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Caractérise un manquement à l’obligation de loyauté le fait pour un salarié d’utiliser les moyens obtenus dans le cadre de son travail pour mettre en place une structure destinée à concurrencer son employeur.
Même en l’absence d’une clause d’exclusivité insérée au contrat de travail, l’obligation général de loyauté lui interdisait de développer une autre activité pendant le temps de travail, qui plus est concurrente de celle de son employeur. La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en ‘uvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire. En la cause, le premier juge a pertinemment retenu que la salariée, soumise à une obligation de loyauté et s’étant engagée à ne pas exercer d’activité concurrente, a développé une activité en concurrence directe avec son employeur, a donné des conseils à un franchisé, qui a quitté le réseau, a négligé de désactiver le site internet de franchisé, le faisant ainsi bénéficier des prestations du réseau, caractérisant un manquement à ses obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise, constitutive d’une faute grave privative des indemnités de rupture. Nos Conseils: – Il est important pour l’employeur de respecter la procédure de licenciement, notamment en ce qui concerne la convocation à l’entretien préalable. Assurez-vous d’envoyer la convocation dans les délais légaux et de mentionner clairement les droits du salarié à être assisté lors de cet entretien. – En cas de faute grave du salarié, caractérisée par un manquement à ses obligations contractuelles, il est possible de procéder à un licenciement pour faute grave. Assurez-vous de bien documenter les faits reprochés au salarié et de respecter la procédure légale pour éviter tout litige ultérieur. – En cas de litige avec un salarié, il est important de faire preuve de transparence et de fournir des preuves tangibles pour étayer vos arguments. Assurez-vous de conserver toutes les communications et documents pertinents pour défendre votre position en cas de contentieux. |
→ Résumé de l’affaireMme [Y] [C] a été engagée par la société Max Aventure Réseau en tant que chargée de communication/Webmestre. Après avoir été placée en chômage partiel, elle a été licenciée pour faute grave, notamment pour exercice d’une activité concurrente. Contestant son licenciement, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon. Le juge départiteur a statué en faveur de la société, considérant le licenciement comme fondé sur une faute grave. Mme [Y] a interjeté appel et demande la reconnaissance de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, ainsi que des indemnités diverses. La société Max Aventure Réseau conteste ces demandes et réclame des dommages et intérêts pour procédure abusive. L’affaire est en attente de clôture des débats.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
RAPPORTEUR
N° RG 20/05155 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NE4F
[Y]
C/
Société. MAX AVENTURE RESEAU
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON
du 27 Août 2020
RG : 17/02399
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2024
APPELANTE :
[C] [Y]
née le 11 Mars 1986 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
et ayant pour avocat plaidant Me Zerrin BATARAY de la SAS BATARAY AVOCATS, avocat au barreau de VIENNE
INTIMÉE :
Société MAX AVENTURE RESEAU
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Mélodie SEROR, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Novembre 2023
Présidée par Anne BRUNNER, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Catherine MAILHES, présidente
– Nathalie ROCCI, conseillère
– Anne BRUNNER, conseillère
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 07 Février 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [Y] [C] (la salariée) a été engagée compter du 1er juillet 2013 par contrat à durée indéterminée en qualité de chargée de communication ‘ Webmestre, niveau III, échelon 2, coefficient 125, avec reprise d’ancienneté au 15 novembre 2010, par la société Max Aventure Réseau (la société) ayant pour activité l’achat, la vente et l’exploitation de la marque « Max aventure » sous toutes formes et l’animation d’un réseau de franchise de parcs ouverts, indoor, proposant des activités et des jeux intérieurs pour enfants.
La convention collective nationale des espaces de loisirs, d’attractions et culturels est applicable à la relation de travail.
En dernier lieu, la salariée percevait un salaire mensuel brut de 2 100 euros.
De juillet 2015 à octobre 2016, la salariée a été placée en chômage partiel technique (50%).
Par courrier du 13 octobre 2016, cette dernière s’est vu notifier sa mise à pied à titre conservatoire et a été convoquée à un entretien préalable en vue d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, fixé le 25 octobre 2016.
Par lettre du 2 novembre 2016, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave, lui reprochant d’exercer une activité concurrente.
