Crimes contre l’humanité : 19 octobre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 20-84.127

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Crimes contre l’humanité : 19 octobre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 20-84.127

N° F 20-84.127 F-D

N° 01236

CK
19 OCTOBRE 2021

DECHEANCE
REJET
NON ADMISSION
CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 OCTOBRE 2021

Les associations Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), Union des étudiants juifs de France (UEJF) et J’accuse Action internationale pour la Justice (AIPJ), parties civiles, et M. [D] [K] dit [U] ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-7, en date du 25 juin 2020, qui, pour contestation de l’existence de crime contre l’humanité a condamné M. [K] à 100 jours-amende à 50 euros, déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l’UEJF et débouté les autres parties civiles de leurs demandes après relaxe de M. [O] [Z] du chef de complicité de contestation de l’existence de crime contre l’humanité.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ampliatif et personnel, et des mémoires en défense ont été produits.

Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat des associations Union des étudiants juifs de France (UEJF) et J’accuse Action internationale pour la Justice (AIPJ), les observations de Me Laurent Goldman, avocat de l’association Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Dary, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par arrêt du 18 janvier 2018, devenu définitif, la cour d’appel de Paris a condamné M. [K] dit [U] des chefs d’injure publique à caractère racial ou religieux et de contestation de l’existence de crime contre l’humanité pour avoir, le 3 avril 2016, publié à l’adresse [01].fr, la une d’un journal intitulé « Chutzpah Hebdo » composé d’un dessin représentant le visage souriant de Charlie Chaplin devant le symbole judaïque de l’étoile de David, ainsi que du savon, un abat-jour, une chaussure et une perruque, liés à des bulles indiquant « ici », « là » et « et là aussi » en réponse à la question posée par le personnage « Shoah où t’es ? », dessin comportant également un encart « historiens déboussolés ».

3. Le 24 janvier 2018, plusieurs associations ont signalé au parquet de Paris la publication par M. [Z], avocat de M. [K] dit [U], sur le site « [01] » de son client, du texte des conclusions qui avaient été déposées devant la cour d’appel à l’audience du 9 novembre 2017, lors de ce procès, cette publication étant annoncée dans une vidéo et reproduisant deux fois le dessin condamné, faits susceptibles de constituer les délits de contestation de crime contre l’humanité.

4. M. [K] dit [U] a été cité, à l’initiative du procureur de la République, devant le tribunal correctionnel en qualité de directeur de publication du site internet « www.[01].fr », du chef de contestation de crimes contre l’humanité pour avoir publié un article intitulé « Trois mois de prison ferme requis contre [D] [U] pour le dessin « Shoah où t’es ? »» contenant les propos suivants : « Chaussure et cheveux font référence aux lieux de mémoire organisés comme des lieux de pèlerinage. On y met en scène des amoncellements de ces objets, afin de frapper les imaginations. Au musée de l’Holocauste à [Localité 3] la légende du tas de chaussure dit : « We’re the last witnesses ». La coupe des cheveux se pratique dans tous les lieux de concentration et s’explique par l’hygiène, sans laquelle les parasites et la vermine tels les poux prolifèrent, véhicules de virus comme le typhus, synonymes de maladie et de mort. Sur l’histoire de ces cheveux lire [M] [Q], Les cheveux d’Auschwitz. La récupération des chaussures est normale : en temps de pénurie tout est recyclé. Savon et abat-jour font référence à la propagande de guerre. Au procès de [Localité 2] les ennemis de l’Allemagne vaincue sont allés jusqu’à accuser les Allemands d’avoir produit du savon avec la graisse de juifs, et d’avoir confectionné un abat-jour de peau juive. En fait de peau, il s’agissait de cuir de chèvre ou maroquin (expertise demandée par [V] [I], Général) ; quant au savon, lire [M] [Q] Le savon juif. Et [A] [S], La destruction des juifs d’Europe, Fayard, 1988, page 837, note 27 : « La rumeur relative au savon semble avoir été particulièrement insistante. (…) La rumeur du savon se perpétua même après la guerre. Des savonnettes, qui auraient été confectionnées avec la graisse de Juifs morts sont conservées en Israël et par Yivo Institute de New York. » [C] [Y] voyait dans le savon « le produit d’une lugubre imagination sans aucun fondement, née au milieu des horreurs des camps» ».

5. M. [Z] a été cité, dans les mêmes conditions, du chef de complicité de ce délit.

6. Les juges du premier degré ont déclaré coupables et condamné les deux prévenus qui ont relevé appel de cette décision ainsi que le ministère public.

Déchéance des pourvois formés par la LICRA et le MRAP

7. La LICRA et le MRAP n’ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchus de leurs pourvois par application de l’article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen proposé par M. [K] dit [U] et sur le moyen proposé pour l’AIPJ

8. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen proposé par M. [K] dit [U]

Enoncé du moyen

9. Le moyen est pris de la violation de l’article 41 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

10. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré le prévenu coupable du délit de contestation de crimes contre l’humanité, alors que, en droit, l’article 41 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que « ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage (…) le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires (…). » Qu’en l’espèce, la cour d’appel relevait que l’article litigieux reprenait une partie du jugement du 14 mars 2017, jugement querellé par les conclusions publiées, et que par conséquent la thèse adverse de celle du conseil de [K] dit [U] était exposée directement ; que la reproduction du jugement donnait au lecteur l’information nécessaire pour se faire une opinion personnelle et se faire seul juge du différend opposant le conseil de M. [K] dit [U] et le jugement entrepris ; qu’en outre, les adversaires de M. [K] dit [U] auraient pu exercer un droit de réponse ; qu’enfin, les conclusions elles-mêmes avaient été remises en question au plan déontologique et il s’agissait d’informer le grand public de leur teneur ; que par conséquent la publication incriminée constituait un compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires ; qu’il ressort de ce qui précède que la cour d’appel a violé l’article susvisé ; que la cassation est encourue de ce chef.

 


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