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12 juin 2014
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
12/20444
COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 12 JUIN 2014
N° 2014/295
Rôle N° 12/20444
SA V. MANE FILS
C/
[C] [L]
Grosse délivrée
le :
à :
-Me TARI
-SCP BOISSONNET ROUSSEAU.
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Septembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 09/03063.
APPELANTE
SA V. MANE FILS,
demeurant [Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Olivier TARI, avocat au barreau de MARSEILLE et plaidant par Me Jean-Pierre STOULS, avocat au barreau de LYON.
INTIME
Monsieur [C] [L] Ayant élu domicile en l’étude de la SCP TREIBER-JULIEN-NONCLERCQ REGINA-LALEURE, Huissiers de Justice à CANNES, par le ministère de Maître [X] [V], Huissier de Justice associé de ladite SCP, [Adresse 3]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 7] (CHINE),
demeurant [Adresse 9]
[Localité 8] / CHINE
représenté par Me Bruno BOISSONNET de la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 17 Avril 2014 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2014,
Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
F A I T S – P R O C E D U R E – D E M A N D E S :
La S.A. V. MANE FILS ayant son siège à [Localité 4] (06) a embauché :
– le 26 juillet 1989 Monsieur [D] [I] en qualité de cadre technicien commercial étranger [le contrat de travail a été rompu puis une transaction entre ces 2 parties est intervenue le 20 avril 2008];
– le 24 janvier ou 28 septembre 1994 Monsieur [C] [L] de nationalité française; un contrat de travail signé le 2 octobre 1998 a organisé l’expatriation de ce salarié dans la fonction de Directeur Général du bureau de représentation de cette société à BEIJING (Chine).
Monsieur [L] a été licencié le 20 janvier 2003 pour faute grave; la contestation de ce licenciement a été rejeté par le Conseil de Prud’hommes de GRASSE dans un jugement du 21 janvier 2004, mais accueillie par un arrêt de la 17ème chambre de cette Cour du 12 juin 2006 qui l’a dit dépourvu de cause réelle et sérieuse parce que la société MANE a rompu de fait le contrat de travail par un licenciement informel intervenu avant celui précité, et a alloué à Monsieur [L] les sommes de 150 000 € 00 à titre de dommages et intérêts et de 10 000 € 00 à titre de dommages et intérêts supplémentaires en réparation du préjudice moral. Le pourvoi en cassation formé par la société MANE a été déclaré non admis le 31 mars 2009.
Le 16 octobre 2006 cette société a déposé contre X une plainte avec constitution de partie civile auprès du Doyen des Juges d’Instruction du Tribunal de Grande Instance de GRASSE pour vol et escroquerie. Monsieur [L] a été entendu en qualité de témoin assisté, puis une ordonnance de non-lieu a été rendue le 13 juillet 2007. Sur appel de cette société la 12ème chambre de l’instruction de cette Cour a par arrêt du 8 novembre 2007 annulé cette ordonnance, évoqué, et dit n’y avoir lieu à suivre des chefs de recel de vols de formules de parfum de la société MANE avec apport à la société chinoise WELFINE et utilisation par la société AROMAX, et d’escroquerie au jugement. Le pourvoi formé par la société MANE a été déclaré non admis par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation dans un arrêt du 16 septembre 2008.
Par ordonnance du 31 octobre 2006 le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de GRASSE a autorisé la société MANE à pratiquer une saisie conservatoire pour la somme de 300 000 € 00 sur la créance prud’homale dont dispose Monsieur [L] sur elle-même; cette mesure a été réalisée le 3 novembre. Un jugement du 6 mars 2007 rendu par ce Magistrat a cantonné cette saisie, mais a été infirmé par un arrêt de la 15ème chambre A de cette Cour du 7 septembre 2007 qui a rétracté cette ordonnance et ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire au motif que l’existence d’une créance fondée en son principe en faveur de la société MANE sur Monsieur [L] n’est pas établie.
Une ordonnance rendue le 23 mai 2007 par le Juge de l’Exécution précité a autorisé la société MANE à inscrire une hypothèque provisoire sur un bien immobilier de Monsieur [L], mais a été rétractée par ce Magistrat dans un jugement du 4 mars 2008.
La société MANE, qui soupçonne une contrefaçon de 91 de ses formules d’arômes et de parfums, a présenté pour 73 d’entre elles une requête en saisie contrefaçon aux sièges de la société AROMAX à SOPHIA ANTIPOLIS et de la société SENTAROMATIQUE à ST VALLIER DE THEY, ainsi qu’aux domiciles respectifs de Messieurs [I] et [L] à [Adresse 5]; cette requête a été accueillie par le Président du Tribunal de Grande Instance de GRASSE dans une ordonnance du 29 août 2007.
Le procès-verbal de saisie-contrefaçon par Huissier de Justice sur 15 formules a été établi les 14, 17 et 18 septembre 2007 dans les locaux de la société SENTAROMATIQUE.
Le 25 septembre 2007 la société MANE a assigné la société SENTAROMATIQUE et Monsieur [L] en contrefaçon de droits d’auteurs, concurrence déloyale et détournement de savoir faire devant le Tribunal de Commerce de NICE qui par jugement du 17 avril 2009 s’est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de GRASSE; ce dernier par jugement du 11 septembre 2012 a notamment :
* constaté l’extinction de l’instance engagée à l’encontre de la société SENTAROMATIQUE par l’effet du désistement de la société MANE, un protocole de transaction ayant été conclu entre ces 2 sociétés le 17 janvier 2008;
* dit que Monsieur [L], faute de justifier que l’exception de procédure tirée de la nullité de l’assignation survient ou s’est révélée postérieurement au dessaisissement du Juge de la Mise en Etat, n’est plus recevable à la présenter devant le juge du fond;
* sur la nullité des opérations de saisie-contrefaçon :
– dit et jugé que le moyen de nullité tiré du défaut de remise préalable de la copie de l’ordonnance est soumis au régimes des nullités de forme de l’article 112 du Code de Procédure Civile qui exige la démonstration d’un grief;
– constaté que l’article R. 615-2 alinéa 2 du Code de la Propriété Intellectuelle impose à l’Huissier de Justice de donner copie de l’ordonnance au détenteur des objets à saisir ou décrire;
– dit et jugé que l’Huissier de Justice n’a pas l’obligation de notifier l’ordonnance à une personne autre que celle chez laquelle doit être effectuée la saisie, telle que le propriétaire des biens saisis ou la partie poursuivie en contrefaçon;
– constaté que la saisie-contrefaçon au domicile grassois de Monsieur [L] n’a pas eu lieu dans la mesure où le bien immobilier était donné à bail à un tiers qui a justifié de sa qualité de locataire en vertu d’un contrat de bail d’habitation;
– dit et jugé que Monsieur [L] ne peut justifier d’aucun grief tiré de l’absence de remise du procès-verbal de saisie-contrefaçon;
– dit et jugé que l’article R. 615-2-1 prévoit expressément prévu [‘] du procès-verbal doit être laissée [‘] aux détenteurs des objets saisis ou décrits;
– dit et jugé qu’aucune saisie n’ayant été opérée au domicile de Monsieur [L] à Grasse il ne peut invoquer aucune nullité tenant à l’absence de remise de la copie du procès-verbal de saisie;
* sur le fond :
– dit et jugé que la société MANE ne présente aucun argumentaire tendant à établir le caractère original des formules de parfums et arômes dont la contrefaçon est alléguée;
– dit et jugé que ces formules ne peuvent bénéficier de la protection des oeuvres de l’esprit;
– débouté la société MANE de sa demande contre Monsieur [L] pour actes de contrefaçon d’une oeuvre de l’esprit;
– débouté la même de sa demande contre le même pour actes de concurrence déloyale, faute d’une activité économique du second à titre personnel;
– débouté la société MANE de sa demande de condamnation de Monsieur [L] en paiement d’une somme provisionnelle de 500 000 € 00;
– dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de cette société tendant à voir instaurer une mesure d’expertise;
– débouté Monsieur [L] de sa demande tendant à voir la société MANE condamnée au paiement de sommes pour procédure abusive;
– débouté le même de sa demande tendant à voir ordonner sur l’affichage du jugement au siège de la société MANE et à la porte d’entrée de tous les établissements qu’elle exploite dans le monde et notamment en Asie;
* condamné la société MANE à payer à Monsieur [L] la somme de 3 000 € 00 au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
La S.A. V. MANE FILS a régulièrement interjeté appel le 29-30 octobre 2012. Par conclusions du 21 mars 2014 elle soutient notamment que :
– ses formulations d’arômes et de parfums sont originales et se distinguent de ses concurrents par des sigles, abréviations et codes;
– ses droits d’auteurs ont été violés par son salarié Monsieur [L] d’abord par l’activité de la société chinoise BEIJING SHIJI KANGDI gérée par son épouse, puis par son poste de président directeur général rémunéré de la société chinoise WELFINE FINE CHEMICALS, qui développe et produit des arômes naturels et artificiels et à qui il a apporté un capital de 3 000 000 RMB constitué par des formules aromatiques; Monsieur [L] est un commercial qui n’a aucune formation ni expérience dans le domaine de la chimie et encore moins dans les parfums et arômes et n’est pas un formulateur; le même a soustrait frauduleusement les formules d’elle-même pour les apporter à la société WELFINE FINE CHEMICALS; cette société a commandé à la société AROMAX, qui sous-traitait à la société SENTAROMATIQUE, les formules SODMILK et GRAPE qui s’avèrent être les siennes;
– le procès-verbal de saisie contrefaçon chez la société SENTAROMATIQUE transcrit une déclaration de celle-ci confirmant ces commandes, et l’expert chimiste [P] présent a constaté des similarités entre les formules, appellations et références; la société WELFINE FINE CHEMICALS est une client importante de cette société; l’expert informatique [M] a mis à jour l’existence d’un fichier de la société SENTAROMATIQUE contenant la liste des 2 250 matières premières d’elle-même avec leurs codes, désignations internes et prix de revient;
– la sommation interpellative du 20 juin 2008 relate des mails et correspondances entre Messieurs [L], [I] et [T] [E] ce dernier de la société AROMAX;
– un parfum et un arôme constitué d’une formule aromatique constitue une oeuvre originale permettant sa protection par le droit d’auteur; l’exploitation par elle-même fait présumer sa qualité d’auteur et l’originalité de son oeuvre; il appartient à Monsieur [L] d’établir le défaut d’originalité; la contrefaçon par celui-ci a été clairement établie;
– Monsieur [L] a détourné à son profit le savoir faire d’elle-même pour l’apporter dans ses sociétés en Chine, et commercer directement avec les sociétés AROMAX et SENTAROMATIQUE pour faire fabriquer à son profit des compositions sur la base du savoir faire qu’il a pillé; l’auteur d’actes de concurrence déloyale peut être une personne physique; la situation de concurrence entre les personnes en litige n’est plus exigée;
– elle a fait délivrer l’assignation de Monsieur [L] à son adresse française, lequel l’a bien reçue; celui-ci ne justifie d’aucun grief, et a obtenu la compétence territoriale du Tribunal de Grande Instance de GRASSE qu’il voulait.
