Décision 68-521/563 AN – 07 novembre 1968 – A.N., Martinique (2ème circ.) – Rejet

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Décision 68-521/563 AN – 07 novembre 1968 – A.N., Martinique (2ème circ.) – Rejet
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Texte intégral

Le Conseil constitutionnel,

Vu l’article 59 de la Constitution ;

Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le Code électoral ;

Vu la requête présentée par M. Emile Maurice, demeurant à Plateau-Fofo, à Fort-de-France (Martinique), ladite requête enregistrée le 4 juillet 1968 à la préfecture de la Martinique et tendant à ce qu’il plaise au Conseil constitutionnel statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 23 juin 1968 dans la deuxième circonscription de la Martinique pour la désignation d’un député à l’Assemblée nationale ;

Vu les observations en défense présentées par M. Aimé Césaire, député, lesdites observations enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 29 juillet 1968 ;

Vu le mémoire en réplique présenté par M. Emile Maurice, ledit mémoire enregistré comme ci-dessus le 12 septembre 1968 ;

Vu le mémoire en duplique présenté par M. Aimé Césaire, ledit mémoire enregistré comme ci-dessus le 7 octobre 1968 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

Sur les griefs tirés de ce que des irrégularités auraient été commises dans l’établissement des listes électorales :

1. Considérant que M. Maurice soutient que les listes électorales de la commune de Fort-de-France auraient été entachées de nombreuses irrégularités ; qu’au cours de la révision de la liste électorale opérée par la commission administrative en décembre 1966, 9 754 radiations d’office auraient été prononcées, sans que les électeurs radiés aient été avertis, contrairement aux dispositions de l’article L. 23 du Code électoral ; que le tableau rectificatif des additions et retranchements dressé à la suite de cette révision n’aurait été ni affiché, ni déposé au secrétariat de la mairie ;

2. Considérant que la révision électorale des 6 et 10 décembre 1966 a donné lieu à l’établissement de procès-verbaux qui n’ont fait l’objet d’aucun recours de la part de l’autorité préfectorale ; que, si les personnes radiées de la liste électorale n’ont pas été averties de leur radiation comme elles auraient dû l’être, en application de l’article L. 23, il est constant que le tableau rectificatif dressé à la suite de cette révision a fait l’objet d’un procès-verbal de dépôt au secrétariat de la mairie de Fort-de-France et que ce dépôt a été annoncé aux intéressés par la voie de la presse ; que, d’ailleurs, environ six cents réclamations ont été enregistrées et ont donné lieu à deux cent dix-huit décisions de réinscription émanant du tribunal d’instance ; que les électeurs qui n’auraient pu être touchés par cette publication ont pu constater leur radiation en se voyant refuser la possibilité d’exprimer leur suffrage lors du scrutin du 5 mars 1967 et demander leur inscription dans les formes prévues par la loi lors des révisions qui ont suivi ; qu’il n’est pas établi que, comme le soutient le requérant, des électeurs abusivement radiés n’aient pu être réinscrits du fait de la lenteur délibérée de l’administration ; qu’enfin, les bureaux de vote de la commune de Fort-de-France n’ont enregistré aucune réclamation d’électeurs prétendant avoir été privés de leur droit de vote par suite d’une radiation abusive de la liste électorale ; que, dès lors, le défaut de notification des radiations, pour regrettable qu’il soit, n’a pu avoir une influence susceptible de modifier le résultat de l’élection ;

3. Considérant que l’indication par le requérant des noms de dix électeurs qui auraient été radiés à tort, sans autres précisions, et notamment en l’absence de production d’attestations des intéressés, ne saurait constituer un commencement de preuve ;

4. Considérant qu’en admettant même, que, comme le soutient le requérant, le tableau des rectifications mentionnant les inscriptions faites en dehors des périodes de révision n’ait été publié que le 21 juin 1968, soit moins de cinq jours avant la réunion des électeurs, contrairement aux dispositions de l’article L. 33 du Code électoral, cette irrégularité, à la supposer établie, n’aurait pas été de nature à affecter la sincérité du scrutin ;

Sur les griefs tirés de ce que des irrégularités auraient été commises au cours de la campagne électorale :

5. Considérant que trois des réunions organisées par le requérant ont été troublées par les partisans de M. Césaire ; que des affiches de ce candidat ont été irrégulièrement apposées sur l’un des panneaux électoraux de son adversaire ou en dehors des emplacements réservés à l’affichage ; que certaines affiches de M. Maurice ont été lacérées ;

6. Considérant, toutefois, que ces faits n’ont pu, dans les circonstances de l’affaire, avoir une influence suffisante pour modifier le résultat du scrutin ;

7. Considérant que, la distribution de tracts constituant une propagande illicite, le requérant ne saurait se prévaloir de ce que cette diffusion n’ait pu être effectuée ;

Sur les griefs tirés de ce que des irrégularités auraient été commises au cours du scrutin ou des opérations de dépouillement :

8. Considérant que, si l’un des représentants du requérant, à la suite d’une contestation sur l’authenticité de son mandat, s’est vu refuser l’accès des locaux du trente-huitième bureau de vote de Fort-de-France, il n’est pas établi, ni même allégué que cette circonstance ait permis, dans ce bureau, des irrégularités ou des fraudes de nature à modifier les résultats du scrutin ;

9. Considérant qu’il n’est pas davantage établi que des pressions aient été exercées sur les pensionnaires de l’asile de vieillards de Fort-de-France pour les inciter à voter pour M. Césaire ;

10. Considérant que, si le requérant soutient que des listes d’émargement auraient été tenues d’une manière irrégulière et qu’à la faveur de cette circonstance des votes frauduleux auraient pu être émis, il n’apporte aucune preuve à l’appui de cette allégation ; que l’indication qu’un vote irrégulier aurait été émis au vingt-sixième bureau ne saurait à elle seule constituer à cet égard un élément suffisant de preuve, alors qu’aucune observation n’a été consignée au procès-verbal, lequel porte la signature de l’assesseur désigné par le requérant, non plus, d’ailleurs, que dans le rapport des témoins administratifs ;

11. Considérant que, dans de nombreux bureaux de la circonscription les bulletins nuls ou enveloppes n’ont pas été régulièrement paraphés ou n’ont pas été annexés aux procès-verbaux transmis à la commission de recensement des suffrages ; que M. Maurice soutient que celle-ci s’est, de ce fait, trouvée dans l’impossibilité d’apprécier leur authenticité et de vérifier leur dénombrement ;

12. Considérant que ces irrégularités ne peuvent être regardées comme ayant eu pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin dès lors que les procès-verbaux des bureaux de vote et les rapports des témoins administratifs ne font aucune réserve sur ce point et que le nombre des suffrages blancs ou nuls n’est pas anormalement élevé, compte tenu notamment du fait qu’une formation politique locale avait recommandé l’abstention ou le vote par bulletin blanc ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu d’annuler l’élection contestée,

Décide :

Article premier :

La requête susvisée de M. Maurice est rejetée.

Article 2 :

La présente décision sera notifiée à l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 novembre 1968 où siégeaient : MM. Gaston PALEWSKI, président, CASSIN, MONNET, WALINE, ANTONINI, SAINTENY, DUBOIS, CHATENET et LUCHAIRE.

ECLI:FR:CC:1968:68.521.AN


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