Critère de l’originalité : 16 mai 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 15-15.955

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Critère de l’originalité : 16 mai 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 15-15.955
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16 mai 2018
Cour de cassation
Pourvoi n°
15-15.955

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mai 2018

Rejet non spécialement motivé

Mme B…, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10247 F

Pourvoi n° C 15-15.955

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Attractive Fragrances & Cosmetics, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 30 janvier 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Antonio Puig, société anonyme, dont le siège est […] de Llobregat (Espagne), société de droit espagnol venant aux droits de la société Beauté prestige international,

2°/ à la société Beauté prestige international (BPI), société anonyme, dont le siège est […] ,

3°/ à la société Noms de code, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

défenderesses à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 20 mars 2018, où étaient présents : Mme B…, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme X…, conseiller rapporteur, Mme Orsini, conseiller, M. Richard de la Tour, premier avocat général, Mme Labat, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Attractive Fragrances & Cosmetics, de la SCP Hémery, Thomas-Raquin et Le Guerer, avocat de la société Beauté prestige international et de la société Antonio Puig ;

Sur le rapport de Mme X…, conseiller, l’avis de M. Richard de la Tour, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la société Attractive Fragrances & Cosmetics, du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Noms de code ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Attractive Fragrances & Cosmetics aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Antonio Puig et à la société Beauté prestige international la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Attractive Fragrances & Cosmetics.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR refusé de statuer sur l’appel incident portant sur la nullité des opérations de saisie-contrefaçon et débouté la société Attractive Fragrances & Cosmetics de sa demande en annulation des opérations de saisie-contrefaçon ;

AUX MOTIFS QUE, sur la validité des opérations de saisie-contrefaçon c’est en vain que la société BPI, afin de voir confirmer le jugement qui a rejeté la demande de nullité des opérations saisie-contrefaçon présentée par la défenderesse à l’action, reprend son argumentation dans ce sens dès lors que la société Attractive F&C intimée ne forme pas appel incident en poursuivant l’infirmation du jugement sur ce point ;

ALORS QUE les juges ne doivent pas dénaturer les conclusions des parties ; qu’en l’espèce, la société exposante demandait dans ses conclusions d’appel que le jugement soit confirmé en ce qui concernait l’absence de contrefaçon et de concurrence déloyale et son infirmation « pour le surplus » ; qu’en affirmant que la société Attractive F&C intimée ne formait pas appel incident en poursuivant l’infirmation du jugement sur la question de la validité des opérations de saisie-contrefaçon, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR considéré que le flacon dénommé « Le Mâle » était éligible à la protection conférée par le droit d’auteur, d’AVOIR dit qu’en commercialisant un flacon translucide contenant un jus de couleur bleutée représentant un buste masculin à la musculature proéminente et non doté de bras destiné à contenir un produit de parfumerie, la société Attractive Fragrances & Cosmétics SARL a commis, au préjudice de la société Beauté Prestige International SA, des actes de contrefaçon de droits d’auteur, du modèle enregistré n° 942417 déposé le 25 avril 1994 à l’INPI et de la marque figurative n° 95 587 225 enregistrée le 07 septembre 1995 puis renouvelée ;d’AVOIR fait, en conséquence, interdiction à la société Attractive Fragrances & Cosmetics de détenir, d’offrir à la vente et/ou de vendre un produit contrefaisant les droits d’auteur, de modèle déposé et de marque dont est titulaire la société Beauté Prestige International SA, ceci à compter de la signification de l’arrêt et sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, d’AVOIR ordonne la confiscation des produits contrefaisants dans leur intégralité et leur destruction aux frais de la société intimée, ceci dans les quinze jours de la signification du présent arrêt et d’AVOIR condamne la société Attractive Fragrances & Cosmetics SARL à verser à la société Beauté Prestige International SA la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice résultant de ces différents actes de contrefaçon.

