et l”incompétence’ et le ‘manque total d’implication’ ensuite dans la gestion de l’entreprise, contrairement au sérieux dont lui-même aurait fait preuve et dont il serait attesté par de multiples témoins, ce qui ressort, en effet, en substance, des termes des attestations qu’il produit.

Il n’en demeure pas moins qu’au vu des éléments, en particulier, comptables et financiers versés aux débats par les parties, plus particulièrement, le bilan au 31 décembre 2017, qui a servi de référence à l’audit du cabinet In Extenso, et le projet de bilan au 30 avril 2018, puis au 20 juin 2018, la cour, si elle ne saurait se substituer au juge de la liquidation dans l’appréciation formelle de l’état de cessation des paiements, tout en observant, au demeurant, que sa décision n’a fait, en l’état l’objet d’aucune remise en cause, et qu’aucune précision n’est apportée quant au déroulement de la procédure d’appel pendante concernant cette décision, ne relève pas d’élément de nature à remettre en cause le constat matériel fait tant par cette juridiction que par le juge de première instance dans le présent litige relativement à la situation de la société [E], laquelle présentait, au 30 avril 2018, une augmentation sensible de son endettement par rapport au précédent bilan présenté pourtant seulement quatre mois plus tôt et une dégradation nette de son bénéfice, qui n’a fait que s’accroître de manière exponentielle ensuite nonobstant la diminution de plusieurs postes d’endettement, ce qui apparaît suffisamment révélateur de la fragilité préoccupante de la société au moment de la reprise de sa direction par M. [N] et sans que cette situation ne puisse lui être imputable.

Dans ces conditions, la cour confirmera la décision entreprise en ce qu’elle a condamné M. [E] à tenir M. [N] quitte et indemne de sa propre condamnation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [N] et la société DMJ, ès qualités, succombant pour l’essentiel seront tenus in solidum des dépens de l’appel, par application de l’article 696 du code de procédure civile, sous réserve des dépens de l’appel en garantie, dont sera tenu M. [E], outre confirmation du jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [E] de ce chef, et mis les dépens, autres que ceux de l’appel en garantie, à la charge de M. [N], sous réserve d’infirmer le jugement en ce qu’il est entré en voie de condamnation envers M. [N], pour, statuant à nouveau, fixer la créance de la banque à ce titre.

L’équité commande en outre de dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de l’une ou l’autre des parties à l’instance, et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef, sauf en ce qu’il a condamné M. [N] au paiement de la somme de 1 000 euros à ce titre, somme qui fera l’objet d’une fixation de créance de la banque.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 26 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Saverne, sauf en ce qu’il a :

– condamné M. [P] [N] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alsace Vosges la somme de 83 121,91 euros portant intérêts au taux conventionnel majoré de 5,25 % à compter du 18 janvier 2019,

– condamné M. [P] [N] à payer une indemnité de 1 000 euros à la banque Crédit Agricole au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [P] [N] aux dépens, à l’exception des dépens de l’appel en garantie laissés à la charge de M. [M] [E],

Le fait qu’il ait disposé d’éléments d’études financières, comptables et juridiques est sans incidence sur ses capacités à appréhender les risques liés à la réalisation de l’opération financée, et partant, aux conséquences de son engagement, ce qui implique une faculté d’analyse et, en tout cas, de compréhension personnelle suffisante, y compris en ce qui concerne les documentations dont la caution peut, éventuellement, disposer.

Pour autant, M. [N] n’établit pas que le financement souscrit, à hauteur, en l’espèce, de 160 000 euros, auquel devaient, certes, s’ajouter d’autres concours, aurait été inadapté aux capacités financières de l’emprunteur, alors qu’au-delà même de l’absence de risque d’endettement personnel excessif de la caution, tel qu’il ressort de l’analyse faite par la cour sous l’angle de l’examen de la disproportion manifeste, il ressort des éléments d’analyse réalisés par le cabinet In Extenso, qu’il s’agisse de l’étude prévisionnelle ’01/2018 à 12/2020″ et du compte-rendu de mission ‘diligences d’acquisition AW ‘ [M] [E]’, que, s’agissant de la SAS Holding Orial, dont les besoins de financement étaient évalués à 669 000 euros sur sept ans pour financer ‘les investissements de début d’activité’, l’acquisition des parts de la société [E] étant, à ce titre, seule mentionnée, il était indiqué un chiffre d’affaires issu de la facturation de la société [E], à hauteur de 150 000 euros en 2018, et de 180 000 euros en 2019 et en 2020, et une marge globale équivalente et un résultat d’exercice devant atteindre 79 829 euros en 2018, 92 702 euros en 2019 et 100 234 euros en 2020, tandis que le solde de trésorerie devait rester positif, à hauteur de 28 850 euros en 2018, 25 675 euros en 2019 et 26 403 euros en 2020.

Et s’agissant des perspectives liées à l’activité de la société [E], dont il s’agissait de financer l’acquisition de l’intégralité des parts, il était mentionné un solde ‘client’ de 501 203,74 euros, dont 27 clients ‘non anciens’ pour 294 211 euros au titre de l’en-cours 2017 et un montant de produits constatés d’avance comptabilisés au 31 décembre 2017 pour 119 090,63 euros.

