Critère de l’originalité : 16 décembre 2009 Cour d’appel de Paris RG n° 08/05451

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Critère de l’originalité : 16 décembre 2009 Cour d’appel de Paris RG n° 08/05451
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16 décembre 2009
Cour d’appel de Paris
RG n°
08/05451

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 16 DECEMBRE 2009

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 08/05451

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 06/06187

APPELANTE

S.N.C. SODEVAC

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assistée de Me Emmanuel ROSENFELD, avocat au barreau de PARIS, toque : J002, plaidant pour VEIL JOURDE

INTIMEES

S.A.R.L. D’ARCHITECTURES ALLUIN & MAUDUIT

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 158, plaidant pour MARTIN et associés

Societe Civile VALENCIENNES CDV PALM PROMOTION CREER

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par la SCP VERDUN – SEVENO, avoués à la Cour

assistée de Me Sophie COMMERÇON, avocat au barreau de PARIS, toque : A344, plaidant pour [U] [N]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Octobre 2009, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Brigitte CHOKRON et Madame Anne Marie GABER, conseillers, chargées d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Mme Brigitte CHOKRON, Conseiller

Madame Anne-Marie GABER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL

ARRET : CONTRADICTOIRE

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant

été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mme Jacqueline VIGNAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu l’appel interjeté le 14 mars 2008 par la société SODEVAC (SNC), d’un jugement rendu le 9 janvier 2008 par lequel le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 3ème section) a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– dit que ‘la bande active’ telle que formalisée dans la notice de présentation et la notice paysagère annexées au permis de construire du centre commercial ‘COEUR DE VILLE’ à [Localité 4] est une oeuvre originale protégée par les dispositions du Livre I du Code d ela propriété intellectuelle,

– constaté que les travaux d’aménagement des locaux constituant cette bande active ne sont pas conformes à ces notices et portent atteinte au droit à l’intégrité de l’oeuvre de la société ALLUIN ET MAUDUIT ARCHITECTES,

– déclaré la société SODEVAC responsable de cette contrefaçon,

– condamné, sous astreinte, la société SODEVAC à remettre les lieux en conformité avec la notice de présentation et la notice paysagère du permis de construire suivant la liste des non conformités établie par la société d’architecture et reprise dans les motifs du jugement,

– condamné la société SODEVAC à verser à la société ALLUIN ET MAUDUIT ARCHITECTES 1 euro symbolique à titre de dommages-intérêts et 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

– mis hors de cause la société SCI VALENCIENNES ;

Vu les ultimes écritures, signifiées le 16 septembre 2009, aux termes desquelles la société

SODEVAC, poursuivant l’infirmation du jugement déféré, prie la Cour à titre principal, de débouter la société ALLUIN ET MAUDUIT ARCHITECTES de ses demandes, fins et conclusions, à titre subsidiaire de supprimer l’astreinte prononcée, à titre infiniment subsidiaire de réviser cette astreinte pour la porter à la somme de 1 euro ;

Vu les dernières conclusions, signifiées le 19 juin 2009, par lesquelles la société ALLUIN ET MAUDUIT ARCHITECTES (SARL), poursuit pour l’essentiel la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu’il mis hors de cause la SCI VALENCIENNES CDV qui devra être déclarée responsable de la contrefaçon avec la société SODEVAC ;

Vu les dernières écritures, prises en date du 14 septembre 2009, dans l’intérêt de la société SCI VALECIENNE CDV (société civile) aux fins de voir la Cour à titre principal débouter, par infirmation du jugement déféré, la société ALLUIN ET MAUDUIT ARCHITECTES de ses demandes, à titre subsidiaire, par confirmation du jugement entrepris, la mettre hors de cause, à titre infiniment subsidiaire, condamner la société SODEVAC à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 29 septembre 2009 ;

SUR CE, LA COUR

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :

– par une délibération en date du 12 février 1998, le conseil municipal de la ville de [Localité 4] a concédé l’aménagement d’un périmètre du centre ville dénommé ‘îlot coeur de ville’ à la société d’économie mixte (SAEM) COEUR DE VILLE laquelle a conçu le projet d’une vaste opération immobilière comprenant la réalisation d’un centre commercial, d’immeubles à usage d’habitation et de bureaux, d’un parc de stationnement souterrain et lancé à cet effet un concours d’architecture à l’issue duquel a été retenue la société ALLUIN ET MAUDUIT ARCHITECTES,

– celle-ci a contracté le 26 février 2001 avec la SCI VALENCIENNES CDV, en charge de la promotion immobilière, et déposé pour le compte de cette dernière une demande de permis de construire satisfaite par arrêté du 22 avril 2003,

