Texte intégral
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de finances 2013, le 20 décembre 2012, par MM. Jean-Claude GAUDIN, Pierre ANDRÉ, Gérard BAILLY, Philippe BAS, René BEAUMONT, Christophe BÉCHU, Michel BÉCOT, Claude BELOT, Jean BIZET, Pierre BORDIER, Mme Natacha BOUCHART, M. Joël BOURDIN, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHAUVEAU, Marcel-Pierre CLEACH, Christian COINTAT, Gérard CORNU, Raymond COUDERC, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert del PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Marie-Hélène DES ESGAULX, MM. Éric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Michel DOUBLET, Mme Marie Annick DUCHÊNE, MM. Alain DUFAUT, André DULAIT, Ambroise DUPONT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul EMORINE, Hubert FALCO, André FERRAND, Louis-Constant FLEMING, Michel FONTAINE, Bernard FOURNIER, Jean-Paul FOURNIER, Christophe-André FRASSA, Pierre FROGIER, Yann GAILLARD, René GARREC, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jacques GAUTIER, Patrice GÉLARD, Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Francis GRIGNON, François GROSDIDIER, Charles GUENÉ, Pierre HÉRISSON, Michel HOUEL, Alain HOUPERT, Jean François HUMBERT, Jean-Jacques HYEST, Mmes Sophie JOISSAINS, Christiane KAMMERMANN, M. Roger KAROUTCHI, Mmes Fabienne KELLER, Élisabeth LAMURE, MM. Gérard LARCHER, Daniel LAURENT, Jean-René LECERF, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Gérard LONGUET, Roland du LUART, Philippe MARINI, Pierre MARTIN, Jean-François MAYET, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Albéric de MONTGOLFIER, Philippe NACHBAR, Louis NÈGRE, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, Xavier PINTAT, Louis PINTON, Rémy POINTEREAU, Christian PONCELET, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Mmes Sophie PRIMAS, Catherine PROCACCIA, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, André REICHARDT, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Bruno SIDO, Mmes Esther SITTLER, Catherine TROENDLE, MM. François TRUCY, Hilarion VENDEGOU, René VESTRI et Jean-Pierre VIAL, sénateurs ;
Et le même jour, par MM. Christian JACOB, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Olivier AUDIBERT TROIN, Jean-Pierre BARBIER, Xavier BERTRAND, Jean-Claude BOUCHET, Xavier BRETON, Gilles CARREZ, Yves CENSI, Alain CHRÉTIEN, François CORNUT-GENTILLE, Edouard COURTIAL, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Gérald DARMANIN, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sophie DION, M. Jean-Pierre DOOR, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Daniel FASQUELLE, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Marc FRANCINA, Laurent FURST, Claude de GANAY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Bernard GÉRARD, Franck GILARD, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Mme Anne GROMMERCH, MM. Christophe GUILLOTEAU, Michel HERBILLON, Antoine HERTH, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Christian KERT, Mme Valérie LACROUTE, M. Marc LAFFINEUR, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Marc LE FUR, Bruno LE MAIRE, Pierre LEQUILLER, Philippe LE RAY, Lionnel LUCA, Jean-François MANCEL, Laurent MARCANGELI, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Olivier MARLEIX, Alain MARTY, François de MAZIÈRES, Damien MESLOT, Pierre MORANGE, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Luc MOUDENC, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Dominique NACHURY, Yves NICOLIN, Axel PONIATOWSKI, Mme Josette PONS, MM. Bernard REYNES, Franck RIESTER, Martial SADDIER, François SCELLIER, Mme Claudine SCHMID, MM. André SCHNEIDER, Fernand SIRÉ, Éric STRAUMANN, Mme Michèle TABAROT, MM. Jean-Charles TAUGOURDEAU, Jean-Marie TÉTART, Dominique TIAN, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Patrice VERCHÈRE, Philippe VITEL, Michel VOISIN, Jean Luc WARSMANN, Mme Marie Jo ZIMMERMANN, MM. Élie ABOUD, Sylvain BERRIOS, Charles de COURSON, Yves JÉGO, Jean-Christophe LAGARDE et Philippe VIGIER, députés ;
Et le même jour par MM. François FILLON, François BAROIN, Jacques Alain BÉNISTI, Marcel BONNOT, Mme Valérie BOYER, MM. Bernard BROCHAND, Dominique BUSSEREAU, Jérôme CHARTIER, Guillaume CHEVROLLIER, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Jean-Michel COUVE, Charles de LA VERPILLIÈRE, Camille de ROCCA SERRA, Bernard DEBRÉ, Jean-Pierre DECOOL, Rémi DELATTE, Dominique DORD, Mme Marianne DUBOIS, MM. Christian ESTROSI, Hervé GAYMARD, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Charles-Ange GINESY, Jean-Pierre GIRAN, Philippe GOUJON, Mmes Claude GREFF, Anne GROMMERCH, Arlette GROSSKOST, M. Serge GROUARD, Mme Françoise GUÉGOT, MM. Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Michel HEINRICH, Patrick HETZEL, Philippe HOUILLON, Jean-François LAMOUR, Thierry LAZARO, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Dominique LE MÈNER, Alain LEBOEUF, Jean LEONETTI, Céleste LETT, Mmes Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, MM. Gilles LURTON, Alain MARC, Alain MARLEIX, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MATHIS, Patrick OLLIER, Mmes Valérie PECRESSE, Bérengère POLETTI, MM. Frédéric REISS, Arnaud ROBINET, Claude STURNI, Lionel TARDY, Guy TEISSIER, Michel TERROT, François VANNSON, Jean-Sébastien VIALATTE, Jean-Pierre VIGIER, Laurent WAUQUIEZ et Éric WOERTH, députés.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de l’action sociale et des familles ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;
