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Le 12 septembre 2020, Madame [T] [R] a acheté un véhicule d’occasion RENAULT Trafic via Monsieur [S] [N] de JR MOTORS, appartenant à Monsieur [O] [N], pour 6.990 euros. Après l’achat, un voyant moteur est apparu, entraînant des réparations et une expertise amiable. Suite à des désordres persistants, Madame [R] a demandé une expertise judiciaire, qui a été réalisée par Monsieur [P] [V]. Sur la base de ce rapport, elle a assigné Monsieur [O] et Monsieur [S] devant le tribunal judiciaire de Lille pour obtenir la résolution de la vente et des dommages et intérêts. Les conclusions de Madame [R] incluent des demandes de remboursement et de compensation pour les réparations et le trouble de jouissance. Monsieur [O] a contesté les demandes de Madame [R] et a demandé à être indemnisé par Monsieur [S]. Le tribunal a finalement rejeté les demandes de Madame [R], l’a condamnée à verser 1.200 euros à Monsieur [O] et a ordonné qu’elle paie les dépens de l’instance.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 04
N° RG 22/04913 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WLE2
JUGEMENT DU 13 SEPTEMBRE 2024
DEMANDEUR :
Mme [T] [R]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Frédéric MASSIN, avocat au barreau de VALENCIENNES
DEFENDEURS :
M. [O] [N]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Sandie THEOLAS, avocat au barreau de LILLE
M. [S] [N] exerçant sous l’enseigne JR MOTORS
[Adresse 2]
[Localité 4]
défaillant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Sophie DUGOUJON, Juge
GREFFIER : Yacine BAHEDDI, Greffier
DEBATS :
Vu l’ordonnance de clôture en date du 07 Juillet 2023.
A l’audience publique du 04 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 28 juin 2024 et prorogé au 13 Septembre 2024.
Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré
JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 13 Septembre 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.
Le 12 septembre 2020, Madame [T] [R] (ci-après ”l’acquéreuse”) a fait l’acquisition, par l’intermédiaire de Monsieur [S] [N] exerçant sous l’enseigne JR MOTORS, d’un véhicule d’occasion RENAULT Trafic immatriculé [Immatriculation 7] appartenant à Monsieur [O] [N] (ci-après ”le vendeur”), ayant pour date de 1ère immatriculation le 05 juillet 2006 et affichant 232.000 kilomètres au compteur, moyennant le prix de 6.990 euros.
Madame [R] se plaignant de l’apparition, dès le trajet retour à son domicile dans le département des Deux Sèvres, d’un voyant moteur l’ayant contrainte à faire remorquer le véhicule jusqu’au garage le plus proche ainsi que de la persistance de désordres malgré l’intervention de réparations notamment réalisées par Monsieur [S] [N], une expertise amiable contradictoire du véhicule a été diligentée à l’initiative de l’assureur protection juridique de Madame [R], la société COVEA, et confiée au cabinet EXPERTISE & CONCEPT NIORT, lequel a déposé son rapport le 18 juin 2021.
Par suite, Madame [R] a sollicité et obtenu du juge des référés du tribunal judiciaire de Lille, suivant ordonnance en date du 06 décembre 2021, l’organisation d’une expertise judiciaire du véhicule litigieux.
Monsieur [P] [V], expert judiciaire, a déposé son rapport définitif le 16 juillet 2022.
Sur la base de ce rapport,Madame [R] a, suivant exploits datés du 27 juillet 2022, assigné devant le tribunal judiciaire de Lille Monsieur [O] [N] et Monsieur [S] [N], ce dernier exerçant sous l’enseigne JR MOTORS, aux fins d’obtenir, principalement, la résolution judiciaire de la vente du véhicule, ainsi que des dommages et intérêts.
Monsieur [O] [N] a constitué avocat le 19 août 2022.
Bien qu’assigné par remise de l’acte à personne, Monsieur [S] [N] n’a, en revanche, pas constitué avocat.
La clôture est intervenue le 07 juillet 2023, selon ordonnance du même jour, et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 04 avril 2024.
* * *
Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 13 avril 2023, Madame [T] [R] demande à la présente juridiction de :
– A titre principal, au visa de l’article 1641 du Code civil,
– prononcer la résolution du contrat de vente du véhicule automobile immatriculé CE 900 RR,
– condamner Monsieur [D] [N] au remboursement du prix de vente,
– le condamner au règlement des sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :
– 472,09 € au titre des travaux de réparation,
– 5.000 € au titre du trouble de jouissance dans les conditions d’utilisation du véhicule (panne successives-déplacement chez les professionnels- inconfort et danger d’utilisation du véhicule)
– Mémoire : carte grise ;
– Subsidiairement, au visa de l’article 1604 du Code civil,
– prononcer la résolution du contrat de vente du véhicule automobile immatriculé CE 900 RR,
– condamner Monsieur [D] [N] au remboursement du prix de vente,
– le condamner au règlement des sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :
– 472,09 € au titre des travaux de réparation,
– 5.000 € au titre du trouble de jouissance dans les conditions d’utilisation du véhicule (panne successives-déplacement chez les professionnels- inconfort et danger d’utilisation du véhicule)
– Mémoire : carte grise ;
– Très subsidiairement, au visa de l’article 1156 du Code civil : condamner Monsieur [D] [N] au règlement des sommes suivantes :
– 12.706,50 € correspondant au remplacement complet du moteur majoré des sommes suivantes ;
– 472,09€ au titre des travaux de réparation ;
– 5.000€ au titre du trouble de jouissance dans les conditions d’utilisation du véhicule (panne successives – déplacement chez les professionnels – inconfort et danger d’utilisation du véhicule) ;
– A titre infiniment subsidiaire, au visa de l’article 1240 du Code civil, condamner Monsieur [S] [N] au règlement des sommes suivantes :
– 12.706,50 € correspondant au remplacement complet du moteur majoré des sommes suivantes ;
– 472,09€ au titre des travaux de réparation ;
– 5.000€ au titre du trouble de jouissance dans les conditions d’utilisation du véhicule (panne successives – déplacement chez les professionnels – inconfort et danger d’utilisation du véhicule) ;
– En toutes hypothèses, les condamner [sic] in solidum au règlement d’une somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers frais et dépens en ce compris le coût des opérations d’expertise .
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 29 mars 2023, Monsieur [O] [N] demande au tribunal, au visa des articles 1240, 1604 et suivants, 1641 et suivants et 1992 du Code civil et 695 et suivants et 700 du Code de procédure civile, de :
– A titre principal
– juger irrecevable en ses demandes Madame [T] [R],
– la débouter de ses demandes formulées tant au titre de la garantie des vices cachés que du défaut de délivrance conforme et de la responsabilité civile, délictuelle ;
– A titre subsidiaire
– débouter Madame [T] [R] de sa demande au titre du préjudice de jouissance ;
– condamner Monsieur [S] [N] à le garantir et relever indemne de l’ensemble des condamnations qui seraient mises à sa charge au titre de la décision à intervenir ;
– En tout état de cause :
– débouter Madame [T] [R] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
– condamner Madame [T] [R] et Monsieur [S] [N] à lui verser la somme de 1.200 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner Madame [T] [R] et Monsieur [S] [N] aux entiers frais et dépens de l’instance.
Il est renvoyé à l’assignation et aux conclusions récapitulatives en défense susvisées pour l’exposé des moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
A titre liminaire, il convient de rappeler qu’en application de l’article 472 du Code de procédure civile, “si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée”.
Sur l’irrecevabilité tirée de l’interdiction du cumul des actions en garantie des vices cachés et en défaut de délivrance conforme
S’il est exact que l’action en garantie des vices cachés et l’action en non-conformité pour manquement à l’obligation de délivrance sont exclusives l’une de l’autre, de sorte que l’acheteur ne peut pas cumuler ces deux fondements mais doit exercer l’action qui correspond au défaut allégué, rien n’interdit au demandeur, tel que cela est le cas en l’espèce, de formuler ses prétentions, à titre principal, sur le fondement de l’action en garantie des vices cachés et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’action en défaut de délivrance conforme, ou vice-versa.
Il n’y a, dans ces conditions, pas lieu à irrecevabilité des demandes formulées sur ces fondements en l’espèce.
Sur l’action rédhibitoire en garantie des vices cachés
Conformément à l’article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Aux termes de l’article 1641 du Code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
L’article 1642 de ce même code précise que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».
L’article 1643 dispose, quant à lui, que le vendeur « est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.».
L’article 1644 dispose qu’en cas de vice caché, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, étant précisé que cette option entre l’action rédhibitoire et l’action estimatoire est ouverte au seul acquéreur, sans qu’il ait à en justifier.
En matière de vente de véhicules d’occasion, un vice d’une particulière gravité est exigé pour mettre en œuvre la garantie prévue à l’article 1641 du Code civil, l’acheteur devant s’attendre en raison même de l’usure dont il est averti, à un fonctionnement de qualité inférieure à celui d’un véhicule neuf, ce qui explique qu’un véhicule d’occasion subisse une décote importante avec le temps et le kilométrage.
En l’espèce, il est constant que, suivant certificat de cession du véhicule daté du 12 septembre 2020, Madame [R] a acquis le véhicule RENAULT Trafic immatriculé [Immatriculation 7] de Monsieur [O] [N], alors que ledit véhicule affichait 232.000 kilomètres au compteur (pièce n°1). Quelques jours avant la cession, le 09 septembre 2020, le contrôle technique du véhicule avait été réalisé et le procès-verbal qui s’en était suivi ne faisait état que de défaillances mineures, à savoir : un mauvais fonctionnement du lave-glace du pare-brise, une mauvaise orientation horizontale des feux de brouillard AVD et AVG, un panneau ou élément de la cabine ou de la carrosserie endommagé à l’avant droit et un dispositif anti-projections AVD non-conforme aux exigences (pièce n°2).
Pour établir l’existence de vices cachés sur laquelle elle fonde, à titre principal, sa demande résolutoire, Madame [R] verse, tout d’abord, aux débats un rapport d’expertise amiable déposé le 18 juin 2021 à l’issue d’opérations expertales réalisées par le cabinet EXPERTISE & CONCEPT NIORT alors que le véhicule affichait 237.967 kilomètres au compteur, soit près de 6.000 kilomètres parcourus depuis l’acquisition neuf mois plus tôt (pièce n°11).
Aux termes de ce rapport, l’expert conclut à l’existence de deux défauts affectant le véhicule et le rendant impropre à son usage, à savoir que :
– « le type de moteur d’occasion installé par le garage JR MOTORS, suite à la vente dudit véhicule et à la casse du moteur d’origine l’équipant, ne correspond pas au type préconisé par le constructeur », générant « un défaut de moteur et, plus particulièrement, l’allumage du voyant défaut moteur accompagné d’un manque de puissance à 130 kilomètres par heure » ;
– l’analyse de l’huile moteur a mis en évidence « une altération irréversible » des éléments internes du moteur.
L’expert amiable chiffre la remise en état du véhicule, consistant en le remplacement du moteur, à plus de 4.500 euros T.T.C. en cas de remplacement par un moteur de réemploi ou, à un coût dépassant « largement » la valeur d’achat du véhicule en cas de remplacement par un moteur neuf.
Outre la constatation d’un certain nombre d’autres désordres (barre stabilisatrice présentant un jeu important ; support moteur craquelé ; pédale d’embrayage ne remontant pas complètement ; absence de fonctionnement de la climatisation ; joint de la vitre arrière non-étanche), l’expert judiciaire confirme, au terme de son rapport daté du 16 juillet 2022 (pièce n°19 demanderesse), que le moteur du véhicule est atteint d’un défaut majeur, le moteur ayant été posé sur le véhicule par Monsieur [S] [N] postérieurement à la vente ne correspondant pas au type de moteur préconisé par le constructeur, empêchant ainsi une gestion de la suralimentation et faisant fonctionner le moteur en mode dégradé à partir de 125 km/h, avec manque de puissance moteur dès 90 km/h. Il confirme, en outre, l’altération interne du moteur du fait de la présence de fuites dans le carter moteur au niveau de trois cylindres sur quatre.
L’expert conclut au caractère économiquement non-réparable du véhicule, compte tenu du coût de remplacement complet du moteur, estimé à 12.706,50 euros.
Monsieur [O] [N], qui ne discute pas l’existence du vice affectant le moteur du véhicule, en conteste toutefois l’antériorité à la vente, soulignant que ledit moteur a été mis en place sur le véhicule par Monsieur [S] [N], postérieurement à la vente et sans son accord préalable, de sorte que, de surcroît, les seules constatations de l’expert concernent des éléments du véhicule qui ont été modifiés après la vente.
Sur ce, il doit, tout d’abord, être observé qu’aucun historique objectif voire électronique des entretiens, réparations, pannes et allumages voyants moteurs du véhicule n’a été réalisé par les experts amiable et judiciaire, ces derniers s’étant contentés d’établir un historique exclusivement basé sur les déclarations de Madame [R].
Par un courriel adressé à l’acquéreuse le 28 janvier 2021, Monsieur [S] [N], sous l’enseigne JR MOTORS, a déclaré avoir procédé au remplacement du moteur du véhicule litigieux pour un moteur d’occasion, sans toutefois préciser la date de réalisation de tels travaux (pièce n°5 demanderesse et n°6 défendeur). Si Madame [R] soutient qu’il n’est pas démontré que ces travaux ont été réalisés postérieurement à la transaction, il doit être constaté qu’elle a déclaré elle-même, dès les opérations d’expertise amiable, que, suite à une première panne survenue le jour même de l’acquisition et au diagnostic qui lui avait été fait de la nécessité de procéder au remplacement du turbocompresseur, JR MOTORS avait rapatrié le véhicule dans ses ateliers par ses propres moyens, décidé de remplacer le moteur par un moteur d’occasion avant de lui restituer le véhicule le 08 octobre 2020 (pièces n°15 et 19 demanderesse).
Cette chronologie, tenue pour acquise par les deux experts amiable et judiciaire, n’a, au demeurant, fait l’objet d’aucune mise en doute, ni par ces derniers, ni par l’acquéreuse, au cours des opérations d’expertise.
En tout état de cause, il convient de rappeler qu’il appartient à Madame [R] de rapporter la preuve de l’antériorité du vice à la cession litigieuse et non aux défendeurs de rapporter la preuve que les réparations à l’origine de ce vice ont été effectuées postérieurement à la transaction.
Or, tel n’est pas le cas.
Les deux principaux défauts relevés tant par l’expert amiable que par l’expert judiciaire concernent précisément le moteur, lequel n’est pas d’origine et est estimé non-conforme aux préconisations du constructeur et de surcroît présente une usure avancée par suite de fuites au niveau des cylindres.
Aucun des deux experts ne développe les éléments les ayant conduits à considérer, malgré ce contexte, que les désordres moteur du véhicule existaient déjà lors de la vente et ce, alors que ces derniers concernent un moteur dont ils ont tenu pour acquis qu’il avait été mis en place par Monsieur [S] [N] postérieurement à la vente. Si l’expert amiable indique que ce remplacement faisait suite à la casse du moteur d’origine (pièce n°15, page 7), cette hypothèse n’est corroborée par aucun élément de preuve, ce d’autant que Madame [R] assure que le diagnostic posé par le garage au sein duquel le véhicule avait été remorqué le jour même de l’acquisition n’avait diagnostiqué qu’une avarie du turbocompresseur et préconisé son remplacement et non celui du moteur.
En tout état de cause, force est de constater qu’il n’est versé aux débats ni justificatif du remorquage du véhicule ce jour là ni devis dudit garage, dont le nom n’a, au demeurant, pas été indiqué aux rapports d’expertise, de sorte qu’aucune vérification des déclarations de l’acquéreuse n’a manifestement pu être opérée par les experts.
L’existence, au jour de la transaction, d’un désordre affectant le moteur du véhicule, voire son turbocompresseur, n’est, dans ces conditions, aucunement rapportée, l’intervention de Monsieur [S] [N] sur le véhicule quelques jours à peine après la cession n’étant, à elle seule, pas propre à rapporter cette preuve.
Quant aux désordres annexes relevés par l’expert judiciaire relativement, entre autres, au joint de vitre arrière, à la climatisation et à la pédale d’embrayage, ils ne sont, en tout état de cause, pas de nature à engendrer, pris séparément comme ensemble, l’impropriété du véhicule à son usage non plus qu’une diminution substantielle de cet usage.
Dès lors, eu égard à l’ensemble de ces éléments, il doit être retenu que Madame [R] défaille à rapporter la preuve d’un vice réunissant les conditions prévues à l’article 1641 du Code civil précité, de sorte que ses demandes ne sauraient aboutir sur ce fondement.
Sur le défaut de délivrance conforme
Aux termes de l’article 1603 du Code civil, le vendeur a deux obligations principales : celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend.
En application des articles 1603 et 1604 du Code civil, le vendeur est ainsi tenu de délivrer une chose conforme aux prescriptions contractuelles et cela quand bien même il n’aurait pas lui-même connu le défaut de conformité au moment de la vente. Si tel n’est pas le cas, l’acquéreur est en droit de solliciter, soit la résolution de la vente, soit l’allocation de dommages intérêts, sous réserve de justifier de l’existence d’un préjudice.
En l’espèce, pour les mêmes motifs que précédemment développés, les demandes de Madame [R] ne pourront pas être accueillies favorablement sur le fondement des articles précités, alors que rien ne permet d’établir que le véhicule était atteint, au jour de la vente, d’une non-conformité relative à un de ses éléments essentiels ou déterminants du consentement de l’acquéreuse.
La demande devra être rejetée.
Sur la responsabilité contractuelle de Monsieur [O] [N]
En application de l’article 1231-1 du Code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Aux termes des articles 1984 et suivants du Code civil, le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.
Le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans le mandat.
Le mandant est, dès lors, tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné, mais n’est pas tenu de ce qui a pu être fait au-delà. Néanmoins, il en va différemment, de jurisprudence constante, lorsqu’il résulte des circonstances que le tiers a pu légitimement croire que le mandataire agissait en vertu d’un mandat et dans les limites de ce dernier.
C’est ainsi que l’article 1156 du même code dispose que l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.
En l’espèce, Madame [R] sollicite la condamnation du vendeur à lui verser une somme correspondant aux frais de réparation du véhicule déjà engagés comme à venir (remplacement complet du moteur), outre indemnisation de son préjudice de jouissance.
A l’appui de sa demande, elle soutient que Monsieur [S] [N], sous l’enseigne JR MOTORS, a agi en qualité de mandataire de Monsieur [O] [N] tant dans l’opération visant à vendre son véhicule que dans celle visant à procéder aux travaux de remise en état de celui-ci, la vente du véhicule ayant été assortie d’une garantie de trois mois.
Or, elle rappelle que le mandataire qui exécute mal le mandat a néanmoins représenté le mandant, de sorte qu’il est tenu contractuellement des dommages qui s’en sont suivis.
Toutefois, outre que la demanderesse ne développe ni la « défaillance contractuelle du mandant » que le rapport d’expertise judiciaire aurait révélé, ni la faute qui aurait été commise par Monsieur [S] [N], il doit être relevé que rien ne permet de démontrer que ce dernier bénéficiait d’un mandat de Monsieur [O] [N] pour la réalisation de travaux de remise en état, postérieurement à la vente, ce que ce dernier conteste au demeurant vivement.
Monsieur [O] [N] verse, à cet égard, aux débats un document manuscrit intitulé « attestation de dépôt vente » daté du 30 août 2020 et portant tant le cachet de J.R. MOTORS que sa propre signature, aux termes duquel Monsieur [S] [N] déclare avoir été mandaté par celui-ci pour la vente de son véhicule RENAULT Trafic immatriculé [Immatriculation 7] (pièce n°1).
Aucun autre élément versé aux débats ne permet de retenir que le vendeur aurait mandaté Monsieur [S] [N], exerçant sous l’enseigne J.R. MOTORS, au-delà de la simple vente du véhicule, notamment pour des réparations et, bien que Madame [R] assure qu’une garantie de trois mois lui avait été offerte par le mandataire lors de la vente, il n’en ait aucunement justifié, aucune facture ni reçu de paiement n’étant produit à la cause et l’annonce qui avait été postée sur le site Leboncoin ne comportant pas de mention suffisamment précise à ce sujet (pièce n°4 demanderesse).
La demanderesse ne saurait davantage se prévaloir de la théorie du mandat apparent, n’exposant aucunement pour quelles raisons, se plaignant d’une panne du véhicule qu’elle venait d’acheter, elle s’était exclusivement adressée à Monsieur [S] [N], dont elle ne pouvait ignorer, aux termes du certificat de cession et du certificat d’immatriculation (pièces n°1 et 3), qu’il n’était pas le vendeur du véhicule, ni quelles circonstances lui auraient alors laissé penser qu’elle s’adressait à lui en qualité de mandataire du vendeur.
Dans ces conditions, aucune faute de Monsieur [O] [N] n’étant démontrée, qu’elle ait été commise personnellement ou à travers sa qualité de mandant, les demandes formulées sur le fondement de la responsabilité contractuelle à l’encontre de ce dernier doivent être rejetées.
Sur la responsabilité délictuelle de Monsieur [S] [N]
Aux termes de l’article 1240 du Code civil, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Il appartient au demandeur qui entend engager la responsabilité du défendeur sur ce fondement de rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et de lien de causalité entre les deux.
En l’espèce, Madame [R] fait grief à Monsieur [S] [N] de s’être comporté comme un mandataire et de l’avoir ainsi induite en erreur et sollicite sa condamnation à lui verser une somme correspondant aux frais de réparation du véhicule déjà engagés comme à venir (remplacement complet du moteur), outre indemnisation de son préjudice de jouissance.
Cependant, le tribunal peine à comprendre le lien de causalité existant entre la faute ainsi invoquée et le préjudice dont réparation est réclamée.
Les demandes formulées à l’encontre de Monsieur [S] [N] seront, en conséquence, également rejetées.
Sur les mesures accessoires
L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
Il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que : « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer […] à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; […] Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. […] ».
En l’espèce, Madame [R], qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance outre le coût de l’expertise judiciaire. Partie succombante et condamnée aux dépens, sa demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée.
En outre, l’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 précité au profit de Monsieur [O] [N] qui a été contraint d’engager des frais irrépétibles non-compris dans les dépens pour assurer sa défense. Il lui sera accordé, à ce titre, la somme de 1.200 euros.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :
Rejette la demande tendant à voir les prétentions principales et subsidiaires de Madame [T] [R] irrecevables ;
Déboute Madame [T] [R] de l’intégralité de ses demandes ;
Condamne Madame [T] [R] à payer à Monsieur [O] [N] la somme de 1.200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Madame [T] [R] aux entiers dépens de la présente instance ainsi qu’au coût de l’expertise judiciaire ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Le greffier, La présidente.