Décision 73-707 AN – 14 février 1974 – A.N., Pyrénées-Atlantiques (1ère circ.) – Rejet

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Décision 73-707 AN – 14 février 1974 – A.N., Pyrénées-Atlantiques (1ère circ.) – Rejet
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Texte intégral

Le Conseil constitutionnel,

Vu l’article 59 de la Constitution ;

Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, notamment son article 41 ;

Vu le décret n° 71-740 du 9 septembre 1971 ;

Vu le décret n° 58-1042 du 31 octobre 1958 modifié par le décret n° 67.2 du 1er janvier 1967 ;

Vu la requête présentée par M. Pierre SALLENAVE demeurant à Pau (Pyrénées-Atlantiques), 2, rue Mourot, ladite requête enregistrée le 22 mars 1973 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à ce qu’il plaise au Conseil statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 11 mars 1973 dans la première circonscription des Pyrénées-Atlantiques pour la désignation d’un député à l’Assemblée nationale ;

Vu les observations présentées par le Ministre de l’Intérieur, enregistrées le 15 mai 1973 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu le mémoire ampliatif présenté pour M. Pierre SALLENAVE, ledit mémoire enregistré comme ci-dessus, le 6 juillet 1973 ;

Vu les observations en défense présentées pour M. André LABARRERE, député, lesdites observations enregistrées le 27 septembre 1973 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations en réplique présentées pour M. Pierre SALLENAVE, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 15 octobre 1973 ;

Vu les observations en duplique présentées pour M. André LABARRERE, député, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 5 novembre 1973 ;

Vu les nouvelles observations présentées par le Ministre de l’Intérieur en réponse au supplément d’instruction ordonné le 21 novembre 1973 par le Conseil constitutionnel, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 21 janvier 1974 ;

Vu les observations en triplique présentées pour M. André LABARRERE, député, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 4 février 1974 ;

Vu les nouvelles observations présentées pour M. Pierre SALLENAVE, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus les 5 et 11 février 1974 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

En ce qui concerne la régularité de la campagne électorale :

1. Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que M. André LABARRERE ait irrégulièrement usé. au cours de la campagne électorale, des pouvoirs qu’il tient de son mandat de maire de la ville de Pau pour capter en sa faveur le vote des électeurs lors du scrutin pour la désignation du député de la première circonscription des Pyrénées-Atlantiques ; que, si la lettre qu’il a fait diffuser le 7 mars 1973 au personnel enseignant d’un lycée de Pau contenait des allégations inexactes sur les intentions du Ministre de l’Éducation nationale, les destinataires de ce document étaient en mesure de rétablir eux-mêmes la vérité et l’adversaire du député élu avait le temps de faire les mises au point qu’il jugeait nécessaires avant la clôture de la campagne électorale ; qu’enfin, si le communiqué diffusé dans la presse au nom d’une formation politique sur l’attitude de celle-ci pour le second tour de scrutin était ambigu, il ne contenait aucune inexactitude ;

En ce qui concerne les votes par correspondance :

Sur la régularité de l’admission à voter par correspondance :

2. Considérant que les électeurs en traitement ou en pension dans des établissement situés dans la commune sur la liste électorale de laquelle ils sont inscrits peuvent être admis au bénéfice du vote par correspondance au titre de l’article L. 81 du code électoral si, en raison de leur état de santé ou de leur condition physique, ils sont dans l’impossibilité de se déplacer le jour du scrutin ; que, dans ce cas, les intéressés doivent, en vertu des dispositions de l’article 4 du décret du 31 octobre 1958, produire, à l’appui de leur demande, un certificat médical justifiant de l’impossibilité où ils sont de se déplacer le jour du scrutin ; qu’il en résulte que, sauf dans le cas où le directeur de l’établissement où ils sont admis est lui-même médecin, les électeurs appartenant à cette catégorie doivent produire non seulement une attestation du directeur de l’établissement mais également un certificat médical ; qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier que 149 électeurs en séjour dans des établissements de soins de la ville de Pau ont été admis à voter par correspondance sans avoir joint à leur demande un certificat médical et ont effectivement voté le 11 mars 1973 ; que ces votes sont nuls ;

3. Considérant que l’irrégularité ainsi constatée ne pouvant être imputée à l’un plutôt qu’à l’autre des candidats en présence, il y a lieu, dans pareil cas, de retrancher du nombre des voies obtenues dans chaque bureau de vote par le candidat qui y a été le plus favorisé un nombre de suffrages égal à celui des votes qui ont été irrégulièrement émis dans ce bureau et qu’au cas où, dans un bureau de vote, les deux candidats en présence ont recueilli le même nombre de suffrages, il y a lieu de faire cette déduction sur le nombre de voix obtenues par le député élu ; que, par application de ces règles, 107 voix doivent être déduites du nombre de suffrages obtenus par M. LABARRERE et 42 voix doivent être retranchées du nombre des suffrages de M. SALLENAVE ;

4. Considérant que, pour être régulièrement admis à voter par correspondance, les électeurs appartenant aux diverses catégories énumérées par les articles L. 80 et L. 81 du code électoral doivent produire les justifications déterminées par le décret du 31 octobre 1958 modifié et correspondant à la nature de l’empêchement qui justifie le recours à ce procédé de vote exceptionnel ; que les votes émis par les électeurs qui ont été admis à voter par correspondance sans avoir produit les justifications ainsi prévues ou des justifications équivalentes sont nuls et doivent être retranchés du nombre de voix recueillies par le candidat arrivé en tête dans le bureau où ils ont voté ;

5. Considérant que si, dans la ville de Pau, 14 des 22 admissions à voter par correspondance dont il est allégué qu’elles n’étaient pas assorties de justifications, étaient en réalité parfaitement justifiées, il résulte de l’instruction que 8 électeurs appartenant aux catégories des travailleurs saisonniers, des étudiants et des malades et infirmes ont été admis à voter par correspondance sans avoir fourni les justifications requises ; que la même irrégularité a été commise par 3 électeurs de la commune de Montaner se déclarant malades ; qu’il y a lieu, suivant les résultats obtenus dans chaque bureau par les deux candidats en présence, de retrancher 6 voix à M. LABARRERE et 5 voix à M. SALLENAVE ;

6. Considérant qu’il n’est pas établi que la signature apposée sur la demande d’admission au vote par correspondance par trois électeurs de la ville de Pau n’émanait pas de ces électeurs ; que, s’il est exact qu’un quatrième électeur de la même ville a omis de signer sa demande, celle-ci était accompagnée d’une attestation sur l’honneur dûment signée par l’électeur ;

7. Considérant que, si un certain nombre de demandes étaient assorties de justifications ne faisant état d’une indisponibilité que pour le premier tour de scrutin du 4 mars 1973, l’admission à voter par correspondance régulièrement prononcée était valable, sans justification nouvelle, pour le second tour de scrutin conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article R. 81 du code électoral ;

Sur l’acheminement aux électeurs du matériel nécessaire à l’expression de leur vote par correspondance :

8. Considérant que, si une électrice du 13e bureau de vote de la ville de Pau n’a pu voter par correspondance faute d’avoir reçu les documents nécessaires à l’expression de son vote, il résulte des pièces du dossier que l’intéressée avait présenté sa demande d’admission au vote par correspondance à une date trop

tardive pour que la procédure puisse être régulièrement diligentée en temps utile pour lui permettre de voter par correspondance ;

9. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article R. 83 du code électoral

que, notamment, les enveloppes électorales et les bulletins permettant l’expression du suffrage doivent, pour être utilisés valablement, avoir été envoyés par le maire sous pli recommandé à chaque électeur directement et individuellement ; que cette formalité qui est essentielle pour assurer la régularité du scrutin a été omise en ce qui concerne 160 électeurs des communes de Vialer, Poey, Aussevielle, Momas, Sauvagnon, Aast, Casteide-Doat, Labatut-Figuières, Andoins, Buros, Ouillon, Saint-Laurent-de-Bretagne, Serres-Castet, Benejacq, Beuste, Assat, Sendets, Gan, Soumoulou, Aubin et Bournos ; que les votes de ces 160 électeurs doivent être annulés ; que, par application de la règle ci-dessus exposée, il y a lieu de retrancher, dans chaque bureau de vote, du nombre des suffrages recueillis par le candidat arrivé en tête dans le bureau un nombre de voix égal au nombre de votes qui ont été ainsi irrégulièrement émis dans le bureau ; qu’il convient dès lors de réduire, de ce chef, de 73 voix le nombre de suffrages obtenus par M. LABARRERE et de 87 voix le nombre de suffrages obtenus par M. SALLENAVE ;

10. Considérant que si, pour la ville de Pau qui compte 31 bureaux de vote, trois registres seulement de récépissés d’envoi des instruments de vote aux électeurs ont été établis et si, par voie de conséquence, il n’a pas été possible de déposer sur la table de vote de chacun des 31 bureaux les récépissés de dépôt délivrés par l’Administration des Postes pour les envois recommandés effectués par le maire, ainsi que le prévoit le 2e alinéa de l’article R. 88 du code électoral, il résulte des déclarations du maire de Pau, dont l’exactitude n’est pas contestée par le requérant, que ces trois registres ont été laissés à la disposition du public, à la mairie, pendant les heures de scrutin ; que, si les envois de plis aux électeurs étant groupés, des récépissés collectifs ont été établis par l’Administration des Postes, cette pratique, qui n’est pas le fait des services municipaux chargés de l’instruction des dossiers de vote par correspondance, n’est pas irrégulière ;

Sur l’envoi des votes par correspondance aux bureaux de vote :

11. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, contrairement aux dispositions de l’article R.87 du code électoral, 72 électeurs inscrits sur les listes électorales des communes de Tadousse-Ussau, Arricau-Bordes, Arroses, Bassillon-Vauze, Lembeye, Arbus, Artiguelouve, Lescar (1er bureau), Eslourenties-Daban, Lespourcy, Montardon, Morlaas, Saint-Armou, Boeil-Bezing, Borderes, Asson, Artigueloutan, Ousse, Laroin, Espoey, Labatmale, Claracq et Doumy ont voté par correspondance sans expédier leur vote sous pli recommandé ; que ces 72 votes sont nuls ; qu’il y a lieu, par application de la règle ci-dessus, d’opérer sur les suffrages obtenus par chacun des deux candidats la déduction de ces votes en fonction du résultat qu’ils ont obtenu dans chaque bureau de vote ; qu’en conséquence, 24 voix doivent être retranchées du nombre de suffrages recueillis par M. LABARRERE et 48 voix doivent être déduites du nombre de suffrages dont M. SALLENAVE avait été crédité ;

12. Considérant que, contrairement aux allégations de la requête, il n’est pas établi que les votes par correspondance de 3 électeurs du 2e bureau de la ville de Pau aient été acceptés sans que les intéressés aient joint à leur envoi leur carte d’électeur ou un document en tenant lieu ;

Sur le décompte des votes par correspondance émis dans la commune de Sévignacq-Thèze :

13. Considérant qu’il résulte de l’examen de la liste spéciale d’émargement des votes par correspondance de la commune de Sévignacq-Thèze et des mentions qui y ont été portées que 10 des électeurs admis à voter par correspondance dans cette commune ont effectivement utilisé ce procédé de vote et que le nombre des émargements portés à ce titre correspond au nombre des enveloppes de vote par correspondance qui sont jointes au procès-verbal de l’élection ;

Sur la justification de l’accomplissement des formalités prévues par la procédure du vote par correspondance :