Le 31 juillet 2017, contestant son licenciement, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de lui demander de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de condamner la société Max aventure réseau à lui verser un rappel de salaire pour la période de mise à pied injustifiée et l’indemnité de congés payés afférente, une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, une indemnité compensatrice de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de congés payés afférente, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La société a été convoquée devant le bureau de conciliation et d’orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 2 août 2017.
La société s’est opposée aux demandes de la salariée et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celle-ci au versement de la somme de 2 000 euros pour procédure abusive au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile et de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du même code.
Le 10 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a dressé un procès-verbal de partage de voix et a renvoyé l’affaire devant le juge départiteur.
Par jugement du 27 août 2020, le juge départiteur, statuant seul, après avoir recueilli l’avis du conseiller présent, a :
– dit que le licenciement de Mme [Y] est fondé sur une faute grave,
– débouté Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société Max Aventure Réseau de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [Y] aux dépens.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 25 septembre 2020, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement aux fins d’infirmation en ce qu’il a dit que son licenciement est fondé sur une faute grave et l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 23 décembre 2020, Mme [Y] demande à la cour de :
dire et juger ses demandes recevables et bien fondées,
fixer son salaire mensuel brut de référence à 2 100 euros,
dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
condamner la société Max aventure Réseau à lui verser les sommes suivantes, nettes de CSG et CRDS et toute charge sociale :
1 162,89 euros à titre des rappels de salaire pour la période de mise à pied conservatoire injustifiée du 18 octobre au 2 novembre 2016,
116,28 euros au titre des congés payés afférents à la période de mise à pied conservatoire,
2 100 euros au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
2 520 euros au titre de l’indemnité compensatrice de licenciement,
4 200 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
420 euros au titre des congés payés sur préavis,
21 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
dire et juger que la société Max aventure réseau a manqué à son obligation d’exécuter loyalement son contrat de travail,
En conséquence,
condamner la société Max aventure réseau au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
condamner la société Max aventure réseau au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure prud’homale et 2 000 euros au titre de la procédure d’appel,
condamner la société Max aventure réseau aux entiers dépens de l’instance.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 11 mars 2021, la société Max aventure réseau demande à la cour de :
confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté Mme [Y] de l’intégralité de ses demandes et, par conséquent :
dire et juger que la procédure de licenciement mise en ‘uvre à l’encontre de Mme [Y] est parfaitement régulière,
dire et juger que le licenciement de Mme [Y] repose sur une faute grave,
constater que Mme [Y] ne rapport pas la preuve de l’exécution déloyale alléguée de son contrat de travail,
dire et juger qu’elle a exécuté loyalement ses obligations contractuelles,
débouter Mme [Y] de l’intégralité de ses demandes,
l’infirmer en ce qu’il a rejeter ses demandes reconventionnelles formulées et statuant à nouveau :
condamner Mme [Y] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du Code de procédure Civile pour procédure abusive,
la condamner à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture des débats a été ordonnée le 12 octobre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
Sur l’exécution du contrat de travail :
La salariée invoque que :
– elle a subi, tout au long de son contrat de travail, de nombreux manquements de la part de son employeur puisqu’elle n’a bénéficié d’aucun suivi médical, que la société a modifié ses tâches à plusieurs reprises sans modifier sa rémunération et sa qualification, et enfin, que la société a rempli de manière incomplète l’attestation employeur et a refusé de modifier sa date d’entrée dans l’entreprise, ce qui lui a causé des difficultés pour son inscription auprès des services de Pôle emploi.
La société objecte que :
– l’employeur peut modifier les tâches données à un salarié lorsqu’elles correspondent à sa qualification et en l’espèce, la salariée ne prétend nullement que les nouvelles tâches confiées ne relevaient pas de son niveau de qualification,
– elle a procédé à l’établissement des documents de rupture et du solde de tout compte de la salariée le jour même de la notification de son licenciement, le 2 novembre 2016, puis, a été informée par la salariée des difficultés qu’elle rencontrait avec Pôle emploi et lui a adressé, dès le 23 novembre 2016, une attestation Pôle emploi dûment complétée ainsi que l’ensemble des documents réclamés ; elle a toutefois refusé de modifier la date d’entrée dans l’entreprise dès lors qu’elle correspondait à sa date d’embauche distincte de la date d’ancienneté reprise.
***
En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En cause d’appel, la salariée ne fait état d’aucun préjudice consécutif à l’absence de suivi médical et ne précise pas en quoi ces tâches auraient été modifiées et à plusieurs reprises par l’employeur.