– la SCI VALENCIENNES CDV a vendu en l’état futur d’achèvement à la société SODEVAC le lot n° 2 de l’ensemble immobilier, correspondant au centre commercial, aux termes d’un acte authentique du 2 décembre 2003 stipulant que les locaux commerciaux seraient livrés bruts de gros oeuvre, leur aménagement intérieur relevant ainsi de l’acquéreur ou des preneurs à bail,

– le centre commercial a été inauguré le 18 avril 2006,

– suivant actes des 7 et 14 avril 2006, la société ALLUIN ET MAUDUIT ARCHITECTES, invoquant une altération du parti- pris architectural résidant dans la mise en oeuvre d’un concept de ‘bande active’, a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés SCI VALENCIENNES CDV et SODEVAC en réparation de l’atteinte portée au droit moral de l’auteur,

– c’est dans ces circonstances qu’est née la présente instance ;

Considérant qu’aux termes de l’article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ;

Que ce droit est conféré, selon l’article L112-1 du même Code, à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, que sont notamment considérées comme oeuvres de l’esprit, en vertu de l’article L 112-2-7°, les oeuvres d’architecture ;

Qu’il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale ;

Considérant en l’espèce, que la société d’architectes ALLUIN ET MAUDUIT revendique la protection par le droit d’auteur de son projet architectural pour l’opération ‘COEUR DE VILLE’ dont l’originalité aurait pour siège la création d’une ‘bande active’ conçue pour traiter les façades sur rue de la galerie commerciale ;

Qu’elle expose à cet égard (page 13 de ses dernières écritures), que le problème majeur posé par l’implantation d’une galerie commerciale en centre ville réside dans le risque de rupture avec l’environnement urbain à raison de l’orientation des façades des commerces vers le mail central et de l’opacité des parois périphériques ; que son projet architectural propose de résoudre ce problème par la mise en place d’une ‘bande active’ de trois à cinq mètres de profondeur, adossée aux parois périphériques du bâtiment et ouverte sur la rue, dans laquelle seront intégrés des petits équipements urbains (cabines téléphoniques, terminaux de paiement, arrêts de bus, bornes de taxi, etc…) et aménagées des surfaces d’activité (échoppes de taille modeste, locaux d’artisanat, petites unités de bureaux et services ) ;

Qu’elle précise en page 33 du document intitulé ‘opération COEUR DE VILLE à [Localité 4]- genèse et développement de la bande active’, qu’elle verse aux débats en pièce 18 et auquel elle se réfère expressément dans ses écritures, que les activités de la bande active sont indépendantes de celles de la galerie commerciale, l’espace servant de la galerie commerciale étant le mail central tandis que l’espace servant de la ‘bande active’ est l’espace public formé par le corps de rue, qu’à cet effet, les locaux de la ‘bande active’ ont un usage réglementé de sorte qu’ils ne puissent pas être, avec l’usage, assimilés à des surfaces commerciales de la galerie ;

Or considérant, en premier lieu, que la société d’architectes n’est pas recevable à prétendre s’approprier l’idée de favoriser l’intégration d’une galerie commerciale dans son environnement urbain par un traitement des façades, laquelle appartient aux initiateurs du programme ‘COEUR DE VILLE’ ainsi qu’il ressort du cahier des charges remis aux architectes concurrents aux termes duquel l’expression des façades est considérée comme très importante pour aboutir à la meilleure insertion du projet (…) un soin et une recherche toute particulière doivent être effectués sur les deux niveaux de commerce (RDC et R+1) (…) Il est donc souhaité que les façades ne soient pas en rupture avec l’ambiance d’une rue commerçante ;

Et considérant, en second lieu, qu’elle n’est pas davantage fondée à revendiquer l’éligibilité au statut d’oeuvre de l’esprit du ‘concept original de bande active’ ou du ‘principe de bande active’ qu’elle invoque dans le document précédemment cité intitulé ‘genèse et développement de la bande active’ comme constituant ‘sa réponse’ ou ‘sa solution’ à la question de l’insertion d’une galerie commerciale en centre urbain force étant de rappeler que le droit d’auteur n’a pas vocation à protéger un concept, un principe, une réponse ou une solution mais la forme sous laquelle ils sont exprimés et encore faut-il que cette forme soit originale c’est à dire empreinte de la personnalité de son auteur ;

Considérant qu’il importe dès lors de rechercher si la mise en forme par les architectes ALLUIN ET MAUDUIT du concept de ‘bande active’ présente le caractère d’originalité requis pour prétendre accéder au rang d’oeuvre de l’esprit comme telle éligible à la protection par le droit d’auteur ;

