Décision 92-316 DC – 20 janvier 1993 – Loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques – Non conformité partielle

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Décision 92-316 DC – 20 janvier 1993 – Loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques – Non conformité partielle

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 21 décembre 1992, par MM Bernard Pons, Alain Cousin, Claude-Gérard Marcus, Robert Pandraud, François Grussenmeyer, Bernard Schreiner, Arnaud Lepercq, Mme Suzanne Sauvaigo, MM Jean-Louis Masson, Jean-Marie Demange, Gérard Léonard, Pierre Raynal, Pierre-Rémy Houssin, Jean-Louis Goasduff, Mme Christiane Papon, MM Roland Nungesser, René Galy-Dejean, Mme Michèle Alliot-Marie, MM Jean de Lipkowski, Robert-André Vivien, Georges Tranchant, Arthur Dehaine, Pierre Pasquini, Pierre Bachelet, Jacques Boyon, René Couveinhes, Gérard Chasseguet, Pierre Mauger, Jean Kiffer, Olivier Dassault, Gautier Audinot, Jean-Claude Mignon, Richard Cazenave, Jean Ueberschlag, Mme Roselyne Bachelot, MM Jean-Louis Debré, Eric Raoult, Guy Drut, Charles Paccou, Jean-Paul Charié, Robert Galley, Dominique Perben, Didier Julia, Roland Vuillaume, Jacques Toubon, Patrick Ollier, Mme Françoise de Panafieu, MM Bernard Debré, Jean-Paul de Rocca-Serra, Michel Giraud, Mme Nicole Catala, MM Jean-Luc Reitzer, Christian Estrosi, Gabriel Kaspereit, Charles Millon, André Santini, Jean-Yves Haby, Mme Louise Moreau, MM Roger Lestas, Raymond Marcellin, Jean Brocard, Michel Meylan, Alain Moyne-Bressand, Marc Laffineur, Jean-Luc Préel, Jean Rigaud, Francisque Perrut, Maurice Ligot, Jean Begault, Georges Mesmin, Pierre-André Wiltzer, Yves Coussain, Francis Saint-Ellier, René Garrec, Michel Pelchat, Jean-Marc Nesme, Francis Delattre, Alain Griotteray, Jean Briane, Germain Gengenwin, Gérard Grignon, Michel Jacquemin, Christian Kert, Adrien Durand, Adrien Zeller, Jean-Jacques Hyest, Pierre Mazeaud, députés, et le 22 décembre 1992, par MM Etienne Dailly, Pierre Jeambrun, François Giacobbi, Georges Mouly, Jacques Bimbenet, Ernest Cartigny, Raymond Soucaret, Paul Girod, François Lesein, Pierre Laffitte, Max Lejeune, Jean Bernard, Paul Blanc, Jean-Pierre Camoin, Jean Chamant, Désiré Debavelaere, Philippe François, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Roger Husson, Lucien Lanier, René-Georges Laurin, Jean-François Le Grand, Guy Lemaire, Joseph Ostermann, Soséfo Makapé Papilio, Alain Pluchet, Roger Romani, Jean Simonin, Martial Taugourdeau, Serge Vinçon, Jean Arthuis, Alphonse Arzel, Bernard Barraux, François Blaizot, Jean-Pierre Blanc, André Bohl, Paul Caron, Louis de Catuélan, Marcel Daunay, André Egu, Jacques Golliet, Daniel Hoeffel, Claude Huriet, Pierre Lacour, Bernard Laurent, Edouard Le Jeune, Marcel Lesbros, Daniel Millaud, Michel Souplet, Georges Treille, Pierre Vallon, Xavier de Villepin, Marcel Lucotte, Christian Bonnet, Roger Chinaud, Bernard Barbier, Jean-Pierre Fourcade, Jean Clouet, Henri de Raincourt, André Bettencourt, Joël Bourdin, Jacques Larché, Pierre Louvot, Henri Revol, Mme Anne Heinis, MM James Bordas, Michel Poniatowski, Charles Jolibois, Michel Crucis, Jean-Paul Chambriard, Joseph Caupert, Guy Poirieux, Jean-Pierre Tizon, Charles-Henri de Cossé-Brissac, sénateurs, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 modifiée portant création et organisation des régions ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée d’orientation du commerce et de l’artisanat ;

