Your cart is currently empty!
11 juillet 2023
Cour d’appel de Fort-de-France
RG n°
21/00508
ARRET N°
N° RG 21/00508
N°Portalis DBWA-V-B7F-CIJQ
M. [Z] [N]
C/
M. [G] [X]
CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA
M ARTINIQUE ET DE LA GUYANE
LA SARL CERADENT
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 11 JUILLET 2023
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Mixte de Commerce de Fort-de-France, en date du 13 Juillet 2021, enregistré sous le n° 2018/0190 ;
APPELANT :
Monsieur [Z] [N]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représenté par Me Eric VALERE, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIMES :
Monsieur [G] [X]
C% [E] Mme [X] [C]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par Me Moïse CARETO de la SELARL D’AVOCATS Moïse CARETO, avocat au barreau de MARTINIQUE
CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA M ARTINIQUE ET DE LA GUYANE, prise en la personne de son représentant légal en exercice ;
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Romain PREVOT, Membre de L’AARPI WINTER-DURENNEL, PREVOT & BALADDA, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE
Me CERATO Pierre-Yves, AVOCAT ASSOCIÉ de la SPE IMPLID AVOCATS, avocat plaidant, au Barreau de LYON
SARL CERADENT, prise en la personne de son représentant légal en exercice ;
[Adresse 6]
[Localité 4]
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Mars 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Claire DONNIZAUX, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :
Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de chambre
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère
Assesseur : Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller
Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 11 Juillet 2023 ;
ARRÊT : contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte délivré le 15 janvier 2018, la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane (CRCAM) a fait assigner devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France la SARL CERADENT en qualité de débitrice principale ainsi que M. [G] [X] et M. [Z] [N] en qualité de cautions solidaires, afin d’obtenir leur condamnation au remboursement d’un prêt impayé et du solde débiteur d’un compte courant.
Par jugement réputé contradictoire du 13 juillet 2021, le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France a :
– débouté la CRCAM de ses demandes en paiement formées à l’égard de M. [G], [D] [X],
– condamné M. [Z] [N] à payer à la CRCAM la somme de 44 014,50 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 9,8% à compter de la présente décision, jusqu’à parfait règlement,
– débouté la CRCAM de sa demande en paiement formée à l’égard de M. [Z] [N] au titre du solde débiteur de compte courant,
– débouté la CRCAM de sa demande de capitalisation des intérêts,
– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
En conséquence,
– débouté la CRCAM de ses demandes faites sur ce fondement,
– condamné la CRCAM et M. [Z] [N] au paiement des entiers dépens de l’instance et dit qu’ils seront partagés par moitié entre eux,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration électronique du 13 septembre 2021, M. [Z] [N] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.
Par conclusions en motivation d’appel notifiées par voie électronique le 3 mai 2022, M. [Z] [N] demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu le 13 juillet 2021 par le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France en ce qu’il a condamné M. [Z] [N] à payer à la CRCAM la somme de 44 014,50 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 9,8% à compter de la décision jusqu’à parfait règlement ;
Et statuant à nouveau,
À titre principal,
– juger que le cautionnement consenti par M. [Z] [N] au bénéfice du Crédit Agricole en juin 2011 était manifestement disproportionné à ses revenus à la date de sa conclusion,
– constater que ses revenus actuels ne lui permettent pas d’assumer son obligation,
En conséquence,
– débouter la CRCAM de sa demande tendant à se prévaloir du cautionnement de M. [Z] [N],
– débouter la CRCAM de l’ensemble de ses demandes,
À titre subsidiaire,
– prononcer à l’encontre de la CRCAM la déchéance du droit aux intérêts échus,
– faire injonction à la CRCAM de justifier de la mise en ‘uvre de la garantie OSEO,
– fixer à 3 704,78 euros la somme pouvant être mise à la charge de M. [Z] [N] dans le remboursement du prêt souscrit par la société CERADENT,
– accorder à M. [Z] [N] de larges délais de paiement conformément aux dispositions de l’article 1343-5 du code civil,
– débouter la CRCAM de ses demandes les plus amples,
– statuer sur les dépens comme de droit.
Au soutien de ses prétentions, M. [N] soutient notamment :
à titre principal, que son engagement de caution était disproportionné à ses biens et revenus et que la banque ne démontre pas qu’il dispose d’un patrimoine lui permettant désormais de faire face à son obligation,
– subsidiairement, que la CRCAM ne justifie pas du respect de son obligation d’information annuelle de la caution, qu’elle ne l’a pas informé dès le premier incident de paiement du débiteur principal, et qu’elle aurait dû appeler en garantie la SA OSEO GARANTIE, ce qui devrait conduire à la réduction de la somme mise à sa charge.
Par conclusions d’intimée n° 2 notifiées par voie électronique le 24 juin 2022, comportant appel incident, la CRCAM demande à la cour de :
1/ Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné M. [Z] [N] à payer à la CRCAM la somme de 44 014,50 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 9,8 % jusqu’à parfait règlement ;
Y ajoutant :
– constater que M. [Z] [N] a reconnu son engagement lors des débats devant le tribunal de commerce et n’a soulevé aucun moyen, contestation ou demande à l’encontre de la CRCAM,
– rejeter comme étant irrecevables les moyens et demandes invoqués par M. [Z] [N] en cause d’appel pour désormais s’opposer aux demandes de la CRCAM,
– déclarer que la cour d’appel n’est saisie d’aucune demande ou prétention de M. [Z] [N] concernant la disproportion qu’il allègue,
– le débouter en tout état de cause de l’intégralité de ses demandes et moyens ;
À titre subsidiaire,
Si la cour devait juger recevables et fondées les contestations opposées par M. [N] et considérer que la Banque avait manqué à son obligation d’information annuelle caution à son encontre :
– condamner au titre du prêt d’un montant de 108 000 euros, M. [Z] [N], à payer à la CRCAM la somme de 37 650,57 euros, outre intérêts au taux légal à compter 9 février 2017, date de mise en demeure,
– si la cour devait juger recevables les contestations et fondées opposées par M. [N] considérer que la banque avait manqué à son obligation d’information de la caution suite au premier incident de paiement à l’encontre de M. [G] [D] [X],
– condamner au titre du prêt d’un montant de 108 000 euros, M. [Z] [N] à payer à la CRCAM la somme de 43 665,77 euros, arrêtée au 28 août 2017, outre intérêts postérieurs au taux de 9,80 %,
2/ Réformer le jugement attaqué en ce qu’il a :
– débouté la CRCAM de ses demandes en paiement formées à l’égard de M. [G], [D] [X],
– débouté la CRCAM de sa demande de capitalisation des intérêts,
– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
En conséquence,
– débouté la CRCAM de ses demandes faites sur ce fondement,
– condamné la CRCAM et M. [Z] [N] au paiement des entiers dépens de l’instance et dit qu’ils seront partagés par moitié entre eux ;
Statuant à nouveau :
– condamner au titre du prêt d’un montant de 108 000 euros M. [G] [D] [X] à payer à la CRCAM la somme de 44 014,50 euros arrêtée au 28 août 2017, outre intérêts postérieurs au taux de 9,80 % ;
– à titre subsidiaire, si la cour devait juger recevables et fondées les contestations opposées par M. [X] et considérer que la banque avait manqué à son obligation d’information annuelle caution à son encontre :
– condamner au titre du prêt d’un montant de 108 000 euros, M. [X], à payer à la CRCAM la somme de 37 650,57 euros, outre intérêts au taux légal à compter 21 mars 2017, date de mise en demeure,
– juger que M. [G] [D] [X] et M. [Z] [N] seront solidairement tenus au paiement des sommes dues au titre de leur cautionnement,
– débouter M. [G] [D] [X] de l’intégralité de ses demandes et moyens,
– condamner M. [G] [D] [X] et M. [Z] [N] aux entiers dépens de première instance,
– ordonner la capitalisation des intérêts ;
3/ En tout état de cause
– débouter M. [X] et M. [Z] [N] de l’ensemble de leurs prétentions,
– condamner solidairement M. [Z] [N] et M. [G] [D] [X] à payer à la CRCAM la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes formulées à l’égard de M. [N], la CRCAM fait notamment valoir à titre principal que les moyens de défense de celui-ci, relatifs au caractère disproportionné de son engagement, sont irrecevables en appel en ce qu’il n’a pas conclu au rejet des prétentions de la banque en première instance et a reconnu le principe de sa dette. A titre subsidiaire, elle invoque le fait que M. [N] ne formule au dispositif de ses conclusions aucune prétention relative au caractère disproportionné de son engagement et qu’il n’établit pas le caractère manifestement disproportionné de son engagement. Elle conteste ne pas avoir justifié de l’information annuelle de la caution et de l’information relative au premier incident de paiement, et soutient que la garantie apportée par la société OSEO était subsidiaire, ce dont M. [N] était informé. Elle relève enfin que M. [N] ne verse aucun justificatif de sa situation financière pour solliciter des délais de paiement.
Au soutien de ses prétentions à l’égard de M. [X], la CRCAM invoque le fait que le caractère disproportionné du cautionnement ne doit pas s’apprécier uniquement en fonction de ses revenus mais aussi en fonction de ses biens, ce dont le tribunal n’a pas tenu compte, et qu’il convient de ne retenir que le montant de l’engagement de caution, et non le montant du prêt. Elle soutient que l’engagement de caution n’est affecté d’aucune nullité dès lors que les mentions manuscrites obligatoires sont présentes. Elle conteste ne pas avoir justifié de l’information annuelle de la caution et de l’information relative au premier incident de paiement. Elle relève que M. [X] ne justifie pas de sa situation actuelle pour solliciter des délais de paiement. Enfin elle soutient que la capitalisation des intérêts est de droit, dès lors que ceux-ci sont dûs pour une année entière.
Aux termes de ses conclusions intimé 2 notifiées par voie électronique le 17 mai 2022, M. [G] [X] demande à la cour de :
– déclarer M. [G] [D] [X] recevable et fondé en ses moyens,
– confirmer le jugement du 13 juillet 2021 en ce qu’il a débouté la CRCAM de ses demandes en paiement formée à l’égard de M. [G] [D] [X],
– déclarer que M. [N] ne critique pas le chef de jugement relatif au rejet de la demande de paiement de la CRCAM à l’égard de M. [X] ;
Sur l’appel incident :
à titre principal,
– confirmer le jugement du 13 juillet 2021 en ce qu’il a déclaré que la CRCAM ne pourra pas se prévaloir de son engagement de caution à l’égard de M. [G] [X] et sera débouté des demandes faites à ce titre à son égard ;
à titre subsidiaire,
– déclarer que la CRCAM ne s’est pas conformée aux obligations de l’article L. 312-22 du code monétaire et financier et donc de le condamner à la déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information,
– déclarer que la banque ne s’est pas conformée aux obligations de l’article L. 333-1 du code de la consommation,
– déclarer que M. [X] n’est pas tenu au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle il en a été informé,
– autoriser M. [X] à payer les éventuelles sommes auxquelles il serait condamné au bout de 24 mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
– débouter la CRCAM de sa demande de capitalisation des intérêts,
– condamner M. [N] et la CRCAM à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de sa demande de confirmation, M. [X] fait valoir que son engagement de caution était disproportionné à ses revenus, comme l’a constaté le tribunal, mais également à ses biens, puisqu’il n’est propriétaire d’aucun bien immobilier, et qu’il n’a actuellement aucun revenu pour faire face à son obligation. Subsidiairement, il fonde sa demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque sur le fait que celle-ci ne produit aucun courrier d’information annuel de la caution. Il soutient par ailleurs ne pas avoir été informé du premier incident de paiement non régularisé, ce qui doit conduire à ne pas lui imputer les intérêts de retard entre la date du premier incident et la date à laquelle il a été informé.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence à la décision entreprise ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.
L’instruction a été clôturée le 19 janvier 2023 et l’affaire appelée à l’audience du 17 mars 2023.
MOTIFS :
La CRCAM sollicite la condamnation de M. [N] et de M. [X] en leur qualité de cautions solidaires d’un prêt souscrit le 30 juin 2011 par la SARL CERADENT, dont ils étaient les représentants lors de la souscription du prêt.
La cour relève que la CRCAM a renoncé en appel à ses prétentions relatives au solde débiteur du compte courant de la SARL CERADENT.
Il résulte de l’article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Aux termes de l’article 2288 du code civil, celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas.
En l’espèce, il résulte du contrat de prêt du 30 juin 2011 que la CRCAM a consenti à la SARL CERADENT, en vue de l’acquisition d’un fonds de commerce, un prêt n° 00021159275 d’un montant de 108.000 euros sur une durée de 84 mois au taux d’intérêt annuel fixe de 6,8 %.
Le même jour, M. [Z] [N] et M. [G] [X] se sont portés cautions solidaires de la SARL CERADENT au titre de ce prêt, dans la limite de 140.400 euros chacun couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard sur une durée de 144 mois.
M. [N] et M. [X] ne contestent pas leur qualité de caution solidaire ni la défaillance de la SARL CERADENT, dont il est établi par le courrier de mise en demeure que lui a adressé la banque 9 février 2017 et par la déclaration de créance adressée par la banque au mandataire judiciaire le 16 décembre 2018 qu’elle a d’une part cessé de s’acquitter du remboursement des échéances à compter du 15 juillet 2016, et qu’elle a d’autre part été placée en liquidation judiciaire par jugement du 5 décembre 2017.
Ils contestent toutefois le bien fondé des prétentions de la CRCAM à leur égard.
Il convient à ce stade d’examiner successivement la situation de M. [N] et celle de M. [X].
1. Sur la demande en paiement formulée à l’égard de M. [N]
M. [N] soulève en premier lieu le caractère disproportionné de son engagement de caution, ayant pour effet de priver la banque de la possibilité de se prévaloir de ce contrat à son égard.
Aux termes de l’article L. 341-4 du code de la consommation devenu L. 332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne
physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Ce texte est applicable à toute caution personne physique, qu’elle soit ou non commerçante ou dirigeante de société.
La sanction de la disproportion est l’impossibilité pour le créancier de se prévaloir du cautionnement.
Il appartient à la caution qui le soulève d’apporter la preuve du caractère disproportionné du cautionnement.
a. Sur la recevabilité de la demande de M. [N] relative au caractère disproportionné de son engagement.
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »
La prétention de M. [N] tendant à faire juger que la CRCAM ne peut se prévaloir du cautionnement souscrit en juin 2011, fondée sur le moyen tiré du caractère disproportionné de son engagement, qui figure au dispositif de ses premières conclusions d’appelant comme au dispositif de ses dernières conclusions, est nouvelle en ce qu’il résulte des termes du jugement querellé que M. [N] n’a pas contesté le principe de la dette en première instance, se limitant alors à en demander le partage par moitié avec son cofidéjusseur.
Pour autant, cette prétention nouvelle est destinée à faire écarter la prétention de la CRCAM tendant à obtenir sa condamnation au titre de cet engagement de caution. Elle est donc recevable en appel.
Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Il est inexact de soutenir que M. [N] ne saisit la cour d’aucune demande au titre de la disproportion de son cautionnement dès lors qu’il demande à la cour, au dispositif de ses conclusions, de « dire et et juger que la CRCAM ne peut se prévaloir de ce cautionnement ».
Si les demandes exposées sous la forme de « constater » ou « dire et juger » ne sont généralement pas des prétentions mais un rappel des moyens, en ce qu’elles ne sont pas en elles-même susceptibles de conférer de droit à la partie qui les requiert, il appartient néanmoins à la cour de répondre aux prétentions qu’elles peuvent contenir.
Or, il ressort des termes-mêmes de l’article L. 341-4 précité dont il est demandé de faire application que la sanction du moyen relatif au caractère disproportionné de l’engagement de caution est précisément l’impossibilité pour le créancier de s’en prévaloir, qui constitue donc une prétention à laquelle la cour est tenue de répondre.
b. Sur le caractère disproportionné de l’engagement de caution de M. [N]
Il résulte du contrat de prêt que M. [N] s’est engagé en qualité de caution dans la limite de 144.400 euros sur une durée de 144 mois.
Par la production de ses avis d’imposition sur les revenus de 2011 à 2020 et de son bulletin de paie de janvier 2022, M. [N] justifie qu’il percevait lors de la souscription de son engagement un revenu annuel de 26.294 euros, soit un revenu mensuel de 2 191,17 euros. Le montant de son engagement représente donc plus de cinq fois son revenu annuel. Pour autant, il reste silencieux sur ses biens, alors qu’il lui incombe de rapporter la preuve d’une disproportion manifeste non seulement au regard de ses revenus mais aussi de ses biens. Aucun élément, même déclaratif, ne permet en effet de considérer que M. [N] n’est propriétaire d’aucun bien immobilier, comme de sa résidence principale par exemple.
Dans ces conditions, force est de constater que M. [N] échoue à démontrer l’existence d’une disproportion manifeste entre son engagement et ses biens et revenus, de sorte que la demande tendant à faire juger que la CRCAM ne peut se prévaloir de l’engagement de caution de M. [N] doit être rejetée.
c. Sur l’information annuelle de la caution et la déchéance du droit aux intérêts
M. [N] sollicite en second lieu la déchéance du droit aux intérêts échus de la banque pour défaut d’information annuelle de la caution.
Aux termes de l’article L. 341-6 du code de la consommation, devenu L. 333-2, dans sa version applicable au litige, le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant
à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.
La preuve de l’expédition de ce courrier annuel peut être rapportée par tout moyen.
La CRCAM produit en pièce n°13 trois procès-verbaux de constat d’huissier par lesquels elle a fait constater par sondages effectués sur l’ensemble des courriers d’information annuelle, au jour de leur expédition en mars 2017, mars 2018, mars 2019 à destination des cautions dont l’engagement était respectivement en cours au 31 décembre 2016, au 31 décembre 2017 et au 31 décembre 2018, la similitude entre les informations figurant sur les fichiers clients et celles indiquées dans les courriers d’information.
Si ces trois constats d’huissier démontrent que la CRCAM a expédié des courriers d’information annuelle en mars 2017, mars 2018 et mars 2019 à des cautions engagées auprès d’elle et que ces courriers comprenaient des informations concordantes avec les informations relatives aux crédits concernés contenues dans ses fichiers clients, aucun élément ne permet d’établir que M. [N] était concerné par ces 3 vagues d’expédition.
En outre, la CRCAM ne produit pas la copie des courriers d’information qu’elle est censée avoir adressés tous les ans à M. [N] à compter de 2012.
Elle échoue donc à démontrer avoir rempli son obligation d’information annuelle à l’égard de M. [N] et sera déchue de son droit aux intérêts échus depuis la souscription de l’engagement de caution, jusqu’au courrier de mise en demeure adressé à la caution, daté du 9 février 2017.
Toutes les sommes versées en remboursement du prêt sont donc réputées s’imputer prioritairement sur le capital.
Au regard du courrier de mise en demeure du 9 février 2017, la SARL CERADENT a cessé de régler les échéances du prêt à compter du 15 juillet 2016.
A la lecture du tableau d’amortissement produit par la CRCAM, faute d’historique des échéances versées, la SARL a donc réglé, à compter du 15 août 2011 et jusqu’au 15 juin 2016, la somme totale de 95 650,73 euros.
Le montant de la créance de la CRCAM à l’égard de M. [N] s’établit donc à la somme de 108 000 euros ‘ 95 650,73 euros = 12 349,27 euros, portant intérêts au taux contractuel de 6,8 % à compter du 9 février 2017.
Le moyen tiré de l’information tardive de la caution quant au premier incident de paiement de débiteur principal, ayant pour effet de priver la banque d’imputer à la caution des intérêts de retard et frais afférents jusqu’à la mise en demeure est devenu sans objet du fait de la déchéance du droit aux intérêts de la CRCAM jusqu’au 9 février 2017.
d. Sur la mise en ‘uvre de la garantie de la société OSEO
M. [N] estime que la CRCAM aurait dû prioritairement appeler en garantie la société OSEO, qui a accepté de garantir la somme empruntée à hauteur de 70 % et ce dans la limite de 70 000 euros.