Considérant qu’aux termes du jugement déféré, dont la société d’architectes intimée poursuit sur ce point la confirmation, les premiers juges ont conclu à la protection par le droit d’auteur de la ‘bande active’ telle que formalisée dans la notice de présentation et la notice paysagère annexées au permis de construire de l’ensemble immobilier ‘COEUR DE VILLE’ ;

Mais considérant qu’il ressort de l’examen du permis de construire délivré en date du 22 avril 2003 versé aux débats par la société ALLUIN ET MAUDUIT en pièce n° 3 que celui-ci a été accordé pour le projet décrit dans la demande susvisée, qu’il ne comporte en annexe ni notice de présentation ni notice paysagère mais un courrier de l’architecte des bâtiments de France du 15 juillet 2002 aux termes duquel les préconisations des architectes figurant dans la notice de présentation et dans la notice paysagère visées le 3 juin 2002 par le service départemental de l’architecture et du patrimoine du Nord seront intégralement respectées ;

que force est d’observer par ailleurs que le projet tel que décrit dans la demande de permis de construire et objet de l’arrêté de permis de construire n’est pas versé aux débats, que le plan versé en pièce n° 2-2 intitulé ‘rez-de-chaussée bande active’ mentionne une modification intervenue en octobre 2002 de sorte qu’il n’est pas susceptible de constituer la notice de présentation, visée le 3 juin 2002, évoquée à l’arrêté de permis de construire, que le plan produit en pièce n°19 intitulé ‘coupes sur la bande active’ porte la date de janvier 2007 et ne saurait par voie de conséquence être retenu comme identifiant la création architecturale revendiquée, qu’il est par contre produit aux débats en pièce n° 5 un document intitulé ‘notice paysagère’ en date du février 2002 qui mérite d’être examiné au regard de l’exigence d’originalité requise par le droit d’auteur ;

qu’il importe à cet égard de préciser, tant la société d’architectes ajoute à la confusion en invoquant de prétendus défauts de conformité au permis de construire qui ne concernent aucunement la présente action, engagée sous le grief de dénaturation d’une oeuvre de l’esprit et qui, en tout état de cause, ne relèvent pas de la présente juridiction, que la circonstance selon laquelle l’arrêté de permis de construire impose le respect des préconisations des architectes énoncées à la notice de présentation et à la notice paysagère est radicalement inopérante à conférer à ces préconisations le statut d’oeuvres de l’esprit ;

Considérant que la notice paysagère précédemment évoquée comporte en paragraphe 3 des prescriptions particulières relatives à la bande active aux termes desquelles l’usage de certaines parties de la bande active sera contraint par un cahier des charges, à produire au plus tard à l’achèvement des travaux, et rendu opposable par le pétitionnaire à leur acquéreur qui s’oblige à en faire respecter les contraintes à tout occupant de manière à garantir le respect des prescriptions suivantes :

Considérant que les prescriptions en cause distinguent entre a) les locaux à usage réglementé, b) les locaux-vitrines des moyennes unités, c) les locaux-vitrines de la galerie commerciale, d) les locaux indépendants, e) les vitrines spécifiques ; qu’elles prévoient essentiellement, pour les trois premières catégories de locaux le maintien du vitrage clair et transparent en façade, l’absence de tout système d’occultation opaque ou translucide, l’absence de tout aménagement intérieur fixe, un type d’éclairage, un niveau d’éclairement artificiel et une durée journalière d’éclairement identiques à ceux de la surface de vente qui leur est attachée, pour les locaux indépendants un accès direct depuis la rue, une activité commerciale indépendante de la galerie commerciale, le maintien d’un vitrage clair et transparent en façade, l’absence de cloisonnement intérieur, l’absence de tout système d’occultation et pour les vitrines spécifiques, un éclairage artificiel permanent, un aménagement intérieur à vocation exclusivement culturelle pour les vitrines V1 et V2 ;

Or considérant qu’un tel catalogue de prescriptions destinées à réglementer les modalités de l’aménagement et de l’utilisation des surfaces d’activités de la galerie marchande ne permet pas d’identifier la physionomie propre d’une oeuvre architecturale et, partant, de caractériser la création d’une forme originale ouvrant droit au bénéfice des dispositions du Livre I du Code de la propriété intellectuelle ;

qu’il s’ensuit, par infirmation du jugement entrepris, que les non-conformités au cahier des charges opposées par la société d’architectes à la société SODEVAC et à la SCI VALENCIENNES CDV, fussent-elles tenues pour établies au regard d’un constat d’huissier non contradictoire du 20 juin 2006, ne sont pas susceptibles d’être sanctionnées au fondement d’une atteinte au droit, conféré à l’auteur, au respect de son oeuvre ;

Considérant que l’équité ne commande pas de faire droit aux demandes respectivement formées en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

 


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