Décision 2002-464 DC – 27 décembre 2002 – Loi de finances pour 2003 – Non conformité partielle

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Décision 2002-464 DC – 27 décembre 2002 – Loi de finances pour 2003 – Non conformité partielle

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi de finances pour 2003,

le 20 décembre 2002, par MM. Jean-Marc AYRAULT, Damien ALARY, Mme Sylvie ANDRIEUX-BACQUET, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Éric BESSON, Jean-Louis BIANCO, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Maxime BONO, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Michel DELEBARRE, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Marc DOLEZ, François DOSÉ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, Jean-Louis DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Henri EMMANUELLI, Claude ÉVIN, Laurent FABIUS, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean GAUBERT, Mmes Nathalie GAUTIER, Catherine GÉNISSON, MM. Jean GLAVANY, Gaétan GORCE, Alain GOURIOU, Mmes Elisabeth GUIGOU, Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. François HOLLANDE, Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Yves LE DRIAN, Michel LEFAIT, Jean LE GARREC, Jean-Marie LE GUEN, Patrick LEMASLE, Guy LENGAGNE, Bruno LE ROUX, Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Victorin LUREL, Bernard MADRELLE, Philippe MARTIN, Christophe MASSE, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Michel PAJON, Christian PAUL, Germinal PEIRO, Jean-Claude PEREZ, Mmes Marie-Françoise PEROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-GAILLARD, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Paul QUILÈS, Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Mme Ségolène ROYAL, M. Michel SAINTE-MARIE, Mme Odile SAUGUES, MM. Henri SICRE, Dominique STRAUSS-KAHN, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, M. Simon RENUCCI, Mme Christiane TAUBIRA et M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, députés,

et le 23 décembre 2002, par M. Claude ESTIER, Mme Michèle ANDRÉ, MM. Bernard ANGELS, Bertrand AUBAN, Robert BADINTER, Jean-Pierre BEL, Jacques BELLANGER, Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE, M. Jean BESSON, Mme Marie-Christine BLANDIN, M. Didier BOULAUD, Mmes Yolande BOYER, Claire-Lise CAMPION, M. Bernard CAZEAU, Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Gilbert CHABROUX, Michel CHARASSE, Roland COURTEAU, Marcel DEBARGE, Jean-Pierre DEMERLIAT, Claude DOMEIZEL, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Mme Josette DURRIEU, MM. Jean-Claude FRÉCON, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Jean-Pierre GODEFROY, Jean-Noël GUÉRINI, Claude HAUT, Mme Odette HERVIAUX, MM. André LABARRÈRE, Serge LAGAUCHE, Louis LE PENSEC, André LEJEUNE, Jacques MAHÉAS, Jean-Yves MANO, François MARC, Marc MASSION, Gérard MIQUEL, Michel MOREIGNE, Jean-Marc PASTOR, Daniel PERCHERON, Jean-Claude PEYRONNET, Jean-François PICHERAL, Bernard PIRAS, Jean-Pierre PLANCADE, Mmes Danièle POURTAUD, Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, Paul RAOULT, Daniel REINER, Roger RINCHET, Gérard ROUJAS, Claude SAUNIER, Michel SERGENT, Jean-Pierre SUEUR, Michel TESTON, Jean-Marc TODESCHINI, Pierre-Yvon TRÉMEL, André VANTOMME, Marcel VIDAL et Henri WEBER, sénateurs ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, notamment ses articles 14, 32, 65 et 67 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 relative au plan d’épargne en actions ;

Vu l’article 44 de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 portant loi de finances pour 1999 ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 24 décembre 2002 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs des deux saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2003 en dénonçant son absence de sincérité ; que les députés auteurs de la première saisine contestent plus particulièrement, en tout ou partie, ses articles 4, 8, 11, 27, 29, 80, 88 et 108 ; que les sénateurs critiquent pour leur part ses articles 27, 28, 57 et 88 ;

SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DE FINANCES :

2. Considérant que, pour contester la sincérité de la loi déférée, les requérants font valoir que « les évaluations de recettes et les estimations de dépenses qu’elle comporte ne tiennent pas compte des informations économiques disponibles au moment de l’élaboration du projet de budget ni de celles disponibles pendant le débat budgétaire au Parlement » ; qu’ainsi, le Gouvernement aurait, selon eux, « commis une erreur manifeste, certaine et volontaire, ne permettant pas au Parlement d’exercer ses prérogatives, et conduisant à fausser les grandes lignes de l’équilibre budgétaire » ; qu’en outre, l’annonce par le Gouvernement, au cours des débats parlementaires, de la mise en réserve, dès le début de l’année, de crédits susceptibles d’être ultérieurement annulés témoignerait de l’absence de sincérité des prévisions de dépenses ; que la même insincérité serait illustrée par la référence faite au cours des débats parlementaires, par plusieurs membres du Gouvernement, aux reports prévisibles de crédits de 2002 sur 2003 ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 32 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, rendu applicable à compter du 1er janvier 2002 par son article 65 : « Les lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’État. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » ; que, s’agissant de la loi de finances de l’année, la sincérité se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre ;

4. Considérant, en premier lieu, qu’il ne ressort pas des éléments soumis au Conseil constitutionnel que les évaluations de recettes pour 2003 prises en compte à l’article d’équilibre soient entachées d’une erreur manifeste, compte tenu des aléas inhérents à leur évaluation et des incertitudes relatives à l’évolution de l’économie en 2003 ; qu’en outre, l’erreur alléguée dans le choix des hypothèses économiques ne conduirait, selon les requérants eux-mêmes, qu’à une surestimation des recettes fiscales de faible ampleur au regard des masses budgétaires ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le vote par le Parlement, dans la loi de finances, des plafonds afférents aux grandes catégories de dépenses et des crédits mis à la disposition des ministres n’emporte pas, pour ces derniers, obligation de dépenser la totalité des crédits ouverts ; que les autorisations de dépense accordées ne font pas obstacle aux prérogatives que le Gouvernement tient de l’article 20 de la Constitution en matière d’exécution de la loi de finances ; que l’article 14 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, rendu applicable à compter du 1er janvier 2002, dispose à cet égard qu’ »afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l’année concernée, un crédit peut être annulé par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances. Un crédit devenu sans objet peut être annulé par un décret pris dans les mêmes conditions » ; qu’il était, dès lors, loisible au Gouvernement de prévoir la mise en réserve, en début d’exercice, d’une faible fraction des crédits ouverts afin de prévenir une détérioration éventuelle de l’équilibre du budget ; qu’en informant le Parlement de cette intention, il a respecté le principe de sincérité ;

6. Considérant, en troisième lieu, que les explications données au Parlement par le Gouvernement sur les autres mesures de gestion envisagées en cours d’exercice, et notamment sur les montants prévisibles de crédits reportables, ne traduisent pas l’insincérité des prévisions de dépenses ;

7. Considérant, cependant, que si, au cours de l’exercice 2003, les grandes lignes de l’équilibre de la loi de finances s’écartaient sensiblement des prévisions, il appartiendrait au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative ;

8. Considérant, enfin, que le Parlement devra être informé en temps utile des mesures de « régulation budgétaire » mises en oeuvre ; qu’en particulier, conformément aux dispositions du I et du III de l’article 14 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, applicables à compter du 1er janvier 2002, les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat devront être informées de tout décret d’annulation avant sa publication et de « tout acte, quelle qu’en soit la nature, ayant pour objet ou pour effet de rendre des crédits indisponibles » ;

9. Considérant que, sous réserve des observations qui précèdent, les griefs tirés de l’absence de sincérité de la loi déférée doivent être rejetés ;

– SUR LA PROCÉDURE D’ADOPTION DE CERTAINS ARTICLES :

. En ce qui concerne l’amendement dont est issu l’article 11 :

10. Considérant que les députés requérants soutiennent que l’article 11, issu d’un amendement sénatorial adopté en première lecture, a été introduit dans la loi de finances en méconnaissance des articles 39 et 44 de la Constitution ; qu’ils font valoir, en outre, qu’une telle procédure d’adoption, en permettant « la discussion voire l’adoption d’amendements qui seraient déclarés a priori irrecevables devant l’Assemblée nationale », méconnaîtrait l’article 40 de la Constitution et l’article 42 de l’ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ;

11. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 44 de la Constitution : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement » ; que, si le second alinéa de son article 39 dispose que « les projets de loi de finances (…) sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale », il n’en résulte pas que des mesures financières ne puissent être présentées par voie d’amendement par des sénateurs ; que tel est le cas de l’article 11 ;

12. Considérant, en second lieu, qu’il appartient tant au Gouvernement qu’aux instances compétentes des assemblées, selon les procédures prévues par les règlements propres à chaque assemblée, de veiller au respect des règles de recevabilité des amendements déposés par les membres du Parlement en matière financière ; qu’en l’espèce, l’amendement dont est issu l’article critiqué n’a pas vu sa recevabilité contestée, en application de l’article 40 de la Constitution ou de l’article 42 de l’ordonnance susvisée du 2 janvier 1959, au cours de la procédure parlementaire ; que, la question de la recevabilité de l’amendement n’ayant pas été soulevée, elle ne peut être directement invoquée devant le Conseil constitutionnel ; qu’en tout état de cause, l’amendement contesté a pour effet d’accroître les recettes de l’Etat en 2003 ;

13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les griefs relatifs à la procédure d’adoption de l’article 11 ne sauraient être accueillis ;

. En ce qui concerne l’article 57 :

14. Considérant que, selon les sénateurs auteurs de la seconde saisine, le Gouvernement aurait méconnu l’article 39 de la Constitution en déposant, pour la première fois devant le Sénat, un amendement modifiant les évaluations de recettes fiscales prises en compte à l’article d’équilibre ;

15. Considérant qu’il résulte du second alinéa de l’article 39 de la Constitution que des mesures financières entièrement nouvelles ne peuvent être présentées par le Gouvernement pour la première fois devant le Sénat ;

16. Considérant que l’amendement en cause a été présenté par coordination avec une mesure soumise en premier lieu à l’Assemblée nationale dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002 ; qu’il s’est borné à une rectification de faible ampleur des évaluations de recettes de deux impôts afférentes à 2003 ; que, dès lors, l’amendement en cause n’a pas introduit de mesure financière entièrement nouvelle ; que le grief tiré d’une irrégularité de la procédure d’adoption de l’article 57 doit donc être rejeté ;

– SUR L’ARTICLE 4 :

17. Considérant que l’article 4 de la loi déférée, qui modifie le 11 de l’article 150-0 D du code général des impôts, allonge de cinq à dix ans la durée d’imputation des pertes sur cessions de valeurs mobilières et droits sociaux mentionnés à l’article 150-0 A du même code, ainsi que, par renvoi, la durée d’imputation des pertes résultant de certaines opérations réalisées en France sur les marchés à terme ;

18. Considérant que les députés requérants soutiennent qu’en n’appliquant cette nouvelle mesure ni aux pertes subies sur les produits mentionnés à l’article 150 sexies, ni à celles subies sur les marchés à terme à l’étranger et relevant du 6° du I de l’article 156, le législateur a introduit une rupture d’égalité entre contribuables qui, selon eux, seraient placés dans une situation identique au regard de l’objet de la loi ;

19. Considérant qu’il appartient au législateur, lorsqu’il établit une imposition, d’en déterminer librement l’assiette et le taux, sous réserve du respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle ; que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que, pour des motifs d’intérêt général, le législateur édicte, par l’octroi d’avantages fiscaux, des mesures d’incitation au développement d’activités économiques et financières en appliquant des critères objectifs et rationnels en fonction des buts recherchés ;

20. Considérant que la mesure critiquée tend à encourager les particuliers, en dépit de la baisse ayant affecté les marchés d’instruments financiers, à orienter leur épargne vers ces marchés, de manière à favoriser l’économie ; qu’il était loisible au législateur, au regard de cet objectif d’intérêt général, d’exclure du bénéfice de cette mesure les produits mentionnés à l’article 150 sexies, qui ne sont relatifs ni aux emprunts obligataires, ni aux actions ; qu’il lui était également loisible d’en exclure, sous réserve des conventions internationales, les pertes résultant d’opérations réalisées sur un marché à terme à l’étranger ;

21. Considérant qu’il s’ensuit que l’article 4 de la loi déférée n’est pas contraire à la Constitution ;

– SUR L’ARTICLE 8 :

22. Considérant que l’article 8 modifie l’article 199 sexdecies du code général des impôts en portant de 6 900 à 7 400 euros pour 2002 et à 10 000 euros à compter du 1er janvier 2003 le plafond des dépenses prises en compte pour le calcul de la réduction d’impôt sur le revenu accordée au titre de l’emploi d’un salarié à domicile ; que, selon les députés requérants, le législateur aurait méconnu le principe d’égalité devant les charges publiques en s’abstenant de moduler le montant de la réduction d’impôt en fonction de la situation matrimoniale du contribuable et de ses charges de famille ; que le relèvement du plafond ainsi opéré conduirait à conférer « un avantage disproportionné aux célibataires et aux concubins par rapport aux couples mariés » ;

23. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;

24. Considérant, par ailleurs, que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte pour des motifs d’intérêt général des mesures d’incitation par l’octroi d’avantages fiscaux ;

25. Considérant, ainsi qu’il ressort des travaux parlementaires ayant abouti à l’adoption de la loi déférée, comme de ceux à l’origine de l’institution, en 1991, de la réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, que cette réduction vise à combattre le chômage en développant l’emploi à domicile ; qu’elle tend également à lutter contre l’emploi non déclaré ; qu’elle a par ailleurs pour effet d’améliorer la qualité de vie des familles en favorisant le maintien à domicile des personnes âgées, l’hébergement de personnes invalides, la garde au domicile familial des jeunes enfants, le soutien scolaire et l’aide ménagère ;

26. Considérant que la réduction d’impôt est « égale à 50 % du montant des dépenses effectivement supportées », dans la limite d’un plafond fixé par la loi ; qu’en relevant à 10 000 euros le plafond des dépenses éligibles à cet avantage fiscal, le législateur a entendu élargir l’impact de cette mesure pour mieux satisfaire à l’objectif d’intérêt général qu’il s’est assigné ; que l’existence d’un plafond unique de dépenses ne méconnaît ni la situation matrimoniale des bénéficiaires ni les charges de leur foyer ; que, par suite, l’article 8 de la loi déférée n’entraîne pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;

– SUR L’ARTICLE 11 :

. En ce qui concerne les griefs tirés de l’atteinte à l’égalité :

27. Considérant que l’article 11 de la loi déférée a pour objet de rapprocher le régime fiscal de l’investissement immobilier locatif de celui des placements en valeurs mobilières, afin de soutenir l’activité du secteur immobilier locatif et de développer les marchés financiers français ;

28. Considérant qu’à cet effet, il permet aux sociétés d’investissements immobiliers cotées d’opter pour l’exonération de l’impôt sur les sociétés sur la fraction de leur bénéfice issue de la location ou de la vente d’immeubles ; qu’en vertu de l’article 208 C inséré dans le code général des impôts par l’article 11, l’entrée dans le nouveau régime entraîne l’imposition immédiate des plus-values latentes au taux de 16,5 % et l’obligation ultérieure de distribuer une part importante des bénéfices au cours de l’exercice ou des deux exercices suivant celui de leur réalisation ; que les titres des sociétés relevant du nouveau régime resteront éligibles au plan d’épargne en actions institué par la loi du 16 juillet 1992 susvisée, mais ne bénéficieront plus de l’avoir fiscal ;

29. Considérant que les députés requérants font valoir qu’à plusieurs titres cet article porterait atteinte au principe d’égalité ;

30. Considérant que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

31. Considérant qu’il est reproché, en premier lieu, au nouveau dispositif de créer une rupture d’égalité entre les sociétés civiles soumises à la « transparence fiscale » par l’article 8 du code général des impôts et les sociétés bénéficiaires de l’article critiqué, lequel soumet à imposition, entre les mains des actionnaires, les seuls bénéfices distribués ; que, de plus, les actionnaires des sociétés immobilières bénéficiaires de l’article 11 seront exonérés d’impôt sur le revenu si leurs titres sont placés dans un plan d’épargne en actions, alors que cette possibilité n’est pas ouverte aux associés de sociétés de personnes ;

32. Considérant qu’au regard de l’objet des dispositions contestées, les sociétés civiles immobilières sont dans une situation différente des sociétés auxquelles s’applique l’article 11, lesquelles font publiquement appel à l’épargne sur le marché des capitaux ; qu’il était donc loisible au législateur de soumettre les unes et les autres à un traitement fiscal différent sans porter atteinte à l’égalité entre sociétés ou entre associés ;

33. Considérant, en second lieu, que les requérants dénoncent « les conditions très avantageuses qui ont été fixées pour atténuer les conséquences fiscales de l’option ouverte aux sociétés immobilières cotées » lors de leur entrée dans le nouveau régime ; qu’ils mettent en cause à cet égard le taux retenu pour l’imposition des plus-values latentes des sociétés ainsi que la non-imposition de ces plus-values entre les mains des associés ;

34. Considérant qu’eu égard à l’objectif d’intérêt général que s’est assigné le législateur, il lui était loisible de définir comme il l’a fait les modalités fiscales de l’exercice de l’option, lesquelles ne font nullement supporter à l’Etat des charges hors de proportion avec l’effet incitatif attendu ;

. En ce qui concerne les autres griefs dirigés contre l’article 11 :

35. Considérant que les requérants font valoir qu’en ne définissant ni l’obligation faite aux sociétés concernées d’avoir pour « objet principal » une activité immobilière, ni les modalités du contrôle du respect de cette obligation, le législateur serait resté en-deçà de sa compétence ;

36. Considérant que le législateur a désigné avec une précision suffisante les sociétés éligibles ; qu’il lui était loisible de ne pas exclure du nouveau régime les sociétés immobilières exerçant des activités accessoires, notamment pour les besoins de la gestion de leurs fonds disponibles ; que les bénéfices tirés de ces activités accessoires demeurent imposés à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ; que la part des bénéfices exonérés d’impôt sur les sociétés est déterminée par le II du nouvel article 208 C du code général des impôts et sera contrôlée par l’administration fiscale ; que, dès lors, doit être écarté le moyen tiré d’une méconnaissance de l’article 34 de la Constitution ;

37. Considérant, enfin, que l’article 11 ne porte aucune atteinte au droit de propriété ;

38. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que doivent être rejetés les griefs dirigés contre les dispositions de l’article 11 ;

– SUR L’ARTICLE 27 :

39. Considérant que l’article 27 de la loi déférée supprime le droit de licence acquitté par les débitants de boissons ; qu’à cet effet, le 1° du I de cet article abroge les articles 1568 à 1572 du code général des impôts ; que le 2° tire les conséquences de cette suppression en aménageant la rédaction de l’article 1699 du même code, relatif au régime de recouvrement, de perception et de répression commun à la taxe sur les spectacles et au droit de licence des débitants de boissons ; qu’en contrepartie de la suppression de ce droit, le II de l’article 27 majore la dotation globale de fonctionnement de 23 millions d’euros à compter de 2004 ; que, pour 2003, le III majore du même montant le solde de la dotation d’aménagement à répartir entre la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale ;

. En ce qui concerne le 2° du I de l’article 27 :

40. Considérant qu’en vertu de l’article 1699 du code général des impôts, dans la rédaction de la loi déférée comme dans sa rédaction antérieure, les infractions à la législation relatives à la taxe sur les spectacles sont « réprimées selon les modalités et sous le bénéfice des sûretés prévues pour les impôts visés au titre III de la première partie du livre Ier » ; que, selon les députés requérants, les dispositions de l’article 1791 du code général des impôts, auxquelles il est ainsi notamment renvoyé, portent atteinte au principe de proportionnalité des peines ; qu’ils demandent « dans cette mesure » au Conseil constitutionnel de déclarer l’article 27 de la loi déférée contraire à la Constitution ;

41. Considérant que la conformité à la Constitution des termes d’une loi promulguée ne peut être utilement contestée qu’à l’occasion de l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ;

42. Considérant que le 2° du I de l’article 27 n’a d’autre objet que de supprimer, à l’article 1699 du code général des impôts, toute référence au droit de licence des débitants de boissons ; qu’en ce qui concerne les dispositions subsistantes de l’article 1699, relatives à la taxe sur les spectacles, la nouvelle rédaction se borne strictement à reproduire celles qui étaient en vigueur à la date d’adoption de la loi déférée ; que, par suite, les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution de l’article 1791 du code général des impôts pourrait être utilement discutée ne sont pas réunies en l’espèce ;

. En ce qui concerne les II et III de l’article 27 :

43. Considérant que, selon les sénateurs requérants, la compensation de la suppression du droit de licence des débitants de boissons par une dotation globale aux communes entraverait la libre administration de ces collectivités, dès lors que cette compensation ne bénéficiera pas à toutes les communes privées du produit des droits supprimés ; qu’en outre, l’égalité se trouverait rompue entre les communes définitivement privées du produit de la taxe supprimée et celles qui bénéficieront de la compensation ;

44. Considérant que si, en vertu de l’article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus », chacune d’elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que son article 34 réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, ainsi que la fixation des règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; que, toutefois, les règles posées par la loi sur le fondement de ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d’entraver leur libre administration ;

45. Considérant que la suppression du droit de licence des débitants de boissons par la loi déférée répond à un objectif de simplification de la fiscalité indirecte ; que, selon la taille de la commune et la catégorie de la licence, le montant de ce droit varie de 3,8 à 306 euros ; qu’ainsi, eu égard au faible montant des sommes en cause, en instituant en faveur des communes une compensation globale, le législateur n’a méconnu ni le principe de libre administration des collectivités territoriales ni l’égalité entre communes ;

46. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs dirigés contre l’article 27 de la loi déférée ne peuvent qu’être rejetés ;

– SUR LE 2 DU III DE L’ARTICLE 29 :

47. Considérant que le III de l’article 29 détermine, pour les recettes de l’Etat, les modalités de neutralisation des effets de l’assujettissement de France Télécom aux impositions directes locales dans les conditions de droit commun ; que le 1 du III prévoit, à cet effet, la diminution, à due concurrence des pertes subies par l’Etat, des sommes versées par celui-ci aux collectivités territoriales au titre de la « compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle » instituée par l’article 44 de la loi de finances pour 1999 ; que, selon le 2 du III de l’article 29, lorsque le montant de ce versement « est, en 2003, inférieur au montant de la diminution à opérer en application du 1, le solde est prélevé, au profit du budget général de l’État, sur le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe d’habitation et de la taxe professionnelle perçu au profit de ces communes et établissements » ;

48. Considérant que les députés requérants exposent que cette dernière disposition instaurerait une nouvelle imposition au profit de l’État ; que le produit de ladite imposition ferait, selon eux, l’objet d’une « compensation avec les opérations auxquelles donne lieu la perception par l’État de recettes des collectivités locales » ; qu’en conséquence, le produit de cette imposition ne serait pas retracé dans le budget général, en méconnaissance du principe d’universalité rappelé à l’article 18 de l’ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ; qu’ils dénoncent en outre une atteinte portée à l’article 34 de la Constitution, le législateur n’ayant pas épuisé sa compétence en ne définissant pas les règles de recouvrement applicables ;

49. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 18 de l’ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée : « Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L’ensemble des recettes assurant l’exécution de l’ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général » ;

50. Considérant que manque en fait le grief tiré d’une méconnaissance de ces dispositions, dès lors que les nouvelles recettes de l’État résultant du 2 du III de l’article 29 seront retracées à la ligne relative aux « autres impôts directs perçus par voie d’émission de rôles » du budget général ;

51. Considérant, en second lieu, que manque également en fait le grief tiré d’une incompétence négative du législateur, dès lors que celui-ci a entendu soumettre le prélèvement prévu au 2 du III de l’article 29 aux modalités déjà applicables aux frais d’assiette et de recouvrement sur le produit des impôts directs locaux ;

– SUR L’ARTICLE 80 :

52. Considérant que l’article L. 315-4 du code de la construction et de l’habitation prévoit que « Les bénéficiaires d’un prêt d’épargne-logement reçoivent de l’Etat une prime d’épargne dont le montant est fixé compte tenu de leur effort d’épargne » ; que le I de l’article 80 de la loi déférée complète cette disposition en précisant que la prime d’épargne est reçue « lors de la réalisation du prêt » ; que son II rend cette disposition applicable aux seuls comptes d’épargne-logement ouverts à compter du 12 décembre 2002 ;

53. Considérant que, selon la saisine des députés, le législateur aurait rompu l’égalité en conservant au profit des titulaires de comptes plus anciens un avantage auquel les titulaires de comptes ouverts à partir du 12 décembre 2002 n’auront pas droit ;

54. Considérant qu’il ressort des travaux parlementaires ayant abouti à l’adoption de la loi déférée qu’en subordonnant le versement de la prime d’épargne à la réalisation effective d’un prêt immobilier, la disposition critiquée tend à restituer à cette aide de l’Etat sa vocation d’encouragement à l’acquisition, à la rénovation ou à la construction d’un logement ; qu’il appartenait, ce faisant, au législateur de ne pas porter une atteinte excessive à l’économie des contrats antérieurement conclus ; qu’à cet égard, la date prévue par le législateur pour l’entrée en application de cette mesure ne crée pas de différence de traitement contraire à la Constitution ;

– SUR L’ARTICLE 88 :

55. Considérant que l’article 88 de la loi déférée insère dans le code de l’environnement un nouvel article L. 541-10-1 dont le premier alinéa est ainsi rédigé : « A compter du 1er janvier 2004, toute personne ou organisme qui met à disposition du public, distribue pour son propre compte ou fait distribuer dans les boîtes aux lettres ou sur la voie publique des imprimés publicitaires non adressés ou des journaux gratuits est tenu de contribuer ou de pourvoir à l’élimination des déchets ainsi produits » ; que son deuxième alinéa exonère de cette obligation diverses catégories de personnes et de documents ; que son troisième alinéa dispose que « cette contribution est remise à un organisme agréé qui la verse aux collectivités au titre de participation aux coûts de collecte, de valorisation et d’élimination qu’elles supportent » ; que son quatrième alinéa prévoit que « la personne ou l’organisme qui ne s’acquitte pas volontairement de cet


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