S’agissant de l’attestation Pôle Emploi, ainsi que l’a pertinemment relevé le premier juge, Mme [Y] a signalé, le 22 novembre 2016, que cette attestation n’était pas remplie correctement, son employeur a transmis, dès le lendemain, l’attestation complétée et lui a répondu quant à la question de la date d’embauche, qui diffère de la date d’ancienneté.
La salariée ne justifie d’aucun manquement de l’employeur à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail ni d’un préjudice résultant de l’absence de suivi médical, en sorte que le jugement sera confirmé
Sur la rupture du contrat de travail :
Sur la cause du licenciement :
La salariée fait valoir que :
– elle a été licenciée sur la base de deux catégories de griefs, une prétendue concurrence déloyale et une prétendue déloyauté dans ses fonctions, qui ne sont pas établis avec précision et exactitude par son employeur et dont la réalité, la gravité, la proportionnalité ne sont pas rapportées, et elle a en réalité été licenciée en raison des difficultés économiques avérées de la société,
– sur la prétendue concurrence déloyale, son employeur avait connaissance de l’existence de l’entité « nineconnexion » avant le courriel du 11 octobre 2016 puisqu’elle l’a créée à sa demande, en vue de son passage en freelance dès juillet 2015,
– son employeur n’établit pas qu’elle était en contact avec des entreprises concurrentes, une amitié sur Facebook étant insuffisante pour caractériser un contact et elle a fait de la publicité pour son employeur sur ce réseau social, ce qui prouve l’absence de toute intention de nuire de sa part et l’absence de toute déloyauté,
– l’employeur tente de lui imputer, ainsi qu’à sa création d’entreprise, ses difficultés économiques alors que « nineconnexion » n’a généré aucun chiffre d’affaire en 2015 et 2016,
– en outre, sa lettre de licenciement ne vise aucune perte de clientèle, laquelle ne résulte pas de son fait puisqu’elle n’a jamais émis de facture ou démarché le moindre client de la société pendant leur relation contractuelle et s’agissant du client Max aventure [Localité 5], devenu Kids aventure, son contrat était arrivé à son terme et il n’a pas souhaité le renouveler,
– sur la prétendue déloyauté dans ses fonctions, son employeur se base sur de simples suppositions et elle n’a pas eu d’activité avec son entreprise « nineconnexion » durant leurs relations contractuelles,
– elle a permis à Max aventure d’accéder à son compte Google « ninceconnexion » et non l’inverse, de plus, les griefs relatifs à l’abonnement au logiciel Adobe ne figurent pas dans sa lettre de licenciement, et elle n’est pas à l’origine de la facture émanant d’Adobe,
– son employeur ne rapporte pas la preuve qu’elle aurait désactivé le mot de passe administrateur du site de l’entreprise et aurait exporté la base de données client, et elle a fait le nécessaire pour désactiver des pages internet du client Max Aventure [Localité 5] lors de son départ.
La société rétorque que :
– au cours de la relation contractuelle, la salariée a créé et développé une activité concurrente et proposé des services aux anciens clients et concurrents directs et a utilisé le matériel et les logiciels de l’entreprise à cette fin et partant, a manqué à son obligation de loyauté, avec la volonté de lui nuire,
– ce n’est que le 11 octobre 2016, à la suite d’un courriel envoyé par erreur par la salariée, qu’elle a découvert que cette dernière proposait des prestations de graphisme et de communication à d’autres parcs que ceux lui appartenant et développait ainsi une activité concurrente, sous le nom « nineconnexion », et ce depuis 2015 et en parallèle de son activité salariée,
– elle a également découvert que Mme [Y] était en contact avec de nombreux concurrents et anciens franchisés et notamment que le destinataire du mail était un ancien franchisé, M. [U], lequel avait pris la décision de rompre son contrat de franchise et cette décision n’était pas étrangère à la création de « nineconnexion » puisque Mme [Y] a continué à gérer les services marketing et communication de Kids aventure pour son compte personnel,
– en outre, la salariée n’avait pas désactivé les pages Internet permettant à Kids aventure de bénéficier de sa marque et de son service e-commerce alors que le contrat de franchise était déjà rompu et la salariée utilisait le compte Google et l’abonnement au logiciel « Adobe » de l’entreprise pour son activité personnelle.
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La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en ‘uvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
Caractérise un manquement à l’obligation de loyauté le fait pour un salarié d’utiliser les moyens obtenus dans le cadre de son travail pour mettre en place une structure destinée à concurrencer son employeur.
Même en l’absence d’une clause d’exclusivité insérée au contrat de travail, l’obligation général de loyauté lui interdisait de développer une autre activité pendant le temps de travail, qui plus est concurrente de celle de son employeur.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :
« (‘) Nous faisons suite à l’entretien préalable du 25 octobre 2016, pour lequel nous vous avions régulièrement convoquée par lettre en date du 13 octobre 2016 et auquel vous n’avez pas souhaité assister.
Si votre absence est fort regrettable compte tenu de la gravité des faits que nous avons découverts et pour lesquels nous souhaitions entendre vos explications, elle témoigne de votre parfaite conscience du caractère fautif de vos agissements.
En effet, vous avez été embauchée par notre société à compter du 1er juillet 2013, en qualité de Chargée de Communication.
A cette occasion, vous avez bénéficié d’une reprise de l’ancienneté que vous aviez acquise au sein de la société MAX AVENTURE [Localité 6] depuis le 15 novembre 2010 au titre des mêmes fonctions, de sorte que vous ne pouvez feindre aujourd’hui ignorer l’étendue de vos engagements et obligations.
Plus encore, aux termes de l’article 6 de votre contrat de travail, il était expressément rappelé :
« (..) Le salarié est tenu au devoir de réserve concernant sa fonction et plus largement les activités de la société qui l’emploie. Il s’interdit de divulguer toute information à l’extérieur de l’entreprise sans autorisation préalable formelle de l’employeur. Il s’interdit également d’exercer une activité concurrente concomitamment qui puisse nuire ou faire concurrence à la société. (…) »
Or, à la suite d’une maladresse de votre part dans l’envoi d’un courriel adressé depuis votre messagerie personnelle le 11 octobre 2016, initialement destiné à la société KIDS AVENTURE, et envoyé par erreur à mon assistante, nous avons découvert que non seulement vous exerciez une activité concurrente mais qu’au surplus vous n’hésitiez pas à proposer vos prestations à l’un de nos anciens clients.
Interrogée le lendemain s’agissant de la nature de vos relations avec cet ancien client et des prestations réalisées pour son compte, vous avez tout d’abord indiqué que vous aviez facturé vos services puis, vous rendant vraisemblablement compte de la gravité de votre comportement, vous êtes revenue sur vos déclarations et avez prétendu que vous n’aviez fait que rendre service à titre personnel.
Nous avons dès lors poursuivi nos investigations et avons découvert que:
– vous exercez une activité en qualité d’artisan depuis le mois de septembre 2015 et utilisez à cet effet le nom commercial « nineconnexion »,
– vous présentez vous-même votre activité de la manière suivante : « Agence de communication, studio d’infographie, marketing spécialisé dans le secteur des parcs de jeux pour enfants », de sorte que vous développez une activité concurrente,
– vous administriez, jusqu’à très récemment encore, votre site Internet personnel depuis le compte Google Max Aventure, et utilisiez l’abonnement de l’entreprise au logiciel de création graphique ADOBE pour votre activité personnelle,
– vous êtes en contact avec la majorité des concurrents de MAX AVENTURE et leur proposez ou avez proposé des prestations identiques à celles que vous réalisez en votre qualité de salariée de notre entreprise.
Par ces agissements d’une gravité exceptionnelle, qui s’inscrivent en violation de votre obligation de loyauté et de vos obligations contractuelles, et dont les conséquences sont indéniablement préjudiciables à notre société, vous avez volontairement nui à l’entreprise, ce d’autant que vous n’ignoriez pas le contexte économique difficile auquel nous sommes confrontés.
En effet, tel que vous le relevez très justement aux termes de la correspondance que vous nous avez adressée et dont nous avons accusé réception le 24 octobre, nous avons été contraints de procéder à un licenciement pour motif économique au cours de l’été dernier compte tenu de difficultés économiques liées à la perte de clients.
Or, nous ne pouvons que faire le lien entre la perte de ces clients, lesquels ont souhaité résilier leur contrat parce qu’ils ne souhaitaient plus se voir facturer des prestations graphiques et internet, et la création de votre activité individuelle dans le cadre de laquelle vous proposez les mêmes prestations pour un coût sans doute plus avantageux.
Il en est ainsi notamment de notre ancien client MAX AVENTURE [Localité 5], devenu KIDS AVENTURE, auquel était destiné le courriel du 11 octobre et dont le contrat le liant à notre entreprise a pris fin le 30 septembre dernier.
En outre, alors que vous deviez avoir désactivé les pages internet permettant à ce client de bénéficier de la marque MAX AVENTURE, ce que vous m’aviez confirmé par courriel du 3 octobre, nous avons constaté que, le 12 octobre, cela n’était toujours pas le cas, de sorte que cet ancien client a pu continuer à utiliser la marque MAX AVENTURE gracieusement.
Enfin, pendant votre mise à pied à titre conservatoire, vous avez persisté dans vos man’uvres déloyales, en accédant au compte Google de MAX AVENTURE, en désactivant le mot de passe administrateur de notre site et en exportant de notre base les données clients.
Ces faits qui pourraient parfaitement caractériser une faute lourde ne nous laissent d’autre alternative que de vous notifier une mesure de licenciement pour faute grave, ce alors que, contrairement à ce que vous avez cru devoir insinuer, vos fonctions sont essentielles à la survie de l’entreprise.
Partant, la rupture de votre contrat de travail prend effet dès l’envoi de la présente et votre mise à pied à titre conservatoire ne vous sera pas rémunérée. (‘) ».
En l’espèce, Mme [Y], salariée de la société MAX AVENTURE RESEAU, qui anime un réseau de franchise de parcs couverts, indoor, proposant des activités et des jeux intérieurs pour les enfants jusqu’à 12 ans, sous le nom commercial « MAX AVENTURE » et propose des prestations de marketing et de communication, avait pour mission « l’administration et la mise à jour du site internet de l’entreprise, l’animation de la marque sur internet, la communication par voie électronique ou autre avec les partenaires et clients etc. Il prévoit également l’assistance dans les projets de marketing et de communication de la société, au titre du graphisme, de la mise en forme, de l’organisation d’évènements etc. Elle apportera aussi son concours aux activités de secrétariat et d’accueil de l’entreprise. ».
Il ressort des pièces de l’intimé n° 19 (extrait du site internet Nine Connexion Linkedin) et 20 (extrait du site internet Nine Connexion Facebook), que Nine Connexion est un studio de graphisme dans le secteur des parcs de jeux pour enfants et des services aux entreprises, dont la spécialisation est « graphisme-Design- Communication et Marketing » et que sa création remonte à 2014 ou 2015.
Il est établi que le 11 octobre 2016, Mme [Y] a envoyé un mail, qui ne lui était pas destiné, à l’assistante de Mme [P], gérante de la société Max Aventure Réseau, et dont la teneur était « Bonjour [E],
Entre le bandeau des Kids anims ‘etc et le bloc tarif, mettre le message.
« Notre site est en cours de construction, les réservations anniversaire seront accessibles très prochainement.
Merci pour votre compréhension.
L’équipe Kids Aventure. »
Possible de mettre en ligne ‘
Quand est-ce que le e-commerce sera disponible tu pense ‘
Merci [E].
Nine [Y] Consultante en communication. [Courriel 10] ‘ ».
Il n’est pas contesté que « [E] » était M. [I] [U], qui exploitait, jusqu’au 30 septembre 2016, la franchise Max Aventures [Localité 5]. Il avait exprimé le souhait d’en sortir, au mois de février 2016, car il souhaitait avoir la « maîtrise pleine et entière de son site internet ».
Par mail du 12 octobre 2016, Mme [Y] a assuré à Mme [P] qu’elle avait « regardé sa facturation. Rien n’a été facturé à [Localité 5]. Ce n’était que du conseil perso. Pourquoi devrais-je te fournir une facture sur mon statut auto entrepreneur ‘ ».
La salariée a ainsi admis avoir délivré des conseils à « [Localité 5] ».
L’employeur verse aux débats, en pièce n°24, deux réservations distinctes, faites le 17 octobre 2016, pour le parc Max [Localité 5], alors que l’exploitant était sorti du réseau depuis le 30 septembre 2016. Il établit ainsi que le site n’était pas désactivé, Mme [Y] ne contestant pas qu’il lui appartenait de le faire dès le 1er octobre 2016. En omettant de le faire, elle permettait ainsi à l’exploitant du parc d'[Localité 5], devenu « Kids Aventure », dont le site était « en construction » de bénéficier d’un service d’e-commerce, alors qu’il n’était plus franchisé.
Enfin, l’employeur verse aux débats en pièce n°27, un mail daté du 20 octobre 2016 de « adobe.com » indiquant à Mme [Y] « vous venez d’ajouter une adresse électronique secondaire à votre ID Adobe. Celui-ci correspond à [Courriel 8] tandis que votre adresse secondaire est [Courriel 9]. [‘] » et il établit que Mme [Y] a, le même jour, soit pendant la mise à pied conservatoire, modifié le mot de passe du compte Google Max Aventure.
Il n’est pas contesté qu’au mois de novembre 2015, Mme [P] a proposé à Mme [Y] une rupture conventionnelle pour qu’elle exerce ensuite en freelance.
Mme [Y] a décliné dès le lendemain cette proposition.
Mme [Y], qui soutient avoir avisé son employeur de l’existence de son site Nine Connexion n’apporte aucune justification à cette affirmation ni sur la date à laquelle elle a créé cette activité.
En effet, les attestations de M. et Mme [T] et de M. et Mme [N], non datées et rédigées dans des termes identiques, selon lesquelles « l’activité de Mme [Y] était connue de l’ensemble du réseau Max Aventures et de la direction [‘] », sont insuffisantes à établir de quelle activité il est question et la connaissance qu’en aurait eu l’employeur.
Au vu de ces éléments, le premier juge a pertinemment retenu que la salariée, soumise à une obligation de loyauté et s’étant engagée à ne pas exercer d’activité concurrente, a développé une activité en concurrence directe avec son employeur, a donné des conseils à un franchisé, qui a quitté le réseau, a négligé de désactiver le site internet de franchisé, le faisant ainsi bénéficier des prestations du réseau, caractérisant un manquement à ses obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise, constitutive d’une faute grave privative des indemnités de rupture.
Le jugement sera confirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure :
La salariée soutient que :
– son employeur n’a pas respecté la procédure de licenciement et ne rapporte pas la preuve de l’envoi dans les délais de la convocation à entretien préalable, elle a réceptionnée ladite convocation le 19 octobre 2016 pour un entretien fixé le 25 octobre 2016, de sorte qu’elle n’a bénéficié que de 4 jours ouvrables et non de 5 et n’a pas pu connaître son droit de se faire assister lors de son entretien préalable et de se défendre.
La société réplique que :
– la salariée a bien été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 octobre 2016 précisant non seulement la possibilité qui lui était offerte d’être assistée par un salarié de l’entreprise ou un conseiller extérieur mais également l’adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers serait à sa disposition,
– elle démontre que la salariée a été destinataire de cette correspondance et qu’elle a même pris le soin de l’informer qu’elle n’entendait pas se présenter lors de cet entretien.
***
Aux termes de l’article L1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l’espèce, en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1233-13, relatives à l’assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l’article L. 1235-2 s’appliquent même au licenciement d’un salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.
La lettre de convocation à l’entretien préalable mentionne, outre la possibilité pour la salariée de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou par un conseiller extérieur figurant sur la liste établie par le préfet, les adresses des services où se procurer la liste des personnes habilitées.
Le jugement, qui a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’irrégularité de la procédure sera confirmé.
Sur la demande au titre de la procédure abusive :
La société fait valoir que :
– la salariée fait preuve d’une particulière mauvaise foi et n’a pas hésité à poursuivre cette procédure judiciaire alors qu’elle ne pouvait ignorer avoir gravement manqué son obligation de loyauté.
***
La société Max Aventure Réseau ne rapporte pas la preuve de ce que Mme [Y] aurait fait un usage abusif de son droit d’agir en justice et d’exercer un recours ou aurait commis une faute dans la conduite des procédures de première instance et d’appel.
Il y a dès lors lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur les autres demandes :
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront confirmées.
Mme [Y], qui succombe partiellement en appel, sera condamnée aux dépens.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Max Aventures Réseau, les sommes, non comprises dans les dépens, qu’elle a dû exposer au titre de la procédure d’appel.
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition, contradictoirement
Dans la limite de la dévolution,
CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE la société Max Aventure Réseau de sa demande de dommages-intérêts ;
CONDAMNE Mme [Y] aux dépens ;
REJETTE la demande de la société Max Aventure Réseau fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE