Décision n° 2017-008 du 1er février 2017 portant règlement du différend entre la région Nouvelle-Aquitaine et SNCF Mobilités relatif aux prestations rendues dans les gares de voyageurs par SNCF Gares & Connexions

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Décision n° 2017-008 du 1er février 2017 portant règlement du différend entre la région Nouvelle-Aquitaine et SNCF Mobilités relatif aux prestations rendues dans les gares de voyageurs par SNCF Gares & Connexions

L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ci-après « l’Autorité »),

Vu la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen ;

Vu le

code des transports

, notamment son article L. 1263-2 ;

Vu le

décret n° 2003-194 du 7 mars 2003

modifié relatif à l’utilisation du réseau ferroviaire ;

Vu le

décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012

modifié relatif aux installations de service du réseau ferroviaire ;

Vu la décision n° 2015-002 du 3 février 2015 portant sur la demande formée par le Syndicat des transports d’Ile-de-France dans le cadre d’un différend l’opposant à la branche Gares & Connexions de SNCF Mobilités relatif aux prestations rendues dans les gares de voyageurs par Gares & Connexions ;

Vu l’avis et décision n° 2012-016 du 11 juillet 2012 relatifs au coût d’immobilisation du capital employé pour l’établissement des redevances des prestations régulées dans les gares de voyageurs pour l’horaire de service 2014 ;

Vu l’avis n° 2013-024 du 22 octobre 2013 relatif au coût d’immobilisation du capital employé pour l’établissement des redevances des prestations régulées dans les gares de voyageurs pour les horaires de service 2014 et 2015 ;

Vu l’avis n° 2015-005 du 17 février 2015 portant sur les redevances relatives aux prestations régulées fournies par Gares & Connexions dans les gares de voyageurs pour l’horaire de service 2016 ;

Vu l’avis n° 2015-017 du 15 juillet 2015 portant sur la demande formée par la région Pays de la Loire dans le cadre d’un différend l’opposant à la branche Gares & Connexions de SNCF Mobilités relatif aux prestations rendues dans les gares de voyageurs par Gares & Connexions ;

Vu le règlement intérieur du collège de l’Autorité ;

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 2 février 2016 au greffe de l’Autorité, présentée pour la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, devenue la région Nouvelle-Aquitaine, dont le siège est situé 14, rue François-de-Sourdis à Bordeaux (33000), par Mes Aurélien Burel et Jean-David Dreyfus de la SELARL D4 Avocats Associés, et les observations complémentaires enregistrées le 22 avril 2016 et le 10 janvier 2017 ;

Vu les observations en défense, enregistrées le 7 avril 2016, présentées pour SNCF Mobilités, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est situé 9, rue Jean-Philippe Rameau à Saint-Denis (93200) par Me Marc de Monsembernard, de la SELAFA KGA Avocats, et les observations complémentaires enregistrées le 12 mai 2016 ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 janvier 2017, présentée pour SNCF Mobilités ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu lors de l’audience du 25 janvier 2017 :

– les conclusions du rapporteur ;

– les observations de Mes Aurélien Burel et Marceau Dubos pour la région Nouvelle-Aquitaine ;

– les observations de Me Marc de Monsembernard ainsi que de MM. Stéphane Mialot et Arnaud Prat pour SNCF Mobilités ;

Après en avoir délibéré le 1er février 2017 ;

1. Faits et procédure

1.1. Contexte

1.1.1. Les parties au différend

1. La région Nouvelle-Aquitaine (ci-après « La région ») est une autorité organisatrice des transports collectifs d’intérêt régional au sens de l’

article L. 2121-3 du code des transports

. Conformément à l’article L. 2121-4 du même code, elle a conclu avec la Société nationale des chemins de fer français (devenue SNCF Mobilités) une convention pour l’exploitation des services de transport ferroviaires régionaux de personnes relevant de sa compétence.