Vu la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 modifiée relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation, notamment son article 6 ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ;

Vu la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 modifiée relative aux sociétés d’économie mixte ;

Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence ;

Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;

Vu la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 modifiée relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques ;

Vu la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 modifiée relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants ;

Vu la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 modifiée relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence ;

Vu le code électoral ;

Vu le code des douanes ;

Vu le code des communes ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le mémoire ampliatif présenté au nom des députés, auteurs de la première saisine, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 24 décembre 1992 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés auteurs de la première saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques en critiquant les dispositions des articles 1er à 6, 9, 11, 13, 20 à 22, 25, 32, 38, 40, 41, 49, 53, 54, 72, 73 et 86 ; que les sénateurs auteurs de la seconde saisine allèguent l’inconstitutionnalité des articles 20 à 22, 24 à 26, de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 40 et des articles 53, 54 et 76-II de ladite loi ;

– SUR LA PROCEDURE LEGISLATIVE :

. En ce qui concerne les conditions d’adoption de l’article 11 :

2. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que les dispositions de l’article 11 ont été introduites par voie d’amendement, en seconde délibération et en nouvelle lecture, alors qu’elles n’ont été ni examinées ni rapportées par la commission saisie au fond non plus que présentées et examinées en première délibération ;

3. Considérant d’une part qu’aucune disposition de la Constitution, notamment ses articles 43 et 44, ne proscrit, en l’absence d’opposition du Gouvernement, la discussion et le vote en séance publique d’amendements qui n’auraient pas été examinés préalablement en commission ;

4. Considérant d’autre part que le droit d’amendement est susceptible de s’exercer selon les mêmes modalités en première et en seconde délibérations qui constituent deux phases de la même lecture ; qu’ainsi n’est pas contraire à la Constitution, sous réserve des limitations prévues par les troisième et quatrième alinéas de l’article 45, lesquelles n’ont pas été méconnues en l’espèce, la présentation en seconde délibération d’un amendement qui n’a pas été examiné en première délibération ;

5. Considérant que, dès lors, l’article 11 de la loi n’a pas été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ;

. En ce qui concerne les conditions d’adoption des articles 53, 54, 72, 73 et 86 :

6. Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent que les articles 53, 54, 72, 73 et 86 ont été adoptés en méconnaissance des limites inhérentes au droit d’amendement ; que les sénateurs auteurs de la seconde saisine font valoir le même grief à l’égard des seuls articles 53 et 54 ;

7. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d’amendement, qui est le corollaire de l’initiative législative, peut sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l’article 45, s’exercer à chaque stade de la procédure législative ; que, toutefois, les adjonctions ou modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l’exercice du droit d’amendement qui relève d’une procédure spécifique ;

8. Considérant qu’a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, le 10 septembre 1992, un projet de loi relatif à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ; que, dans son titre Ier, ce texte comportait des dispositions relatives à la création d’un service interministériel de lutte contre la corruption ; que le titre II comprenait des dispositions relatives au financement des partis politiques et des campagnes électorales ; que le titre III comportait des dispositions relatives à la transparence des activités économiques des personnes tant publiques que privées ; que le titre IV regroupait des dispositions relatives aux collectivités locales destinées à assurer la transparence de procédures qui leur sont propres ainsi que des adaptations de différentes formes de contrôle auxquelles elles sont soumises ; qu’il était loisible au Parlement, à l’initiative soit du Gouvernement soit d’un parlementaire, d’apporter au texte des amendements se rattachant à ces matières ;

9. Considérant que peuvent être regardées comme ayant un lien avec le texte en discussion destiné à prévenir la corruption et à favoriser la transparence des activités économiques les dispositions des articles 72 et 73 ayant pour objet d’étendre la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants au blanchiment des capitaux provenant de l’activité d’organisations criminelles, et modifiant les modalités des déclarations auxquelles ces organismes sont tenus ;

10. Considérant en revanche que l’article 53 de la loi a trait aux obligations des propriétaires dans leurs relations avec les preneurs de locaux d’habitation en cas de résiliation d’un bail ou d’un droit d’occupation en cours de validité ; que l’article 54 aménage par plusieurs modifications l’ensemble du régime juridique du permis de démolir ; que ces dispositions qui n’ont trait ni à la prévention de la corruption ni à la transparence des activités économiques et concernent des matières qui n’ont pas fait l’objet de dispositions du texte soumis à la délibération des assemblées sont dépourvues de lien avec ce texte ;

11. Considérant également que l’article 86, qui a trait aux conditions d’examen devant le juge d’instance au regard de la charge de la preuve des contestations par le préfet des inscriptions sur les listes électorales, ne se rattache à aucune des matières faisant l’objet du projet de loi ; qu’ainsi cet article est dépourvu de lien avec le texte soumis à la délibération des assemblées ;

12. Considérant que dès lors les articles 53, 54 et 86 ont été adoptés selon une procédure irrégulière ;

– AU FOND :

. SUR LES ARTICLES 1er A 6 RELATIFS AU SERVICE CENTRAL DE PREVENTION DE LA CORRUPTION :

13. Considérant que les députés auteurs de la première saisine invoquent à l’encontre de ces articles qui, créant un service central de prévention de la corruption, régissent son organisation et son fonctionnement, plusieurs griefs d’inconstitutionnalité ; qu’ils soutiennent que dès lors que les missions et les pouvoirs de ce service administratif l’assimilent à la police judiciaire, le principe de séparation des pouvoirs affirmé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est méconnu ainsi que la liberté individuelle faute d’intervention de l’autorité judiciaire ; qu’en outre les modalités prévues de communication de documents de toute nature à ce service portent atteinte au droit de propriété ;

14. Considérant que si en vertu des trois premiers alinéas de l’article 1er de la loi, il revient au service de centraliser les informations nécessaires à la détection et à la prévention de certaines infractions limitativement énumérées, il ne ressort pas de ces dispositions qu’il est habilité à opérer lui-même la constatation desdites infractions ; qu’en lui confiant cette mission, le législateur n’a pas entendu déroger aux dispositions protectrices de la liberté individuelle prévues par la législation relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; qu’en vertu de l’article 2 de la loi, le service est tenu de saisir le procureur de la République dès que les informations qu’il aurait ainsi réunies mettraient en évidence des faits susceptibles de constituer des infractions ; que l’article 3 prescrit son dessaisissement dès qu’une procédure judiciaire d’enquête ou d’information relative à de tels faits est ouverte ; que dès lors et sous réserve des interprétations qui précèdent, les dispositions ci-dessus analysées ne portent atteinte ni à la séparation des pouvoirs ni à la liberté individuelle ;

15. Considérant cependant qu’en prévoyant par le cinquième alinéa de l’article 1er que le service peut recourir à des personnes qualifiées pour des « investigations », le législateur, même en qualifiant ces mesures de techniques, ne les a pas définies de manière suffisamment claire et précise en les limitant à celles qui relèvent d’enquêtes administratives ; que dès lors cette formulation est susceptible d’entraîner des atteintes à la liberté individuelle sans garantie de l’autorité judiciaire ; que, par suite, le 5ème alinéa de l’article 1er de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution ;

16. Considérant en outre que l’article 5 de la loi confère à ce service le droit d’obtenir communication de tout document sans l’assortir d’une obligation de motivation et sans aucune restriction non seulement quant à la nature mais aussi quant à l’ancienneté de ces documents ; que ce droit n’étant pas limité à une prise de connaissance et, le cas échéant, de copie, peut autoriser des rétentions dont le terme n’est pas fixé ; que le droit de convocation de toute personne dont dispose le service peut être assorti d’un délai limité à 48 heures, sans égard aux déplacements qu’il implique ni à d’éventuelles circonstances particulières ; qu’il n’est pas précisé que la personne convoquée peut se faire accompagner du conseil de son choix ni qu’un procès-verbal doit être dressé contradictoirement ; que le service peut ainsi, y compris de sa propre initiative, intervenir dans des domaines très divers de la vie professionnelle et privée ; que le refus de délivrer les documents demandés ou de se prêter aux auditions provoquées par le service est punissable d’une amende correctionnelle de 50 000 F. ; que les dispositions de l’article 5 sont de nature à méconnaître le respect de la liberté personnelle et à porter des atteintes excessives au droit de propriété ; que, dès lors, l’article 5 de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution ;

– SUR LE FINANCEMENT DES CAMPAGNES ELECTORALES ET DES PARTIS POLITIQUES :

. En ce qui concerne les articles 9 et 13 :

17. Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent qu’en établissant une obligation de publication des dons consentis par les personnes morales aux candidats et aux partis politiques, les articles 9 et 13 contreviennent à l’article 4 de la Constitution et à la libre communication des pensées et des opinions et, qu’en outre, ces dispositions portent atteinte à l’égalité des candidats et des partis ;

18. Considérant d’une part que l’article 4 de la Constitution dispose que : « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. » ;

19. Considérant qu’en prescrivant la publication de la liste des personnes morales qui ont consenti des dons à des candidats ou à des partis, le législateur a entendu assurer une meilleure information des citoyens et une plus grande transparence de la vie publique ; qu’il n’a ainsi porté atteinte ni à la liberté de communication des pensées et des opinions ni à l’activité des partis et groupements politiques garantie par les dispositions constitutionnelles précitées ;

20. Considérant d’autre part qu’en prévoyant l’application de ces dispositions à la date d’entrée en vigueur de la loi, le législateur a entendu soumettre à compter de cette date tous les dons de personnes morales à un régime identique et qu’il n’a pas ainsi porté atteinte au principe d’égalité ;

21. Considérant que dès lors les articles 9 et 13 ne sont pas contraires à la Constitution ;

. En ce qui concerne l’article 11 :

22. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que le législateur serait resté en-deçà de sa compétence en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer la composition, les règles de fonctionnement et les attributions de la commission instituée par le présent article, composée de représentants des partis politiques et chargée de procéder à l’audition, deux fois par an, de la commission des comptes de campagne et des financements politiques ;

23. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe également les règles concernant… le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales » ; qu’au nombre de ces règles relevant de la compétence du législateur figurent celles qui régissent le fonctionnement de la commission des comptes de campagne et des financements politiques, autorité administrative, ainsi que la disposition qui prévoit que celle-ci est auditionnée par une commission composée de représentants de partis politiques ;

24. Considérant cependant que le législateur, en prévoyant que la commission des partis politiques procède à ces auditions deux fois par an, a limité à cette seule activité les missions de la commission, en excluant tout pouvoir d’instruction et de contrôle ; que dès lors les règles de désignation des représentants de partis politiques et de fonctionnement des auditions ne relèvent pas de la compétence du législateur ;

25. Considérant que sous cette réserve d’interprétation l’article 11 de la loi n’est pas contraire à la Constitution ;

– SUR LES ARTICLES 20 A 29 RELATIFS AUX PRESTATIONS DE PUBLICITE :

26. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que les dispositions des articles 20, 21 et 22 relatifs aux rapports contractuels entre les annonceurs, les intermédiaires et les vendeurs d’espaces publicitaires ou de prestations ayant pour objet l’édition ou la distribution d’imprimés publicitaires restreignent la liberté contractuelle dans des conditions qui portent des atteintes abusives et arbitraires à la liberté d’entreprendre en la dénaturant ; que la lourdeur des sanctions prévues en cas de méconnaissance de ces obligations par l’article 25 de la loi méconnaît le principe de nécessité des peines ; qu’ils soutiennent également que ces dispositions sont par leur effet conjugué de nature à porter atteinte à la liberté de la presse et de communication des opinions ; que les sénateurs auteurs de la seconde saisine allèguent pour leur part que la loi porte atteinte à la liberté du commerce qui est un des éléments constitutifs de la liberté d’entreprendre à laquelle les articles 20, 21 et 22 apporteraient des restrictions abusives et arbitraires ; que les articles 24, 25 et 26 seraient indissociables de ces dernières dispositions ;

27. Considérant que l’article 20, dans son premier alinéa, prévoit que tout achat d’espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l’édition ou la distribution d’imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d’un annonceur et dans le cadre d’un contrat écrit de mandat ; que, dans son second alinéa, il détermine le contenu du contrat et précise, notamment, que celui-ci doit mentionner les autres prestations fournies par l’intermédiaire en dehors du contrat de mandat et le montant global de leur rémunération ; qu’il ajoute que tout rabais ou avantage tarifaire accordé par le vendeur doit figurer sur la facture délivrée à l’annonceur et ne peut être conservé en tout ou partie par l’intermédiaire qu’en vertu d’une stipulation expresse du contrat de mandat ; que, dans son troisième alinéa, il prévoit que, même si les achats mentionnés au premier alinéa ne sont pas payés directement par l’annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par ce dernier à l’annonceur ;

28. Considérant que l’article 21 interdit au mandataire de recevoir d’autre paiement que celui qui lui est versé par son mandant ni aucune rémunération ou avantage quelconque de la part du vendeur ; qu’en vertu de l’article 22 le prestataire qui fournit des services de conseil en plan média ou de préconisation de support d’espace publicitaire ne peut recevoir aucune rémunération ni aucun avantage de la part du vendeur d’espace ;

. En ce qui concerne la liberté d’entreprendre :

29. Considérant que la liberté d’entreprendre qui a valeur constitutionnelle n’est toutefois ni générale ni absolue ; qu’il est loisible au législateur d’y apporter des limitations qui lui paraissent exigées par l’intérêt général à la condition que celles-ci n’aient pas pour conséquence de dénaturer la portée de cette liberté ;

30. Considérant que les dispositions des articles 20 et 21 imposent dans les domaines qu’elles visent des modalités contraignantes à l’activité d’achat ou de prestations de l’intermédiaire ; que l’article 22 interdit aux prestataires de services de conseil en plan média ou de préconisation de support d’espace publicitaire fournis aux annonceurs de recevoir des rémunérations ou avantages quelconques de la part des vendeurs d’espace ; que ces dispositions restrictives ont été prises par le législateur, compte tenu des particularités des activités publicitaires, en vue d’atteindre l’objectif général de transparence économique que celui-ci poursuit ; qu’en dépit des contraintes qu’elles comportent, elles ne restreignent pas la liberté d’entreprendre des agents économiques concernés au point d’en dénaturer la portée ;

. En ce qui concerne les sanctions encourues :

31. Considérant que l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires… » ;

32. Considérant qu’en l’absence de disproportion manifeste entre les infractions et les sanctions concernées, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer sa propre appréciation à celle du législateur en ce qui concerne la nécessité des peines sanctionnant les infractions définies par celui-ci ; qu’eu égard à la nature des activités économiques et des intérêts commerciaux en cause, en punissant les infractions aux dispositions relatives aux prestations de publicité d’une peine d’amende dont le maximum est, selon la nature de l’infraction, fixé à 200 000 F. ou à 2 000 000 F., le législateur n’a pas édicté de sanctions qui revêtiraient un caractère manifestement disproportionné par rapport à ces infractions ;

. En ce qui concerne la liberté de communication des pensées et des opinions :

33. Considérant enfin que les règles ci-dessus analysées qui s’imposent aux intermédiaires et prestataires de services, non plus que les sanctions dont elles sont assorties, ne sont de nature à porter atteinte à la libre communication des pensées et des opinions garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

34. Considérant que dès lors les articles 20, 21, 22 et 25 de la loi ne sont pas contraires à la Constitution ;

– SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’URBANISME COMMERCIAL :

35. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir, à l’encontre de l’article 32 de la loi, que les conditions limitatives dans lesquelles les décisions des commissions départementales d’équipement commercial peuvent être contestées devant la commission nationale porteraient atteinte au principe, selon eux de valeur constitutionnelle, du double degré de juridiction ;

36. Considérant que les commissions départementales et nationale d’équipement commercial sont des organes administratifs et que les recours formés devant la commission nationale ont ainsi le caractère de recours administratif ; que d’ailleurs les décisions des commissions départementales peuvent être contestées devant le juge administratif tout comme celles qui sont le cas échéant prises par la commission nationale ; que dès lors le grief invoqué à l’encontre de l’article 32 ne saurait être retenu ;

– SUR LES DELEGATIONS DE SERVICE PUBLIC :

. En ce qui concerne l’article 38 :

37. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir qu’en organisant une procédure de publicité préalable à l’attribution des délégations de service public sans que soit observée une condition de réciprocité à la charge des autres Etats de la Communauté économique européenne, l’article 38 de la loi est constitutif d’une rupture d’égalité devant les charges publiques en méconnaissance de l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen ;

38. Considérant qu’aucune disposition ni aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu’une loi française accorde des droits à des personnes physiques ou morales étrangères alors même que l’État dont elles dépendent ne donnerait pas les mêmes droits à des personnes physiques ou morales françaises ; que la procédure de publicité préalable prévue à l’article 38 de la loi qui a précisément pour objet de favoriser un égal accès à l’octroi de délégations de service public n’est pas de nature à porter atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques ;

. En ce qui concerne l’article 40 :

39. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que l’ensemble des conditions dans lesquelles l’article 40 de la loi limite la durée des délégations de service public, d’une part, méconnaît la libre administration des collectivités locales, notamment en faisant obstacle à la continuité de leurs services publics, d’autre part, porte atteinte à la liberté d’entreprendre des entreprises susceptibles d’être délégataires ; que les sénateurs auteurs de la seconde saisine allèguent pour leur part que la limitation de la durée des délégations de service public à la durée normale d’amortissement des installations mises en service dont le délégataire a la charge méconnaît l’article 72 de la Constitution ;

40. Considérant d’une part que la liberté d’entreprendre n’est ni générale ni absolue ; que le législateur peut y apporter des limitations exigées par l’intérêt général à la condition que celles-ci n’aient pas pour conséquence d’en dénaturer la portée ; que les limitations prévues par l’article 40 de la loi aux conditions dans lesquelles peuvent être conclues les délégations de service public ne portent pas à la liberté d’entreprendre une atteinte telle qu’elle en dénaturerait la portée ;

41. Considérant d’autre part que si, en vertu de l’article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus », chacune d’elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution « la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources » ;

42. Considérant qu’il est loisible au législateur, pour atteindre les objectifs de transparence et de concurrence qu’il s’assigne, de proscrire la conclusion de contrats de délégation de service public à durée indéterminée et d’indiquer que la durée des conventions doit tenir compte de la nature et du montant des investissements à réaliser par le délégataire ; que s’il a précisé à cette fin que la durée de la concession ne devait pas excéder la durée normale d’amortissement du bien, il a laissé ainsi sous le contrôle du juge une marge d’appréciation suffisante aux collectivités concernées pour la négociation des contrats dans chaque cas d’espèce, eu égard à la multiplicité des modes de calcul d’amortissement ainsi qu’à la diversité et à la complexité des installations susceptibles d’être concernées ; qu’en particulier, en renvoyant à un décret en Conseil d’État, il n’entendait pas permettre à l’autorité réglementaire de définir par des règles de portée générale la durée normale d’amortissement ; que, sous réserve de cette interprétation, cette disposition n’est pas contraire à la Constitution ;

43. Considérant par ailleurs que le législateur a explicitement prévu que, pour des motifs d’intérêt général qui tiennent notamment à la continuité des services publics, des prolongations de conventions pouvaient être consenties dans la limite de la durée d’une année ; qu’il a également admis des prolongations en cas de travaux non prévus au contrat initial pris en charge par le délégataire à la demande du délégant, qui seraient de nature à modifier l’économie générale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation des prix manifestement excessive ; que cependant en imposant alors, par surcroît, en toutes circonstances que ces prolongations ne puissent augmenter de plus d’un tiers la durée initialement prévue sans égard à la diversité et à la complexité des situations susceptibles d’être ainsi affectées, le législateur a imposé sans justification appropriée une contrainte excessive qui est de nature à porter atteinte à la libre administration des collectivités locales ; qu’ainsi doit être déclarée non conforme à la Constitution la dernière phrase du b) de l’article 40 ;

. En ce qui concerne l’article 41 :

44. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que les dérogations prévues par l’article 41 pour certains établissements et entreprises aux dispositions de la loi relatives aux délégations de service public portent atteinte au principe d’égalité ;

45. Considérant que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que dans l’un et l’autre cas la différence de traitement soit en rapport avec la loi qui l’établit ;

46. Considérant que des entreprises détenant légalement un monopole pour l’ensemble des activités correspondant aux délégations en cause ou des établissements publics qui par nature relèvent directement et exclusivement de l’État ou des collectivités territoriales sont dans des situations différentes des autres organismes susceptibles d’obtenir des délégations de service public au regard des objectifs de transparence et de concurrence poursuivis par la loi ; que, dès lors, leur exclusion du champ d’application des dispositions de la loi relatives aux délégations de service public n’est pas contraire à la Constitution ;

47. Considérant en revanche que la loi exclut de l’application de ces dispositions, à l’exception de celles des articles 40 et 42, toutes les sociétés dont le capital est directement ou indirectement majoritairement détenu par la collectivité délégante à la seule condition que l’activité déléguée figure expressément dans leurs statuts ; que ces dispositions qui portent sur la publicité préalable aux négociations, sur les formalités d’examen des offres et sur l’exigence d’un contrôle préalable de l’assemblée délibérante sur l’attribution des délégations méconnaissent le principe d’égalité ; qu’en effet elles ne peuvent se justifier ni par les caractéristiques spécifiques du statut des sociétés en cause, ni par la nature de leurs activités, ni par les difficultés éventuelles dans l’application de la loi propres à contrarier les buts d’intérêt général que le législateur a entendu poursuivre ;

48. Considérant que dès lors il y a lieu de déclarer non conformes à la Constitution au b) de l’article 41 de la loi les mots : « … ou à une société dont le capital est, directement ou indirectement, majoritairement détenu par la collectivité délégante… ou de la société. Toutefois, lorsque la délégation a lieu au bénéfice d’une société d’économie mixte, les articles 40 et 42 sont applicables » ;

– SUR LES AUTRES MISES EN CAUSE DU PRINCIPE D’EGALITE :

. En ce qui concerne l’article 48 :

49. Considérant qu’en vertu de l’alinéa premier du I de l’article 48, le législateur a entendu soumettre aux principes de publicité et de mise en concurrence prévus par le code des marchés publics, les contrats de travaux, d’études et de maîtrise d’oeuvre, conclus pour l’exécution ou les besoins du service public par les sociétés d’économie mixte, en leur nom ou pour le compte de personnes publiques ; qu’en vertu du second alinéa du I du même article, les sociétés d’économi


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