L’appelante demande à la Cour de réformer le jugement et vu les articles L. 111-1, L. 332-1, L. 335-2, L. 335-3 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, 1382 et suivants du Code Civil, de :
– dire que Monsieur [L] a commis des actes de contrefaçon;
– dire que le même a commis des actes de concurrence déloyale;
– interdire à Monsieur [L] tout usage des formules appartenant à elle et toute importation, exportation et vente desdites formules et des matières premières pouvant servir à la fabrication, en un autre lieu, des produits copiés et de produits fabriqués à partir de celles-ci, et ce sous astreinte de 1 500 € 00 par infraction constatée à compter de la signification ;
– condamner Monsieur [L] à la somme provisionnelle de 500 000 € 00 en réparation des préjudices subis au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale subis par elle, à parfaire à titre d’expert;
– débouter Monsieur [L] de toutes prétentions;
– instituer une expertise pour évaluer les préjudices subis;
– l’autoriser à publier l’arrêt dans trois journaux ou magazines professionnels ou grand public, sans que le coût total des insertions n’excède la somme de 20 000 € 00 H.T., aux frais exclusifs de Monsieur [L];
– condamner ce dernier à la somme de 15 000 € 00 par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Concluant le 24 mars 2014 Monsieur [C] [L] répond notamment que :
– depuis son licenciement du 20 janvier 2003 il a une adresse en Chine que connaît la société MANE, ayant mis en location son appartement de GRASSE; en l’assignant sans raison devant le Tribunal de Commerce de NICE celle-ci a cherché à choisir le lieu de son action;
– cette assignation du 25 septembre 2007 est nulle car délivrée à GRASSE où il n’habitait plus;
– les réclamations de la société MANE ont déjà été rejetées par la Chambre Sociale, la Chambre de l’Instruction et la Chambre de l’Exécution, les 2 dernières ayant jugé définitivement qu’elle n’avait aucun droit sur le titre fondant son action en contrefaçon;
– l’ordonnance sur requête en saisie contrefaçon ne lui a pas été remise ni dénoncée, ce qui est un vice de forme lui ayant causé un préjudice puisqu’il n’a pu se pourvoir en rétractation de cette décision; le procès-verbal de saisie contrefaçon ne lui a pas non plus été remis, ce qui constitue une nullité de fond;
– la société MANE ne donne pour son préjudice pharaonique aucun justificatif, aucun compte et aucun bilan;
– le témoignage [G] produit par cette société n’est pas conforme au Code de Procédure Civile car il n’est pas manuscrit.
L’intime demande à la Cour de :
– lui donner acte de ses contestations réitérées quant aux allégations de fraude proférées à son égard;
– dire nulle l’assignation introductive d’instance du 25 septembre 2007 en l’état de la fraude existant au niveau de son adresse et du préjudice qui en est résulté pour lui;
– dire nulles les opérations de saisie pratiquées par l’Huissier de Justice les 14, 17 et 18 septembre 2007;
– condamner la société MANE sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil au paiement de la somme de 100 000 € 00 à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;
– ordonner la publication de l’arrêt sur les portes d’entrée du siège de la société MANE et de tous les établissements de celle-ci dans le monde, notamment en Chine;
– dire que la Cour sera compétente pour liquider l’astreinte qui sera ordonnée de 1 500 € 00 par jour de retard pour la publication dans chaque établissement;
– condamner la société MANE au paiement de la somme de 20 000 € 00 au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2014.
———————-
M O T I F S D E L ‘ A R R E T :
Le présent litige, s’il oppose la société MANE à Monsieur [L] comme l’avaient fait ceux jugés par les juridictions sociales, d’instruction et de l’exécution, est distinct de ces derniers puisque son objet est la contrefaçon de droits d’auteur de la première ainsi que la concurrence déloyale commise par le second, cet objet étant différent de ceux déjà jugés par d’autres juridictions.
Par ailleurs la Cour n’a pas à donner acte à Monsieur [L] de ses contestations réitérées quant aux allégations de fraude proférées à son égard, car elle juge en condamnant et en déboutant, et n’a donc pas à donner acte à une partie de quoique que ce soit.
Sur l’assignation introductive d’instance du 25 septembre 2007 devant le Tribunal de Commerce de NICE :
La nullité d’un acte de procédure ‘ne peut être prononcée qu’à charge pour [la partie] qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité’, ainsi que le prescrit l’article 114 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Cete assignation à la demande de la société MANE a été délivrée à Monsieur [L] à l’adresse de ce dernier soit ème étage Appt 36 à [Localité 6]> où cependant il ne demeurait plus, d’où l’établissement par l’Huissier de Justice d’un procès-verbal de recherches infructueuses de l’article 659 du Code de Procédure Civile.
Suite au jugement de cette juridiction du 17 avril 2009 se déclarant incompétente au profit du Tribunal de Grande Instance de NICE, Monsieur [L] a constitué Avocat et a conclu pour la première fois le 15 avril 2010.
Aucun grief n’est ainsi démontré par Monsieur [L] à l’appui de sa demande de nullité de l’assignation, ce qui conduit la Cour à confirmer bien que pour un autre motif la disposition du jugement ayant écarté cette demande.
Sur le procès-verbal de saisie contrefaçon des 14, 17 et 18 septembre 2007 :
Ce procès-verbal ne relate aucune opération au domicile précité de Monsieur [L] ni à un autre, et ne contient aucune saisie de biens de ce dernier. Par suite il n’avait pas à être communiqué à l’intéressé, non plus que l’ordonnance du 29 août 2007 ayant autorisé cette saisie. Le jugement est donc confirmé pour avoir débouté Monsieur [L] de sa demande en nullité tant de l’ordonnance que du procès-verbal.
Ces 2 pièces ont été communiquées par la société MANE dans le cadre de l’instance ce qui fait que Monsieur [L] a pu en prendre connaissance et argumenter sur leur contenu; elles font donc parties du débat y compris devant cette Cour.
Sur la contrefaçon des droits d’auteur de la société MANE :
Selon l’article L. 113-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ‘La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée’; le seul fait que la société MANE ait incontestablement divulgué les formules d’arômes et de parfums objets du litige ne suffit pas à leur attribuer le qualificatif d’oeuvres protégeables par le droit d’auteur, celles-ci exigeant conformément à l’article L. 111-1 alinéa 1 du même Code un caractère original qui doit être prouvée par cette société; or celle-ci ne rapporte nullement la preuve que ses formules qu’elle a mises au point, et qui sont au nombre de 91 ou de 73 dans la requête en saisie contrefaçon mais de seulement 15 dans le procès-verbal subséquent, portent l’empreinte et le reflet de sa personnalité; en effet aucune pièce communiquée par la société MANE ne permet d’établir que ces formules se distinguent de celles antérieures mises au point par d’autres entreprises de parfumerie.
C’est en conséquence à bon droit que le Tribunal de Grande Instance a débouté la société MANE de sa demande contre Monsieur [L] en contrefaçon d’oeuvres bénéficiant du droit d’auteur.
Sur la concurrence déloyale par Monsieur [L] :
Cette faute civile de l’article 1382 du Code Civil est caractérisée notamment par le fait pour une personne de détourner illicitement le travail et la clientèle d’autrui afin de profiter de ses efforts sans bourse délier et d’entretenir une confusion entre les produits respectifs.