2. Etablissement public à caractère industriel et commercial, SNCF Mobilités a, en application de l’

article L. 2141-1 du code des transports

, notamment pour objet de gérer les gares de voyageurs qui lui sont confiées par l’Etat ou d’autres personnes publiques.

3. SNCF Gares & Connexions est la direction autonome qui, en vertu de l’article 25 du décret du 10 février 2015 susvisé, est chargée de gérer de façon transparente et non discriminatoire les gares de voyageurs confiées à SNCF Mobilités par l’Etat ainsi que de fournir aux entreprises ferroviaires les prestations mentionnées à l’

article 4 du décret du 20 janvier 2012 susvisé

.

1.1.2. Le cadre juridique du différend

4. Le présent différend porte sur la tarification ainsi que sur les conditions dans lesquelles sont fournies les prestations de SNCF Gares & Connexions dans les gares de voyageurs en région Nouvelle-Aquitaine.

5. Aux

termes de l’article L. 2123-3-1 du code des transports

, les candidats disposent d’un droit d’accès dans des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes aux installations de service et aux services qui y sont fournis, dans les conditions fixées par voie réglementaire.

6. L’article 4 du décret du 20 janvier 2012 décrit le service de base ainsi que les prestations complémentaires et connexes fournies aux entreprises ferroviaires dans les gares de voyageurs. Le service de base ainsi que, lorsqu’elles ne sont proposées que par un seul fournisseur, les prestations complémentaires et connexes sont qualifiées de prestations régulées.

7. En application de l’article 14-1 du décret du 7 mars 2003 modifié, le directeur des gares établit chaque année un document de référence des gares (ci-après « le DRG »). Ce document précise, « pour chaque gare de voyageurs du réseau ferré national, les prestations régulées qui y sont rendues, les conditions dans lesquelles elles sont rendues, notamment les horaires et périodes pendant lesquels elles sont fournies, et les tarifs des redevances associées ».

8. S’agissant de la tarification des prestations régulées, l’article 31, paragraphe 7, de la directive 2012/34/UE pose le principe selon lequel « [l]a redevance imposée […] ne dépasse pas le coût de leur prestation majoré d’un bénéfice raisonnable ».

9. Les modalités de calcul des redevances devant être acquittées par les candidats pour les prestations régulées fournies dans les gares de voyageurs sont définies à l’article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié. A cette fin, les gares de voyageurs sont réparties en trois catégories, définies en fonction des seuils fixés par un arrêté du ministre chargé des transports :

– les gares de voyageurs d’intérêt national (dites gares de catégorie « A »), sont celles dont la fréquentation par des usagers des services nationaux et internationaux de transport est au moins égale à 250 000 voyageurs ou dont la fréquentation par ces mêmes usagers correspond à 100 % des voyageurs. Le périmètre de gestion de ces gares correspond à une gare de voyageurs ou à un ensemble fonctionnel de gares de voyageurs ;

– les gares de voyageurs d’intérêt régional (dites gares de catégorie « B »), sont celles dont la fréquentation par des usagers des services nationaux et internationaux de transport est inférieure à 250 000 voyageurs et dont la fréquentation totale est au moins égale à 100 000 voyageurs. Le périmètre de gestion de ces gares correspond, dans chaque région, à l’ensemble des gares de cette catégorie ;

– les gares de voyageurs d’intérêt local (dites gares de catégorie « C »), qui sont celles qui ne relèvent d’aucune des catégories précédentes. Le périmètre de gestion de ces gares correspond, dans chaque région, à l’ensemble des gares de cette catégorie.

10. Pour chacun des périmètres de gestion ainsi définis, le II de l’article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié prévoit que les redevances liées aux prestations régulées dans les gares de voyageurs sont établies annuellement par SNCF Gares & Connexions et par SNCF Réseau, chacun pour les biens et services qu’il gère, « aux fins de couvrir l’ensemble des charges prévisionnelles correspondant à la réalisation de ces prestations ».

11. Les charges prévisionnelles comprennent l’ensemble des charges courantes d’entretien et d’exploitation, le financement de la dotation aux amortissements des investissements et « le coût des capitaux engagés correspondant aux charges d’emprunt et frais financiers y afférents et au coût d’immobilisation du capital pour la partie autofinancée, nécessaire au financement pérenne des investissements ». En outre, les prévisions de charges prises en compte pour la détermination des redevances tiennent compte « des objectifs de performance et de productivité pour la gestion des gares de voyageurs ».

12. Enfin, le IV de l’article 13-1 du même décret prévoit que pour chaque périmètre de gestion des gares, « une comptabilité analytique distingue les charges liées aux prestations régulées, les charges liées aux prestations non régulées et la quote-part des charges communes liées à des prestations régulées […]. Elle permet de retracer les produits et les charges liés aux prestations régulées sur chacun de ces périmètres. Elle est communiquée sur demande à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires ainsi qu’aux autorités organisatrices et aux entreprises ferroviaires concernées ».

1.2. Echanges préalables entre les parties

13. La région a rendu des avis sur les projets de DRG pour les horaires de service 2014, 2015 et 2016, respectivement les 17 décembre 2012, 16 décembre 2013 et 15 décembre 2014, dans le cadre de la consultation annuelle des autorités organisatrices des transports par SNCF Gares & Connexions prévue par le II de l’article 14-1 du décret du 7 mars 2003 modifié. Elle a notamment demandé à SNCF Gares & Connexions d’intégrer dans le DRG :

– un référentiel de qualité comprenant des objectifs annuels pour l’ensemble des services compris dans le service de base. Ce référentiel, co-construit par les régions et SNCF Gares & Connexions, devait porter sur les critères de propreté, d’information des voyageurs, de confort, d’accueil et d’équipement et devait comprendre un processus d’évaluation de la qualité ainsi qu’un mécanisme de réfaction sur la redevance versée pour service inexécuté complété par un mécanisme de pénalité en cas de non-conformité aux critères de qualité ;

– un mécanisme d’incitation à la maitrise des coûts à la production du service de base ;

– des objectifs de performance pour la remise en disponibilité des installations dans les cas de travaux, aménagements, maintenance et circonstances exceptionnelles ;

– des objectifs de performance et de maîtrise du coût global d’investissement.

14. En outre, la région estimait que :

– SNCF Gares & Connexions devait être dotée d’une comptabilité analytique garantissant la transparence financière, comme le prévoit le décret du 7 mars 2003 modifié ;

– le gestionnaire des gares devait revoir le coût d’immobilisation du capital retenu pour l’établissement de la redevance des prestations régulées fournies en gares de voyageurs, conformément aux avis de l’Autorité n° 2012-018 du 11 juillet 2012 et n° 2013-024 du 22 octobre 2013, en raison de la prise en compte d’une prime de risque spécifique contestable dans le cadre d’un modèle économique reposant sur une part importante de subventions.

1.3. Demandes de la région dans le cadre du présent règlement de différend

15. La région demande à l’Autorité d’enjoindre à SNCF Gares & Connexions, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision à venir, de mettre à jour le DRG à compter de l’horaire de service 2014 et de procéder aux régularisations qui s’imposent afin que :

1) La comptabilité analytique pour chaque périmètre de gestion des gares situées dans l’ancienne région Aquitaine, ainsi que les informations détaillées sur l’ensemble des surfaces sur lesquelles s’appuie la construction du tarif des redevances – soit la surface de la prestation de base, les surfaces mises à disposition des entreprises ferroviaires et celles mises à disposition des services commerciaux ainsi que les hypothèses de leur projection à l’horizon de l’horaire de service considéré – soient communiquées annuellement, au moins deux mois avant le début de l’horaire de service ;

2) Le taux de rémunération des capitaux investis soit fixé à 5,5 % avant impôt au maximum ;

3) Des objectifs de performance et de productivité y soient inscrits en concertation avec les entreprises ferroviaires et les autorités organisatrices de transport, comportant notamment des indicateurs représentatifs déclinés au niveau de chaque périmètre de gestion, et que les mécanismes d’incitation financière correspondants et de réfaction sur la redevance versée en cas de service inexécuté y soient définis ;

4) Des objectifs de qualité clairement définis et des mécanismes incitatifs permettant une réfaction en cas de non-respect de ces derniers soient mis en place.

16. SNCF Gares & Connexions conclut au rejet de la demande de la région en soutenant, à titre principal, qu’elle n’entre pas dans le champ de compétence de l’Autorité défini par l’

article L. 1263-2 du code des transports

et, à titre subsidiaire, qu’elle est infondée.

2. Sur la note en délibéré

17. La note en délibéré produite par SNCF Mobilités le 30 janvier 2017 ne contient l’exposé d’aucune circonstance de fait ou de droit dont le gestionnaire des gares n’aurait pas été en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction, fixée cinq jours ouvrés avant la date de l’audience conformément à l’article 23 du règlement intérieur de l’Autorité. En conséquence, cette note doit être écartée des débats.

3. Sur la compétence de l’autorité

3.1. Sur la compétence de l’Autorité pour enjoindre la communication de la comptabilité analytique pour chaque périmètre de gestion et des informations détaillées sur les surfaces (demande n° 1)

3.1.1. Moyens des parties

18. SNCF Gares & Connexions soutient que l’Autorité ne peut, sur le fondement de l’

article L. 1263-2 du code des transports

, prononcer une injonction aux fins de communication des documents demandés par la région. Une telle injonction conduirait l’Autorité à méconnaître la procédure instaurée en matière de communication des documents administratifs instituée par le

code des relations entre le public et l’administration

, en particulier la compétence de la Commission d’accès aux documents administratifs.

19. La région réplique que l’Autorité peut, pour assurer le règlement d’un différend qui lui est soumis, ordonner toute mesure nécessaire à l’effectivité de ses décisions, y compris la communication de documents. En outre, les dispositions du

code des relations entre le public et l’administration

relatives au droit d’accès des usagers du service public aux documents administratifs doivent être écartées au profit des dispositions spéciales du IV de l’article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié.

3.1.2. Analyse de l’Autorité

20. En application de l’

article L. 1263-2 du code des transports

, l’Autorité peut, dans le cadre d’une procédure de règlement de différend, préciser les conditions d’ordre technique et financier du règlement du litige ainsi que, lorsque c’est nécessaire pour le règlement du différend, fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités d’accès au réseau et ses conditions d’utilisation et prendre les mesures appropriées pour corriger toute discrimination ou toute distorsion de concurrence.

21. Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière de l’article 56, paragraphe 9, de la directive 2012/34/UE, que le législateur a entendu conférer à l’Autorité la possibilité d’adopter toutes les mesures utiles au règlement des litiges qui lui sont soumis, sans exclure la possibilité d’ordonner si nécessaire, dans ce cadre, la communication de documents.

22. Ce pouvoir de l’Autorité s’exerce dans le respect de la procédure instituée en matière de communication des documents administratifs par le

code des relations entre le public et l’administration

, dont les dispositions ne s’appliquent qu’en l’absence de dispositions spéciales. Par conséquent, l’Autorité ne saurait méconnaître l’étendue de son pouvoir si, au titre de l’obligation de transparence ou de toute autre obligation qui pèse sur les entités régulées, le règlement d’un différend la conduit à enjoindre à une personne de communiquer des documents.

23. Au vu de ce qui précède, l’Autorité est compétente pour enjoindre à SNCF Gares & Connexions de communiquer à la région la comptabilité analytique pour chaque périmètre de gestion ainsi que les informations détaillées sur les surfaces des gares de voyageurs. La fin de non-recevoir opposée par SNCF Gares & Connexions doit, par suite, être écartée.

3.2. Sur la compétence de l’Autorité pour adopter des mesures de portée générale dans le cadre d’un règlement de différend (demandes n° 2, 3 et 4)

3.2.1. Moyens des parties

24. SNCF Gares & Connexions soutient que l’Autorité n’est pas compétente pour modifier le contenu du DRG, acte réglementaire, sur le fondement de l’

article L. 1263-2 du code des transports

. Admettre le contraire aboutirait, d’une part, à reconnaître à l’Autorité le pouvoir de fixer unilatéralement la structure et le niveau des redevances en gare, alors que seule la procédure d’avis conforme prévue par l’article L. 2133-5 lui permet de fixer, en concertation avec le directeur des gares, le montant de ces redevances. D’autre part, la reconnaissance de la compétence de l’Autorité pour modifier le DRG conduirait à méconnaître les principes constitutionnels de répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions.

25. La région fait valoir que, dans le cadre d’une procédure de règlement d’un différend, l’Autorité est compétente pour connaître du contenu du DRG et peut, afin de mettre un terme au litige qui lui est soumis, réformer les actes réglementaires pris par SNCF Gares & Connexions.

3.2.2. Analyse de l’Autorité

26. En application de l’

article L. 1263-2 du code des transports

, l’Autorité peut être saisie par un candidat dès lors qu’il s’estime victime d’un traitement inéquitable, d’une discrimination ou de tout autre préjudice lié à l’accès au réseau ferroviaire, « en particulier […] au contenu du document de référence du réseau ».

27. Les conclusions aux fin d’injonction de modification du DRG entrent dans le champ de compétence de l’Autorité au titre de la procédure de règlement de différend dès lors que le DRG est annexé au DRR, conformément au I de l’article 14-1 du décret du 7 mars 2003 modifié.

28. S’agissant de l’étendue et de la portée de ses pouvoirs en matière de règlement de différend, il résulte de l’

article L. 1263-2 du code des transports

, interprété à la lumière de l’article 56 paragraphe 9 de la directive 2012/34/UE, que le législateur a notamment entendu permettre à l’Autorité de réformer une décision ou d’enjoindre aux parties de modifier un acte dans un sens qu’elle détermine. Par conséquent, l’Autorité est nécessairement investie, à l’occasion du règlement d’un différend, du pouvoir d’enjoindre au gestionnaire d’infrastructure de modifier le document de référence du réseau.

29. En outre, l’Autorité rappelle que l’avis conforme sur la tarification des prestations rendues dans les gares de voyageurs, dont le contentieux relève de la juridiction administrative, ne saurait remettre en cause la compétence que l’Autorité tire de l’article L. 1263-2 dès lors qu’elle n’est pas exclusive de toute autre procédure devant l’Autorité et n’a, en tout état de cause, pas le même objet qu’une procédure de règlement de différend.

30. Enfin, la compétence du juge administratif pour connaître des recours contre l’avis conforme de l’Autorité sur la tarification des prestations rendues dans les gares de voyageurs n’est pas concurrente de la compétence du juge judiciaire, prévue par la loi, pour connaître des recours contre les décisions de règlement de différend de l’Autorité, compte-tenu de la nature distincte de ces avis et décisions.

31. Il résulte de ces éléments que la fin de non-recevoir opposée par SNCF Gares & Connexions doit être écartée.

4. Sur la recevabilité des conclusions de la région

4.1. Moyens des parties

32. SNCF Gares & Connexions soutient que les conclusions de la région sont irrecevables dès lors que cette dernière ne dispose pas de la qualité de candidat requise par l’

article L. 1263-2 du code des transports

pour pouvoir introduire une demande de règlement de différend. Selon la défenderesse, la région n’a pas formé ou envisagé de former une demande d’attribution de capacités d’infrastructure. En outre, elle ne ferait état d’aucun préjudice certain.