AUX MOTIFS QUE, sur la protection du droit d’auteur l’intimée, formant appel incident, conteste la décision du tribunal en ce qu’il a retenu que le flacon en cause, dénommé « Le Mâle », était protégeable par le droit d’auteur et fait valoir que ni la forme, ni le matériau, ni les éléments décoratifs en leur disposition ne sont protégeables en eux-mêmes, qu’au surplus il ne saurait être soutenu que la réunion d’éléments en eux-mêmes non originaux donnerait naissance à une oeuvre originale et qu’en raison d’un défaut patent d’effort créatif (en référence à des représentations de statues gréco-romaines) conjugué à l’existence de modèles de flacons similaires et antérieurs à la date supposée de création de ce modèle, la société BPI n ‘a pas fait oeuvre de création ;
QUE, de son côté, l’appelante reproche au tribunal d’avoir conclu que « le flacon Kindlooks » litigieux ne reprend pas les caractéristiques originales du flacon « Le mâle » et qu’il n’y a pas de contrefaçon, alors que celle-ci s’apprécie selon les ressemblances et non selon les dissemblances, que les ressemblances sont, à son sens, manifestes, qu’il est inexact d’opposer un buste à un tronc ou bien le caractère réaliste de l’un, abstrait de l’autre ou encore de s’attacher à leurs caractères longiligne ou pas et au blanc translucide du flacon Kindlooks qui renferme un liquide bleu ciel ;
Sur l’éligibilité du flacon dénommé « Le mâle » à la protection du droit d’auteur
QUE la société BPI revendique comme suit les caractéristiques de ce flacon commercialisé depuis 1995 au fondement de son originalité :
– un flacon en forme de tronc masculin,
– à la musculature saillante,
– sans bras,
– de couleur foncée bleutée,
– surmonté d’un bouchon cylindrique en métal ;
Que l’argumentation de l’intimée tenant au caractère fonctionnel de l’une des caractéristiques (le bouchon), au caractère banal de l’emploi du verre (matériau non revendiqué) et, plus généralement, à l’absence d’originalité de chacune de ces caractéristiques, prise isolément, est sans pertinence dès lors que l’empreinte de la personnalité de l’auteur d’une oeuvre se manifeste dans le choix de les combiner ;
Que la société Attractive F&C ne peut non plus valablement opposer la statuaire antique dans sa généralité, laquelle se caractérise au demeurant par sa diversité de formes, en indiquant entre parenthèses : « voir statuaire » et en reproduisant la photographie de deux statues antiques qu’elle s’abstient de décrire mais dont la cour constate, à l’instar du tribunal qui en explicite pertinemment les caractéristiques, qu’elles ne reprennent pas la combinaison revendiquée ;
Qu’elle ne peut davantage tirer argument de la reprise d’un genre ou encore d’oeuvres préexistantes commercialisées par des entreprises du même secteur d’activité, qu’il s’agisse du flacon « Shocking » représentant un buste de mannequin de couturière de la société Schiaparelli qui ne permet pas de considérer, en contemplation de la combinaison des caractéristiques individualisant le flacon « Le Mâle » telle que revendiquée, que la société BPI s’est contentée de réaliser un flacon représentant la forme d’un buste qui relèverait d’une idée non susceptible de protection ou qu’il s’agisse du modèle de buste de Didier Y… déposé à l’INPI le 06 avril 1994 et du buste « Heros », propriété de la société Coscentra BV qui fabrique le produit « Kindlooks » ayant notamment pour composantes une amorce tronquée d’avant-bras et de cuisses outre la forme d’un sexe et celle d’un fessier qui ne sont pas revendiquées par la société BPI ;
Qu’il convient, en revanche, de considérer qu’en faisant choix d’associer, pour donner forme à un flacon de parfum et sans que rien n’impose une telle combinaison, la forme d’un buste masculin, une musculature accentuée, la couleur bleutée, un bouchon cylindrique tenant lieu de tête, et d’ôter de ce buste toute amorce de bras ou de jambes, l’auteur de cette oeuvre procédant d’un parti-pris esthétique, l’a marquée de son empreinte personnelle ;
Que la société Attractive F&C échoue, par conséquent, en sa contestation de l’originalité de cette oeuvre si bien que le jugement mérite confirmation ;
Sur la contrefaçon
Que la société BPI fait valoir, sans être contestée par l’intimée et comme cela résulte de l’examen auquel a procédé la cour, que le flacon « Kindlooks » se caractérise ainsi :
– un flacon en forme de tronc d’homme,
– sans bras,
– de couleur bleue,
– avec un buste particulièrement musclé,
– et un bouchon de forme cylindrique de couleur métallique argentée ;
Qu’il est indifférent que la couleur bleue du flacon incriminé provienne de la couleur du jus qu’il contient et non du flacon lui-même, que, par ailleurs, le buste de ce flacon n’ait ni bassin ni fessier (non revendiqués par l’appelante), ou encore que la musculature et les épaules du buste incriminé apparaissent à l’intimée comme appartenant à un culturiste alors que le buste du flacon revendiqué, plus élancé, répondrait, toujours selon l’intimée, aux canons esthétiques d’un athlète proportionné et longiligne aux épaules étroites (appréciation contestée par l’appelante qui souligne la même importance des pectoraux, de la cambrure dorsale et d’un trait longitudinal dans les deux cas) dès lors que les différences mineures ainsi mises en avant procèdent d’une analyse de détail, que la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances et que force est de considérer que le flacon litigieux reprend, dans la même combinaison, les caractéristiques du flacon « Le Mâle » au fondement de son originalité ;
Qu’il s’en déduit que le flacon incriminé contrefait le flacon « Le Mâle » revendiqué et que le tribunal qui en a jugé autrement doit être infirmé de ce chef ;

