Décision 93-1325 AN – 21 octobre 1993 – A.N., Paris (18ème circ.) – Rejet

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Décision 93-1325 AN – 21 octobre 1993 – A.N., Paris (18ème circ.) – Rejet
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Texte intégral

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Christophe Caresche, demeurant à Paris, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 8 avril 1993 et tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 21 et 28 mars 1993 dans la 18e circonscription de Paris pour la désignation d’un député à l’Assemblée nationale;

Vu les observations présentées par le ministre de l’intérieur, enregistrées comme ci-dessus le 23 avril 1993;

Vu les observations en défense présentées par M. Alain Juppé, enregistrées comme ci-dessus le 30 avril 1993;

Vu les observations en réplique présentées par M. Caresche, enregistrées comme ci-dessus le 24 mai 1993;

Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrée comme ci-dessus le 30 juillet 1993, par laquelle est approuvé, après réformation, le compte de campagne de M. Juppé

Vu les nouvelles observations présentées par M. Caresche, enregistrées comme ci-dessus les 17 et 30 septembre 1993;

Vu les nouvelles observations en défense présentées par M. Juppé, enregistrées comme ci-dessus les 6 et 19 octobre 1993;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu l’article 59 de la Constitution;

Vu l’ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel;

Vu le code électoral;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et sénateurs;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 52-12 du code électoral ” chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l’article L. 52-4 ” qu’il est spécifié que: ” Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l’accord, même tacite, de celui-ci, par les personnes physiques ou morales, les groupements et partis qui lui apportent leur soutien ” que le premier alinéa de l’article L. 52-12 exige enfin que ” le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié ”

2. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 52-15 du code précité ” la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne ” que le deuxième alinéa de l’article L.O. 128 du code électoral dispose dans une première phrase que: ” Est … inéligible pendant un an à compter de l’élection celui qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l’article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit “, et énonce dans une seconde phrase que ” Peut également être déclaré inéligible, pour la même durée, celui qui a dépassé le plafond des dépenses électorales tel qu’il résulte de l’article L. 52-11 ” qu’enfin il spécifié à l’article L.O. 186-1 du code électoral que lorsqu’un candidat se trouve dans l’un des cas mentionnés au deuxième alinéa de l’article L.O. 128, le Conseil constitutionnel prononce son inéligibilité conformément à cet article et, s’il s’agit du candidat proclamé élu, annule son élection;

3. Considérant que M. Caresche invoque un moyen unique tiré de ce que les dépenses de campagne de M. Juppé, candidat proclamé élu à l’issue du second tour, ont dépassé le plafond des dépenses électorales fixé en l’espèce à 500 000 F par candidat en application de l’article L. 52-11 du code électoral; que M. Caresche fait grief à M. Juppé d’avoir minoré le coût des dépenses électorales qui ont été exposées par lui ou pour son compte, en omettant de faire figurer dans son compte de campagne le coût d’une campagne publicitaire effectuée à l’occasion de la sortie de l’ouvrage intitulé La Tentation de Venise dont le candidat élu est l’auteur; que le requérant demande en conséquence au Conseil constitutionnel de constater le dépassement du plafond des dépenses autorisé, de prononcer l’inéligibilité de M. Juppé en tant que député pour une durée d’un an à compter de l’élection et d’annuler celle-ci;

4. Considérant que le compte de campagne de M. Juppé a été déposé, conformément aux prescriptions du deuxième alinéa de l’article L. 52-12 du code électoral, dans le délai de deux mois suivant le tour de scrutin à l’issue duquel il a été proclamé élu; que, par une décision en date du 16 juillet 1993, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, après réformation, approuvé le compte de l’intéressé en l’établissant, en recettes à la somme de 669 235 F, et en dépenses à la somme de 421 051 F; que cette réformation résulte de la réintégration dans ce compte d’une somme de 26 548 F correspondant au coût de l’affichage mentionné ci-dessus; que M. Caresche soutient que l’évaluation ainsi retenue par la commission est insuffisante, tandis que M. Juppé estime qu’aucune réintégration ne doit être opérée à ce titre;

5. Considérant que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est une autorité administrative et non une juridiction; qu’il en résulte que la position qu’elle adopte lors de l’examen des comptes de campagne d’un candidat ne saurait préjuger la décision du Conseil constitutionnel, juge de la régularité de l’élection en vertu de l’article 59 de la Constitution;

Sur le principe de la réintégration des dépenses de promotion de l’ouvrage de M. Juppé:

6. Considérant que la publication d’un ouvrage ne saurait, en principe, être regardée comme une action de propagande du seul fait que l’auteur de ce livre est candidat à une élection; qu’il en va toutefois différemment des moyens engagés en vue d’assurer la diffusion de cet ouvrage, dans la mesure où la mise en oeuvre de ceux-ci excède, par leur nature ou leur ampleur, la promotion habituelle d’oeuvres de même nature dans le dessein de promouvoir auprès des électeurs de la circonscription l’image de ce candidat; qu’en pareil cas, les dépenses correspondantes ont le caractère de dépenses effectuées en vue de l’élection pour le compte du candidat, au sens des dispositions précitées de l’article L. 52-12 et doivent par suite être incluses dans son compte de campagne;

7. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la campagne de promotion du livre de M. Juppé a eu lieu au mois de février 1993, soit peu avant l’ouverture de la campagne électorale; que cette promotion a pris la forme, d’une part, d’encarts publicitaires parus dans la presse nationale les 13 et 19 février, et, d’autre part, d’un affichage réalisé sur quinze panneaux situés à Paris entre le 11 et le 19 février 1993;

8. Considérant que l’insertion d’encarts publicitaires pour l’ouvrage de M. Juppé dans des journaux diffusés sur tout le territoire et visant un large public n’a pas excédé le recours usuel à ce mode de promotion; qu’elle ne peut en l’espèce être regardée comme rattachable de manière suffisamment directe à la campagne électorale de la 18e circonscription de Paris; que, par suite le coût de cette publicité n’a pas à être inclus dans le compte de campagne de M. Juppé

9. Considérant, en revanche, que l’affichage réalisé pour assurer la promotion du même livre ne l’a été qu’à Paris; que, si aucune affiche n’a été apposée dans la circonscription dans laquelle M. Juppé était candidat, il est constant que dix des quinze emplacements choisis pour cette campagne étaient situés sur l’avenue des Champs-Elysées, qui est l’un des lieux les plus fréquentés par l’ensemble de la population de la capitale; que pareil affichage, en un tel lieu et à un tel moment, excède la pratique habituelle de promotion d’oeuvres de même nature; que l’ouvrage tend à présenter la personnalité de son auteur ainsi que son engagement politique sous un jour favorable; qu’il comporte notamment certains développements consacrés à l’activité de M. Juppé en sa qualité de député sortant de la 18e circonscription; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que la campagne d’affichage en cause a partiellement concouru à assurer la promotion de ce candidat; que, dans cette mesure, les dépenses correspondantes doivent être incluses au nombre de celles que visent les dispositions précitées du premier alinéa de l’article L. 52-12 du code électoral et devaient par suite, bien que supportées par l’éditeur de M. Juppé, figurer dans le compte de campagne de ce dernier;

Sur le montant des sommes à réintégrer:

10. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment de l’examen des pièces réunies par la commission et qui ont été versées au dossier du Conseil constitutionnel en application de l’article 42 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée, que le coût de réalisation de ces affiches s’est élevé à la somme non contestée de 17 386,76 F; que si la location des panneaux a été facturée le 16 février 1993 par la Régie publicitaire du mobilier urbain, société concessionnaire de ces emplacements, à la société Grasset, éditeur de l’ouvrage en cause, pour une somme de 9 161,85 F toutes taxes comprises correspondant à un prix unitaire de 510 F hors taxe par panneau, il ressort du dossier que ce tarif correspond en principe à une campagne d’affichage à caractère national, ce qui n’est pas le cas de celle dont a bénéficié l’ouvrage de M. Juppé que, par suite, la somme ainsi fixée ne tient pas compte de l’avantage indirect en nature dont a bénéficié le candidat et dont la valeur doit être prise en compte; que, s’agissant d’affichages réalisés sur des panneaux situés en ce lieu, il apparaît qu’il en est disposé par la société propriétaire, tantôt à titre gratuit au profit de certaines personnalités, tantôt à des conditions variant selon les cas; que, toutefois, et même s’il ressort ainsi du dossier que l’éditeur du livre de M. Juppé a bénéficié en l’espèce de conditions très avantageuses pour la location de ces panneaux, les éléments de l’affaire ne peuvent conduire le Conseil constitutionnel à remettre en cause l’appréciation portée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques quant à l’absence de dépassement du plafond fixé par l’article L. 52-11 du code électoral; que la requête de M. Caresche doit, par suite, être rejetée,

Décide :

Article premier :

La requête susvisée de M. Christophe Caresche est rejetée.

Article 2 :

La présente décision sera notifiée à l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 octobre 1993, où siégeaient: MM. Robert BADINTER, président, Robert FABRE, Maurice FAURE, Marcel RUDLOFF, George Abadie, Jean CABANNES, Jacques LATSCHA et Jacques ROBERT.

Le président,

Robert BADINTER

ECLI:FR:CC:1993:93.1325.AN


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