Il ne ressort pourtant d’aucune disposition du contrat de prêt que l’engagement de M. [N] était subsidiaire à la garantie institutionnelle apportée par la société OSEO, dont l’appelant était parfaitement informé, tant en qualité de caution qu’en qualité de représentant de la débitrice principale.
En outre M. [N] a renoncé manuscritement au bénéfice de discussion et de division de sorte qu’en qualité de caution solidaire, il est redevable de la totalité des sommes dues, déduction faite des intérêts échus, comme précédemment évoqué.
Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [N] à payer à la CRCAM la somme de 44 014,50 euros, et de condamner M. [N] à payer à la CRCAM la somme de 12 349,27 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 6,8 %, courant à compter de la mise en demeure du 9 février 2017.
e. Sur la capitalisation des intérêts
Aux termes de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.
Les intérêts ayant couru depuis le 9 février 2017 étant échus depuis au moins une année, il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts de la CRCAM, à laquelle M. [N] ne s’est pas opposée.
2. Sur la demande en paiement formulée à l’égard de M. [X]
M. [X] soulève comme en première instance le caractère
disproportionné de son engagement de caution, ayant pour effet de priver la banque de la possibilité de se prévaloir de ce contrat à son égard.
Aux termes de l’article L. 341-4 du code de la consommation devenu L. 332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Ce texte est applicable à toute caution personne physique, qu’elle soit ou non commerçante ou dirigeante de société.
La sanction de la disproportion est l’impossibilité pour le créancier de se prévaloir du cautionnement.
Il appartient à la caution qui le soulève d’apporter la preuve du caractère disproportionné du cautionnement.
En l’espèce, il résulte du contrat de prêt que M. [X] s’est engagé en qualité de caution dans la limite de 144.400 euros sur une durée de 144 mois.
M. [X] justifie, par la production de son avis d’imposition sur les revenus de 2011, qu’il percevait lors de la souscription de son engagement un revenu annuel de 28 383 euros, soit un revenu mensuel de 2 365,25 euros. Le montant de son engagement représente donc plus de cinq fois son revenu annuel.
Il soutient par ailleurs ne disposer d’aucun bien immobilier, et produit à ce titre une consultation du service de la publicité foncière à son nom qui s’est avérée négative et tend donc à le confirmer.
M. [X] établit donc que le montant de son engagement de caution était manifestement excessif au regard de la modicité de ses revenus et de l’absence de patrimoine immobilier. La CRCAM n’offre pas de rapporter la preuve d’un retour à meilleure fortune de l’intimé alors que celui-ci démontre au contraire par la production de ses avis d’imposition 2019 et 2021 que ses revenus ont diminué.
Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la CRCAM ne pouvait se prévaloir de l’engagement de caution conclu par M. [X] et l’a déboutée de ses demandes faites à ce titre à son égard.
3. Sur les demandes accessoires :
Succombant partiellement, la CRCAM sera condamnée aux dépens d’appel.
Il n’apparaît pas inéquitable, au vu de l’issue du litige, de laisser à la CRCAM et à M. [N] la charge de leurs propres frais irrépétibles. Leurs demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.
En revanche il convient de condamner la CRCAM à payer à M. [X] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement querellé en toutes ses dispositions frappées d’appel sauf en ce qu’il a :
– condamné M. [Z] [N] à payer à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane la somme de 44 014,50 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 9,8 % à compter de la décision, jusqu’à parfait règlement,
– débouté la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane de sa demande de capitalisation des intérêts ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
DEBOUTE M. [Z] [N] en sa demande tendant à faire juger que la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane ne peut se prévaloir de son engagement de caution ;
CONDAMNE M. [Z] [N] à payer à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane la somme de 12 349,27 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 6,8 % à compter du 9 février 2017 ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts ayant couru depuis plus d’un an ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane aux dépens d’appel ;
DEBOUTE la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane et M. [Z] [N] de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane à payer à M. [G] [X] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,