Déchéance du terme et vérification de la solvabilité : enjeux et conséquences dans le cadre d’un crédit à la consommation

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Déchéance du terme et vérification de la solvabilité : enjeux et conséquences dans le cadre d’un crédit à la consommation

Contexte de l’affaire

La SAS SOGEFINANCEMENT a accordé un crédit personnel à Monsieur [T] [P] d’un montant de 34 012 €, remboursable en 84 mensualités avec un taux d’intérêt de 5,75%. Suite à des manquements dans le remboursement, la société a décidé de se prévaloir de la déchéance du terme.

Assignation et fusion des sociétés

Le 14 mai 2024, la SAS SOGEFINANCEMENT a assigné Monsieur [T] [P] devant le Juge des Contentieux de la Protection pour obtenir la déchéance du terme et le paiement d’une somme de 36 252,28 € avec intérêts. Après la fusion de la SAS SOGEFINANCEMENT avec la SA FRANFINANCE, cette dernière a pris la suite de l’affaire.

Audiences et défense

L’affaire a été entendue le 14 novembre 2024, où la SA FRANFINANCE a nié toute irrégularité dans le respect des obligations du Code de la consommation. Monsieur [T] [P] n’était pas présent ni représenté à l’audience.

Recevabilité de l’action

Le tribunal a examiné la recevabilité de l’action en se basant sur le Code de Procédure Civile et le Code de la Consommation. Il a constaté que l’assignation avait été délivrée dans le délai légal, rendant l’action recevable.

Demande principale en paiement

Concernant la demande principale, le tribunal a rappelé que la déchéance du terme ne peut être déclarée sans mise en demeure. La mise en demeure envoyée par la SA FRANFINANCE a été jugée conforme aux exigences légales.

Justification de la régularité de l’opération

La SA FRANFINANCE n’a pas pu prouver la vérification de la solvabilité de l’emprunteur, ce qui a conduit à la déchéance de son droit aux intérêts. Le tribunal a limité les sommes dues à la différence entre le montant débloqué et les paiements effectués.

Décision du tribunal

Le tribunal a prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour la SA FRANFINANCE et a condamné Monsieur [T] [P] à rembourser 32 037,67 €. Il a également condamné Monsieur [T] [P] à verser 300 € à la SA FRANFINANCE pour les frais de procédure et a statué sur les dépens.

Exécution de la décision

Le jugement a été déclaré exécutoire à titre provisoire, et les parties ont été informées de la décision, qui a été signée par la vice-présidente et le greffier.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les conditions de recevabilité de l’action en paiement dans le cadre d’un contrat de crédit à la consommation ?

L’action en paiement née d’un contrat de crédit à la consommation doit respecter certaines conditions de recevabilité, notamment en ce qui concerne le délai de forclusion.

Selon l’article R312-35 du Code de la Consommation, l’action en paiement doit être engagée dans un délai de deux ans suivant l’événement qui lui a donné naissance, à peine de forclusion.

Dans le cas présent, la défaillance de l’emprunteur a été constatée le 10 août 2023, et l’assignation a été délivrée le 14 mai 2024, ce qui respecte le délai de deux ans.

Ainsi, l’action en paiement est recevable, car elle a été engagée dans le délai imparti par la loi.

Quelles sont les obligations du prêteur en matière de mise en demeure avant de déclarer la déchéance du terme ?

L’article 1134 du Code Civil stipule que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

En matière de crédit à la consommation, la déchéance du terme ne peut être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet.

Cette mise en demeure doit préciser le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, comme l’indique la jurisprudence (Cass. Civ. 1re, 3 juin 2015, n°14-15655).

Dans cette affaire, la SA FRANFINANCE a envoyé une mise en demeure à Monsieur [T] [P] le 21 novembre 2023, et la réception de ce courrier a été prouvée, satisfaisant ainsi aux exigences légales.

Quels sont les effets de la déchéance du droit aux intérêts en cas de manquement du prêteur ?

Conformément à l’article L 341-8 du Code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû.

Cette déchéance s’étend également aux intérêts et à tous leurs accessoires, y compris les frais de toute nature et les primes d’assurances.

Dans le cas présent, la SA FRANFINANCE n’a pas vérifié la solvabilité de l’emprunteur, ce qui constitue un manquement aux obligations légales.

Par conséquent, le prêteur doit être déchu de son droit aux intérêts, et les sommes dues se limiteront à la différence entre le montant débloqué et les paiements effectués, soit 32 037,67 €.

Quelles sont les conséquences de la fusion par absorption sur les droits et obligations des parties ?

La fusion par absorption de la SAS SOGEFINANCEMENT par la SA FRANFINANCE entraîne un transfert des droits et obligations de la première vers la seconde, conformément aux dispositions de l’article L 236-1 du Code de commerce.

Cela signifie que la SA FRANFINANCE vient aux droits de la SAS SOGEFINANCEMENT et peut donc poursuivre les actions en justice engagées par cette dernière.

Dans cette affaire, la SA FRANFINANCE a donc le droit de réclamer le paiement des sommes dues par Monsieur [T] [P] en vertu du contrat de crédit, même après la fusion.

Quelles sont les implications de la décision du tribunal concernant les dépens et l’indemnité de procédure ?

Selon l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

Dans cette affaire, Monsieur [T] [P] a été condamné à verser à la SA FRANFINANCE une indemnité de procédure de 300 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Cette indemnité vise à compenser les frais engagés par la partie gagnante pour la défense de ses droits.

Ainsi, la décision du tribunal a des implications financières pour Monsieur [T] [P], qui doit non seulement rembourser le capital restant dû, mais également supporter les frais de justice.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Versailles
RG n° 24/00192
MINUTE N°
RG N° 24/00192
PORTALIS N° DB22-W-B7I-SDOH

S.A. FRANFINANCE, venant aux droits de la S.A.S. SOGEFINANCEMENT

C/

Monsieur [T], [B], [E] [P]

TRIBUNAL DE PROXIMITÉ
Juge des contentieux de la protection
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 13 Décembre 2024

DEMANDEUR :

Société anonyme FRANFINANCE, venant aux droits de la société par actions simplifiée SOGEFINANCEMENT, suite à la fusion par absorbtion du premier juillet 2024 de la S.A.S SOGEFINANCEMENT par la S.A. FRANFINANCE, immatriculée au R.C.S. de Nanterre sous le numéro 719 807 406 – dont le siège social est sis [Adresse 4]
Représentée par Maître Stéphanie CARTIER, avocat au barreau des HAUTS-DE- SEINE, substitué par Maître Cyril DE LA FARE, avocat au barreau de PARIS

d’une part,

DÉFENDEUR :

Monsieur [T], [B], [E] [P], né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 6] (Var – 83)- demeurant [Adresse 3]
Non comparant, ni représenté

d’autre part,

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Juge des contentieux de la protection : Sylvie JOUANDET, vice-présidente
Greffier :Victor ANTONY

Copies délivrées le :

1 copie exécutoire à : Maître Stéphanie CARTIER

1 copie certifiée conforme à : Monsieur [T], [B], [E] [P]

PROCEDURE

Selon l’offre préalable acceptée le 26 février 2023, la SAS SOGEFINANCEMENT consentait à Monsieur [T] [P] un crédit personnel ( n°39197294927) d’un montant en capital de 34012 € remboursable en 84 mensualités, au taux d’intérêt contractuel de 5,75% ( taux annuel effectif global de 5,90%).

Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société de crédit a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte du 14 mai 2024, la SAS SOGEFINANCEMENT faisait assigner Monsieur [T] [P] devant le Juge des Contentieux de la Protection afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la déchéance du terme du contrat de crédit; sa condamnation au paiement de la somme de 36 252,28 € avec intérêts au taux conventionnel à compter de la mise en demeure, la capitalisation des intérêts, sa condamnation aux dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 700€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile.

Suite à la fusion par absorbtion de la SAS SOGEFINANCEMENT par la SA FRANFINANCE prononcé lors de l’assemblée générale du premier juillet 2024, la SA FRANFINANCE vient aux droits de la SAS SOGEFINANCEMENT.

L’affaire était audiencée au 14 novembre 2024.

Interrogée sur le respect des diverses obligations édictées par le Code de la consommation, la SA FRANFINANCE, représentée à l’audience par ministère d’avocat, s’est défendue de toute irrégularité.

Monsieur [T] [P] n’était ni comparant ni représenté à l’audience.

La décision a été mise au délibéré au 13 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’action :

En vertu des dispositions de l’article 125 du Code de Procédure Civile, les fins de non-recevoir, au nombre desquelles figure le délai préfix (article 122 du même Code) doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public.

Au demeurant, l’article R 632-1 du Code de la Consommation dispose que le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du présent Code dans les litiges nés de son application. La méconnaissance des dispositions d’ordre public du Code de la Consommation peut être relevée d’office par le juge (Cass.Civ.1re , 22 janvier 2009, n°05-20176).

Or, aux termes de l’article R312-35 du Code de la Consommation, l’action en paiement née d’un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit l’événement qui lui a donné naissance à peine de forclusion.

En l’espèce, la SA FRANFINANCE fournit au soutien de ses prétentions :

– l’exemplaire prêteur de l’offre préalable de crédit;
– un historique du compte depuis l’origine,
– un décompte des sommes dues.

Il résulte de l’historique de compte produit aux débats que la défaillance de l’emprunteur constituant le premier incident de paiement non régularisé remonte au 10 août 2023.L’assignation, interruptrice de forclusion, a été délivrée le 14 mai 2024.

L’action en paiment est ainsi recevable.

Sur la recevabilité de la demande principale en paiement du capital restant dû:

En vertu de l’article 1134 du Code Civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles doivent être exécutées de bonne foi.
Or, il convient de juger que, si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (cf Cass. Civ. 1re, 3 juin 2015, n°14-15655). Cette règle est d’application générale pour tout prêt de somme d’argent, dont les prêts à la consommation

En l’espèce, que le courrier de mise en demeure envoyé par la SA FRANFINANCE à Monsieur [T] [P], le 21 novembre 2023 satisfait aux exigences précitées, en ce que la réception de ce courrier a pu être prouvée.

SUR LA DEMANDE PRINCIPALE:

Vu les articles 472 du Code de procédure civile et R 632-1 du Code de la consommation ;

Aux termes de l’article 1217 du code civil, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés.

Il appartient toutefois au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier de la régularité de l’opération, en produisant spontanément les documents nécessaires, et notamment :

– l’original du contrat de crédit,

– le double de la fiche d’informations précontractuelles (C. consom., art. L 311-6, devenu L 312-12),

– le double de la notice d’assurance, si l’offre de crédit est assortie d’une proposition d’assurance (C. consom., art. L 311-12, devenu L 312-29),

– la preuve de l’exécution du respect de l’obligation de vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations (C. consom., art. L 311-9 devenu L 312-16),

– le justificatif de la consultation du FICP, qui doit intervenir préalablement à la conclusion du contrat initial (C. consom., art. L 311-9, devenu L 312-16),

– le double de l’information sur les risques encourus (remboursement immédiat, indemnité, production d’intérêts au taux contractuel, exclusion du bénéfice du contrat d’assurance) adressée dès le premier incident de paiement (C. consom., art. L 311-22-2, applicable depuis le 1er mai 2011, devenu L 312-36).

– le bordereau de rétractation exigé par l’article L 312-21 du code de la consommation.

En l’espèce, la solvabilité de l’emprunteur n’a pas été vérifiée.

En raison de ce manquements et par application des dispositions combinées de l’article 6 du Code civil et des articles L 341-2 à L 341-9 du Code de la consommation, le prêteur doit être déchu du droit aux intérêts.

Conformément à l’article L 341-8 du Code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû ; cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires : frais de toute nature (Civ. 1°, 31 mars 2011, n° 09-69963 – CA Paris, 29 septembre 2011, Pôle 04 Ch. 09 n° 10/01284), et primes d’assurances, dont il est constant qu’une part importante est rétrocédée à l’établissement de crédit, sous forme de commissions, par l’assureur de groupe .

Les sommes dues se limiteront dès lors à la différence entre le montant effectivement débloqué (34 012 €) et les règlements effectifs (1974,33€), tels qu’ils résultent du décompte, soit 32 037,67€.

Afin d’assurer l’effectivité du droit de l’Union européenne dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, exigence réaffirmée par les arrêts CJUE des 27/03/201 C-565/12 et 9/11/2016 C-42-15 (point 65), il convient d’écarter toute application des articles 1153 (devenu 1231-6) du Code civil et L 313-3 du Code monétaire et financier, qui affaiblissent, voire annihilent la sanction de déchéance du droit aux intérêts, et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal .

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Le défendeur sera condamné à verser à la SA FRANFINANCE une indemnité de procédure de 300 € fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

La présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire

PAR CES MOTIFS

le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

PRONONCE la déchéance pour la SA FRANFINANCE de son entier droit aux intérêts concernant le crédit personnel (n°39197294927) d’un montant de 34 012€ accepté le 26 février 2023 à l’égard de Monsieur [T] [P] ;

CONDAMNE Monsieur [T] [P] à verser à la SA FRANFINANCE en remboursement de ce crédit la somme de 32 037,67€;

DEBOUTE la SA FRANFINANCE de ses prétentions plus amples ou contraires;

CONDAMNE Monsieur [T] [P] à verser à la SA FRANFINANCE une somme de 300 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [T] [P] aux dépens;

RAPPELLE que le présent jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal de proximité, le 13 décembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par Madame Sylvie JOUANDET, vice-présidente, et par Monsieur Victor ANTONY

Le greffier La vice-présidente,


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