Critiquer les mesures prises par un Maire : légal si fait avec mesure 

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Critiquer les mesures prises par un Maire : légal si fait avec mesure 
Ce point juridique est utile ?

L’accusation dirigée contre un Maire en exercice d’avoir pris des décisions de nature à concourir à la fermeture éventuelle d’un établissement (chantier naval), relève d’un débat de fond et de la contestation institutionnellement prévue de décisions politiques prises, n’est pas de nature à porter atteinte à l’ honneur ou à la considération du Maire. 

En effet les propos incriminés sont exprimés dans les termes mesurés de la poursuite (« Vous avez tout fait pour que ce chantier ferme. ») ; ils s’inscrivent dans le cadre d’un débat d’idées d’intérêt général au sein du conseil municipal et n’excèdent pas les limites du débat politique et la critique admissible à l’égard d’un homme investi d’un mandat public ; ils ne constituent donc pas une atteinte à l’honneur ou à la considération du Maire, ni une diffamation, au sens de l’article 29 de la loi sur la presse. 


COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 31 JANVIER 2023

N° 2023/ 49

Rôle N° RG 19/12164 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVJT

[B] [M]

C/

[T] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Olivier ROSATO

Me Anne-claude DUNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Toulon en date du 01 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/05720.

APPELANT

Monsieur [B] [M], Maire en exercice de la commune de [Localité 4],

domicilié en cette qualité à [Adresse 2]

représenté par Me Olivier ROSATO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [T] [L]

né le 29 Janvier 1948 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Anne-claude DUNAN, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 12 Décembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Colette SONNERY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2023,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par exploit en date du 26 octobre 2016, M. [B] [M], maire de la commune de Sanary-sur-Mer, a fait assigner M. [T] [L] sur le fondement des articles 23,29, 31 et 65 de la loisur la presse du 29 juillet 1881 aux fins de voir déclarer diffamatoires, les propos graves et mensongers suivants : « Vous avez tout fait pour que ce chantier ferme. » que M. [L] a tenus publiquement et qui ont été retranscrits dans le procès-verbal de la séance du conseil municipal du 27 juillet 2016, et pour voir condamner M. [L], à lui payer la somme de 10’000 €, à titre de dommages-intérêts.

Par jugement en date du 1er juillet 2019, le tribunal de grande instance de Toulon a dit que les propos tenus par M. [L] lors du conseil municipal du 27 juillet 2016 n’ont pas un caractère diffamatoire, débouté M. [M] de sa demande de dommages intérêts et M. [L] de sa demande reconventionnelle et condamné M. [M], à lui payer la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Le 24 juillet 2019, M. [B] [M] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 13 juin 2022, il demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il l’a débouté de toutes ses demandes, de constater qu’à la lecture du procès-verbal de séance du conseil municipal du 27 juillet 2016, les atteintes diffamatoires portées à son encontre ès qualités de maire en exercice sont caractérisées, de condamner M. [L], en sa qualité de membre du conseil municipal, du chef de diffamation aggravée au paiement de la somme de 10’000 €, à titre de dommages-intérêts, de rejeter l’exception de bonne foi soulevée, et de condamner l’intimé à lui payer la somme de 3000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par conclusions du 25 novembre 2019, M. [T] [L] demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de débouter M. [B] [M] de toutes ses demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 10’000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 2000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

Attendu que l’appelant reprend ses prétentions et moyens de première instance, alors que le premier juge a exactement retenu que l’accusation dirigée contre M. [B] [M] en sa qualité de maire en exercice d’avoir pris des décisions de nature selon M. [L] à concourir à la fermeture éventuelle d’un chantier naval, qui relève d’un débat de fond et de la contestation institutionnellement prévue de décisions politiques prises, n’est pas de nature à porter atteinte à l’ honneur ou à la considération de M. [B] [M] ;

Attendu qu’en effet les propos incriminés sont exprimés dans les termes mesurés de la poursuite (« Vous avez tout fait pour que ce chantier ferme. ») ; qu’ils s’inscrivent dans le cadre d’un débat d’idées d’intérêt général au sein du conseil municipal et n’excèdent pas les limites du débat politique et la critique admissible à l’égard d’un homme investi d’un mandat public ; qu’ils ne constituent pas une atteinte à l’honneur ou à la considération de M. [B] [M], ni une diffamation, au sens de l’article 29 de la loi sur la presse ;

Attendu que le jugement qui a débouté M. [B] [M] de toutes ses demandes doit, dès lors, être entièrement approuvé ;

Et attendu que l’exercice d’une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus que s’il est démontré l’existence d’une erreur grossière équipollente au dol ou l’intention de nuire ; qu’aucun abus du droit d’ester en justice ne peut être retenu au cas d’espèce, d’où il suit le rejet de la demande présentée par M. [L] tendant à l’octroi de dommages intérêts pour procédure abusive ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute l’intimé de sa demande reconventionnelle tendant à l’octroi de dommages intérêts,

Condamne M.[B] [M] à payer à M.[L], la somme de 2000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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