Déclaration de créances : 10 août 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 22/00254

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Déclaration de créances : 10 août 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 22/00254
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10 août 2023
Cour d’appel de Papeete
RG n°
22/00254

N° 276

MF B

————-

Copies authentiques délivrées à :

– Me Eftimie-Spitz,

– Me Peytavit,

– M. [O],

– Mme Greffier Tmc,

le 10.08.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 10 août 2023

RG 22/00254 ;

Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 2022/547, Pc 2020/1028 du Juge Commissaire du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 9 août 2022 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 24 août 2022 ;

Appelante :

Mme [B] [H], née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 3] France, de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;

Représentée par Me Marie EFTIMIE-SPITZ, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

Mme [R] [I] [T] épouse [L], gérante du Snack Tarahu Beach, Rcs 10 1733 A, n° Tahiti 963 621, demeurant à [Adresse 4] ;

Représenté par Me Loris PEYTAVIT, avocat au barreau de Papeete ;

M. [U] [O], [Adresse 2], représentant des créanciers de Mme [R] [I] [T] épouse [L] ;

Ayant conclu ;

Ordonnance de clôture du 13 janvier 2023 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience non publique du 8 juin 2023, devant Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Mme [R] [T] épouse [L] a été placée en redressement judiciaire suivant jugement du tribunal mixte de commerce de Papeete du 26 octobre 2020, publié au JOPF le 17 novembre 2020.

Maître [U] [O] a été désigné en qualité de représentant des créanciers.

Par ordonnance n°208/2022 (RG 2022/547) du 9 août 2022, le juge commissaire a arrêté l’état des créances de Mme [L] à l’enseigne Snack Taharuu Beach à la somme totale de 3’146’135 XPF, soit :

créances privilégiées : 0 F

créances chirographaires : 0 F

créances rejetées : 3’146’135 F

créances ‘en instances’: 0 F.

Mm [B] [H] se déclarant créancière de la somme rejetée de 3 146 135 XPF, a relevé appel de cette décision par requête enregistrée au greffe le 24 août 2022.

***

En sa requête d’appel, Mme [H] entend voir la cour infirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

– admettre au passif de la procédure collective (ouverte) à l’encontre de Mme [L] sa créance pour un montant de 3’146’435 XPF,

– condamner Mme [L] à lui payer la somme de 200’000 XPF au titre des frais irrépétibles d’instance et d’appel sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française outre les dépens avec distraction d’usage.

Elle expose que,

– elle dispose d’une créance à l’encontre de Mme [L] résultant d’un jugement contradictoire et définitif prononcé le 1er juin 2016 par le tribunal de première instance de Papeete, qui l’a condamnée à lui payer la somme en principal de 2’500’000 XPF outre intérêts au taux légal à compter du 29 août 2013 et 200’000 XPF au titre des frais irrépétibles,

– elle a vainement tenté de recouvrer sa créance (signification du jugement, commandement de payer, précédente requête aux fins d’ouverture d’une procédure collective rejetée par jugement du 22 mai 2017),

– le redressement judiciaire ouvert par jugement du 26 octobre 2020 l’a été à son insu, Mme [L] ayant en outre refusé de la signaler comme créancière,

– elle a formé le 14 mai 2021 une requête aux fins d’être relevée de la forclusion,

– suivant conclusions du 26 août 2021, Me [O] ne s’est pas opposé à la voir autorisée à déclarer sa créance,

– suivant courrier recommandé avec accusé de réception adressé le 10 décembre 2021 à Me [U] [O], elle a déclaré sa créance, soit la somme en principal de 2’500’000 XPF outre les intérêts à parfaire arrêtés au 26 octobre 2020,

– suivant ordonnance du 5 avril 2022, le juge commissaire a fait droit à sa demande et l’a autorisée à déclarer sa créance au passif de Mme [L] ; cette ordonnance notifiée le même jour, n’a pas fait l’objet d’un recours,

– par lettre du 8 avril 2022, Me [O] a saisi le juge commissaire aux fins de voir rejeter sa créance, déclarée le 10 décembre 2021, faute d’avoir été régularisée dans le délai préfix d’un an du jugement d’ouverture de la procédure collective.

Critiquant l’ordonnance déférée qui a fait droit aux demandes de Me [O], elle soutient, sur le fondement de l’article L621-46 du code de commerce et 1351 du Code civil, que la demande formée par Me [O] s’oppose au principe de concentration des moyens et à l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance du juge commissaire du 5 avril 2022, et qu’elle était donc fondée à déclarer sa créance au-delà du délai préfix d’un an.