1) ALORS QUE la contrefaçon d’un produit prétendument original s’apprécie par les ressemblances à condition que celles-ci ne proviennent pas d’un emprunt au domaine public ; qu’en affirmant que le flacon « Kindlooks » constituait une contrefaçon du flacon « Le Mâle », quand il résultait de ses propres constatations que l’idée de conditionner des parfums dans des flacons représentants des bustes de corps humains avait été déclinée à plusieurs reprises par le passé et qu’il existait des différences entre le flacon « Le Mâle » et le flacon « Kindlooks » et sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée (concl. p. 11 à 20), si les ressemblances constatées ne provenaient pas d’un emprunt au domaine public, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 111-1, L. 122-4 et L. 353-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

ET AUX MOTIFS QUE Sur la demande au titre de la protection du droit des modèles déposés
Sur la nullité des enregistrements n° 942417 – 001 et 002
Que la société Attractive F&C demande à la cour d’infirmer le jugement et de prononcer la nullité de ces deux modèles ;
Que son argumentation tient pour l’essentiel en la reproduction in extenso de la motivation de l’arrêt rendu le 10 mai 2012 par la cour d’appel de Lyon ; que si elle ajoute, entre parenthèses, que cette décision a été « réformée par la Cour de cassation », elle ne précise ni la date de cet arrêt ni les chefs de réformation ; qu’elle oppose un modèle de «
buste homme vu de face destiné à constituer un flacon de parfum qui a été déposé à l’INPI par Didier Y… le 06 avril 1994 (pièce 11) et motive sa demande d’annulation par la seule affirmation que ce flacon est la propriété de la société Coscentra, fabricant du produit «
Kindlooks » et qu’il « antériorise l’ensemble des droits de la société BPI » ;
Mais qu’outre le fait qu’une telle présentation est quelque peu critiquable dans la mesure où la chambre commerciale de la Cour de cassation, par arrêt rendu le 10 septembre 2013, a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Lyon en énonçant, au visa de l’article L 511-3 du code de la propriété intellectuelle en sa rédaction applicable en la cause :
« qu’en se déterminant par de tels motifs, sans justifier en quoi le choix de combiner la forme d’un buste masculin à la musculature très marquée et la couleur bleutée ne serait pas de nature à conférer à ce modèle de flacon de parfum une physionomie propre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale »,
la présente cour ne saurait, comme il lui est demandé, infirmer le jugement de ce chef dès lors que le tribunal ne s’est pas prononcé sur ce moyen nouveau, la lecture du jugement révélant qu’il n’a pas été soumis à son appréciation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de se prononcer sur cette demande ;

2) ALORS QUE les juges ne peuvent, hormis dans les cas prévus par l’article 125 du nouveau Code de procédure civile, soulever d’office une fin de non-recevoir qui n’est pas d’ordre public ; qu’en affirmant que « la présente cour ne saurait, comme il lui est demandé, infirmer le jugement de ce chef dès lors que le tribunal ne s’est pas prononcé sur ce moyen nouveau, la lecture du jugement révélant qu’il n’a pas été soumis à son appréciation », quand aucune fin de non-recevoir n’était soulevée de ce chef, la cour d’appel a violé les articles 70 et 125 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE le juge doit observer et faire observer, en toutes circonstances, le principe de la contradiction ; qu’en relevant d’office le moyen tiré de la prétendue irrecevabilité de la demande tendant à l’annulation des dépôts des modèles litigieux, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE, subsidiairement, pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux ; qu’elles peuvent également soumettre à la cour d’appel des prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; qu’en refusant de se prononcer sur le moyen tiré de la nullité des enregistrements n° 942417-001 et 002 au motif inopérant qu’il n’a pas été soumis à l’appréciation des premiers juges, la cour d’appel a violé les articles 563 et 565 du code de procédure civile ;

AINSI QU’AUX MOTIFS QUE Sur la contrefaçon de modèle
Que l’appelante reproche au tribunal de s’être contenté d’une motivation « laconique »
en se référant aux mêmes motifs que ceux développés au titre du droit d’auteur, à savoir l’absence de reprise des éléments caractéristiques du modèle ;
Que ce modèle, déposé le 25 avril 1994 et par conséquent régi par la loi ancienne, fait l’objet de deux reproductions photographiques (de face et de trois-quart) assortie, à des fins documentaires, d’une brève description (« flacon de tronc masculin, de couleur bleutée ») ; que, publié le 02 mai 1997, (pièce 54 de l’appelante), soit antérieurement aux faits incriminés, l’action en contrefaçon à l’encontre de la société Attractive F&C doit être considérée comme recevable ;
Que, sur le fond, étant relevé que l’intimée n’excipe pas de sa bonne foi ainsi que le lui permettait le dernier alinéa de l’article L 521-2 applicable afin de s’exonérer de sa responsabilité, il y a lieu de considérer que les caractéristiques de ce modèle, explicitées ci-avant sur le terrain du droit d’auteur, lui donnent une physionomie propre et nouvelle, au sens de l’article L 511-3 applicable ;
Qu’est ainsi conféré à son titulaire, selon l’article L 511-1 ancien, le droit exclusif de l’exploiter et la faculté de s’opposer à l’exploitation d’un produit l’incorporant qui, comme en l’espèce, se retrouve dans le flacon argué de contrefaçon reproduisant les caractéristiques essentielles du modèle déposé au point de susciter chez l’observateur averti une même impression visuelle d’ensemble ;
Que la société BCI est, par conséquent, recevable et fondée en son action en contrefaçon de modèle déposé et que, sur cet autre point, le jugement doit être infirmé ;
Sur la contrefaçon de la marque figurative n° 95587225 déposée le 07 septembre 1995
Que la marque revendiquée, opposée au flacon destiné à commercialiser du parfum de la société Attractive F&C tel que décrit en amont, porte sur un signe figuratif donnant à voir, surmonté d’un bouchon métallique de forme cylindrique, un flacon présentant la forme d’un buste masculin musclé et sans bras, de forme trapézoïdale, de couleur bleutée, revêtu de bandes blanches, comportant un bassin et un fessier ; que cette marque désigne notamment les produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ;
Que la société BCI appelante reproche au tribunal, concluant à l’absence de risque de confusion, de l’avoir déboutée de son action en contrefaçon de marque en énonçant que la forme, la taille, la couleur et le sujet des deux flacons sont différents de sorte que visuellement il n’existe aucune similitude, qu’en outre la marinière sur le flacon « Le Mâle » est particulièrement caractéristique et ne se retrouve pas sur le flacon incriminé, que, de plus, le premier renvoie à l’univers de l’élégance masculine tandis que le second fait référence au monde du culturisme et, ce faisant, de n’avoir pas pris en considération les facteurs pertinents dont elle se prévaut ;
Qu’elle tire, à cet égard, argument de la connaissance de la marque sur le marché, de l’identité des produits en cause, de l’accentuation du risque de confusion entre ces produits résultant d’une senteur olfactive très proche attestée par diverses analyses (chromatographiques, organoleptiques, chimiques, physico-chimiques) et du caractère mineur des différences tenant au matériau, à la couleur du flacon, à la coupe et à la taille des flacons litigieux qui n’affectent pas leur ressemblance visuelle, de l’identité de la couleur bleue totalement arbitraire résultant de celle du jus contenu dans le flacon argué de contrefaçon ;
Qu’elle réfute, enfin, l’argumentation adverse tenant à son incapacité à revendiquer un monopole « sur une forme classique de buste » ou « un buste de marin » du fait de son absence de portée puisqu’est revendiqué un signe particulier, ou tenant à l’existence d’autres flacons de parfums, différents et au demeurant de création postérieure, qui ne permettent pas de conclure, selon l’appelante, à la revendication d’un genre, ou au prononcé de décisions de justice dont les dispositions ne peuvent lui être opposés, ou à une prétendue absence de similitude « auditive », s’agissant d’une marque figurative et non point de la marque « Le Mâle » qui n’est pas en cause, ou à une absence de similitude visuelle qui n’est, elle aussi, que prétendue à la faveur d’un raisonnement prenant en compte un emballage non revendiqué ou bien leurs seules différences alors que le flacon incriminé paraît être une déclinaison du signe revendiqué, ou encore à l’absence de similitude conceptuelle résultant de l’évocation d’univers différents alors que les produits en cause sont identiques, ou enfin à « l’absence de confusion possible » telle qu’invoquée alors que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important et que le public pourra croire, du fait de l’impression globale produite et quels que soient les prix, circuits de distribution ou clientèle, que le flacon incriminé est une déclinaison du produit couvert par la marque opposée ;
Que le flacon incriminé ne constituant pas la reproduction à l’identique de la marque qui lui est opposée, il convient de rechercher s’il n’existe pas, entre eux, un risque de confusion (lequel comprend le risque d’association) qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ;
Que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle du signe et de la forme du flacon en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu’à cet égard, il est constant que le risque de confusion est d’autant plus élevé que la marque revendiquée possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits en cause ; qu’il convient d’ajouter qu’un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre le signe et la forme en cause et inversement ;
Que, s’agissant d’abord des produits de parfumerie en cause, désignés à l’enregistrement de la marque revendiquée, d’une part, et commercialisés au moyen du flacon en forme de buste masculin incriminé, d’autre part, leur similitude ne saurait être contestée et ne l’est, d’ailleurs, pas en tant que telle par l’intimée ;
Que l’argumentation de cette dernière tirant de la différence de conditionnement des produits et de leurs conditions de vente à la clientèle une absence de risque de confusion est inopérante dès lors que l’étendue de la protection conférée par la marque est déterminée par son seul enregistrement et qu’il s’agit là d’éléments extérieurs tant aux produits de parfumerie visés à l’enregistrement qu’à ceux commercialisés par l’intimée dans le flacon litigieux proprement dit ;
Que, s’agissant de la comparaison du signe figuratif et de la forme du produit incriminé, la marque figurative revendiquée dont le caractère distinctif est accentué par la connaissance qu’en a le public – élément factuel non contesté par l’intimée qui ne peut valablement évoquer l’appartenance à un genre de ce signe précis – et le flacon incriminé présentent certes, visuellement, des différences tenant à la présence, dans cette marque, de bandes blanches, d’un bassin et d’un fessier non repris dans le flacon incriminé ;
Que ces différences doivent cependant être considérées comme mineures dès lors qu’elles ne sont pas aptes à modifier l’impression visuelle produite par les formes en conflit sur le consommateur, qui n’aura pas simultanément sous les yeux le signe et le flacon, et qui, sans s’attacher aux éléments de détail invoqués, retiendra qu’il se trouve en présence de la représentation de troncs masculins dont la musculature est mise en valeur, d’une même couleur bleutée dont le mode d’obtention est indifférent, à la physionomie similaire du fait de leur commune absence de bras et d’un identique resserrement en partie basse du buste ainsi que de la semblable présence, aux lieu et place de la tête, d’un bouchon cylindrique de même aspect, peu important qu’occasionnellement, soit adjoint au bouchon du flacon incriminé un élément décoratif évoquant un éperon ;
Que l’invocation de l’absence de similitude auditive dont se prévaut l’intimée est sans pertinence compte tenu des termes précis du conflit qui exclut la prise en considération d’éléments verbaux ;
Que, conceptuellement, est dénué de portée l’argument selon lequel, faisant appel à des « canons » différents, le signe protégé évoquerait l’élégance tandis que le flacon incriminé suggérerait des pratiques de culturisme qu’illustreraient les acteurs de cinéma Arnold Z… ou Sylvester A… dès lors que la forte distinctivité de la marque figurative conduira le consommateur à lui associer, du fait de sa physionomie générale, le flacon incriminé qu’il percevra comme une déclinaison de la marque revendiquée ;
Qu’il suit que l’impression d’ensemble qui se dégage de la comparaison globale ainsi menée du signe figuratif revendiqué et du flacon incriminé est propre à générer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur qui sera conduit, en raison de leur proximité visuelle et des facteurs d’association relevés, ceci combiné à l’identité ou à la similarité des produits en cause, à confondre ou, à tout le moins, à associer la marque enregistrée et le flacon incriminé et à leur attribuer une origine commune en forme de déclinaison ;
Que la société BCI est, par voie de conséquence, fondée à se prévaloir de la contrefaçon de sa marque et que doit être infirmé le jugement qui en dispose autrement ;

5) ALORS, en tout état de cause, QUE les juges ne doivent pas dénaturer les conclusions des parties ; qu’en affirmant que la société Attractive F&C n’excipait pas de sa bonne foi ainsi que le lui permettait le dernier alinéa de l’article L 521-2 applicable afin de s’exonérer de sa responsabilité, quand cette société soutenait que la société Coscentra, fabricant du produit « Kindlooks » était propriétaire du modèle incriminé, déposé le 6 avril 1994, soit antérieurement aux dépôts revendiqués par la société BPI dont elle demandait par par ailleurs l’annulation ; qu’en affirmant néanmoins que la société Attractive F&C ne se prévalait pas de sa bonne foi, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile.

6) ALORS, enfin, QUE la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances à condition que celles-ci ne proviennent pas d’un emprunt au domaine public ; qu’en affirmant que le flacon « Kindlooks » constituait une contrefaçon du flacon « Le Mâle », quand il résultait de ses propres constatations que l’idée de conditionner des parfums dans des flacons représentants des bustes de corps humains avait été déclinée à plusieurs reprises par le passé et qu’il existait des différences entre le flacon « Le Mâle » et le flacon « Kindlooks » et sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée (concl. p. 21 à 26), si les ressemblances constatées ne provenaient pas d’un emprunt au domaine public, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 521-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à l’espèce, et L. 713-3 du même code.

 


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