Le procès-verbal de saisie contrefaçon des 14, 17 et 18 septembre 2007 relatif à des opérations s’étant déroulées dans les locaux de la société SENTAROMATIQUE, en présence de Messieurs [P] et [M] respectivement expert chimiste et expert informatique, a permis d’établir les éléments suivants :
– cette société reçoit de la société AROMAX des formules lui permettant de fabriquer à façon des produits finis récupérés ensuite par celle-ci;
– il existe entre 15 formules de la société SENTAROMATIQUE et 15 de la société MANE des identités pour 5, des similarités pour 4, des similarités avec des ajouts pour 1, des similarités et dans l’ordre pour 1, des similarités enrichies pour 2, et de grosses similitudes pour 2;
– la société SENTAROMATIQUE a émis en 2003 et 2004 des factures contre la société AROMAX, et les sociétés chinoises WELFINE FINE CHEMICALS et XINJIANG XINJIN TRADING;
– de très nombreux courriels ont été échangés en 2003 et 2004 entre Monsieur [T] [E] gérant de la société AROMAX et Monsieur [L] quant à des formules d’arômes et de parfums, ce gérant ayant indiqué sur sommation interpellative du 20 juin 2008 que sa société avait entretenu ces 2 années-là des relations avec Monsieur [L] pour l’alimenter en ‘matières premières parfums et arômes’.
Par ailleurs les recherches sur les sociétés chinoises ont permis à la société MANE de rapporter la preuve que Monsieur [L] a un rôle prépondérant dans :
– la société BEIJING SHIJI KANGDI Industrial & Commercial Co., aussi nommée BEIJING CENTURY SCANDIA Enterprise Co. Ltd, dont la représentante légale est son épouse;
– la société WELFINE FINE CHEMICALS (BEIJING) Co. Ltd enregistrée le 26 mai 2003, dont il est le représentant légal.
L’activité exercée par Monsieur [L] même comme animateur de ces 2 sociétés chinoises a pour effet, par l’intermédiaire des sociétés SENTAROMATIQUE et AROMAX qu’il alimente en éléments permettant de réaliser des arômes et des parfums, de concurrencer déloyalement la société MANE en entretenant sciemment la confusion entre ces 2 produits de ces sociétés chinoises et ceux de la société MANE, alors qu’elle l’a licencié ce qui lui interdit de faire un usage détourné des produits de celle-ci; en outre Monsieur [L] ne conteste pas ces agissements déloyaux.
C’est par suite à juste titre que la société MANE a agi en concurrence déloyale contre Monsieur [L].
Sur les autres demandes de la société MANE :
Les pièces communiquées par celle-ci sont suffisantes pour permettre à la Cour de chiffrer le préjudice de la société MANE à la somme de 50 000 € 00 sans qu’il soit besoin de recourir préalablement à la mesure d’expertise sollicitée par celle-ci.
La demande de cette société en publication de l’arrêt est justifiée car cette mesure constitue un complément de réparation du dommage subi.
Enfin ni l’équité, ni la situation économique de Monsieur [L], ne permettent de rejeter en totalité la demande faite par la société MANE par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
———————
D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Infirme le jugement du 11 septembre 2012 pour avoir :
* débouté la S.A. V. MANE FILS de sa demande tendant à voir dire et juger que Monsieur [C] [L] a commis des actes de concurrence déloyale;
* condamné la S.A. V. MANE FILS à payer à Monsieur [C] [L] la somme de
3 000 € 00 au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile;
* condamné la S.A. V. MANE FILS aux entiers dépens.
Confirme tout le reste du jugement.
Condamne Monsieur [C] [L] à payer à la S.A. V. MANE FILS :
* la somme de 50 000 € 00 à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale;
* une indemnité de 6 000 € 00 par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Interdit à Monsieur [C] [L] tout usage des formules appartenant à la S.A. V. MANE FILS et toute importation, exportation et vente desdites formules et des matières premières pouvant servir à la fabrication, en un autre lieu, des produits copiés et de produits fabriqués à partir de celles-ci, et ce sous astreinte provisoire de 1 500 € 00 par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt.
Ordonne la publication du présent arrêt dans trois journaux ou magazines professionnels ou grand public au choix de la S.A. V. MANE FILS et aux frais de Monsieur [C] [L], sans que le coût total de ces publications n’excède la somme de 20 000 € 00 H.T.
Rejette toutes autres demandes.
Condamne Monsieur [C] [L] aux entiers dépens, avec application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT