Les CDD d’usage à risque (montage de scènes) doivent stipuler une clause dédiée et le salarié suivre une formation à la sécurité.
En l’espèce, le contrat de travail de technicien qui ne comporte aucune mention particulière s’agissant de la dangerosité du poste, le salarié, en étant affecté au montage d’une scène de concert comportant des tours d’étaiement d’environ 20 mètres, était nécessairement amené à travailler en hauteur de sorte que son poste a été considéré comme présentant des risques particuliers pour la santé et la sécurité au titre desquels il devait bénéficier d’une formation renforcée à la sécurité, conformément à l’article L. 4154-2 du code du travail. Dans cette affaire, le tribunal correctionnel de Marseille a reconnu coupable la société organisatrice, ainsi que son gérant, de plusieurs infractions à la législation relative à la sécurité des travailleurs et notamment à l’absence de formation de sécurité renforcée envers des employés par contrat à durée déterminée de sorte que la présomption de faute inexcusable ne saurait être renversée. L’épouse du technicien décédé lors du montage de la scène a, dans le cadre de l’action successorale, bénéficié de la présomption légale de faute inexcusable instituée par l’article L. 4154-3 du code du travail. Selon l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, en cas de faute inexcusable, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leurs sont dues en vertu du livre IV dudit code. En cas d’accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l’ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel. Seule la faute inexcusable de la victime, entendue comme une faute volontaire, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience, est susceptible d’entraîner une diminution de la majoration de la rente. Conformément à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire. En vertu de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit, ont droit à une indemnisation complémentaire dans des conditions définies aux articles suivants. En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité ; le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Par application de l’article 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile qu’il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions. lI appartient donc au salarié qui souhaite voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction dans la survenance de son accident d’établir que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Cependant, en application de l’article L. 4154-3 du code du travail, la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l’article L. 4154-2. L’article L. 4154-2 dispose que les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés. La liste de ces postes de travail est établie par l’employeur, après avis du médecin du travail et du comité social et économique s’il existe. Il appartient au tribunal d’analyser les situations de travail et la dangerosité effective du poste. |
Résumé de l’affaire : Le 16 juillet 2009, M. [V] [D], technicien de plateau, est décédé à la suite de l’effondrement d’une structure scénique lors du montage pour un concert. Cet accident a également causé la mort d’un autre employé et blessé huit autres salariés, entraînant l’ouverture d’une information judiciaire. Le rapport d’autopsie a révélé un polytraumatisme comme cause de décès. La CPCAM des Bouches-du-Rhône a reconnu le décès comme un accident de travail. Mme [L] [D], veuve de M. [V] [D], a demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la SARL [12]. Après un procès-verbal de non-conciliation, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, qui a suspendu l’affaire en attendant l’issue de la procédure pénale. Le tribunal correctionnel a déclaré la SARL [12] et son gérant coupables d’homicides involontaires et a confirmé que Mme [L] [D] avait engagé des demandes d’indemnisation. La cour d’appel a validé les décisions pénales et a fixé des indemnités pour les ayants droit. Mme [L] [D] a ensuite demandé le réenrôlement de l’affaire pour obtenir des indemnités supplémentaires, soutenant que l’employeur avait commis une faute inexcusable. La SARL [12] et son assureur ont contesté les demandes d’indemnisation, se référant aux décisions antérieures de la cour d’appel. La CPCAM a également demandé à être remboursée des sommes avancées. L’affaire est mise en délibéré pour une décision ultérieure.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
1
POLE SOCIAL
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 1]
JUGEMENT N°24/03668 du 17 Septembre 2024
Numéro de recours: N° RG 10/01477 – N° Portalis DBW3-W-B7H-366H
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [L] [T] veuve [D]
née le 17 Mai 1957 à [Localité 8] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 3]
[Localité 8]
comparante en personne assistée de Me Philippe VOULAND, avocat au barreau de MARSEILLE
c/ DEFENDERESSE
S.A.R.L. [12]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par Me Bernard SCHBATH, avocat au barreau de PARIS
Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 2]
dispensée de comparaître
S.A. [9]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Lisa HAYERE, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS : À l’audience publique du 17 Avril 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : DEPARIS Eric, Vice-Président
Assesseurs : JAUBERT Caroline
MITIC Sonia
L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 17 Septembre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
Le 16 juillet 2009, M. [V] [D], intermittent du spectacle, embauché par la SARL [12] par contrat à durée déterminée dit d’usage en qualité de technicien de plateau pour monter et démonter la scène destinée au concert que devait donner au stade [13] à [Localité 11] la chanteuse [C] [Y] dite [G] le 19 juillet 2009, a été victime d’un accident de travail ayant provoqué sa mort à 18 heures suite à l’effondrement d’une structure scénique lors du montage, comme précisé par la déclaration d’accident établie le 17 juillet 2009 par M. [J] [O], gérant de la société [12].
Cette chute a également causé la mort d’un autre employé et des blessures à 8 salariés, et a donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire.
Le rapport d’autopsie a constaté » un polytraumatisme associant des lésions du crâne, du thoraco-abdomen et des membres avec lésions osseuses et viscérales en particulier cardio-aortiques, à l’origine d’un choc hémorragique, cause de la mort « .
Ce décès a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire centrale d’assurance maladie (ci-après CPCAM) des Bouches-du-Rhône par décision notifiée le 1er décembre 2009 à Mme [L] [T] veuve [D] (ci-après Mme [L] [D]).
Mme [L] [D] a saisi la CPCAM des Bouches-du-Rhône d’une demande de conciliation dans le cadre de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et, devant l’absence de conciliation possible, un procès-verbal de non-conciliation a été dressé.
Par requête déposée au greffe le 19 février 2010, Mme [L] [D] a saisi, par l’intermédiaire de son conseil, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Par décision du 28 janvier 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, a ordonné un sursis à statuer sur l’action de Mme [L] [D] dans l’attente de l’issue de l’instance pénale engagée et pendante devant le juge de l’instruction du tribunal de grande instance de Marseille.
L’affaire a fait l’objet, par voie de mention au dossier, d’un dessaisissement au profit du pôle social du tribunal de grande instance de Marseille (devenu tribunal judiciaire au 1er janvier 2020) en vertu de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.
Le tribunal correctionnel de Marseille, par jugement du 17 février 2021, a notamment déclaré coupables la SARL [12] et M. [J] [O] – son gérant – des faits d’infraction à la règlementation générale sur l’hygiène et la sécurité du travail ainsi que des faits d’homicides involontaires et de blessures involontaires dans le cadre du travail avec incapacité n’excédant pas trois mois.
S’agissant des demandes indemnitaires, le tribunal a constaté que Mme [L] [D] a indiqué avoir dirigé ses demandes indemnitaires devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône à l’encontre de la seule société [12] et renvoyé les autres ayants droit de M. [V] [D] à une audience sur intérêts civils afin qu’il soit justifié de leur qualité de parents et d’ayants droit.
Suivant arrêt du 10 janvier 2023, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a constaté que les dispositions pénales concernant la SARL [12] et M. [J] [O] étaient définitives compte-tenu de leurs désistements respectifs de leurs appels principaux.
Elle a ensuite confirmé le jugement déféré en ce qu’il a constaté que Mme [L] [D] avait saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille afin d’obtenir indemnisation de son préjudice.
S’agissant des autres ayants droit de M. [V] [D], la cour, devant laquelle il était justifié des qualités de parents et d’ayants droit, a, par souci d’une bonne administration de la justice et compte-tenu de l’effet dévolutif de l’appel, infirmé le jugement en ce qu’il ordonnait le renvoi de l’affaire sur intérêts civils s’agissant des consorts [D] et statuant à nouveau, fixé à 40.000 euros le préjudice d’affection de chacun des enfants et débouté les consorts de leurs demandes en réparation du préjudice de mort imminente et de souffrances endurées.
Par conclusions déposées au greffe le 27 septembre 2023, Mme [L] [D] a sollicité, par l’intermédiaire de son conseil, le réenrôlement de l’affaire devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille.
Après une phase de mise en état, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience de plaidoirie du 17 avril 2024.