33. La région fait valoir que la reconnaissance de la qualité de candidat au sens de l’article L. 2122-11 n’est pas conditionnée, pour les autorités organisatrices de transport, à la formulation d’une demande de capacité. Elle estime que la tarification excessive et les manquements de SNCF Gares & Connexions à ses obligations lui font subir un préjudice.

4.2. Analyse de l’Autorité

34. Aux

termes de l’article L. 1263-2 du code des transports

, « tout candidat, tout gestionnaire d’infrastructure ou tout exploitant d’installation de service au sens du livre Ier de la deuxième partie peut saisir l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières d’un différend, dès lors qu’il s’estime victime d’un traitement inéquitable, d’une discrimination ou de tout autre préjudice liés à l’accès au réseau ferroviaire ». Il s’ensuit qu’un candidat qui s’estime victime d’un préjudice lié à l’accès au réseau a, par principe, qualité pour saisir l’Autorité.

35. L’

article L. 2122-11 du code des transports

définit le candidat comme « une entreprise ferroviaire, un regroupement international d’entreprises ferroviaires ou toute autre personne ayant des raisons commerciales ou de service public d’acquérir des capacités de l’infrastructure, telle qu’un opérateur de transport combiné, un port, un chargeur, un transitaire ou une autorité organisatrice de transport ferroviaire ». Il en résulte que la qualité de candidat n’est pas subordonnée à la formulation effective d’une demande ou à l’intention de formuler une demande de sillons auprès d’un gestionnaire d’infrastructure, mais au simple fait d’être en mesure de procéder à une telle demande.

36. En l’espèce, la région est une autorité organisatrice de transports et peut, par suite, se prévaloir de la qualité de candidat au sens de l’

article L. 2122-11 du code des transports

. Elle peut donc saisir l’Autorité d’un différend dès lors qu’elle s’estime, en l’espèce, victime d’un traitement inéquitable et qu’elle fait état d’un préjudice lié à l’accès au réseau ferroviaire, conformément à l’

article L. 1263-2 du code des transports

.

37. Par conséquent, la fin de non-recevoir opposée par SNCF Gares & Connexions ne peut qu’être écartée.

5. Sur le bien-fondé des conclusions de la région

5.1. Sur la période couverte par le différend

5.1.1. Moyens des parties

38. La région soutient que, dès son avis relatif au projet de DRG 2014, elle avait émis des critiques relatives aux obligations de transparence, au taux de rémunération du capital, aux objectifs de performance et de productivité ainsi qu’aux engagements de qualité. Elle estime, en outre, que l’application de la rétroactivité ne saurait être subordonnée à l’existence d’une contestation formelle du DRG, aucun texte ni aucun principe n’imposant que la contestation ait eu lieu sous une forme déterminée.

39. SNCF Gares & Connexions soutient que les demandes de la région, qui visent à la modification rétroactive d’un acte réglementaire, sont contraires au principe de sécurité juridique. En outre, elle rappelle qu’en application de la jurisprudence de la Cour de cassation, la décision d’une autorité de régulation ne peut s’appliquer rétroactivement qu’à la période postérieure à la première contestation formellement élevée par le demandeur. Or, les avis de la région sur les projets de DRG adoptés à l’occasion de la consultation obligatoire prévue par le II de l’article 14-1 du décret du 7 mars 2003, en ce qu’ils se limitent à éclairer l’autorité compétente, ne sauraient constituer une « contestation formelle » au sens de la jurisprudence précitée.

5.1.2. Analyse de l’Autorité

40. En application de l’

article L. 1263-2 du code des transports

, l’Autorité est compétente pour préciser, dans sa décision, les conditions d’ordre technique et financier du règlement du différend dans un délai qu’elle accorde. Elle peut, en outre, fixer, lorsque c’est nécessaire au règlement du différend, les modalités d’accès au réseau et ses conditions d’utilisation.

41. A cette fin, l’Autorité peut imposer le respect, par le gestionnaire des gares, des principes d’ordre public économique garantissant l’accès au réseau et aux installations de service dans des conditions objectives, non discriminatoires et proportionnées pour tous les acteurs lorsque ces principes n’ont pas été respectés par celui-ci. Dans ce cadre, l’Autorité peut exercer sa compétence sur l’ensemble de la période couverte par le différend dont elle se trouve saisie, sous réserve des règles de prescription applicables en la matière et sans qu’importe la date de son émergence entre les parties (1).

42. En l’espèce, le différend dont la région Nouvelle Aquitaine a saisi l’Autorité porte sur les horaires de service 2014 et suivants. Il trouve son origine dans la méconnaissance alléguée des prescriptions, notamment tarifaires, imposées à SNCF Gares & Connexions par le

décret susvisé du 20 janvier 2012

relatif aux installations de services du réseau ferroviaire, qui a modifié le décret du 7 mars 2003 relatif à l’utilisation du réseau ferroviaire, et qui est applicable à compter de l’horaire de service 2014.

43. Par voie de conséquence, la période couverte par le présent différend débute à l’entrée en vigueur de l’horaire de service 2014, comme le demande la région. Celle-ci, au demeurant, avait exprimé les 17 décembre 2012, 16 décembre 2013 et 15 décembre 2014 son opposition au projet de document de référence des gares dans le cadre de la consultation organisée à cet effet, ainsi qu’il est précisé au point 13. La région est ainsi recevable à demander qu’il soit enjoint à SNCF Gares & Connexions de modifier le DRG à compter de cette date.

5.2. Sur la transmission de la comptabilité analytique et des informations détaillées sur les surfaces (conclusion n° 1)

5.2.1. Moyens des parties

44. La région soutient que SNCF Gares & Connexions ne satisfait pas aux exigences de transparence qui lui sont imposées par le IV de l’article 13-1 et le II de l’article 14-1 du décret du 7 mars 2003 modifié. Elle estime qu’en application de ces dispositions, elle doit se voir communiquer, sur demande auprès de SNCF Mobilités, une comptabilité analytique pour chaque périmètre de gestion des gares situées sur son ressort géographique ainsi que les informations détaillées sur les surfaces prises en compte en gare, leur répartition et les éventuelles évolutions projetées.

45. SNCF Gares & Connexions s’est engagée, en cours de procédure, à transmettre à la région le tableau de détail des charges conformément au modèle imposé par l’Autorité dans sa décision n° 2015-002 du 3 février 2015 ainsi que les plans comportant des informations détaillées sur l’ensemble des surfaces sur lesquelles s’appuie la constitution des redevances au cours de la procédure.

5.2.2. Analyse de l’Autorité

a) La comptabilité analytique

46. En application du IV de l’article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié par le décret du 20 janvier 2012, le gestionnaire des gares doit établir, pour chaque périmètre de gestion, une comptabilité analytique distinguant les charges liées aux prestations régulées, les charges liées aux prestations non régulées et la quote-part des charges communes liées à des prestations régulées. Cette disposition prévoit, en outre, que cette comptabilité doit permettre de retracer les produits et les charges liés aux prestations régulées sur chacun de ces périmètres. Enfin, la comptabilité analytique doit être communiquée sur demande aux autorités organisatrices des transports et aux entreprises ferroviaires concernées.

47. En outre, le II de l’article 14-1 du même décret prévoit que le DRG justifie notamment, pour chaque périmètre de gestion, « la prévision des coûts liés aux installations et aux services en distinguant les charges directement liées aux prestations régulées et les charges communes » et « les programmes d’investissements ainsi que la structure des financements correspondants justifiant les amortissements et le calcul du coût des capitaux engagées prévus à l’article 13-1 ».

48. Dans ses décisions n° 2015-002 du 3 février 2015 et n° 2015-017 du 15 juillet 2015 susvisées, l’Autorité a enjoint à SNCF Gares & Connexions de transmettre au STIF et à la région Pays de la Loire, deux mois avant le début de chaque horaire de service, un fichier de données comptables type établi par l’Autorité. Ce fichier devait détailler, pour chaque périmètre de gestion, les prévisions de trafic total par catégorie tarifaire pour chaque horaire de service, le détail des programmes d’investissements prévisionnels pris en compte pour l’établissement des redevances pour cet horaire de service, le détail des actifs immobilisés et leur affectation au périmètre des prestations régulées et la description des charges prises en compte pour l’établissement des redevances pour l’horaire de service ainsi que sur les deux années antérieures.

49. A la suite de ces décisions, SNCF Gares & Connexions a modifié l’annexe A5 du DRG pour l’horaire de service 2016 afin de présenter de manière distincte, pour chaque périmètre de gestion, les charges allouées aux prestations régulées et celles afférentes aux prestations non régulées. En outre, il résulte de l’instruction que SNCF Gares & Connexions a bien communiqué cette annexe A5 à la région pour chaque périmètre de gestion situé dans le ressort de l’ancienne région Aquitaine, pour l’horaire de service 2016.

50. Toutefois, les informations communiquées aux opérateurs dans l’annexe A5 demeurent lacunaires au regard des obligations mentionnées aux points 46 et 47 ci-dessus en ce qu’elles ne permettent pas, s’agissant des exercices comptables réalisés, de distinguer clairement les charges affectées au périmètre des activités régulées de celles relevant des activités non régulées. Or, la comptabilité analytique mentionnée au

IV de l’article 13-1 du décret du 7 mars 2003 précité

permet de s’assurer que les prévisions de charges prises en compte pour la détermination des redevances tiennent compte des coûts constatés en comptabilité. Ainsi, elle doit nécessairement faire état des charges et des produits liés aux prestations régulées pour les exercices comptables réalisés.

51. Le IV l’article 13-1 du décret du 7 mars 2003 a ainsi pour objectif de permettre aux entreprises ferroviaires de vérifier l’adéquation des projections tarifaires avec les données comptables et de s’assurer que les tarifs sont correctement fixés au regard des coûts supportés par le gestionnaire des gares. En l’espèce, il résulte de l’instruction que les systèmes d’information de SNCF Gares & Connexions ne permettent pas, à ce jour, de distinguer les charges et produits liées aux prestations régulées et non régulées et qu’un rapprochement entre les données comptables et tarifaires à la maille de chaque périmètre de gestion, distinguant les chargées régulées et non régulées, est d’un point de vue technique difficilement réalisable du fait de la complexité de la construction tarifaire actuelle. Ainsi, faute d’évolution des systèmes d’information et de gestion de SNCF Gares & Connexions, les données communiquées dans le DRG ne permettent pas d’établir un tel suivi entre les projections tarifaires et les données réelles.

52. Il résulte de ces constatations que SNCF Gares & Connexions ne respecte pas les exigences de transparence issues des articles

13-1

et

14-1

du décret du 7 mars 2003 précité, applicables depuis l’horaire de service 2014.

53. Aux

termes de l’article L. 1263-2 du code des transports

, l’Autorité peut, lorsque cela s’avère nécessaire au règlement du différend dont elle est saisie, fixer elle-même les modalités d’accès au réseau et ses conditions d’utilisation.

54. En l’espèce, la comptabilité analytique figure à l’annexe A5 du DRG, acte réglementaire applicable à l’ensemble des opérateurs. Afin de garantir à l’avenir un niveau de transparence conforme aux exigences des articles

13-1

et

14-1

du décret du 7 mars 2003 précité et, de surcroît, commun à l’ensemble des utilisateurs des gares, il apparaît nécessaire au règlement du différend que l’annexe A5 du DRG distingue les charges liées aux prestations régulées et celles liées aux prestations non régulées pour les exercices comptables réalisés et que la communication en soit assurée à toute entreprise ferroviaire ou autori


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