Texte intégral
Le Conseil constitutionnel a été saisi, par un mémoire enregistré le 20 décembre 1995, par MM Laurent Fabius, Martin Malvy, Gilbert Annette, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Claude Bartolone, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Michel Berson, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Didier Boulaud, Jean-Pierre Braine, Laurent Cathala, Henri d’Attilio, Camille Darsières, Mme Martine David, MM Bernard Davoine, Jean-Pierre Defontaine, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Pierre Ducout, Dominique Dupilet, Jean-Paul Durieux, Henri Emmanuelli, Jacques Floch, Michel Fromet, Pierre Garmendia, Kamilo Gata, Jean Glavany, Jacques Guyard, Jean-Louis Idiart, Serge Janquin, Charles Josselin, Jean-Pierre Kucheida, André Labarrère, Jean-Yves Le Déaut, Louis Le Pensec, Alain Le Vern, Marius Masse, Didier Mathus, Louis Mexandeau, Didier Migaud, Mme Véronique Neiertz, MM Paul Quilès, Alain Rodet, Mme Ségolène Royal, MM Henri Sicre, Roger-Gérard Schwartzenberg, Daniel Vaillant, Léo Andy, Jean-Jacques Filleul, Patrice Tirolien, Jean-Marc Salinier, Mme Frédérique Bredin, MM Maurice Depaix, Pierre Forgues, Régis Fauchoit, Emile Zuccarelli, Bernard Charles, Gérard Saumade, députés, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, puis par des observations complémentaires, enregistrées le 22 décembre 1995, de la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 1996 ;
Le Conseil constitutionnel,Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat ;
Vu la loi de finances rectificative pour 1989 (n° 89-936 du 29 décembre 1989), notamment son article 57 ;
Vu le code civil ;
Vu le code rural ;
Vu le code de l’aviation civile ;
Vu le code général des impôts ;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 22 décembre 1995, ensemble les observations complémentaires enregistrées le 23 décembre 1995 ;
Vu les observations en réplique présentées par les auteurs de la saisine enregistrées le 26 décembre 1995 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution la loi de finances pour 1996, et notamment ses articles 4, 9, 19, 31, 33, 85, 94, 97 et 98 ;
– SUR L’ARTICLE 4 :
2. Considérant que cet article a pour objet de limiter le champ d’application de la réduction d’impôt sur le revenu accordée au titre des contrats d’assurance-vie en application de l’article 199 septies du code général des impôts ; qu’il supprime cette réduction pour les versements afférents aux contrats à primes périodiques et à primes uniques conclus ou prorogés à compter du 20 septembre 1995 ainsi que pour les primes payées à compter de la même date au titre de contrats à versements libres quelle que soit la date de conclusion de ces contrats ; qu’il maintient la réduction d’impôt, dans tous les cas, pour les contrats concernant les handicapés et les contribuables dont la cotisation d’impôt sur le revenu définie à l’article 1417 du code général des impôts n’excède pas 7 000 francs ;
3. Considérant que les auteurs de la requête font grief à ces dispositions, d’une part d’être entachées de rétroactivité et de contrevenir ainsi au principe de sécurité juridique, d’autre part de méconnaître le principe d’égalité devant l’impôt en ce qu’elles traitent différemment les contrats à primes uniques ou périodiques et ceux à versements libres ;
. En ce qui concerne la rétroactivité :
4. Considérant que le principe de non rétroactivité des lois n’a valeur constitutionnelle, en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, qu’en matière répressive ; que l’article 4 de la loi n’édicte pas une sanction mais limite les effets dans le temps de réductions fiscales ; qu’il est loisible au législateur d’adopter des dispositions nouvelles permettant dans certaines conditions de ne pas faire application des prescriptions qu’il avait antérieurement édictées dès lors qu’il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu’il s’ensuit que la détermination par le législateur des dates d’application pour les mesures qu’il a prévues en l’espèce n’est pas contraire à la Constitution ;
. En ce qui concerne le principe d’égalité :
5. Considérant que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi ;
6. Considérant que la distinction opérée par la loi entre les contrats à versements libres et les autres contrats repose sur des différences objectives de situation des souscripteurs, relatives aux effets de l’éventuelle remise en cause de leurs engagements compte tenu de la modification du régime fiscal applicable introduite par l’article concerné ; que dès lors le grief tiré d’une violation du principe d’égalité ne saurait être accueilli ;
– SUR L’ARTICLE 9 :
7. Considérant que l’article 9 institue dans certaines conditions un abattement de 50 % sur la valeur des biens professionnels, plafonné à cent millions de francs par donataire, lorsque ces biens sont transmis à titre gratuit entre vifs ; qu’il prévoit en outre, à certaines conditions d’âge et causes de décès, l’extension de cet avantage aux droits de succession ; que ces dispositions ont été présentées comme destinées à favoriser la transmission des entreprises en contribuant à assurer la pérennité des petites et moyennes entreprises ;
8. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que compte tenu de la fixation d’un plafond d’exonération élevé, l’application de cette exonération en cas de pluralité de donateurs tend non pas à faciliter la transmission par un chef d’entreprise petite ou moyenne de son « outil professionnel » mais à privilégier fiscalement la transmission de certains éléments de patrimoine par rapport à tous les autres types de biens, en avantageant au surplus les actionnaires majoritaires par rapport aux actionnaires minoritaires ; que d’ailleurs cet avantage fiscal est susceptible de bénéficier à une pluralité de donataires qui ne sont pas même tenus d’exercer une fonction dirigeante dans l’entreprise ; que dès lors le principe d’égalité devant l’impôt est méconnu ; qu’il en va de même en ce qui concerne la disposition qui étend le bénéfice de cet avantage aux transmissions d’entreprise résultant d’un décès accidentel lorsque la personne concernée est âgée de moins de soixante-cinq ans, dans la mesure où les conditions posées ne constituent nullement une différence significative au regard de l’objet de la réduction d’impôt ; qu’enfin, en réservant le bénéfice de la disposition aux seules donations consenties par acte notarié en excluant les donations sous seing privé ayant fait l’objet de formalités d’enregistrement, la loi contrevient également au principe d’égalité ;
9. Considérant qu’en vertu de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, la contribution commune aux charges de la Nation « doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés » ; que si le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur décide de favoriser par l’octroi d’avantages fiscaux la transmission de certains biens, c’est à la condition que celui-ci fonde son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ;
10. Considérant qu’en instituant un abattement de 50 % sur la valeur de biens professionnels transmis entre vifs à titre gratuit à un ou plusieurs donataires, à la seule condition que ceux-ci conservent ces biens pendant une période de cinq années, sans exiger qu’ils exercent de fonction dirigeante au sein de l’entreprise et en étendant le bénéfice de cette mesure aux transmissions par décès accidentel d’une personne âgée de moins de soixante-cinq ans, la loi a établi vis-à-vis des autres donataires et héritiers des différences de situation qui ne sont pas en relation directe avec l’objectif d’intérêt général ci-dessus rappelé ; que dans ces conditions et eu égard à l’importance de l’avantage consenti, son bénéfice est de nature à entraîner une rupture caractérisée de l’égalité entre les contribuables pour l’application du régime fiscal des droits de donation et de succession ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres griefs de la requête, l’article 9 de la loi ne peut être regardé dans son ensemble comme conforme à la Constitution ;
– SUR L’ARTICLE 19 :
11. Considérant que cet article a pour objet de maintenir pour les impositions établies au titre de l’année 1996, la majoration de 0,4 % des prélèvements opérés au profit de l’État pour frais d’assiette et de recouvrement, notamment de taxes perçues au bénéfice des collectivités locales et de leurs groupements, prévus par l’article 1641 du code général des impôts ; que les auteurs de la saisine soutiennent, en invoquant l’article 14 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, que le maintien de ce prélèvement additionnel, dont toute justification a désormais disparu, méconnaît le principe de nécessité de l’imposition ;
12. Considérant que conformément aux prescriptions de l’article 18 de l’ordonnance du 2 janvier 1959, les recettes de l’État ne peuvent être, en tout ou en partie, affectées directement à certaines dépenses en l’absence de mise en oeuvre des dispositions spécifiques prévues par cet article ;
13. Considérant que, même si la justification initiale de la majoration contestée prévue par la loi susvisée du 30 juillet 1990 était d’assurer le financement d’une opération de révision des valeurs cadastrales désormais achevée, cette majoration n’a pas donné lieu à une affectation ; que dès lors elle constitue une recette du budget qui concourt aux conditions générales de l’équilibre budgétaire, sans que soit méconnu le principe de nécessité de l’impôt ; que le grief soulevé par les auteurs de la saisine ne saurait par suite être accueilli ;
– SUR L’ARTICLE 31 :
14. Considérant que cet article, qui vise à faire prendre en charge par le fonds de solidarité vieillesse, au titre de ses dépenses permanentes, les sommes correspondant au service des majorations de pensions accordées en fonction du nombre d’enfants aux ressortissants du régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles modifie l’article 1003-4 du code rural, en supprimant de la liste des dépenses à la charge du budget annexe des prestations sociales agricoles, celles relatives à ces majorations ;
15. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que cette disposition soustrait du contrôle parlementaire, des dépenses constituant des prestations sociales agricoles qui devraient être retracées dans le budget annexe correspondant ; qu’elle méconnaît dès lors le principe d’unité budgétaire ;
16. Considérant que si les principes d’unité et d’universalité budgétaires s’appliquent au budget annexe des prestations sociales agricoles et interdisent qu’une dépense à caractère permanent lui incombant en vertu d’une disposition législative soit prise en charge par le fonds de solidarité vieillesse, eu égard à la nature de cette dépense, il était loisible au législateur de la retrancher de la liste des dépenses dont ce budget doit assumer la charge ; que dès lors le transfert de la charge des majorations de pensions accordées en fonction du nombre d’enfants, du budget annexe des prestations sociales agricoles au fonds de solidarité vieillesse ne méconnaît aucune prescription constitutionnelle ;
– SUR L’ARTICLE 33 :
17. Considérant que cet article qui fixe le montant de la dotation globale d’équipement des communes en autorisations de programme et crédits de paiement réserve le bénéfice de cette dotation, après constitution d’une quote-part au profit des collectivités territoriales et groupements mentionnés à l’article 104-1 de la loi susvisée du 7 janvier 1983, aux communes dont la population n’excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d’outre-mer et dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel fiscal moyen par habitant de l’ensemble des communes de métropole dont la population n’excède pas 20 000 habitants, ainsi qu’aux groupements de communes remplissant les mêmes conditions de population mais sans qu’ils aient à répondre aux mêmes conditions de plafonnement du potentiel fiscal ; qu’il détermine les modalités de répartition de cette dotation entre les départements et modifie la composition et les fonctions de la commission d’élus compétente en matière d’attributions de cette dotation au sein de chaque département ;
18. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que ces dispositions violent le principe d’égalité en ce qu’elles s’appliquent à tous les groupements de communes, sans égard au potentiel fiscal par habitant, en ce qu’elles traitent différemment communes et groupements de communes, enfin en ce qu’elles excluent du bénéfice de la dotation des communes et groupements de communes sur des bases exclusivement démographiques ; qu’ils soutiennent en outre que les dispositions qui concernent les répartitions de la dotation sans affecter l’ampleur des charges financières de l’État sont étrangères au domaine des lois de finances ;
19. Considérant en premier lieu que l’article 33 modifie le montant de la dotation globale d’équipement, dont il supprime la première part, dans des proportions telles que les dispositions relatives aux modalités de sa répartition sont indissociablement liées à celles fixant ce montant ; qu’il en va de même de celles relatives à la composition et aux fonctions de la commission chargée de donner un avis au préfet sur les projets d’investissement ;
20. Considérant en second lieu que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes au regard de l’objet de la loi ;
21. Considérant que le législateur a entendu aménager la répartition de l’effort financier que représentent pour l’État les concours à l’équipement des collectivités locales, compte tenu de la diminution de son montant ; que la distinction opérée entre communes et groupements de communes est justifiée par le souci de favoriser par le regroupement intercommunal la cohérence des politiques d’investissement ; que la prise en compte, s’agissant des regroupements, d’un critère de potentiel fiscal ne pouvait être utilement opérée au regard des groupements n’ayant pas une fiscalité propre ; qu’enfin les distinctions démographiques retenues peuvent trouver une justification dans la nature et l’importance des opérations d’investissement susceptibles d’être engagées par les communes et groupement concernés ; que dès lors les dispositions contestées ne peuvent être regardées comme ayant méconnu le principe d’égalité ;
-SUR L’ARTICLE 85 :
22. Considérant que les auteurs de la requête font valoir que cet article, introduit par le Gouvernement lors de la première lecture de la loi au Sénat, crée une taxe sur les appareils automatiques exploités durant les fêtes foraines ; qu’il contrevient dès lors aux dispositions de l’article 39, alinéa 2 in fine, de la Constitution ;
23. Considérant que l’article 39 de la Constitution dispose en son second alinéa, in fine, que « les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale » ;
24. Considérant que l’article 85 modifie les modalités de paiement de l’impôt sur les spectacles s’agissant des appareils automatiques exploités dans les fêtes foraines, en substituant à un paiement annuel dans la première commune d’exploitation, un paiement fractionné calculé au prorata de la durée d’exploitation dans chaque commune où a lieu une fête foraine et au tarif de la taxe applicable dans cette commune ; qu’il pouvait être introduit par voie d’amendement dans le projet de loi de finances soumis au Sénat sans méconnaître l’article 39 de la Constitution ;
-SUR L’ARTICLE 94 :
25. Considérant que cet article étend aux bateaux français captifs affectés aux transports publics de marchandises liquides le bénéfice du fonds d’assainissement des transports fluviaux de marchandises prévu par l’article 57 de la loi de finances rectificative pour 1989 et fixe à la charge des propriétaires des bateaux affectés au transport public de marchandises liquides les montants d’une taxe alimentant ce fonds ;
26. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que cet article, introduit lors de la première lecture au Sénat, contrevient aux dispositions de l’article 39, alinéa 2, in fine de la Constitution ;
27. Considérant que l’article 39, alinéa 2, in fine, de la Constitution dispose que « les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale » ; qu’il n’en résulte pas que des mesures financières ne puissent pas être présentées par voie d’amendement par des sénateurs ; que tel est le cas de l’article 94 ; que le grief articulé par les auteurs de la saisine ne saurait donc être accueilli ;
-SUR L’ARTICLE 97 :
28. Considérant que cet article vise à habiliter le ministre chargé du budget et le ministre chargé des transports à modifier par arrêté, dans le respect des prescriptions de l’article R 134-4 du code de l’aviation civile, le montant de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne due au titre des années 1991 à 1995 et, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, à autoriser la substitution de nouveaux titres de perception à ceux qui ont été émis pour ces années sur le fondement des arrêtés des 9 mars et 13 décembre 1990, 5 décembre 1991, 21 décembre 1992, 29 décembre 1993 et 25 août 1994 ;
29. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que l’objet de cette disposition est étranger au domaine des lois de finances ; qu’au surplus l’article 97 viole la chose jugée en ce qu’il autorise le calcul de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne sur une base forfaitaire, en méconnaissance des motifs d’une décision du Conseil d’État du 10 février 1995, laquelle a annulé l’arrêté en date du 21 décembre 1992 fixant le seuil de la redevance applicable à compter du 1er janvier 1993 ; qu’il contrevient enfin au principe de sincérité budgétaire et par suite à l’obligation d’information du Parlement, au motif que les crédits nécessaires au remboursement des redevances indûment encaissées n’auraient pas été inscrites au budget annexe de l’aviation civile ;
30. Considérant, en premier lieu, que l’article 97 a pour objet l’adoption de mesures propres à assurer certaines recettes au budget annexe de l’aviation civile ; qu’il a dès lors une incidence directe sur le montant des ressources de l’État et que par suite il n’est pas étranger à l’objet des lois de finances ;
31. Considérant en deuxième lieu que si l’article 97 habilite les ministres concernés à modifier par arrêté le montant de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne due au titre des années 1991 à 1995, c’est en énonçant la condition de respecter les prescriptions de l’article R 134-4 du code de l’aviation civile, et sous réserve de la décision du Conseil d’État susmentionnée passée en force de chose jugée ; que dès lors le moyen tiré de la méconnaissance de la chose jugée manque en fait ;
32. Considérant enfin qu’il ne ressort pas de l’examen des dépenses d’exploitation du budget annexe de l’aviation civile que celles-ci auraient été sous-estimées compte tenu de la date prévisible de l’intervention des remboursements susceptibles d’être dus par l’État aux compagnies aériennes consécutivement à l’édiction des arrêtés qui doivent être substitués à ceux qui avaient été antérieurement pris de 1990 à 1994 ; que le grief tiré d’une méconnaissance du principe de sincérité du budget ne saurait par suite être accueilli ;
-SUR L’ARTICLE 98 :
33. Considérant que cet article tend à valider les titres de perception émis en application de l’arrêté ministériel du 4 mars 1993 répartissant entre les entreprises de transport aérien les dépenses afférentes au contrôle technique d’exploitation, annulé par une décision du Conseil d’État du 10 février 1995 ainsi que ceux émis en vertu des arrêtés des 21 septembre 1990 et 24 décembre 1991 ayant le même objet ;
34. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette disposition doit être déclarée contraire à la Constitution, soit que le législateur ait entendu instituer rétroactivement des redevances, étrangères par nature au domaine des lois de finances, soit qu’il ait au contraire entendu créer rétroactivement des taxes alors qu’il n’en a pas fixé lui-même les taux ;
35. Considérant que si le législateur a la faculté d’user de son pouvoir de prendre des dispositions rétroactives afin de valider à la suite de l’intervention d’une décision passée en force de chose jugée et dans le respect de cette dernière des actes administratifs, il ne peut le faire qu’en considération de motifs d’intérêt général ; qu’eu égard aux sommes concernées et aux conditions générales de l’équilibre financier du budget annexe de l’aviation civile qui n’étaient pas susceptibles d’être affectées en l’espèce, la seule considération d’un intérêt financier lié à l’absence de remise en cause des titres de perception concernés ne constituait pas un motif d’intérêt général autorisant le législateur à faire obstacle aux effets d’une décision de justice déjà intervenue et le cas échéant d’autres à intervenir ; que dès lors, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les griefs invoqués par les auteurs de la saisine, l’article 98 doit être regardé comme contraire à la Constitution ;
36. Considérant qu’il n’y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d’office aucune autre question de conformité à la Constitution ;
Décide :
Article premier :
Les articles 9 et 98 de la loi de finances pour 1996 sont déclarés contraires à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 décembre 1995, où siégeaient : MM Roland DUMAS, président, Etienne Dailly, Maurice FAURE, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Michel AMELLER, Jacques ROBERT et Mme Noëlle LENOIR.
Le président, Roland DUMAS
ECLI:FR:CC:1995:95.369.DC