En ses conclusions du 30 septembre 2022, Maître [U] [O] entend voir la cour confirmer l’ordonnance déférée.

Il soutient que le relevé de forclusion est sans effet sur le délai préfix d’un an suivant le jugement d’ouverture de la procédure collective, qui s’impose aux créanciers, en tout état de cause.

Dans ses conclusions du 9 décembre 2022 Mme [L] reprenant les mêmes moyens, sollicite de la cour la confirmation de l’ordonnance déférée ayant rejeté sa créance, puis la condamnation de celle-ci à payer la somme de 228’000 XPF au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, de la procédure, des prétentions des parties, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties. Se conformant aux dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, la cour répondra aux moyens par les motifs ci-après.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il est constant que le tribunal de commerce a ouvert la procédure de redressement judiciaire de Mme [L] par jugement du 26 octobre 2020 et qu’à cette date, le représentant des créanciers ignorait l’existence de la créance de Mme [H] qui a déclaré sa créance à titre provisoire le 10 décembre 2021 et qui fait grief au juge-commissaire d’avoir rejeté sa créance alors que, suivant ordonnance rendue le 5 avril 2022, il l’avait relevée de forclusion.

Ceci étant, l’article L621-43 du code de commerce en vigueur en Polynésie française dispose qu’ ‘à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers (…)’.

Suivant l’article L621-46 du même code, ‘à défaut de déclaration dans les délais fixés par décret en Conseil d’État, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait. En ce cas, ils ne peuvent concourir que pour la distribution des répartitions postérieures à leur demande (…).

L’action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai d’un an à compter de la décision d’ouverture ou, pour les institutions mentionnées à l’article L143-11-4 du code du travail, de l’expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. L’appel de la décision du juge- commissaire statuant sur le relevé de forclusion est porté devant la cour d’appel.

Les créances qui n’ont pas été déclarées et n’ont pas donné lieu à relevé de forclusion sont éteintes (…)’.

***

Ainsi le code de commerce dans sa rédaction applicable en Polynésie française ne comporte aucune disposition relative à la déclaration de créance lorsque le créancier est relevé de la forclusion.

La déclaration de créance est malgré tout exigée, parallèlement à la demande de relevé de forclusion. En effet, le relevé de forclusion ne vaut pas déclaration de créance. Il ne dispense donc pas le créancier de déclarer sa créance.

Faute de texte, la chambre commerciale a fixé, dans cette hypothèse, comme délai de déclaration, le délai préfix de l’action en relevé de forclusion même s’il n’a pas été statué sur cette demande à l’intérieur de ce délai (Cass. com. 9 mai 2007, n°05-21.357).

Cette jurisprudence a été initiée en application de la loi du 25 janvier 1985, à savoir sous le visa de l’article L621-46 du code de commerce précité, alors applicable en métropole. Elle a d’ailleurs a été renouvelée au fil des modifications ayant affecté ces dispositions en métropole (après l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 : Cass. com. 23 avril 2013, n°11-25.963 ; après l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 pour les procédures ouvertes avant son entrée en vigueur : Cass. com. 8 septembre 2015, n°14-16.771, Cass. com. 27 septembre 2017, n°16-17.156).

Maître [O] invoque à juste titre cette jurisprudence applicable en Polynésie française.

Mme [H] n’est pas fondée à se prévaloir du principe de concentration des moyens ni de l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance du juge-commissaire l’ayant relevée de la forclusion.

En effet, la demande de relevé de forclusion et la demande d’admission d’une créance- qui suppose une déclaration de créance régulière – n’ont pas le même objet. La procédure et les voies de recours concernant le relevé de forclusion sont différentes de ceux de l’admission de créance.

Au demeurant, lorsque le créancier a déclaré sa créance avant de demander le relevé de forclusion, le juge-commissaire doit surseoir à statuer sur l’admission de la créance en attendant la décision (par lui-même) sur la demande de relevé.

Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que le juge commissaire a rejeté comme tardive la créance déclarée par Mme [H], et l’ordonnance déférée sera de ce chef confirmée.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile au profit de Mme [L].

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Vu l’appel de Mme [B] [H],

Confirme l’ordonnance n°208/2022 (RG 2022/547) rendue par M. le juge commissaire du tribunal mixte de commerce de Papeete le 9 août 2022,

Rejette toute autre demande,

Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de la procédure collective.

Prononcé à Papeete, le 10 août 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : MF BRENGARD

 


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