Dans ces conditions, et peu important, à ce titre, l’incidence des événements ultérieurs et du sort finalement connu par les sociétés [E] et Orial, aucun risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti n’apparaît suffisamment démontré, de sorte que la demande formée par M. [N] au titre d’un manquement de la banque à son devoir de mise en garde sera rejetée.

Il résulte de ce qui précède que la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a mis en compte à l’encontre de M. [P] [N] la somme de 83 121,91 euros, portant intérêts au taux conventionnel majoré de 5,25 % à compter du 18 janvier 2019, sous réserve de fixer la créance du Crédit Agricole à hauteur de ce montant, sans que la cour n’ait le pouvoir d’admettre cette créance, ce qui relève des prérogatives du juge commissaire.

Sur l’appel en garantie dirigé contre M. [E] :

M. [E] conteste toute responsabilité dans la déconfiture des sociétés Orial et [E], arguant de ce que la société [E], qui n’aurait procédé au remboursement d’un découvert bancaire pour changer de partenaire bancaire, aurait été, en réalité, in bonis, tant au 30 avril 2018, date retenue, fût-ce provisoirement par le jugement de liquidation judiciaire, frappé de tierce opposition déclarée irrecevable par un jugement lui-même frappé d’appel, qu’au 20 juin 2018, c’est-à-dire juste avant la prise de fonction de M. [N], dont il invoque à la fois la nécessaire connaissance du fonctionnement de l’entreprise au regard de l’investissement qu’il réalisait, d’autant qu’il était présent ‘en immersion’ dans la société avant sa prise de fonction, et l”incompétence’ et le ‘manque total d’implication’ ensuite dans la gestion de l’entreprise, contrairement au sérieux dont lui-même aurait fait preuve et dont il serait attesté par de multiples témoins, ce qui ressort, en effet, en substance, des termes des attestations qu’il produit.

Il n’en demeure pas moins qu’au vu des éléments, en particulier, comptables et financiers versés aux débats par les parties, plus particulièrement, le bilan au 31 décembre 2017, qui a servi de référence à l’audit du cabinet In Extenso, et le projet de bilan au 30 avril 2018, puis au 20 juin 2018, la cour, si elle ne saurait se substituer au juge de la liquidation dans l’appréciation formelle de l’état de cessation des paiements, tout en observant, au demeurant, que sa décision n’a fait, en l’état l’objet d’aucune remise en cause, et qu’aucune précision n’est apportée quant au déroulement de la procédure d’appel pendante concernant cette décision, ne relève pas d’élément de nature à remettre en cause le constat matériel fait tant par cette juridiction que par le juge de première instance dans le présent litige relativement à la situation de la société [E], laquelle présentait, au 30 avril 2018, une augmentation sensible de son endettement par rapport au précédent bilan présenté pourtant seulement quatre mois plus tôt et une dégradation nette de son bénéfice, qui n’a fait que s’accroître de manière exponentielle ensuite nonobstant la diminution de plusieurs postes d’endettement, ce qui apparaît suffisamment révélateur de la fragilité préoccupante de la société au moment de la reprise de sa direction par M. [N] et sans que cette situation ne puisse lui être imputable.

Dans ces conditions, la cour confirmera la décision entreprise en ce qu’elle a condamné M. [E] à tenir M. [N] quitte et indemne de sa propre condamnation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [N] et la société DMJ, ès qualités, succombant pour l’essentiel seront tenus in solidum des dépens de l’appel, par application de l’article 696 du code de procédure civile, sous réserve des dépens de l’appel en garantie, dont sera tenu M. [E], outre confirmation du jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [E] de ce chef, et mis les dépens, autres que ceux de l’appel en garantie, à la charge de M. [N], sous réserve d’infirmer le jugement en ce qu’il est entré en voie de condamnation envers M. [N], pour, statuant à nouveau, fixer la créance de la banque à ce titre.

L’équité commande en outre de dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de l’une ou l’autre des parties à l’instance, et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef, sauf en ce qu’il a condamné M. [N] au paiement de la somme de 1 000 euros à ce titre, somme qui fera l’objet d’une fixation de créance de la banque.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 26 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Saverne, sauf en ce qu’il a :

– condamné M. [P] [N] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alsace Vosges la somme de 83 121,91 euros portant intérêts au taux conventionnel majoré de 5,25 % à compter du 18 janvier 2019,

– condamné M. [P] [N] à payer une indemnité de 1 000 euros à la banque Crédit Agricole au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [P] [N] aux dépens, à l’exception des dépens de l’appel en garantie laissés à la charge de M. [M] [E],

Et statuant à nouveau de ces chefs de demande,

Fixe la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges à la somme de 83 121,91 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel majoré de 5,25 % à compter du 18 janvier 2019, à la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et à un montant équivalent aux frais et dépens de la procédure de première instance,

Rappelle qu’il n’appartient pas à la cour de céans d’admettre cette créance,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [P] [N] et la société DMJ, ès qualités de liquidateur judiciaire de ce dernier, aux dépens de l’appel,

Condamne M. [M] [E] aux dépens de l’appel en garantie,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges, que de M. [P] [N] et de la société DMJ, ès qualités de liquidateur judiciaire de ce dernier, ainsi que de M. [M] [E].

La Greffière : la Présidente :

 


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