Décision 93-333 DC – 21 janvier 1994 – Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication – Conformité

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Décision 93-333 DC – 21 janvier 1994 – Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication – Conformité
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Texte intégral

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 23 décembre 1993, par MM Claude Estier, Aubert Garcia, Roger Quilliot, Guy Allouche, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM Paul Raoult, Jean Besson, André Vezinhet, Louis Perrein, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Roland Courteau, Robert Castaing, François Louisy, Jacques Bellanger, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, Michel Charasse, Jean-Louis Carrère, Paul Loridant, Jean-Luc Mélenchon, René Régnault, Mme Monique ben Guiga, M Jacques Carat, Mme Josette Durrieu, MM Léon Fatous, Marcel Bony, Jean Peyrafitte, Germain Authié, Claude Cornac, Gérard Miquel, Jean-Pierre Demerliat, Michel Dreyfus-Schmidt, Louis Philibert, Fernand Tardy, Marcel Charmant, Guy Penne, Philippe Labeyrie, Michel Manet, Francis Cavalier-Benezet, Albert Pen, Pierre Biarnes, Roland Bernard, William Chervy, Michel Moreigne, Bernard Dussaut, Claude Saunier, Raymond Courrière, Robert Laucournet, Jacques Bialski, Gérard Gaud, Marcel Vidal, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM François Autain, Charles Metzinger, Roland Huguet, Michel Sergent, René-Pierre Signe, Franck Sérusclat, Philippe Madrelle, sénateurs, et, le 24 décembre 1993, par MM Martin Malvy, Gilbert Annette, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Claude Bartolone, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Didier Boulaud, Michel Berson, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Jean-Pierre Braine, Laurent Cathala, Jean-Pierre Chevènement, Camille Darsières, Henri d’Attilio, Mme Martine David, MM Bernard Davoine, Jean-Pierre Defontaine, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Pierre Ducout, Dominique Dupilet, Jean-Paul Durieux, Henri Emmanuelli, Laurent Fabius, Jacques Floch, Pierre Garmendia, Kamilo Gata, Jean Glavany, Jacques Guyard, Jean-Louis Idiart, Frédéric Jalton, Serge Janquin, Charles Josselin, Jean-Pierre Kucheida, André Labarrère, Jean-Yves Le Déaut, Louis Le Pensec, Alain Le Vern, Marius Masse, Didier Mathus, Jacques Mellick, Louis Mexandeau, Jean-Pierre Michel, Didier Migaud, Mme Véronique Neiertz, MM Paul Quilès, Alain Rodet, Mme Ségolène Royal, MM Georges Sarre, Henri Sicre, Roger-Gérard Schwartzenberg, Emile Zuccarelli, Bernard Charles, Régis Fauchoit, François Asensi, Rémy Auchedé, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes, René Carpentier, Daniel Colliard, Jean-Claude Gayssot, André Gérin, Michel Grandpierre, Maxime Gremetz, Georges Hage, Guy Hermier, Mmes Huguette Jacquaint, Janine Jambu, MM Jean-Claude Lefort, Georges Marchais, Paul Mercieca, Louis Pierna, Jean Tardito, Ernest Moutoussamy, députés, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à la liberté de communication ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée sur les sociétés commerciales ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;

Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les sénateurs, auteurs de la première saisine, défèrent au Conseil constitutionnel la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication en mettant en cause ses articles 7, 8, 11, 14 et 15 ; qu’ils soutiennent que ces dispositions méconnaissent la libre communication des pensées et des opinions garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; que les députés, auteurs de la seconde saisine, critiquent pour leur part les articles 8, 14 et 15 de la même loi, en invoquant la méconnaissance à la fois de l’objectif de pluralisme indispensable à la sauvegarde de la liberté de communication, du principe d’égalité et de la compétence du législateur définie par l’article 34 de la Constitution ;

– SUR LES NORMES DE CONSTITUTIONNALITE APPLICABLES EN MATIERE DE LIBERTE DE COMMUNICATION :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : “La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi.” ;

3. Considérant que le pluralisme des courants d’expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie ; que la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent les moyens de communication audiovisuels n’était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur privé que dans celui du secteur public, de programmes qui garantissent l’expression de tendances de caractère différent dans le respect de l’impératif d’honnêteté de l’information ; qu’en définitive, l’objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 précité soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu’on puisse en faire les objets d’un marché ;

4. Considérant qu’il appartient au législateur, compétent en vertu de l’article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, de concilier, en l’état actuel des techniques et de leur maîtrise, l’exercice de la liberté de communication telle qu’elle résulte de l’article 11 de la Déclaration de 1789 avec d’une part, les contraintes inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et de ses opérateurs et d’autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte ;

– SUR L’ARTICLE 7 :

5. Considérant que l’article 7 de la loi déférée ajoute un douzième alinéa à l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée ; que cet alinéa définit les conditions dans lesquelles les services de télévision bénéficiant d’une autorisation nationale en clair sont autorisés à effectuer des “décrochages locaux” qui ne sont pas considérés comme des services distincts, bénéficiant d’autorisations locales ;

6. Considérant que les sénateurs, auteurs de la première saisine, font grief à cette disposition nouvelle de régulariser et de généraliser la pratique correspondante qui n’était jusqu’à présent autorisée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel que dans la limite de six minutes par jour ; qu’ils soutiennent qu’une telle pratique ne peut s’analyser que comme une dérogation aux règles prohibant ou limitant le cumul des autorisations relatives à des services de télévision et qu’elle porte une atteinte au pluralisme et à la limitation des concentrations ;

7. Considérant que par les dispositions susmentionnées, le législateur a entendu soumettre la faculté nouvelle qu’il ouvrait aux conditions édictées à l’article 28 de la loi ; que notamment l’autorisation prévue suppose qu’ait été conclue préalablement une convention entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel au nom de l’État et le service de télévision concerné ; qu’en vertu des dispositions de ladite loi et notamment de ses articles 1er et 27, celle-ci doit fixer dans le respect de l’honnêteté et du pluralisme de l’information et des programmes, des règles applicables au service en prenant en compte les exigences de l’égalité de traitement entre les différents services et les conditions de concurrence propres à chacun d’eux ; que les dispositions de l’article 7 de la loi déférée ne dérogent pas aux règles prohibant ou limitant le cumul des autorisations relatives à des services de télévision édictées par les articles 41, 41-1 et 41-2 de la loi du 30 septembre 1986 ; que les “décrochages locaux” autorisés doivent être réalisés sous la seule responsabilité éditoriale du service de télévision concerné ; qu’ils sont limités à trois heures par jour sauf dérogation du Conseil supérieur de l’audiovisuel lequel est tenu sous le contrôle du juge d’observer l’ensemble des obligations qui lui incombent ; que par ailleurs, les dispositions de l’article 7 interdisent le recours à la publicité et au parrainage en vue notamment de ne pas porter atteinte aux conditions pluralistes d’exercice de la liberté de communication par la presse quotidienne régionale et les radios locales ; que dans ces conditions les dispositions de l’article 7 ne peuvent être regardées comme méconnaissant l’objectif à valeur constitutionnelle du pluralisme ;

– SUR L’ARTICLE 8 :

8. Considérant que l’article 8 abroge la dernière phrase du premier alinéa de l’article 28 de la loi susvisée du 30 septembre 1986 et insère dans cette loi un article 28-1 nouveau ; qu’ainsi les durées antérieurement prévues de dix années de l’autorisation pour les services de télévision et de cinq années pour les services de radiodiffusion sonore, diffusés par voie hertzienne terrestre, ne concernent plus que l’autorisation initiale ; que cet article dispose que cette autorisation est reconduite, par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, hors appel aux candidatures, dans la limite de deux fois et chaque fois pour une durée de cinq ans ; qu’il précise qu’il ne peut être fait obstacle à ce renouvellement que si l’État a modifié la destination des fréquences, si le Conseil supérieur de l’audiovisuel estime que les sanctions ou astreintes dont a fait l’objet le titulaire de l’autorisation justifient que celle-ci ne soit pas reconduite selon cette procédure ou si le Conseil supérieur de l’audiovisuel estime que la reconduction porte atteinte à l’impératif de pluralisme ; qu’est fixée par ailleurs la procédure de reconduction hors appel aux candidatures ; qu’il est enfin précisé que cette procédure est applicable aux autorisations venant à expiration à une date postérieure au 28 février 1995 ;

9. Considérant que les sénateurs, auteurs de la première saisine, font grief à ces dispositions d’aggraver les risques de concentration et d’abus de position dominante et de contribuer à restreindre les garanties constitutionnelles de respect du principe de pluralisme des moyens de communication ; que les députés, auteurs de la seconde saisine, font valoir qu’elles méconnaissent le respect du pluralisme qui exige une remise en question de la répartition de la distribution des autorisations pour qu’il soit tenu compte de l’évolution des courants d’expression socioculturels ; que l’article 8 conférant un privilège aux opérateurs en place par rapport à de nouveaux opérateurs éventuels sans que cette différence soit justifiée par une différence de situations, méconnaîtrait le principe d’égalité ; qu’en outre la liberté d’appréciation reconnue au Conseil supérieur de l’audiovisuel pour décider, en fonction du comportement du titulaire de l’autorisation initiale, de la reconduction de celle-ci est si discrétionnaire qu’elle méconnaîtrait la compétence du législateur définie par l’article 34 de la Constitution ; qu’ils soutiennent enfin que la fixation de la date du 28 février 1995 à partir de laquelle la nouvelle procédure s’appliquera méconnaît également le principe d’égalité ;

. En ce qui concerne le respect du pluralisme :

10. Considérant que les dispositions contestées relatives aux conditions de renouvellement des autorisations doivent être interprétées et mises en oeuvre au regard des principes posés par l’article 1er de la loi susvisée du 30 septembre 1986 ; qu’en particulier il appartient au Conseil supérieur de l’audiovisuel de veiller à assurer l’égalité de traitement, à favoriser la libre concurrence et à assurer la qualité et la diversité des programmes ;

11. Considérant que, pour la mise en oeuvre de cette procédure et notamment pour décider d’une reconduction d’une autorisation hors appel aux candidatures, le Conseil supérieur de l’audiovisuel doit s’assurer par tous les moyens d’information et de contrôle dont il dispose qu’est respecté le pluralisme sur le plan national ou sur le plan régional et local ;

12. Considérant que la décision quant à la possibilité de reconduire une autorisation hors appel à candidatures doit intervenir un an avant l’expiration de celle-ci et être publiée au Journal officiel ; que dans l’affirmative, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut de sa propre initiative et avec l’accord du titulaire de l’autorisation modifier la convention prévue à l’article 28 de la loi susvisée du 30 septembre 1986 ; qu’ainsi les modifications peuvent porter notamment sur la durée et les caractéristiques du programme, le temps consacré à la diffusion d’oeuvres d’expression originale française ou européenne, la part du chiffre d’affaires consacrée à l’acquisition de droits cinématographiques d’expression française, la diffusion de programmes éducatifs et culturels, le temps maximum consacré à la publicité, le concours au soutien de l’industrie cinématographique et de l’industrie de programmes audiovisuels ; qu’il est précisé par l’article contesté qu’à défaut d’accord au moins six mois avant la date d’expiration de l’autorisation pour les services de télévision et de radiodiffusion sonore, l’autorisation n’est pas reconduite hors appel aux candidatures ; que cette nouvelle décision est à son tour publiée au Journal officiel ; que dans ce cas, une nouvelle autorisation d’usage de fréquences ne peut être délivrée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel que conformément aux articles 29 et 30 de la loi susvisée du 30 septembre 1986 ;

13. Considérant qu’il incombera ainsi au Conseil supérieur de l’audiovisuel de tenir compte dans tous les cas du comportement passé du titulaire de l’autorisation initiale et de veiller, dans le cadre de la nouvelle discussion, qui peut être globale, de la convention qui le lie, à ce qu’il respecte ses obligations destinées à assurer une expression libre et pluraliste des idées et des courants d’opinion ; que c’est à la condition d’un accord sur ces obligations que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, autorité indépendante garante de l’exercice de la liberté de communication, peut notamment décider de reconduire l’autorisation hors appel aux candidatures ;

14. Considérant d’ailleurs que, dans l’exercice de ses compétences, le Conseil supérieur de l’audiovisuel sera, à l’instar de toute autorité administrative, soumis à un contrôle de légalité qui pourra être mis en oeuvre tant par le Gouvernement, que par toute personne qui y aurait intérêt ; qu’il incombera à la juridiction administrative de veiller tout particulièrement au respect de l’objectif du pluralisme ;

15. Considérant que dans ces conditions, la disposition contestée n’est pas par elle-même de nature à mettre en cause cet objectif à valeur constitutionnelle ;

. En ce qui concerne le principe d’égalité :

16. Considérant d’une part que ce principe ne s’oppose pas à ce que le législateur déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en rapport avec l’objet de la loi ;

17. Considérant qu’un des objectifs de la loi consiste à encourager les investissements privés dans l’audiovisuel pour que se constituent des groupes aptes à affronter la concurrence internationale, à s’adapter rapidement aux évolutions technologiques et à promouvoir les intérêts culturels français ; que le législateur a adopté les dispositions de l’article 8 pour assurer aux opérateurs privés de radio et de télévision une continuité d’exploitation facilitant la programmation de leurs investissements et de leur développement ; que dès lors la procédure prévue par l’article 8 de la loi ne méconnaît pas le principe d’égalité ;

18. Considérant d’autre part que l’application de cette procédure nouvelle aux autorisations venant à expiration à une date postérieure au 28 février 1995 concerne tous les services de télévision et de radiodiffusion qui ont d’ores et déjà fait l’objet d’une autorisation ; que sur ce point, le moyen tiré d’une méconnaissance du principe d’égalité manque en fait ;

. En ce qui concerne la compétence du législateur :

19. Considérant que pour la réalisation des objectifs à valeur constitutionnelle rappelés ci-dessus, il est loisible au législateur, compétent en vertu de l’article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, de confier à une autorité administrative indépendante des pouvoirs d’appréciation dans le cadre des conditions et précisions qu’il édicte ; qu’il lui appartient toutefois d’assortir l’exercice de ces pouvoirs de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ;

20. Considérant que le législateur a assorti de règles et garanties le renouvellement des autorisations hors appel aux candidatures ; que l’appréciation des comportements des titulaires d’autorisation ayant pu donner lieu à astreintes ou sanctions relève de la mission spécifique du Conseil supérieur de l’audiovisuel ; qu’il appartiendra au juge administratif de veiller au respect de ces règles et garanties à l’initiative tant du Gouvernement que de toute personne qui y aurait intérêt ; que dans ces conditions, le législateur n’a pas méconnu sa compétence en conférant au Conseil supérieur de l’audiovisuel les pouvoirs que celui-ci tient de l’article 8 de la loi ;

– SUR L’ARTICLE 11 :

21. Considérant que l’article 11 a pour but d’autoriser le Conseil supérieur de l’audiovisuel, sans procéder aux appels aux candidatures prévus par les article 29 et 30 de la loi susvisée du 30 septembre 1986, à délivrer des autorisations relatives à un service de radiodiffusion sonore ou de télévision par voie hertzienne terrestre pour une durée n’excédant pas six mois ;

22. Considérant que les sénateurs, auteurs de la première saisine, font grief à cet article de ne soumettre ces services temporaires à aucune des règles relatives à la transparence et au contrôle des concentrations prévues par les articles 35 à 41-3 de la loi relative à la liberté de communication ; que cet article porterait ainsi, selon eux, atteinte à l’objectif de pluralisme des moyens de communication ;

23. Considérant qu’en édictant les dispositions critiquées, le législateur a pu estimer que la procédure d’appel à candidatures définie aux articles 29 et 30 de la loi du 30 septembre 1986 était inadaptée par sa lourdeur à des expériences occasionnelles ou saisonnières ; qu’il n’a entendu déroger ni aux principes posés par l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 susvisée ni aux dispositions de l’article 28 de la même loi qui imposent que soit conclue une convention entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel au nom de l’État et la personne qui demande l’autorisation non plus qu’aux règles relatives à la transparence et au contrôle des concentrations prévues par les articles 35 à 41-3 de la loi précitée du 30 septembre 1986 ; qu’enfin une telle autorisation de caractère temporaire doit être entendue comme ne permettant pas de renouvellement immédiat au regard des règles fixées par les articles 29 et 30 de ladite loi en matière d’appel à candidatures ; que sous cette réserve d’interprétation, les dispositions de l’article 11 de la loi déférée ne méconnaissent aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle ;

– SUR L’ARTICLE 14 DE LA LOI :

24. Considérant que l’article 14 de la loi déférée porte de 25 à 49 % la fraction du capital ou des droits de vote qu’une société titulaire d’une autorisation relative à un service national de télévision par voie hertzienne terrestre peut détenir ; qu’il est en outre prévu que ce plafond s’applique dans le cas où une ou plusieurs personnes physiques ou morales agissent de concert ;

25. Considérant que les sénateurs font valoir que le relèvement du seuil de 25 à 49 % permettra à un actionnaire de contrôler en fait une chaîne nationale diffusée par voie hertzienne terrestre dès lors que selon l’article 355-1 de la loi du 24 juillet 1966, une société est présumée en contrôler une autre lorsqu’elle dispose d’une fraction des droits de vote supérieure à 40 % ; que par suite, la disposition qu’ils critiquent contreviendrait à la triple nécessité de diversifier les opérateurs, d’assurer le pluralisme des opinions et d’éviter les abus de position dominante ; que les députés, quant à eux, soutiennent que les dispositions de l’article 14 n’ont pas pour but de déterminer un régime garantissant le respect des principes et des objectifs à valeur constitutionnelle mais uniquement de régulariser des agissements de l’opérateur privé français le plus important ; que l’actionnaire dominant serait en mesure de contrôler entièrement le fonctionnement et la stratégie d’une chaîne ; que par suite, une atteinte inconstitutionnelle serait portée au pluralisme ;

26. Considérant ainsi qu’il a été dit ci-dessus que l’objectif du pluralisme doit s’analyser comme permettant au public de disposer aussi bien dans le cadre du secteur privé que dans celui du secteur public de programmes qui garantissent l’expression de tendances de caractère différent dans le respect de l’honnêteté de l’information ;

27. Considérant que les dispositions de l’article 14 de la loi déférée doivent être analysées au regard de l’article 1er susmentionné de la loi du 30 septembre 1986 et des articles 17, 38 et 41 de la même loi ; que l’article 17 de cette loi confère au Conseil supérieur de l’audiovisuel des pouvoirs d’avis, de recommandation et de saisine des autorités administratives et judiciaires compétentes en vue de contrecarrer les pratiques restrictives de la concurrence et les concentrations économiques ; que l’article 38 de la même loi fait obligation à toute personne physique ou morale qui vient à détenir toute fraction supérieure ou égale à 20 % du capital ou des droits de vote aux assemblées générales d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service de communication audiovisuelle d’en informer le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans le délai d’un mois à compter du franchissement de ces seuils ; que les articles 41, 41-1 et 41-2 de la même loi restreignent la possibilité pour une même personne d’être titulaire de plusieurs autorisations tant en matière de services de télévision qu’en matière de radiodiffusion ; que les limitations ainsi énoncées visent, comme il est précisé à l’article 41-3 de la même loi, aussi bien la personne titulaire de l’autorisation que la personne qui contrôle celle-ci au regard des critères figurant à l’article 355-1 précité de la loi susvisée du 24 juillet 1966 ;

28. Considérant que si les dispositions édictées par l’article 14 de la loi rehaussent le plafond de détention du capital ou des droits de vote par une même personne au sein d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service national de télévision par voie hertzienne terrestre, elles renforcent par ailleurs la portée du contrôle de la concentration au sein d’une entreprise en soumettant explicitement à ce plafond tout “concert” d’actionnaires ; qu’en outre, il n’est pas dérogé aux garanties édictées par le législateur concernant les services de télévision et de radiodiffusion sonore et notamment à celles qui sont rappelées ci-dessus ; que par ailleurs les dispositions contestées ne dérogent pas non plus à celles du deuxième alinéa de l’article 39 de la loi susvisée du 30 septembre 1986 qui interdisent à une personne physique ou morale de détenir plus de 15 % du capital ou des droits de vote d’une autre société titulaire d’une autorisation lorsqu’elle détient déjà plus de 15 % d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service national de télévision ; qu’elles ne peuvent non plus contrevenir aux dispositions du troisième alinéa de l’article 39 qui interdit une participation de plus de 5 % dans le capital d’une société lorsqu’une personne physique ou morale détient déjà plus de 5 % dans deux autres sociétés titulaires d’une autorisation semblable ; qu’enfin ces diverses règles s’appliquent sous réserve des dispositions de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence et notamment de ses titres IV et V relatifs à la transparence et à la concentration économique ;

29. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’article 14, eu égard aux garanties ainsi édictées par le législateur, n’a méconnu aucune règle ni aucun principe à valeur constitutionnelle ;

– SUR L’ARTICLE 15 DE LA LOI :

30. Considérant que l’article 15 a essentiellement pour objet de modifier les règles restreignant les cumuls en matière de services de radiodiffusion qui étaient prévues par le premier alinéa de l’article 41 et le cinquième alinéa de l’article 41-3 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée ; qu’il prévoit qu’une même personne physique ou morale ne peut disposer en droit ou en fait de plusieurs réseaux que dans la mesure où la somme des populations recensées dans les zones desservies par ceux-ci n’excède pas 150 millions d’habitants ;

31. Considérant que les sénateurs, auteurs de la première saisine, font valoir que ces dispositions relèvent dans des proportions considérables le seuil de concentration dans le secteur de la diffusion sonore fixé par l’article 41 dans sa rédaction issue de la loi du 27 novembre 1986 ; que loin d’aménager les modalités de protection du pluralisme, elles portent atteinte au principe de libre communication des pensées et des opinions dès lors que n’est prévue aucune garantie équivalente à celles précédemment instituées ; que les députés, quant à eux, soutiennent sur le même fondement que les critiques qu’ils adressent à l’article précédent, que ces dispositions méconnaissent l’objectif constitutionnel du pluralisme ;

32. Considérant que l’élévation du plafond prévue par l’article contesté doit s’apprécier au regard de la modification de la disposition de l’article 41-3 de la loi de 1986 que cet article comporte ; qu’en effet, celui-ci renvoie non seulement à une définition du réseau national de radiodiffusion sonore fondée sur le seul effectif des populations recensées dans les zones desservies fixé à trente millions d’habitants minimum, mais encore à la prise en compte de réseaux constitués de tout service ou ensemble de services diffusant un même programme pour une proportion majoritaire du temps d’antenne de chaque service ; que ce changement de définition est de nature à permettre de prendre en compte de manière cumulée la desserte des radios diffusant pour une large part des programmes identiques ; qu’eu égard à la desserte assurée tant par l’ensemble des opérateurs de radiodiffusion et plus particulièrement par les opérateurs privés, le législateur a pu, dans ces conditions, relever à 150 millions l’effectif maximal des populations recensées dans les zones desservies sans porter d’atteinte caractérisée à l’objectif constitutionnel du pluralisme ;

33. Considérant qu’en l’espèce il n’y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d’office des questions de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumises à son examen ;

Décide :

Article premier :

Les articles 7, 8, 11, 14 et 15 de la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ne sont pas contraires à la Constitution.

Article 2 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

el de la République française.

ECLI:FR:CC:1994:93.333.DC


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