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Texte intégral
Le Conseil constitutionnel,
Vu 1’article 59 de la Constitution ;
Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu la requête présentée par M. Paul Lacave, pharmacien, demeurant à Capesterre-de-Guadeloupe, 45, rue de la Liberté, ladite requête enregistrée le 20 mais 1973 à la préfecture de la Guadeloupe et tendant à ce qu’il plaise au Conseil constitutionnel statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 11 mars 1973 dans la deuxième circonscription de la Guadeloupe pour la désignation d’un député à l’Assemblée nationale ;
Vu les observations en défense présentées par M. Frédéric Jalton, député, lesdites observations enregistrées le 12 avril 1973 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les observations en réplique présentées pour M.Paul Lacave, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 7 mai 1973 ;
Vu les observations en duplique présentées par M. Frédéric Jalton, député, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 15 mai 1973 ;
Vu les observations présentées par le Ministre des Départements et Territoires d’outre-mer, enregistrées le 2 octobre 1973 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Ouï le rapporteur pris son rapport ;
Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :
1. Considérant, d’une part, que les affirmations du requérant relatives à l’affichage excessif effectué en faveur de M. Jalton et la prétendue partialité de l’O.R.T.F. ne sont corroborées par aucun élément de preuve ; que l’appui accordé à ce candidat par un journal local ne constitue pas une infraction aux dispositions du code électoral, aucune disposition législative ou réglementaire n’interdisant les prises de position politique de la presse dans les campagnes électorales ;
2. Considérant, d’autre part, que les allégations jugées. par le requérant diffamatoires que M. Jalton aurait portées contre lui en public, n’ont pu être de nature, dans les circonstances de l’affaire, à modifier le résultat du scrutin, alors surtout que celle qui a été formulée la veille du scrutin n’a fait que reprendre une polémique déjà ancienne à laquelle l’intéressé avait été en mesure de répondre ;
Sur les griefs relatifs à la composition des bureaux de vote :
3. Considérant qu’il n’est pas établi qu’un assesseur ait fait défaut au onzième bureau de vote de la commune des Abymes, ni que les assesseurs et délégués désignés par le requérant dans les bureaux de vote de la commune de Morne-à-l’Eau aient été empêchés d’exercer leurs fonctions ; que s’il est constant qu’un délégué titulaire a été expulsé au deuxième bureau de la commune du Lamentin, il résulte des assertions non contredites du candidat élu que l’intéressé avait provoqué des incidents, et a été remplacé par un délégué suppléant qui a d’ailleurs signé le procès-verbal ; que, si l’assesseur désigné par le requérants n’était pas présent à l’ouverture du quatrième bureau du Lamentin, – ouverture dont il n’est pas établi qu’elle ait eu lieu avant l’heure réglementaire – il a pu être remplacé par un partisan de M. Lacave qui a signé le procès-verbal ainsi que le délègue de ce candidat ;
Sur les griefs relatifs au déroulement du scrutin :
4. Considérant, en premier lieu, que s’il est constant qu’aucun bulletin réglementaire au nom de M. Lacave n’était disponible dans les deux bureaux de la commune insulaire de Terre-de-Bas, il résulte de l’instruction que ces bulletins n’étaient parvenus en temps utile ni à la commission de propagande, ni à la mairie, et que les représentants locaux du requérant, invités le jour du scrutin par le président du premier bureau à déposer ces bulletins d’urgence, n’ont pu ou voulu déférer à cette invitation ; que, dans ces conditions, l’absence desdits bulletins, compte tenu au surplus de l’écart important qui sépare les deux candidats, n’a pas été de nature à fausser les résultats du scrutin ;
5. Considérant, en second lieu, que les allégations relatives au désordre qui aurait régné au premier bureau de vote du Lamentin et à la non-fermeture de l’urne dans ce bureau ne sont confirmées que par les délégués et assesseurs du candidat, alors qu’aucune mention en ce sens ne figure au Procès-verbal ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu’il n’est établi, ni que des électeurs régulièrement inscrits aient été empêchés de voter à Morne-à-l’Eau, ni que des procurations aient été irrégulièrement établies et utilisées au nom de certains électeurs de cette commune ;
7. Considérant, enfin, qu’il résulte de l’instruction que dans plusieurs bureaux, de nombreux électeurs ont voté sans passer par l’isoloir ou sans que leur identité soit contrôlée ; que, toute fois, dans les circonstances en l’espèce, ces irrégularités n’ont pas été de nature à modifier les résultats du scrutin ;
Sur les griefs relatifs aux émargements et aux votes fictifs :
8. Considérant que, si le requérant cite quelques électeurs dont les noms ont été émargés alors que, selon lui, ils étaient décédés, absents, ou n’ont pas voté et s’il soutient qu’une certaine quantité de cartes électorales auraient été conservées par le maire de Morne-à-l’Eau pour permettre des votes fictifs, il ne justifie nullement du bien fondé de ces affirmations ;
9. Considérant que, s’il est constant que le procès-verbal du deuxième bureau du Lamentin mentionne 817 émargements alors que ceux-ci étaient en réalité au nombre de 624, il s’agit d’un grief nouveau présenté tardivement ; qu’au surplus, la rectification qui en résulterait au détriment de M. Jalton, ainsi que la rectification analogue qui s’imposerait pour le même motif – à raison de 25 voix – au cinquième bureau de la commune des Abymes, seraient sans influence sur le résultat du scrutin ;
10. Considérant que, si le requérant soutient que le président du quatrième bureau de vote du Lamentin a été surpris en train d’introduire dans l’urne des enveloppes toutes préparées dont certaines auraient été saisies par ses adversaires, le procès-verbal de ce bureau se borne à mentionner que le délégué de M. Lacave a remis à un candidat du premier tour “des enveloppes en sa possession” sans que l’incident soit autrement établi que par une attestation dudit délégué et de son suppléant ; que, d’ailleurs, les résultats de ce bureau ont donné la majorité à M. Lacave au deuxième tour ;
Sur le grief relatif au dénombrement des suffrages et à l’établissement du procès-verbal :
11. Considérant que l’affirmation selon laquelle, au premier bureau de la commune du Lamentin, les bulletins auraient été dénombrés avant les émargements, et que la rédaction du procès-verbal aurait été effectuée dans un autre local où la liste d’émargement aurait été transportée et où les assesseurs et délégués de M. Lacave n’auraient pas eu accès, ne résulte que de la déclaration des intéressés et n’est confirmée par aucun autre élément de preuve ; que ce procès-verbal, qui ne comporte aucune observation, est revêtu de la signature de l’assesseur du requérant et du délégué du préfet, lequel a mentionné que les opérations se sont passées dans le calme ; qu’il n’est pas davantage établi que ce même assesseur ait été contraint, sous la menace, de signer ledit procès-verbal ainsi que le procès-verbal récapitulatif de la commune ;
12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête ne saurait être accueillie ;
Décide :
Article premier :
La requête susvisée de M. Lacave est rejetée.
Art.2- La présente décision sera notifiée à l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 octobre 1973, où siégeaient : MM. Gaston PALEWSKI, président, MONNET, REY, SAINTENY, GOGUEL, DUBOIS, COSTE-FLORET, CHATENET, LUCHAIRE.
ECLI:FR:CC:1973:73.690.AN