Vu l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ;
Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;
Vu la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 24 décembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les sénateurs et les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2013 ; qu’ils contestent la conformité à la Constitution de ses articles 9, 12, 13 et 73 ; que les sénateurs mettent, en outre, en cause la procédure d’adoption de l’ensemble de la loi, sa sincérité et la conformité à la Constitution de ses articles 22 à 24 ; que les députés contestent aussi la place en loi de finances de l’article 8, du paragraphe I de l’article 51 et de l’article 104 ainsi que la conformité à la Constitution de ses articles 3, 4, 6, 8, 10, 11, 15, 16 et 25 ;
– SUR LA PROCÉDURE D’ADOPTION DE L’ENSEMBLE DE LA LOI :
2. Considérant que, selon les sénateurs requérants, la présentation et l’adoption d’une question préalable lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2013 au Sénat ont constitué un détournement de procédure ; qu’ils font valoir qu’en l’absence de volonté d’obstruction de la part de l’opposition lors de l’examen du projet, l’adoption de cette question préalable a entravé le bon déroulement du débat démocratique, le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels et le droit d’amendement garanti par l’article 44 de la Constitution ; que la loi déférée aurait, par conséquent, été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution ;
3. Considérant que le projet de loi de finances pour 2013 a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 28 septembre 2012 et adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 20 novembre 2012 ; que le Sénat a rejeté la première partie du projet de loi de finances pour 2013 le 28 novembre 2012, faisant ainsi obstacle à la discussion de la seconde partie du projet ; qu’après l’échec, le 6 décembre 2012, de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, l’Assemblée nationale a été saisie en nouvelle lecture du projet et l’a adopté le 14 décembre 2012 ; que, devant le Sénat saisi du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, le président du principal groupe de la majorité sénatoriale a déposé une motion opposant la question préalable à la délibération du projet de loi dans des conditions qui faisaient clairement apparaître que le vote de cette motion était souhaité non pas pour marquer une opposition de fond au texte mais en vue d’accélérer la procédure d’adoption de ce texte par le Parlement, pour tirer les conséquences tant du rejet du projet de loi lors de la première lecture au Sénat que de l’absence de majorité pour l’adoption du projet de loi le 18 décembre 2012 lors de son examen en commission des finances ; qu’après l’adoption de cette question préalable le 18 décembre 2012, le Gouvernement a demandé, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l’article 45 de la Constitution, à l’Assemblée nationale de statuer définitivement, ce qu’elle a fait le 20 décembre 2012 ;
4. Considérant que le bon déroulement du débat démocratique et, partant, le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels, supposent que soit pleinement respecté le droit d’amendement conféré aux parlementaires par l’article 44 de la Constitution et que parlementaires comme Gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures mises à leur disposition à ces fins ;
5. Considérant que cette double exigence implique qu’il ne soit pas fait un usage manifestement excessif de ces droits ;
6. Considérant que dans les conditions où elle est intervenue, l’adoption de la question préalable lors de l’examen du projet de loi en nouvelle lecture au Sénat n’entache pas d’inconstitutionnalité la loi déférée ; que la procédure d’examen du projet de loi n’est donc pas contraire à la Constitution ;
– SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DE FINANCES :
7. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que la loi de finances est insincère, d’une part, en ce qu’elle est fondée sur des prévisions économiques très optimistes et, d’autre part, en ce que le Gouvernement aurait dû les actualiser « au regard de l’évolution des engagements économiques de sa propre politique économique » ; qu’en particulier, la loi de finances aurait dû tirer les conséquences de l’introduction, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2012, du « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi » ;
8. Considérant qu’aux termes de l’article 32 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée : « Les lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » ; qu’il en résulte que la sincérité de la loi de finances de l’année se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre qu’elle détermine ;
9. Considérant qu’il ne ressort pas des éléments soumis au Conseil constitutionnel que les hypothèses économiques sur lesquelles est fondée la loi de finances soient entachées d’une intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre de la loi déférée ;
10. Considérant que le législateur a estimé que le crédit d’impôt inséré à l’article 24 bis, devenu l’article 66, du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2012 n’affectait pas l’équilibre budgétaire de l’année 2013 ; qu’en tout état de cause, si l’évolution des charges ou des ressources était telle qu’elle modifierait les grandes lignes de l’équilibre budgétaire, il appartiendrait au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative ;
11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le grief tiré du défaut de sincérité de la loi de finances doit être écarté ;
– SUR L’ARTICLE 3 :
12. Considérant que l’article 3 modifie le 1 du paragraphe I de l’article 197 du code général des impôts afin d’instituer une nouvelle tranche marginale d’imposition à un taux de 45 % pour la fraction des revenus soumis au barème de l’impôt sur le revenu supérieure à 150 000 euros par part ;
13. Considérant que, selon les députés requérants, la création d’une tranche supplémentaire du barème progressif de l’impôt sur le revenu aboutit à une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; qu’ils font également valoir que cette nouvelle tranche marginale du barème de l’impôt sur le revenu, appliquée à la catégorie particulière de revenus que constituent les rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies assujetties aux contributions prévues par les articles L. 137-11 et L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, ferait supporter à ces revenus une imposition confiscatoire, contraire au respect des capacités contributives des contribuables, au principe d’égalité ainsi qu’au droit de propriété ; qu’il conviendrait, par conséquent, que le Conseil réexamine la conformité de l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale et qu’il le déclare contraire à la Constitution ;
14. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; qu’il n’en résulte pas pour autant que le principe d’égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ;
15. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que cette exigence ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;
16. Considérant, en premier lieu, que l’instauration, par l’article 3, d’une nouvelle tranche marginale d’imposition au taux de 45 % pour la fraction des revenus soumis au barème de l’impôt sur le revenu supérieure à 150 000 euros par part augmente les recettes fiscales et accentue la progressivité de l’imposition des revenus ; qu’en elle-même, elle ne fait pas peser sur les contribuables une charge excessive au regard de leur capacité contributive et ne crée pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;
17. Considérant, en second lieu, que les revenus que constituent les rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies, qui sont assujettis au barème de l’impôt sur le revenu prévu par le 1 du paragraphe I de l’article 197 du code général des impôts modifié par l’article 3 de la loi déférée, sont également assujettis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus prévue par l’article 223 sexies du code général des impôts, à la contribution sociale généralisée prévue par l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale, à la contribution au remboursement de la dette sociale prévue par l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 susvisée ainsi qu’à la contribution prévue par l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale ; que les rentes versées à compter de 2013 sont aussi assujetties à la contribution prévue par l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles ;
18. Considérant que, d’une part, s’il convient, pour apprécier le respect du principe d’égalité devant les charges publiques, de prendre en compte l’ensemble de ces impositions portant sur le même revenu et acquittées par le même contribuable, en revanche, la contribution prévue par l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale est une imposition à la charge de l’employeur qui ne s’impute pas sur le montant de la rente versée ; que, dès lors, il ne convient pas de la prendre en compte pour cette appréciation ;
19. Considérant que, d’autre part, le taux marginal maximal d’imposition pesant sur les rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies est porté, par suite de la modification prévue par l’article 3 et après prise en compte de la déductibilité d’une fraction de la contribution sociale généralisée ainsi que d’une fraction de la contribution prévue par l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale de l’assiette de l’impôt sur le revenu, à 75,04 % pour les rentes perçues en 2012 et à 75,34 % pour les rentes perçues à compter de 2013 ; que ce nouveau niveau d’imposition fait peser sur les contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ; qu’il est contraire au principe d’égalité devant les charges publiques ;
20. Considérant que la conformité à la Constitution d’une loi déjà promulguée peut être appréciée à l’occasion de l’examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ; qu’en l’espèce, l’augmentation du taux marginal maximal d’imposition au barème de l’impôt sur le revenu prévue par l’article contesté a pour effet, par sa combinaison, notamment avec l’application du taux marginal maximal de la contribution prévue par l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 susvisée, de modifier la portée du taux marginal de cette imposition au regard des facultés contributives des contribuables ; que, par suite, l’article 3 de la loi déférée doit être regardé comme affectant le domaine d’application des dispositions de l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale ;
21. Considérant que, dans ces conditions, pour remédier à l’inconstitutionnalité tenant à la charge excessive au regard des facultés contributives de certains contribuables percevant des rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies, les dispositions des cinquième et neuvième alinéas de l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale et les mots : « et inférieure ou égale à 24 000 euros par mois » figurant aux quatrième et huitième alinéas de ce même article doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
22. Considérant que, dans ces conditions, l’article 3 de la loi déférée est conforme à la Constitution ;
– SUR L’ARTICLE 4 :
23. Considérant que l’article 4 modifie le 2 du paragraphe I de l’article 197 du code général des impôts ; qu’il abaisse de 2 336 à 2 000 euros le plafond du montant par demi-part de la réduction d’impôt résultant de l’application du quotient familial ; qu’il porte de 661 euros à 997 euros la réduction d’impôt de certains contribuables qui bénéficient d’une demi-part au titre de situations sociales ou familiales particulières ; qu’il ajoute à ce 2 un alinéa en vertu duquel les contribuables veufs ayant des enfants à charge, et bénéficiant d’une part supplémentaire de quotient familial, ont droit, sous certaines conditions, à une réduction d’impôt égale à 672 euros pour cette part supplémentaire ;
24. Considérant que, selon les députés requérants, l’abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial est contraire au principe d’égalité devant les charges publiques ; que l’article 4 conduirait à une rupture de l’égalité entre les contribuables sans enfant et ceux qui ont des enfants et même à une rupture d’égalité entre les contribuables avec enfants, selon le nombre d’enfants rattachés au foyer fiscal ; que les requérants soutiennent que cette mesure n’est pas en rapport avec l’objectif du législateur de renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu ;
25. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu augmenter les recettes fiscales et minorer le bénéfice tiré du quotient familial de droit commun pour renforcer la progressivité de l’impôt tout en limitant les effets de cette mesure pour certains contribuables placés dans des situations particulières ;
26. Considérant qu’il résulte de l’objet même du mécanisme du quotient familial et de son plafonnement que les contribuables ayant des enfants à charge sont traités différemment, d’une part, des contribuables sans enfant à charge et, d’autre part, selon le nombre d’enfants à charge ; que le plafonnement du quotient familial ne remet pas en cause la prise en compte des facultés contributives qui résulte de cette différence de situation ; qu’en tout état de cause, l’article 13 de la Déclaration de 1789 n’impose pas que la prise en compte des charges de famille pour apprécier les facultés contributives ne puisse résulter que d’un mécanisme de quotient familial ; qu’en abaissant de 2 336 à 2 000 euros le plafond du montant par demi-part de la réduction d’impôt résultant de l’application du quotient familial, le législateur n’a pas méconnu les exigences résultant de l’article 13 de la Déclaration de 1789 ;
27. Considérant que l’article 4 n’est par ailleurs pas contraire aux exigences qui résultent du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; qu’il doit être déclaré conforme à la Constitution ;
– SUR L’ARTICLE 6 :
28. Considérant que le 3° de l’article 83 du code général des impôts est relatif aux frais professionnels déductibles du revenu pour la détermination de l’assiette de l’impôt sur le revenu ; que l’article 6 insère dans ce 3° deux alinéas relatifs à l’évaluation des frais de déplacement autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d’intérêt annuels afférents à l’achat du véhicule ; qu’il inscrit dans la loi le principe d’un barème en fonction de la distance annuelle parcourue et de la puissance administrative du véhicule dans la limite de sept chevaux ;
29. Considérant que, selon les requérants, en excluant les travailleurs indépendants de cette mesure destinée à favoriser le recours à des véhicules moins polluants, ces dispositions portent atteinte au principe d’égalité devant la loi ;
30. Considérant que les salariés ne se trouvent pas, pour la détermination de l’assiette de l’impôt sur le revenu, dans une situation identique à celle des travailleurs indépendants ; que, par suite, le grief tiré de ce que les modalités de fixation des frais professionnels venant en déduction des traitements et salaires ne seraient pas applicables aux travailleurs non salariés doit être écarté ; que l’article 6, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
– SUR L’ARTICLE 8 :
31. Considérant que l’article 8 est relatif aux dons des personnes physiques aux partis politiques ; qu’il a principalement pour objet, en son paragraphe I, de modifier le premier alinéa de l’article 11-4 de la loi n° 88 227 du 11 mars 1988 susvisée pour interdire à une même personne physique de donner plus de 7 500 euros à un ou plusieurs partis politiques au cours de la même année ; que le paragraphe II du même article modifie le second alinéa du 3 de l’article 200 du code général des impôts pour fixer, par voie de conséquence, à 7 500 euros le montant maximal des dons aux partis politiques ouvrant droit à une réduction d’impôt ;
32. Considérant que, selon les députés requérants, le paragraphe I de cet article n’a pas sa place en loi de finances ; que cet article méconnaîtrait par ailleurs l’exigence du pluralisme des courants d’idées et d’opinions ;
33. Considérant, en premier lieu, que le paragraphe I de l’article 8, qui prévoit une modification des règles relatives au financement de la vie politique par les personnes physiques, ne concerne ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l’État ; qu’il n’a pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État ; qu’il n’a pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières ; qu’il n’est pas relatif au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu’ainsi, le paragraphe I de l’article 8 est étranger au domaine des lois de finances tel qu’il résulte de la loi organique du 1er août 2001 ; qu’il a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ;
34. Considérant, en second lieu, que le paragraphe II de l’article 8 fixe à 7 500 euros le montant maximal des dons aux partis politiques ouvrant droit à une réduction d’impôt en application de l’article 200 du code général des impôts ; que, toutefois, il ne modifie pas la limite des dons et cotisations aux partis politiques ouvrant droit à une réduction d’impôt en application de l’article 200 du code général des impôts, laquelle demeure fixée à 15 000 euros ; que, par suite, les dispositions du paragraphe II de l’article 8, qui ne sont pas séparables du paragraphe I, n’ont pas leur place en loi de finances ;
35. Considérant que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief soulevé par les requérants, l’article 8 doit être déclaré contraire à la Constitution ;
– SUR L’ARTICLE 9 :
36. Considérant que l’article 9 a principalement pour objet de soumettre au barème de l’impôt sur le revenu les revenus distribués par les sociétés ainsi que les produits de placement en supprimant la possibilité de leur appliquer un prélèvement forfaitaire libératoire de l’impôt sur le revenu ; qu’il modifie la fraction de la contribution sociale généralisée acquittée sur les revenus du patrimoine et les produits de placement déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu ; qu’il modifie également les abattements sur les dividendes assujettis au barème de l’impôt sur le revenu ;
37. Considérant que, selon les sénateurs et députés requérants, en soumettant au barème de l’impôt sur le revenu les revenus distribués par les sociétés ainsi que les produits de placement perçus en 2012 pour lesquels les contribuables avaient opté pour le prélèvement forfaitaire libératoire de l’impôt sur le revenu, le législateur a adopté des dispositions fiscales rétroactives qui ne seraient pas justifiées par un motif d’intérêt général suffisant ; que, selon les députés requérants, la transformation du prélèvement forfaitaire libératoire en un acompte porte également atteinte au droit de propriété ainsi qu’à la liberté d’entreprendre ;
38. Considérant que les députés requérants mettent également en cause la modification de la fraction de la contribution sociale généralisée acquittée sur les revenus du patrimoine et les produits de placement déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu, qui créerait une rupture d’égalité devant les charges publiques ;
39. Considérant, enfin, que les députés requérants font valoir que l’assujettissement au barème de l’impôt sur le revenu des dividendes et produits de placement crée une rupture d’égalité devant les charges publiques en ce que, d’une part, ces revenus subissent des prélèvements sociaux à des taux supérieurs à ceux des prélèvements sociaux sur les revenus d’activité et de remplacement et que, d’autre part, leur assiette au titre de l’imposition des revenus est plus large que celle des revenus d’activité et de remplacement ;
40. Considérant, en premier lieu, que le A du paragraphe IV de l’article 9 a pour objet de soumettre, sauf exceptions, à l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2012 les revenus de capitaux mobiliers pour lesquels les prélèvements forfaitaires libératoires de l’impôt sur le revenu prévus au paragraphe I des articles 117 quater et 125 A du code général des impôts ont été opérés à compter du 1er janvier 2012 ; que le B du même paragraphe IV institue un crédit d’impôt au titre de ces prélèvements pour l’établissement de l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2012, afin d’éviter une double imposition de ces revenus ;
41. Considérant qu’aux termes du A du paragraphe IV : « À compter du 1er janvier 2012, les prélèvements prévus au I des articles 117 quater et 125 A du code général des impôts ne libèrent plus les revenus auxquels ils s’appliquent de l’impôt sur le revenu » ; que, par suite, les dispositions du paragraphe IV ont pour effet de mettre en cause de manière rétroactive le caractère libératoire des prélèvements forfaitaires prévus au paragraphe I des articles 117 quater et 125 A du code général des impôts ;
42. Considérant qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu’en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789 s’il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ;
43. Considérant que les dispositions du paragraphe IV auraient pour effet de majorer l’imposition à acquitter au titre de leurs revenus de capitaux mobiliers perçus en 2012 par certains contribuables alors même que ces contribuables se sont, en application de la loi, déjà acquittés d’un impôt qui les a libérés de leurs obligations fiscales au titre de ces revenus ;
44. Considérant que la volonté du législateur d’assurer en 2013 des recettes supplémentaires liées à la réforme des modalités d’imposition des revenus de capitaux mobiliers ne constitue pas un motif d’intérêt général suffisant pour mettre en cause rétroactivement une imposition à laquelle le législateur avait attribué un caractère libératoire et qui était déjà acquittée ; que, dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, le paragraphe IV de l’article 9 doit être déclaré contraire à la Constitution ; que, par coordination, il convient également de déclarer contraires à la Constitution les mots : « du E », au paragraphe VI du même article, et de limiter, pour les revenus versés en 2012, l’application du 2° du H au même paragraphe VI à sa partie correspondant à l’abrogation du 5° du 3 de l’article 158 du code général des impôts ;
45. Considérant, en deuxième lieu, que le 2° du G du paragraphe I de l’article 9 abaisse de 5,8 % à 5,1 % la part de la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine et les produits de placement qui est admise en déduction du revenu imposable de l’année de son paiement ; que le taux de déductibilité est ainsi identique à celui de la contribution sociale généralisée sur les revenus d’activité alors même que le taux de la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine et les produits de placement demeure supérieur, de 0,7 %, à celui de la contribution sociale généralisée sur les revenus d’activité ;
46. Considérant que le principe d’égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce que le législateur, dans l’exercice des compétences qu’il tient de l’article 34 de la Constitution, rende déductible un impôt de l’assiette d’un autre impôt ou modifie cette déductibilité, dès lors qu’en modifiant ainsi la charge pesant sur les contribuables, il n’entraîne pas de rupture caractérisée de l’égalité entre ceux-ci ;
47. Considérant, en l’espèce, que la réduction de la part de la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine et les produits de placement admise en déduction de l’assiette de l’impôt sur le revenu a pour effet d’augmenter les recettes fiscales et d’accroître le caractère progressif de l’imposition globale des revenus du patrimoine et des produits de placement de