En demande, Mme [L] [D], reprenant oralement les termes de ses dernières conclusions, sollicite le tribunal aux fins de :
Sur le fond :
Déclarer recevables ses demandes ;Dire que l’instance n’est pas périmée ;Sur la forme :
Dire que l’accident du travail mortel dont a été victime M. [V] [D] le 16 juillet 2009 est imputable à la faute inexcusable de son employeur la société [12] ;En conséquence, ordonner la majoration de la rente qui lui est versée à son taux maximum avec effet rétroactif au 16 juillet 2009, date de l’accident et du décès ;Lui allouer la somme de 30.000 euros au titre des souffrances physiques endurées par son mari dans le cadre de l’action successorale ;Lui allouer la somme de 30.000 euros au titre de l’angoisse de mort imminente par son mari, dans le cadre de l’action successorale ;Lui allouer la somme de 50.000 euros au titre de son préjudice moral ;Dire que la CPAM des Bouches-du-Rhône fera l’avance de l’ensemble de ces sommes, à charge pour elle d’exercer son action récursoire à l’encontre de son employeur ;Condamner la société [12] à verser à Mme [D] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, Mme [L] [D] se fonde sur la motivation retenue par le tribunal correctionnel et estime ainsi que la société [12] n’a pas pris les mesures de sécurité nécessaires au montage du toit de la scène du spectacle et commis une faute inexcusable en raison d’une absence totale de gestion des risques découlant de la coactivité de plusieurs entreprises sur le même chantier et d’un important défaut d’organisation dans la réalisation des travaux de montage de la structure scénique.
En défense, la SARL [12], représentée à l’audience par son conseil, soutient oralement ses dernières écritures suivant lesquelles elle s’en rapporte à l’appréciation du tribunal sur la question de sa faute inexcusable et sollicite que les demandes pécuniaires de Mme [L] [D] soient ramenées à de plus justes proportions.
La société [9], assureur de l’employeur intervenant volontairement à l’instance, reprend oralement ses dernières conclusions par l’intermédiaire de son conseil aux termes desquelles elle demande au tribunal de bien vouloir :
Débouter Mme [D] de ses demandes indemnitaires formulées, ès qualités d’ayant droit de M. [D] au titre du préjudice d’angoisse de mort imminente et de souffrances endurées supportés par ce dernier ;Fixer l’indemnisation du préjudice d’affection de Mme [D] à 40.000 euros ;Rapporter à de plus justes proportions la demande présentée par la requérante au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans le corps de ses écritures, l’assureur s’en rapporte à l’appréciation du tribunal sur la question de l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur ainsi que sur la demande de majoration de la rente.
Au soutien de ses prétentions s’agissant des demandes indemnitaires, la société [9] fait valoir que la cour d’appel d’Aix-en-Provence a débouté les consorts [D] de leurs demandes au titre du préjudice d’angoisse de mort imminente et de souffrances endurées et fixé le préjudice d’affection des enfants de M. [D] à 40.000 euros chacun.
La CPCAM des Bouches-du-Rhône, dispensée de comparaître à l’audience, sollicite, aux termes de ses dernières écritures, le tribunal aux fins de :
Lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à l’appréciation du tribunal quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et quant à la majoration de la rente d’ayant droit ; Débouter Mme [D] de ses demandes relatives à l’action successorale ;Ramener à de plus justes proportions le montant qui sera alloué au titre du préjudice d’affection de Mme [D] ; Condamner la SARL [12] à lui rembourser la totalité des sommes dont elle sera tenue par avance du paiement ; Déclarer le jugement commun et opposable à la société [9].
L’affaire est mise en délibéré au 17 septembre 2024.
Sur la recevabilité des demandes de Mme [D]
Mme [L] [D] sollicite du tribunal qu’il déclare ses demandes recevables au motif que ces dernières ne seraient pas prescrites et que l’instance ne serait pas périmée.
Ce point n’étant pas contesté par les autres parties à l’instance, les demandes de Mme [L] [D] seront déclarées recevables.
Sur la faute inexcusable de la société [12]
En vertu de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit, ont droit à une indemnisation complémentaire dans des conditions définies aux articles suivants.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité ; le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Par application de l’article 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile qu’il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions.
Il appartient donc au salarié qui souhaite voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction dans la survenance de son accident d’établir que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Cependant, en application de l’article L. 4154-3 du code du travail, la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l’article L. 4154-2.
L’article L. 4154-2 dispose que les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés.
La liste de ces postes de travail est établie par l’employeur, après avis du médecin du travail et du comité social et économique s’il existe.
Il appartient au tribunal d’analyser les situations de travail et la dangerosité effective du poste.
En l’espèce, les circonstances de l’accident ne sont pas contestées et résultent du jugement du tribunal correctionnel confirmé par la cour d’appel d’Aix-en-Provence au vu des éléments réunis lors de l’information judiciaire, notamment des expertises diligentées par le juge d’instruction et le juge des référés et du rapport de l’inspection du travail.
Il en résulte que lors du montage de la scène devant accueillir le concert donné par l’artiste [G] au stade [13] à [Localité 11], quatre des six tours métalliques d’une hauteur d’environ 20 mètres, élevées autour de la scène pour monter et soutenir le toit se sont effondrées, accident causé par le positionnement de la sangle sur ledit toit – rattachée à la grue de secours utilisée en raison de la panne de deux moteurs de levage – dans une zone de la structure ne pouvant supporter la charge appliquée.
Il a été déterminé dans le cadre de l’enquête pénale que la société [12] avait été sollicitée par la société organisatrice de l’évènement d’abord pour procéder aux démarches administratives relatives au concert puis, par avenant du 14 juillet 2009, pour procéder au montage et au démontage de la scène.
S’agissant plus particulièrement de M. [V] [D], il est constant que ce dernier a été embauché en renfort par la société [12] le jour de l’accident par contrat à durée déterminée dit d’usage à temps partiel en qualité de technicien de plateau.
Il n’est pas plus contesté que, lors de la levée du toit, il avait été demandé à M. [V] [D] de monter sur la tour n°1 avec M. [S] [A], et que cette tour s’est effondrée provoquant le décès de M. [V] [D] sur les lieux, après tentative de réanimation.
Ainsi, nonobstant le contrat de travail qui ne comporte aucune mention particulière s’agissant de la dangerosité du poste, M. [V] [D], en étant affecté au montage d’une scène de concert comportant des tours d’étaiement d’environ 20 mètres, était nécessairement amené à travailler en hauteur de sorte que son poste doit être considéré comme présentant des risques particuliers pour la santé et la sécurité au titre desquels il devait bénéficier d’une formation renforcée à la sécurité, conformément à l’article L. 4154-2 du code du travail.
Mme [L] [D] bénéficiera donc, dans le cadre de l’action successorale, de la présomption légale de faute inexcusable instituée par l’article L. 4154-3 du code du travail.
Le tribunal correctionnel de Marseille a reconnu coupable la société [12], ainsi que son gérant, de plusieurs infractions à la législation relative à la sécurité des travailleurs et notamment à l’absence de formation de sécurité renforcée envers des employés par contrat à durée déterminée de sorte que la présomption de faute inexcusable ne saurait être renversée.
Dans ces conditions, la faute inexcusable de la société [12] dans la survenance de l’accident mortel survenu à M. [V] [D] le 16 juillet 2009 sera retenue.
Sur les conséquences de la faute inexcusable
Sur la majoration de la rente versée par la CPCAM des Bouches-du-Rhône
Selon l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, en cas de faute inexcusable, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leurs sont dues en vertu du livre IV dudit code.
En cas d’accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l’ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel.
Seule la faute inexcusable de la victime, entendue comme une faute volontaire, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience, est susceptible d’entraîner une diminution de la majoration de la rente.
En l’espèce, M. [V] [D] a été victime d’un accident ayant directement provoqué sa mort le 16 juillet 2009.
La faute inexcusable de l’employeur étant reconnue à l’exclusion de toute faute de même nature de la victime, il convient d’ordonner la majoration au taux maximal légal de la rente servie à Mme [L] [D] en application de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et ce, à compter du lendemain du jour de l’accident soit le 17 juillet 2009.
Sur l’indemnisation des préjudices au titre de l’action successorale
Conformément à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
Sur le préjudice d’angoisse de mort imminente
Ce poste de préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à la conscience par la victime de sa mort imminente du fait de la dégradation progressive et inéluctable de ses fonctions vitales.
En l’espèce, Mme [L] [D] soutient que son époux, ayant chuté de plus de 15 mètres de haut en pleine conscience, n’a pu que réaliser l’issue fatale de sa chute et que cette conscience caractérise un préjudice d’angoisse de mort imminente qu’il convient d’indemniser à hauteur de 30.000 euros.
Il ressort cependant de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix en Provence du 10 janvier 2023 que si M. [V] [D] a pu avoir conscience de sa chute, ce qui n’est pas démontré, ceci serait, en tous les cas, insuffisant pour démontrer le préjudice d’angoisse de mort imminente.
La cour a en outre précisé qu’il ne ressortait pas des éléments de l’instruction que M. [V] [D] était conscient pendant la période qui a suivi son accident et précédé son décès.
Mme [L] [D] ne verse aux débats aucun élément de nature à venir remettre en cause cette appréciation.
Dans ces conditions, Mme [L] [D] sera déboutée de sa demande formée au titre de l’action successorale s’agissant du préjudice d’angoisse imminente.
Sur le préjudice d’angoisse de souffrances endurées
Mme [L] [D] soutient que son époux, polytraumatisé, a subi un préjudice du fait des souffrances qu’il a endurées qui doit être indemnisé à hauteur de 30.000 euros.
S’agissant de ce poste de préjudice, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a relevé que » si le préjudice de souffrances endurées et un préjudice distinct du préjudice d’angoisse imminente, il n’en demeure pas moins que les circonstances du décès de [V] [D], dont il n’est pas établi qu’il était conscient après sa chute, ne permettent pas de retenir l’existence d’un préjudice résultant des souffrances endurées « .
Là encore, Mme [L] [D] ne verse aux débats aucun élément de nature à venir remettre en cause cette lecture des faits.
Dans ces conditions, Mme [L] [D] sera déboutée de sa demande formée au titre de l’action successorale s’agissant du préjudice de souffrances endurées.
Sur l’indemnisation du préjudice d’affection de Mme [L] [D]
Conformément à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
En l’espèce, Mme [L] [D] sollicite la réparation du préjudice moral qu’elle subit du fait de la perte de son époux dans des circonstances particulièrement tragiques.
Elle fait valoir la perte brutale après de longues années de vie commune et l’éducation de deux enfants communs et sollicite l’évaluation de ce poste de préjudice à hauteur de 50.000 euros.
La société [12] ainsi que la CPCAM des Bouches-du-Rhône sollicite que le préjudice de Mme [L] [D] soit ramené à de plus justes proportions.
La société [9] fait quant à elle valoir le fait que les préjudices d’affection des enfants de M. [V] [D] ont été évalué à 40.000 euros chacun par la cour d’appel d’Aix-en-Provence de sorte que le préjudice de Mme [L] [D] doit être évalué dans les mêmes proportions.
Compte-tenu des circonstances particulières du décès ainsi que du lien spécial unissant la demanderesse et la victime, le préjudice d’affection de Mme [L] [D] sera évalué à hauteur de 50.000 euros.
Sur l’action récursoire de la CPCAM des Bouches-du-Rhône
En application des dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale qui dispose que la réparation des préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur, la CPCAM des Bouches-du-Rhône, dans le cadre de son action récursoire, sera habilitée à récupérer auprès de la société [12] les sommes dont elle sera tenue de faire l’avance au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Il en est de même du capital représentatif de la majoration de la rente versée en application de l’article L. 452 2 du code de la sécurité sociale.
Ainsi, la CPCAM des Bouches-du-Rhône sera déclarée fondée à recouvrer à l’encontre de la société [12] le montant du capital représentatif de la majoration de la rente et de l’indemnisation accordée ci-dessus.
Sur les demandes accessoires
La société [12], qui succombe en ses prétentions, supportera les entiers dépens de l’instance.
L’équité commande que la société [12] soit condamnée à verser à Mme [L] [D] une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
S’agissant des décisions rendues en matière de sécurité sociale, l’exécution provisoire est facultative, en application de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.
En l’espèce, compte-tenu de la nature et de l’ancienneté des faits, il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [L] [D] et d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Le tribunal, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :
DÉCLARE recevables les demandes de Mme [L] [T] veuve [D] ;
DÉCLARE recevable l’intervention volontaire de la société [9] en sa qualité d’assureur de la société [12] ;
DIT que l’accident de travail mortel dont a été victime M. [V] [D] le 16 juillet 2009 est dû à la faute inexcusable de la société [12], son employeur ;
ORDONNE à la CPCAM des Bouches-du-Rhône de majorer au montant maximum la rente versée à Mme [L] [T] veuve [D] en application de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale à compter du 17 juillet 2009 ;
DÉBOUTE Mme [L] [T] veuve [D] de ses demandes d’indemnisation du préjudice de mort imminente et de souffrances endurées au titre de l’action successorale ;
CONDAMNE la société [12] à verser à Mme [L] [T] veuve [D] une somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice d’affection ;
CONDAMNE la société [12] à verser à Mme [L] [T] veuve [D] une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que la CPCAM des Bouches-du-Rhône récupérera auprès de la société [12] les sommes allouées à Mme [L] [T] veuve [D] dans le cadre de son action récursoire ;
CONDAMNE la société [12] aux entiers dépens de l’instance ;
DÉCLARE commun et opposable le présent jugement à la société [9] ;
ORDONNE l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois suivant la réception de sa notification.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT