Cumul des actions en contrefaçon et de concurrence déloyale
Cumul des actions en contrefaçon et de concurrence déloyale

Les actions en contrefaçon et les actions en concurrence déloyale reposent sur des fondements différents. L’action en contrefaçon repose sur un fondement spécifique, lié au fait de reproduire sans autorisation une marque, un brevet, un dessin et modèle ou une oeuvre protégés par un droit de propriété intellectuelle. L’action en concurrence déloyale ou parasitaire est fondée sur le droit commun de la responsabilité délictuelle : le dommage causé par une faute doit être réparé.

Ces actions peuvent se cumuler, sous réserve que l’action en concurrence déloyale repose sur des faits distincts de ceux invoqués pour l’action en contrefaçon. Elles ne peuvent par ailleurs aboutir à réparer deux fois le même préjudice.

Il appartient ainsi au demandeur,  en application des dispositions de l’article 1240 du code civil, de démontrer la faute délictuelle commise par les sociétés poursuivies qui se seraient rendues coupable d’actes de concurrence déloyale, ainsi que la réalité d’un préjudice subi en lien de causalité avec cette faute.

___________________________________________________________________________________________________________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile A

ARRET DU 16 Septembre 2021

N° RG 17/08009

N° Portalis DBVX – V – B7B – LLFX

Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 12 septembre 2017

RG : 05/15934

APPELANTES :

SAS INNOV’CHIMIE INTERNATIONAL

[…]

[…]

26400 AOUSTE-SUR-SYE

SARL CHIMIQUEMENT VOTRE

[…] […]

[…]

représentées par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547

et pour avocat plaidant la SELARL STOULS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1141

INTIMEES :

SARL POMAREL NEGOCE

[…]

[…]

représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

SAS GUYON

[…]

[…]

représentée par la SELARL C3LEX, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 205

et pour avocat plaidant Maître Sipko DOUMA, avocat au barreau de PARIS

SOCIETE DHA (anciennement ACTURA et précédemment AGRIDIS)

[…]

[…]

SAS SOCIETE DE DISTRIBUTION ET DE PRESTATION DE SERVICES

[…]

[…]

représentées par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475

et pour avocat plaidant la SAS SCHERTENLEIB AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 04 Mars 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Mai 2021

Date de mise à disposition : 16 Septembre 2021

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Anne WYON, président

— Y Z, conseiller

— Annick ISOLA, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l’audience, Y Z a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

La société Innov’chimie lnternational, ayant notamment pour activité le négoce de produits chimiques détergents et dérivés pour les marchés agricoles et industriels, est titulaire du brevet français n° 00 15067 déposé le 22 novembre 2000 et publié le 3 janvier 2003 sous le titre ‘solution aqueuse borée réalisée à partir d’un composé d’acide borique et de carbonate de sodium’.

L’invention porte sur une solution aqueuse borée, son procédé de préparation et son utilisation en tant que substituant des borates sous forme pulvérulent, notamment dans les procédés pour la préparation d’inhibiteur de corrosion ou pour la préparation de colle amylacée.

Le brevet a été maintenu en vigueur par le paiement des annuités et une licence exclusive d’exploitation a été conférée à la société Chimiquement vôtre pour le domaine agricole.

Suspectant la société Pomarel négoce, ayant pour activité le commerce de gros de produits chimiques, de fabriquer, détenir et offrir à la vente des produits désignés sous le nom d’AG BORE, potentiellement constitutifs d’une contrefaçon de son brevet n° 00 15067, la société Innov’chimie international a acquis 10 litres de cette solution en vue de l’analyse chimique d’un échantillon du produit par le laboratoire départemental d’analyses de la Drôme.

Par ordonnance du 23 septembre 2005, le président du tribunal de grande instance de Lyon a autorisé la société Innov’chimie international à procéder à une saisie-contrefaçon réelle et descriptive des produits argués de contrefaçon.

Par acte du 21 octobre 2005, Maître Mouret, huissier de justice, a dressé procès-verbal de saisie-contrefaçon.

La saisie ayant permis d’établir que la société Pomarel négoce se fournissait en AG BORE auprès de la société anonyme Agridis, la société Innov’chimie international a fait assigner le 3 novembre 2005, les sociétés Pomarel négoce et Agridis en contrefaçon des revendications 1, 6, 8 et 10 du brevet français n° 00 15067 et en concurrence déloyale.

Le 29 novembre 2005, les sociétés Pomarel négoce et Agridis ont appelé la société Société de distribution et de prestation de services (ci-aprés SDP) en la cause, en faisant connaître qu’elle leur avait fourni le produit litigieux.

Par acte du 2 juillet 2006, la société SDP a appelé la société Guyon à l’instance, en affirmant qu’elle avait fabriqué la solution arguée de contrefaçon.

Par acte du 19 septembre 2008, la société Chimiquement vôtre, ayant notamment pour activité l’étude, recherche, conception, fabrication de produits chimiques de toutes natures et le négoce de produits chimiques de toutes natures, est intervenue volontairement à l’instance pour réclamer réparation du préjudice subi en sa qualité de licenciée exclusive du brevet susvisé dans le secteur agricole.

Parallèlement à cette instance, les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre ont assigné la société SDP devant le tribunal de grande instance de Lille, en contrefaçon du brevet français n° 00 15067 à raison de la production d’un produit nommé UNIBORE.

Par jugement du 11 avril 2006, le tribunal de grande instance de Lille a débouté les sociétés Innov’Chimie international et Chimiquement vôtre de leurs demandes et les a condamnées pour des actes de concurrence déloyale commis envers la société SDP.

Par arrêt irrévocable du 15 décembre 2010, la cour d’appel de Douai a confirmé ce jugement de première instance.

Par jugement rendu le 12 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Lyon a :

— écarté les notes en délibéré produites par les parties,

— déclaré recevables l’intervention volontaire et les prétentions de la société Chimiquement vôtre,

— rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée par la cour d’appel de Douai en son arrêt du 15 décembre 2010,

— débouté la société Pomarel négoce et la société Agridis de leur demande tendant au prononcé de la nullité du brevet n° 00 15067,

— débouté les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre de leur demande tendant à la reconnaissance de la contrefaçon du brevet français n° 00 15067 à raison de la production, distribution et commercialisation du produit AG BORE par les sociétés Pomarel négoce, Agridis, SDP et Guyon,

— débouté les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre du surplus de leurs demandes,

— débouté les sociétés Pomarel négoce et Agridis de leurs demandes reconventionnelles,

— dit n’y avoir lieu à publication du jugement,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre aux dépens et à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes :

—  5 000 euros à la société Société de distribution et de prestations de services,

—  5 000 euros aux sociétés Pomarel négoce et Agridis,

—  2 000 euros à la société Guyon.

Par requête du 9 octobre 2017, la société Innov’chimie international a demandé au président du tribunal de grande instance de Lyon la restitution des échantillons d’AG BORE déposés au greffe de la juridiction après la saisie-contrefaçon du 21 octobre 2015 et par ordonnance du 23 octobre 2017, cette restitution a été ordonnée, le greffe de la juridiction ayant remis les dits échantillons selon PV du 15 janvier 2018, à Me A B, huissier de justice à Lyon.

Un échantillon a alors été prélevé par l’huissier de justice aux fins de transmission pour analyse au laboratoire Analytice et le reste de l’échantillon a été replacé sous scellés pour sa conservation par le greffe du tribunal de grande instance de Lyon.

Selon déclaration du 16 novembre 2017, les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre ont formé un appel limité à l’encontre de ce jugement, critiquant seulement les dispositions les ayant déboutées de leurs demandes tendant à la reconnaissance de la contrefaçon et du surplus de leurs demandes et condamnées au paiement d’indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 25 septembre 2018, le conseiller de la mise en état de la 1re chambre civile A de la cour d’appel de Lyon a prononcé d’office l’irrecevabilité des conclusions déposées tardivement le 26 juillet 2018 par la société Guyon.

À l’audience du 14 janvier 2021, la cour, constatant que certaines des parties avaient modifié leur dénomination sociale, a révoqué l’ordonnance de clôture et renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 6 mai 2021 de façon à permettre la régularisation des écritures déposées par les parties.

La clôture de la procédure a de nouveau été prononcée par ordonnance du 4 mars 2021.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 3 février 2021 par les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre qui demandent à la cour de :

— réformer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société Innov’chimie international et la société Chimiquement vôtre de leur action en contrefaçon et en concurrence déloyale,

— dire et juger que la société Pomarel négoce, la société DHA anciennement dénommée Actura anciennement dénommée Agridis, la société SDP et la société Guyon ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 6, 8 et 10 du brevet français n° 00 15067 par fabrication et/ou détention et/ou offre à la vente et/ou commercialisation de produits reproduisant les caractéristiques couvertes par lesdites revendications,

— débouter la société SDP de toutes prétentions contraires et notamment en nullité de l’analyse du laboratoire Analytice de l’échantillon d’AG BORE placé sous scellés pour conservation au greffe du tribunal de grande instance de Lyon,

— donner acte à la société Innov’chimie international et à la société Chimiquement vôtre de ce qu’elles ont sommé la société SDP de dire si elle demande qu’il soit procédé à une analyse contradictoire de l’échantillon d’AG BORE placé sous scellés pour conservation au greffe du tribunal de grande instance de Lyon,

— condamner la société Guyon à payer la somme de 568 400 euros en réparation du préjudice en résultant,

— dire et juger que la société Pomarel négoce, la société DHA anciennement dénommée Actura anciennement dénommée Agridis, la société SDP et la société Guyon ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Innov’chimie international et de la société Chimiquement vôtre,

— débouter la société SDP de toutes prétentions contraires et en nullité des analyses Analytice et de son appel incident,

— faire défense à la société Pomarel négoce, à la société DHA anciennement dénommée Actura anciennement dénommée Agridis, à la société SDP et à la société Guyon de poursuivre les actes de contrefaçon et de fabriquer, utiliser et/ou commercialiser tous produits AG BORE et tous produits similaires quelqu’en soit le nom reproduisant les revendications 1, 6, 8 et 10 du brevet n° 00 15067 sous astreinte définitive de 3 000 euros par litre de produit et de poursuivre les actes de concurrence déloyale, sous astreinte définitive de 3 000 euros par litre de produit, huit jours après la signification de l’arrêt à intervenir,

— ordonner la confiscation et la remise à la société Innov’chimie international, en vue de leur destruction, en présence d’un huissier de justice du choix de la société Innov’chimie international, de tous les produits contrefaisants,

— ordonner une expertise comptable pour déterminer le préjudice subi par la société Innov’chimie international et la société Chimiquement vôtre du fait de la contrefaçon et de la concurrence déloyale et désigner tel expert lequel aura pour mission de déterminer au vu de tous renseignements, documents de comptabilité, archives commerciales et licences éventuelles d’exploitation, le nombre

de produits contrefaisants fabriqués et/ou détenus et/ou offerts à la vente et/ou vendus et/ou commercialisés aux moyens d’actes de concurrence déloyale jusqu’à la date du dépôt du rapport et lui allouer d’ores et déjà une provision de 300 000 euros, sauf à parfaire ou compléter,

— dire que les condamnations porteront sur tous les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale commis jusqu’au jour de la décision définitive à intervenir,

— autoriser la société Innov’chimie international et la société Chimiquement vôtre à publier l’arrêt à intervenir dans cinq journaux ou périodiques de leur choix, aux frais de la société Pomarel negoce, de la société DHA anciennement dénommée Actura anciennement dénommée Agridis, de la société SDP et de la société Guyon, et fixer à 3 000 euros le coût de chaque insertion,

— condamner la société Pomarel négoce et la société DHA anciennement dénommée Actura anciennement dénommée Agridis, la société SDP et la société Guyon à payer la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Pomarel négoce, la société DHA anciennement dénommée Actura anciennement dénommée Agridis, la société SDP et la société Guyon en tous les dépens incluant notamment les frais de saisie-contrefaçon dont distraction au profit de la SCP Baufume-Sourbe, avocats, sur son affirmation de droit,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 1er février 2021 par la société Pomarel négoce qui demande à la cour de :

– dire et juger l’appel principal recevable mais non fondé,

– dire et juger l’appel incident recevable et bien fondé,

– constater que la société Innov’chimie international et la société Chimiquement vôtre ne sollicitent pas le débouté de la société Pomarel négoce de son appel incident ni de ses prétentions,

À titre principal :

I ‘

— confirmer purement et simplement la décision du tribunal de grande instance de Lyon du 12 septembre 2017 en ce qu’elle a :

1) « débouté les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre de leurs demandes tendant à la reconnaissance de la contrefaçon du brevet français n° 00 15067 à raison de la production, la distribution et la commercialisation du produit AG BORE par la société Pomarel négoce, la société Agridis, la société SDPet la société Guyon » ;

En effet :

— constater que les sociétés Innov’chimie international et chimiquement vôtre ne rapportent pas la preuve de faits de contrefaçon,

— constater que l’ordonnance de restitution de scellés du président du tribunal de grande instance de Lyon du 23 octobre 2017 a été rendue en méconnaissance de l’ordonnance sur requête aux fins de saisie-contrefaçon du président du tribunal de grande instance de Lyon du 28 septembre 2005,

— constater que la société Innov’chimie international et la société Chimiquement vôtre ne forment, à l’encontre de la société Pomarel négoce, aucune demande en réparation du préjudice prétendument

subi au titre de faits de contrefaçon,

— constater que la demande de condamnation à réparer le préjudice prétendument subi au titre de faits de contrefaçon ne vise que la société Guyon sans que les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre ne précisent si le montant de 568 400 euros qu’elles réclament doit être versé entre les mains de l’une

d’elles ou des deux et ce, au mépris du principe de personnalités morales distinctes,

— donner acte que la société Pomarel négoce ne commercialise plus la solution « AG BORE »,

— donner acte que la société Innov’chimie international et la société Chimiquement vôtre forment une demande provisionnelle unique d’un montant de 300 000 euros mais sans préciser si elle vient en déduction de la demande de condamnation à hauteur de 568 400 euros et qui en est le créancier et le débiteur,

— constater que la cour n’est pas saisie des chefs de jugement suivants ayant :

—  dit n’y avoir lieu à publication du présent jugement,

—  condamné les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre in solidum aux dépens de l’instance,

— donner acte que les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre ne chiffrent pas distinctement leur demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ne précisent pas la nature des condamnations à intervenir sur ce chef entre les sociétés Pomarel négoce, Actura, SDP et Guyon,

— prononcer la nullité du procès-verbal de restitution de scellés du 15 janvier 2018 dressé par Maître A B, huissier de justice associé de la SCP B-Mergui à Lyon et des rapports d’analyses R/18/15993 A, D et E des 1er, 5 et 7 février 2018 du laboratoire Analytice, en raison de la violation de l’ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lyon du 28 septembre 2005 sur le fondement de laquelle l’ordonnance de restitution de scellés du 23 octobre 2017 a été rendue,

— écarter des débats les rapports d’analyses R/18/15993 A, D et E des 1er, 5 et 7 février 2018 du laboratoire Analytice,

et en tout état de cause,

— constater que les rapports d’analyses précités ne rapportent aucunement la preuve d’une quelconque contrefaçon,

— dire et juger que la cour n’a pas à statuer sur la demande de publication de l’arrêt à intervenir et sur la demande de condamnation aux dépens, ces chefs de jugements étant définitifs en l’absence d’appel formé par les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre,

— dire et juger que la cour ne pourra pas condamner la société Pomarel négoce à réparer le préjudice prétendument subi par les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre du fait de prétendus actes de contrefaçon et de concurrence déloyale en l’absence de demande de condamnation formée par elles à l’encontre de la société Pomarel négoce,

— dire et juger que les demandes de cessation sous astreinte et de confiscation sont dépourvues d’objet à l’égard de la société Pomarel négoce, celle-ci ne commercialisant plus la solution « AG BORE »,

En conséquence,

— débouter la société Innov’chimie international et la société Chimiquement vôtre de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

2) débouté les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre du surplus de leurs demandes,

3) condamné les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre in solidum à verser aux sociétés Agridis et Pomarel négoce, ensemble, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

II ‘

Infirmer la décision entreprise mais seulement en ce qu’elle a :

1) déclaré recevables l’intervention volontaire et les prétentions de la société Chimiquement vôtre,

En effet :

— constater, dire et juger que la société Chimiquement vôtre est dépourvue de tout intérêt à agir, faute pour cette dernière de justifier de faits de contrefaçon commis postérieurement à la publication du contrat de licence exclusive du 2 décembre 2005 au registre national des brevets, ayant pour effet de rendre l’acte opposable aux tiers,

— dire en conséquence que la totalité des demandes formées par la société Chimiquement vôtre est irrecevable ;

— subsidiairement, si la cour devait considérer que la société Chimiquement vôtre est recevable en ses demandes, confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu’il a :

—  débouté la société Chimiquement vôtre de sa demande tendant à la reconnaissance de la contrefaçon du brevet français FR 00 15067 ;

—  débouté la société Chimiquement vôtre du surplus de ses demandes,

2) débouté les sociétés Pomarel négoce et Agridis de leurs demandes reconventionnelles,

En effet :

— déclarer la société Pomarel négoce recevable en sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

— condamner in solidum la société Innov’chimie international et la société Chimiquement vôtre à payer à la société Pomarel négoce la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

III ‘

En tout état de cause :

— condamner in solidum la société Innov’chimie international et la société Chimiquement vôtre à payer à la société Pomarel négoce la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner in solidum la société Innov’chimie international et la société

Chimiquement vôtre aux entiers frais et dépens de l’instance d’appel,

À titre subsidiaire :

Si la Cour devait condamner la société Pomarel négoce sur le fondement de l’une

quelconque des demandes dont la cour est saisie :

– condamner in solidum la société DHA anciennement dénommée Actura et précédemment Agridis, la société SDP et la société Guyon à relever et garantir la société Pomarel négoce de l’intégralité des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre en principal, frais et accessoires,

— condamner in solidum la société DHA anciennement dénommée Actura et précédemment Agridis, la société SDP et la société Guyon à payer à la société Pomarel négoce la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner in solidum la société DHA anciennement dénommée Actura et précédemment Agridis, la société SDP et la société Guyon aux frais et dépens de première instance d’appel distraits au profit de Maître Laffly, avocat, sur son affirmation de droit,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 26 janvier 2021 par les sociétés Société de distribution et de prestation de services (SDP) et DHA anciennement dénommée Actura anciennement dénommée Agridis, qui demandent à la cour de :

Confirmer le jugement de première instance,

Prononcer la nullité du procès-verbal de restitution de scellés du 15 janvier 2018, dressé par Maître A B, huissier de justice associée de la SCP B Mergui à Lyon et des rapports d’analyse R/1815993 A, D et E des 1er, 5 et février 2018 du laboratoire Analyctice en raison de la violation de l’ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lyon du 28 septembre 2005 sur le fondement de laquelle l’ordonnance de restitution de scellés du 23 octobre 2017 a été rendue,

Ecarter des débats les rapports d’analyse R/1815993 A, D et E des 1er, 5 et février 2018 du laboratoire Analyctice,

En conséquence :

Débouter la société Innov’chimie international et la société Chimiquement vôtre de toutes leurs fins, demandes et prétentions,

Juger que le brevet FR 2816954 n’est pas contrefait par la fabrication et la vente d’AG BORE,

Condamner in solidum les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre à payer à chacune des sociétés Actura et SDP une somme de 50’000 euros pour procédure abusive,

Condamner in solidum les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre à payer à chacune des sociétés Actura et SDP une somme de 50’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner in solidum les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre aux dépens,

À titre plus subsidiaire,

Dire que la société Guyon a engagé son entière responsabilité civile à l’égard des griefs formulés par les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre et statuer ce que de droit à l’égard de la société Guyon,

Condamner la société Guyon à garantir la société SDP et la société Actura contre toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre tant en principal, frais et accessoires

Condamner la société Guyon aux dépens et à payer à chacune des sociétés SDP et Actura une somme de 10’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 9 avril 2019 par la société Guyon qui demande à la cour de :

— confirmer le jugement du tribunal de grande instance de LYON en ce qui concerne le rejet des demandes tendant à la reconnaissance de la contrefaçon du brevet français n° 00 15067 pour défaut de preuve,

— déclarer irrecevables les nouvelles demandes en appel des sociétés Innov chimie et Chimiquement vôtre à l’encontre de la société Guyon,

— débouter les sociétés Innov chimie international et Chimiquement vôtre de toutes leurs demandes contre la société Guyon,

— condamner les sociétés Innov chimie et Chimiquement vôtre à payer à la société Guyon, in solidum, la somme de 50 000 euros pour procédure abusive,

— condamner les sociétés Innov chimie et Chimiquement vôtre à payer à la société Guyon, in solidum, la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure Civile,

— condamner les sociétés Innov chimie et Chimiquement vôtre aux dépens qui seront recouvrés directement par Maître Caroline Cerveau-Colliard, de la SELARL C3Lex,

Il convient de ses référer aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

À l’audience de plaidoiries du 6 mai 2021, la cour a mis dans le débat la question de l’éventuelle irrecevabilité des conclusions déposées par la société Guyon le 9 avril 2019, en l’état de l’ordonnance ayant déclaré irrecevables comme tardives les premières conclusions déposées par cette dernière le 25 septembre 2018, invitant les parties à présenter leurs observations de ce chef par notes en délibéré.

Par notes déposées les 11, 17 et 21 mai 2021, les sociétés Innov chimie international et Chimiquement vôtre, SDP et DHA anciennement dénommée Actura anciennement dénommée Agridis et Pomarel négoce ont soutenu que les conclusions déposées le 9 avril 2019 par la société Guyon étaient tout aussi irrecevables que celles déposées le 25 septembre 2018.

Par note du 24 mai 2021, la société Guyon a indiqué qu’une injonction de conclure lui a été délivrée par le conseiller de la mise en état postérieurement à l’ordonnance d’irrecevabilité de ses conclusions rendue le 25 septembre 2018 ; que cette injonction remplace l’ordonnance d’irrecevabilité, alors même que toutes les parties ont conclu en réponse à ses conclusions déposées le 9 avril 2019.

Elle ajoute que si ses conclusions étaient considérées comme irrecevables, alors l’argumentation développée par les parties en réponse à celles-ci ne pourrait être prise en compte.

MOTIFS ET DECISION

A titre liminaire il convient de :

— rappeler que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » ou « donner acte » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

— constater que la déclaration d’appel formée par les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre a été limitée par ces dernières et qu’aucun appel principal ou incident n’est formé ni contre le chef de jugement ayant débouté les sociétés Pomarel négoce et Agridis devenue DHA, de leur demande en nullité du brevet, ni contre les chefs de jugement ayant rejeté la demande de publication de l’arrêt et statué sur le sort des dépens de première instance, la cour n’étant donc saisie d’aucun recours de ces chefs de jugement devenu irrévocables.

I. Sur la recevabilité des conclusions déposées par la société Guyon le 9 avril 2019 :

Par ordonnance rendue le 25 septembre 2018, le conseiller de la mise en état de la 1re chambre civile A de la cour d’appel de Lyon a prononcé d’office l’irrecevabilité des conclusions déposées tardivement le 26 juillet 2018 par le conseil de la société Guyon.

L’irrégularité ainsi relevée des premières conclusions de la société Guyon prive l’intimée du droit de conclure à nouveau et les conclusions qu’elle a déposées le 9 avril 2019 doivent en conséquence être déclarées irrecevables ; le calendrier de procédure ordonné par le conseiller de la mise en état le 11 décembre 2018, enjoignant aux sociétés intimées dont, à tort, la société Guyon, un délai expirant le 13 avril 2019 pour conclure en réponse aux conclusions des sociétés appelantes, n’a pu en effet contrairement à ce que soutient cette dernière, mettre à néant l’ordonnance du 25 septembre 2018 contre laquelle aucun déféré n’a été formé.

Les moyens, prétentions ou incidents présentés par la société Guyon aux termes de ses écritures irrecevables ne saisissent donc pas la cour.

II. Sur la recevabilité de l’intervention volontaire de la société Chimiquement vôtre :

La société Pomarel négoce soutient que l’intervention de la société Chimiquement vôtre serait irrecevable faute d’intérêt à agir en l’absence de preuve de faits de contrefaçon commis postérieurement à la publication du contrat de licence exclusive du brevet.

La société Chimiquement vôtre ne développe en cause d’appel aucune argumentation en réponse.

En vertu de l’article L.615-2 du code de la propriété intellectuelle, tout licencié est recevable à intervenir dans l’instance en contrefaçon engagée par le breveté, afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre.

Nonobstant l’absence de production en cause d’appel par la société Chimiquement vôtre du contrat de licence exclusive convenu entre elle et la société Innov’chimie international, la société Pomarel négoce ne conteste pas la qualité de licenciée exclusive de la société Chimiquement vôtre confirmée par l’extrait ‘base brevets’ édité le 25 avril 2018 à partir du site de l’INPI.

La question de la preuve de l’existence de faits de contrefaçon par le licencié, susceptibles de justifier sa demande indemnitaire, conditionne le bien fondé de cette demande en réparation et non sa recevabilité.

Il convient dès lors de déclarer recevable l’intervention volontaire à l’instance de la société Chimiquement vôtre en sa qualité de licenciée de la société Innov’chimie international, confirmant en cela le jugement critiqué.

III. Sur la demande en nullité du procès-verbal de restitution des scellés et la demande tendant à voir écarter les analyses du laboratoire Analytice :

Le tribunal a retenu le caractère douteux de la provenance des échantillons prélevés et analysés par le Laboratoire départemental d’analyses de la Drôme et l’a pris en compte pour considérer qu’aucune preuve d’une contrefaçon n’était rapportée.

Postérieurement au jugement frappé d’appel, la société Innov’chimie international a réclamé la restitution des scellés de façon à faire procéder à de nouvelles analyses par le laboratoire Analytice.

Les sociétés Pomarel négoce, SDP et DHA sollicitent la nullité du procès-verbal de restitution de scellés du 15 janvier 2018 dressé par Me B, huissier de justice et des rapports d’analyse déposés subséquemment par la société Analytice.

Elles considèrent que la violation d’une des conditions définies à l’ordonnance sur requête aux fins de saisie-contrefaçon constitue une irrégularité de fond qui affecte la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon ; qu’il en est ainsi s’agissant du nombre d’échantillons saisis, de l’absence d’autorisation d’analyse des dits échantillons ou du dépassement de la mission de l’huissier et qu’il en est de même pour un procès-verbal de restitution de scellés établi en vertu d’une ordonnance de restitution se fondant sur une ordonnance aux fins de saisie-contrefaçon.

Elles expliquent qu’en l’espèce, c’est en connaissance du seul certificat de dépôt que l’ordonnance de restitution a été rendue ; que l’ordonnance du 28 septembre 2005 autorisant la saisie n’était pas jointe à la requête, alors même que le signataire de cette ordonnance avait expressément exclu la possibilité de remise de l’échantillon à un laboratoire aux fins d’analyse, souhaitant en cela qu’un débat contradictoire soit assuré sur le sort des échantillons saisis en laissant à l’appréciation du juge du fond la possibilité d’ordonner une mesure d’instruction.

Elles en déduisent que même autorisé par l’ordonnance de restitution, Me B, huissier de justice ne pouvait transmettre l’échantillon au laboratoire d’analyses Analytice, laboratoire d’ailleurs non agréé pour ce faire, d’autant que les analyses ont été réalisées de façon non contradictoire, aucune constatation par huissier de justice n’ayant garanti les conditions de réception par le laboratoire ni l’intégrité de l’échantillon.

Sur ce :

L’ordonnance de restitution rendue par le vice-président du tribunal de grande instance de Lyon le 23 octobre 2017, ordonne aux termes de son dispositif ‘la restitution entre les mains d’un huissier de justice mandaté par la SAS INNOV’CHIMIE INTERNATIONAL, sur production d’une expédition de la présente ordonnance, de l’échantillon de produit AG BORE déposé au greffe de céans le 28 novembre 2005 par Maître C D, huissier de justice à la résidence de Lyon’ et dit que ‘l’huissier de justice mandaté devra assurer la traçabilité de cet échantillon en actant sa restitution par le greffe de Céans, ainsi que son éventuelle transmission à un laboratoire d’analyse, puis sa restitution au greffe à l’issue des analyses effectuées’.

Cette ordonnance vise en en-tête le certificat de dépôt délivré le 28 novembre 2005, seul document produit à l’appui de la requête ainsi qu’il ressort de la lettre d’accompagnement adressée au vice-président le 9 octobre 2017.

Or il s’avère que l’auteur de l’ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon, rendue le 28 septembre 2005 par le vice-président du tribunal de grande instance de Lyon, si elle autorisait la saisie réelle en trois échantillons (1 litre chacun) des produits dénommés AG BORE, dont deux devaient être remis à la société Innov’chimie international, requérante et l’autre déposé au greffe, à charge pour l’huissier d’en acquitter le prix, avait expressément rayé la mention pré-imprimée par la requérante rédactrice du projet d’ordonnance, autorisant l’huissier à remettre le cas échéant tout ou partie des échantillons destinés au requérant (souligné par la cour) à un laboratoire aux fins d’analyse des produits et de leur composition.

Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Pomarel négoce, SDP et DHA à l’appui de leur demande en nullité du procès-verbal de restitution, si l’huissier n’avait pas été autorisé à remettre tout ou partie des échantillons destinés à la société Innov’chmie international à un laboratoire pour analyse, il n’était pas pour autant interdit ultérieurement au juge d’autoriser éventuellement la restitution de l’échantillon placé sous scellés, lequel ne peut se confondre avec les échantillons remis à la requérante.

L’absence de production par la société Innov’chimie international, à l’appui de sa requête en restitution de scellés, de l’ordonnance d’autorisation de saisie-contrefaçon du 28 septembre 2005, n’affecte donc pas la régularité de l’ordonnance de restitution du 23 octobre 2017, dont il n’est pas démontré qu’elle aurait été obtenue par des manoeuvres déloyales et dont la rétractation n’a d’ailleurs pas été sollicitée.

La régularité du procès-verbal de restitution dressé par huissier de justice le 15 janvier 2018 ne saurait donc être affectée à ce titre et la demande tendant à voir prononcer la nullité de cet acte et écarter des débats les rapports d’analyse subséquents doit être rejetée.

IV. Sur les demandes au titre de la contrefaçon des revendications 1, 6, 8 et 10 du brevet à raison de la production et distribution du produit AG BORE :

Conformément aux dispositions de l’article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon d’un brevet peut être prouvée par tous moyens.

Pour démontrer la réalité de la contrefaçon de son brevet n° 00 15067, les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre produisent d’une part les résultats d’analyses réalisées le 13 octobre 2005 par le Laboratoire départemental d’analyses de la Drôme, dont elles affirment qu’elles ont porté sur 10 litres de produit AG BORE acquis le 23 septembre 2005 auprès de la société Pomarel négoce et d’autre part les résultats d’analyses réalisées du 24 au 25 janvier 2018 par le laboratoire Analytice, dont elles affirment qu’elles ont porté sur le produit placé sous scellés au greffe du tribunal de grande instance de Lyon le 28 novembre 2005 et dont la restitution a été autorisée par ordonnance du 23 octobre 2017.

La société Pomarel négoce et les sociétés DHA et SDP soutiennent que l’analyse de l’échantillon de produit analysé par le Laboratoire départemental d’analyses de la Drôme avait été réalisé un mois avant les opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 21 octobre 2005 et qu’en l’absence de tout constat d’huissier, tant l’origine que la composition de l’échantillon analysé restaient inconnues, circonstances laissant place à toute possibilité de manipulation avant analyse ; elles ajoutent que les analyses du laboratoire Analytice ne sont pas plus probantes en ce qu’elles sont non contradictoires, que le prélèvement de l’échantillon a été réalisé en présence seulement de la société Innov’chmie international ou de ses représentants et qu’il n’a été procédé à aucune constatation par huissier lors de sa réception au laboratoire qui a seul brisé les scellés, aucune garantie de son intégrité n’étant assurée ; qu’enfin, au fil des années le produit analysé constituant à l’origine une solution liquide s’est fortement dégradé, s’étant transformé en un mélange de liquide et de poudre, ne pouvant permettre une analyse fiable des ses composants.

Sur ce :

Il ressort de l’ensemble des documents produits au dossier s’agissant des premières analyses que :

— la société Innov’chimie international a acquis selon facture du 23 septembre 2005, auprès de la société Pomarel négoce, 10 litres de produit AG BORE ; qu’elle a déposé le même jour auprès du Laboratoire départemental d’analyse de la Drôme, un échantillon de produit non déterminé aux fins d’analyse,

— le rapport d’analyse établi le 13 octobre 2005, succinct en ce qu’il est établi sur en une seule page incluant des rubriques pré-imprimées, ne fait apparaître ni l’identité de l’auteur du prélèvement qui fait l’objet d’une mention ‘non déterminé’, ni la désignation commerciale du produit analysé, seule la mention ‘échantillon de produit agricole’ figurant au document,

— la seule précision de nature à suggérer un lien entre le produit acheté auprès de la société Pomarel négoce et le produit analysé par le Laboratoire départemental d’analyses de la Drôme consiste dans l’indication de la société Pomarel négoce en tant que lieu de prélèvement.

Comme l’a très justement relevé le premier juge, une telle mention ne résulte pas de vérifications personnelles réalisées par le laboratoire d’analyse, qui n’est pas l’auteur du prélèvement, mais des déclarations faites par la société Innov’chimie international lors du dépôt de l’échantillon pour analyse.

Il n’est donc nullement établi que l’échantillon de produit analysé provienne effectivement de stocks de produits de la société Pomarel négoce ni qu’il s’agisse de produit AG BORE.

Les analyses ainsi diligentées sur un produit non issu de la saisie-contrefaçon réalisées le 21 octobre 2005, ne permettent donc pas d’établir la preuve de la contrefaçon alléguée sur la foi des similitudes de composition entre le produit analysé et la solution aqueuse borée fortement concentrée objet du brevet n° 00 15067.

Il ressort par ailleurs de l’ensemble des documents produits au dossier s’agissant des secondes analyses réalisées en 2018 que :

— Me B huissier de justice à Lyon, s’est transporté le 15 janvier 2018 au greffe du tribunal de grande instance de Lyon en compagnie de Madame X, présidente de la société Innov’chimie international, de Monsieur X, conseiller technique-chimiste au sein de cette entreprise et de Maître Stouls, avocat de cette dernière ; un agent administratif faisant fonction de greffier lui a alors restitué le scellé n° 29/05 constitué d’une bouteille d’un litre de produit chimique, sur laquelle était collée une étiquette mentionnant le nom de la SCP Mouret huissier de justice à Valence et la mention de la saisie-contrefaçon du 21 octobre 2005,

— sur place, l’huissier a indiqué avoir brisé le scellé de l’échantillon après avoir secoué le produit dans le but de rendre homogène le produit contenu, versé le produit dans un flacon neuf en l’agitant de nouveau et en en prélevant environ 450 ml transvasés dans un autre flacon neuf avec bouchon à vis inviolable, apposé sur le dit flacon une étiquette de référence, scellé le flacon placé immédiatement dans un ‘colissimo’ pour être adressé à un laboratoire d’analyse, reversé le produit restant dans la bouteille originale mise sous scellé en 2005, scellé ladite bouteille restituée immédiatement à l’agent faisant fonction de greffier à l’effet qu’elle soit conservée par le greffe conformément à l’ordonnance du 23 octobre 2017, l’huissier indiquant avoir posté personnellement le colis à destination du laboratoire Analyctice à Strasbourg le jour même selon reçu annexé,

— aux trois rapports d’analyses établis par ce laboratoire les 1er, 5 et 7 février 2018, sous les références R/18/15993A, R/18/15993D et R/18/15993E, sont annexées des photos datées du 22 janvier 2018, d’un colis non ouvert, puis d’un colis ouvert avec vue sur le contenu consistant dans un flacon à l’étiquette identique à celle apposée par l’huissier dans le cadre de son prélèvement,

— le rédacteur des rapports d’analyse indique que les analyses ont été réalisées du 24 au 25 janvier 2018, la date de réception du colis restant inconnue ; que l’échantillon dont l’analyse a été demandé est très ‘inhomogène’, contenant une phase liquide brune et une phase solide blanche jaunâtre qui sédimente très vite, situation ayant nécessité une agitation par agitateur magnétique pendant chaque prise d’essai de l’échantillon ; il ajoute que l’échantillon est visqueux et que la prise d’essai avec une pipette à piston à pointe jetable a été difficile, nécessitant un rinçage de la pointe jetable avec de l’eau ultra pure réunie avec la prise d’essai dans le flacon initial.

Les éléments susvisés ne permettent pas à la cour de s’assurer, en l’absence de réception du colis susvisé en présence d’un huissier, que le produit analysé par le laboratoire Analytice qui a lui-même et seul brisé les scellés apposés, correspond avec certitude au produit prélevé au greffe le 15 janvier 2018, la traçabilité exigée par l’ordonnance de restitution du 23 octobre 2017 se trouvant manifestement interrompue avant même la réception du colis par son destinataire.

Il s’avère par ailleurs que la conservation au greffe du produit chimique dans une bouteille, dans des conditions de température et de stockage inconnues, pendant plus de 12 années, a pu altéré les éléments chimiques le composant, les rapports d’analyse susvisés indiquant d’ailleurs que pour permettre les analyses, le produit a été conservé (pendant une durée inconnue) à une température surveillée de 3 à 5° ; l’état dégradé du produit analysé, qui provient d’un échantillon prélevé par huissier, après agitation à la main de la bouteille sans aucune garantie d’homogénéité et présente deux phases (liquide et solide non soluble) par rapport à son état d’origine, interdit donc de s’assurer que la composition du produit telle que présentée par les analyses de 2018 correspond exactement à celle du produit dans son état de 2005.

Pas plus que les analyses pratiquées en 2005, celles diligentées en 2018 par la société Innov’chimie international ne permettent donc d’établir la preuve de la contrefaçon alléguée sur la foi des similitudes de composition entre le produit analysé et la solution aqueuse borée fortement concentrée objet du brevet n° 00 15067.

Ces analyses non probantes constituant les seuls éléments de preuve soumis à la cour pour justifier les demandes des sociétés appelantes au titre de la contrefaçon de brevet, il convient de débouter ces dernières de l’ensemble de leurs prétentions correspondantes, les appels en garantie afférents se trouvant dès lors dépourvus d’objet.

VI. Sur les demandes au titre de la contrefaçon des revendications 1, 6, 8 et 10 du brevet à raison de la production et distribution du produit VALBOR par la société Guyon :

La société Innov’chimie international soutient qu’elle avait convenu avec la société Guyon que cette dernière signerait un contrat de licence d’exploitation concernant la commercialisation d’un produit VALBOR à destination du domaine agricole, situation ayant conduit à la signature entre les deux sociétés d’un engagement au secret le 27 décembre 2000 ; elle ajoute qu’alors même qu’aucun contrat de licence n’a été conclu ni aucune royaltie versée, la société Guyon a néanmoins commercialisé le produit dans les locaux de la société Pomarel, situation justifiant qu’elle poursuive l’intéressée en contrefaçon de brevet.

Aucun élément suffisamment probant n’est produit au dossier des sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre qui permettrait au juge de constater que le produit VALBOR commercialisé par la société Guyon, consistant dans une solution aqueuse borée, correspondrait à la mise en oeuvre du brevet litigieux, le fait d’avoir envisagé la conclusion d’un accord de licence avec cette dernière et la mention ‘sous licence Innov’chimie international’ portée sur les étiquettes des bidons de produit VALBOR ne pouvant suffire à établir la contrefaçon alléguée.

Le jugement qui a examiné cette demande aux termes de ses motifs a cependant omis de rejeter la demande ainsi présentée dans son dispositif ; il convient dès lors de réparer cette omission.

VII. Sur la demande des sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre au titre de la concurrence déloyale :

Si seule la société Innov’chimie international avait présenté une demande indemnitaire au titre de la concurrence déloyale devant le premier juge, la cour constate que cette demande est présentée en cause d’appel de concert par les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre, à l’encontre des sociétés Pomarel négoce, DHA, SDP et Guyon.

Aux termes de conclusions difficilement lisibles dans leur structuration, la cour observe que l’argumentation concernant la demande indemnitaire formée au titre de la concurrence déloyale en page 42 paragraphe VIII des écritures des appelantes, est extrêmement succincte, les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre se bornant à indiquer que ‘les agissements des sociétés Pomarel, Agridis et SDP sont constitutifs de concurrence déloyale’ en visant seulement, sans d’ailleurs aucun document à l’appui, l’adhésion de la société Pomarel négoce à la coopérative de commerçants Agridis pour conclure à l’existence d’une entente entre ces dernières de façon à assurer la promotion commerciale du produit AG BORE, argué de contrefaçon.

Les actions en contrefaçon et les actions en concurrence déloyale reposent sur des fondements différents. L’action en contrefaçon repose sur un fondement spécifique, lié au fait de reproduire sans autorisation une marque, un brevet, un dessin et modèle ou une oeuvre protégés par un droit de propriété intellectuelle. L’action en concurrence déloyale ou parasitaire est fondée sur le droit commun de la responsabilité délictuelle : le dommage causé par une faute doit être réparé.

Ces actions peuvent se cumuler, sous réserve que l’action en concurrence déloyale repose sur des faits distincts de ceux invoqués pour l’action en contrefaçon. Elles ne peuvent par ailleurs aboutir à réparer deux fois le même préjudice.

Il appartient ainsi aux appelantes, en application des dispositions de l’article 1382 devenu 1240 du code civil, de démontrer la faute délictuelle commise par les sociétés intimées qui se seraient rendues coupable d’actes de concurrence déloyale, ainsi que la réalité d’un préjudice subi en lien de causalité avec cette faute.

Il n’est invoqué en l’espèce aucun autre fait justificatif que la distribution par seulement deux des sociétés intimées, du produit AG BORE dont le caractère contrefaisant n’est pas retenu.

Comme l’a très justement décidé le premier juge, il convient de rejeter les demandes présentées sur le fondement de la concurrence déloyale.

VIII. Sur les demandes en dommages-intérêts pour procédure abusive :

Les sociétés Pomarel négoce, SDP et DHA n’établissent aucune faute ayant fait dégénérer en abus le droit d’agir en justice des sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre, de sorte qu’il y a lieu de les débouter de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, confirmant en cela la décision critiquée.

IX. Sur les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

Il convient enfin de faire application des dipositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés Pomarel négoce, SPD et DHA.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les conclusions déposées par la société Guyon le 9 avril 2019,

Rejette les demandes tendant à voir prononcer la nullité du procès-verbal de restitution dressé par huissier de justice le 15 janvier 2018 et écarter des débats les rapports d’analyse du Laboratoire Analytice,

Statuant dans les limites de l’appel interjeté,

Confirme le jugement rendu le 12 septembre 2017 par le tribunal de grande instance de Lyon,

Y ajoutant,

Déboute les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre de leurs demandes tendant à voir reconnaître la contrefaçon du brevet français n° 00 15067 à raison de la production, distribution ou commercialisation du produit VALBOR par la société Guyon,

Condamne in solidum les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit des avocats qui en ont fait la demande,

Déboute les sociétés Innov’chimie international et Chimiquement vôtre de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les condamne in solidum à payer, à ce titre, les sommes suivantes aux sociétés :

— Pomarel négoce : 10 000 euros,

— Société de distribution et de prestation de service : 7 500 euros,

— DHA (anciennement Actura et anciennement Agridis) : 7 500 euros.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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