14. Considérant que si, pour un certain nombre de communes, il n’a pas été possible de joindre au dossier soumis au Conseil constitutionnel les dossiers d’admission au vote par correspondance, la liste des électeurs admis à voter par correspondance et les enveloppes ayant servi aux électeurs à acheminer leur vote, il ne résulte pas de l’instruction que la disparition de ces documents ait

été volontairement provoquée et ait eu pour but de couvrir des irrégularités ;

En ce qui concerne le déroulement du scrutin :

15. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’au 6e bureau de vote de la ville de Pau un bulletin de vote a été introduit par un assesseur qui était allé recueillir ce suffrage en dehors du bureau de vote auprès d’un électeur infirme; qu’en l’absence de procuration le vote ainsi émis par l’intermédiaire d’un tiers est nul ; que, M. LABARRERE étant arrivé en tête dans ce bureau de vote, il y a lieu de réduire d’une voix le nombre des suffrages qu’il a obtenus ;

En ce gui concerne le décompte des voix :

16. Considérant que le requérant a expressément abandonné le moyen tiré de ce que, dans plusieurs bureaux de vote de Pau, le nombre des émargements n’aurait pas correspondu au nombre des enveloppes et bulletins trouvés dans l’urne ;

17. Considérant qu’il résulte de l’examen des bulletins de vote annexés au procès-verbal de l’élection dans la commune d’Artigueloutan que c’est à bon droit que trois bulletins de vote au nom du requérant ont été tenus pour nuls au motif que le nom du suppléant avait été rayé ; qu’il n’est pas établi que ces bulletins avaient été rayés par avance et glissés dans la pile de bulletins de vote mis à la disposition des électeurs ;

18. Considérant qu’il résulte de l’examen des bulletins nuls annexés au procès-verbal du 5e bureau de vote de la ville de Pau que l’un d’eux, émis en faveur de M. SALLENAVE, ne comportait aucun signe de reconnaissance et a été à tort annulé; qu’il y a lieu, en conséquence, d’ajouter une voix au nombre des suffrages recueillis par M. SALLENAVE ;

Sur les résultats du scrutin :

19. Considérant que de tout ce qui précède il résulte que 393 suffrages doivent être annulés et un suffrage doit être validé ; qu’ainsi le nombre des suffrages exprimés dans la première circonscription des Pyrénées-Atlantiques doit être ramené de 89 323 à 88 931 voix ; que 211 suffrages doivent être retranchés du nombre de voix recueillies par M. LABARRERE qui obtient ainsi 44 539 voix ; que 181 voix doivent être déduites du nombre des suffrages recueillis par M. SALLENAVE, qui obtient ainsi 44 392 voix ; que M. LABARRERE conservant la majorité des suffrages exprimés, la requête susvisée ne saurait être accueillie;

Sur les conclusions incidentes tendant à l’application de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 :

20. Considérant que, si les passages de la requête sommaire et du mémoire ampliatif de M. Pierre SALLENAVE incriminés par M. LABARRERE, énoncent un grief téméraire, ces propos qui pourraient être regardés comme ayant un caractère diffamatoire ne justifient pas, dans les circonstances de l’espèce, l’application de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ; que, d’ailleurs, l’un des mémoires de M. LABARRERE contient des accusations qui, par leur teneur et leur formulation, encourent les critiques qu’il formule à l’adresse de son adversaire ;

Décide :

Article premier :

La requête susvisée de M. Pierre SALLENAVE est rejetée.

Article 2 :

Les conclusions incidentes de M. LABARRERE tendant à l’application de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sont rejetées.

Article 3 :

. — La présente décision sera notifiée à l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 février 1974 où siégeaient : MM. Gaston PALEWSKI, président, MONNET, SAINTENY, GOGUEL, DUBOIS, COSTE-FLORET, CHATENET, LUCHAIRE.

ECLI:FR:CC:1974:73.707.AN


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