La forclusion de l’action en paiement d’un crédit à la consommation est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge comme étant d’ordre public, en vertu de l’article 125 du code de procédure civile.
Selon l’article L. 311-52 devenu l’article R. 312-35 du code de la consommation à la suite de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 14 mars 2016 portant recodification de la partie législative du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant la juge des contentieux de la protection à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme, le premier incident de paiement non régularisé, le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ou le dépassement, du découvert tacitement accepté ou de l’autorisation de découvert convenue au sens du 13° de l’article L. 311-1 du code de la consommation, non régularisé à l’issue du délai de 3 mois prévu à l’article L. 311-47 devenu L. 312-93 du même code sans proposition par le prêteur d’un autre type d’opération de crédit au sens du 4° de l’article L. 311-1 précité. Madame [S] [D] a contracté un prêt personnel de 26 500 € auprès de la SAS SOGEFINANCEMENT le 19 novembre 2013, remboursable en 72 mensualités de 456,91 € à un taux d’intérêt de 7,4 %. En raison de plusieurs échéances impayées, la SAS SOGEFINANCEMENT a mis en demeure Madame [S] [D] par lettre recommandée le 20 octobre 2023. Faute de régularisation, la société a déclaré la déchéance du terme par courrier le 29 janvier 2024 et a engagé une procédure judiciaire le 18 mars 2024 pour obtenir le remboursement de 22 371,40 €, sans délai de paiement, ainsi que des intérêts et des frais de justice. Lors de l’audience du 9 avril 2024, des questions ont été soulevées concernant la conformité de l’action avec le code de la consommation. Madame [S] [D], présente à l’audience, a demandé des délais de paiement de 100 € par mois, expliquant ses difficultés financières dues à des charges élevées et à une situation personnelle compliquée, notamment une grossesse et des dettes liées à l’addiction au jeu de son ancien compagnon. La SAS SOGEFINANCEMENT a indiqué ne pas s’opposer à ces délais. L’affaire a été mise en délibéré pour décision le 11 juin 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[Adresse 5]
[Localité 9]
Tél:[XXXXXXXX02]
Fax : [XXXXXXXX01]
@ : [Courriel 12]
REFERENCES : N° RG 24/02615 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZBCB
Minute :
JUGEMENT
Du : 11 Juin 2024
Société SOGEFINANCEMENT, SAS
C/
Madame [S], [F] [D]
JUGEMENT
Après débats à l’audience publique du 09 Avril 2024, le jugement suivant a été rendu par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2024 ;
Sous la Présidence de Madame Armelle GIRARD, juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de BOBIGNY siégeant au tribunal de proximité de PANTIN, assistée de Madame Anne-Sophie SERY, greffier ;
ENTRE :
DEMANDEUR :
Société SOGEFINANCEMENT, SAS
[Adresse 6]
[Adresse 13]
[Localité 7]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Camille DRAPEAU, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
Madame [S], [F] [D]
[Adresse 3]
[Adresse 10]
[Localité 8]
comparante en personne
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Sébastien MENDES GIL
Madame [S], [F] [D]
Expédition délivrée à :
Selon offre préalable acceptée le 19 novembre 2013, la SAS SOGEFINANCEMENT a consenti à Madame [S] [D], née le [Date naissance 4] 1984, un prêt personnel n°35196824193 d’un montant de 26 500,00 € remboursable en 72 mensualités de 456,91 € hors assurance incluant notamment les intérêts au taux débiteur annuel fixe de 7,4 %.
Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, par lettre recommandée en date du 20 octobre 2023, la SAS SOGEFINANCEMENT a mis en demeure Madame [S] [D] de rembourser les échéances impayées.
En l’absence de régularisation, la SAS SOGEFINANCEMENT a entendu se prévaloir de la déchéance du terme par courrier recommandé en date du 29 janvier 2024.
Par acte de commissaire de justice signifié le 18 mars 2024 à domicile, la SAS SOGEFINANCEMENT a attrait Madame [S] [D] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Pantin, aux fins de voir :
➢ constater l’acquisition de la déchéance du terme et à défaut, prononcer la résiliation judiciaire du contrat ;
➢ condamner Madame [S] [D] à lui payer la somme de 22 371, 40 €, outre intérêts au taux contractuel annuel de 7, 4 % à compter de la mise en demeure ;
➢ n’accorder aucun délai de paiement ;
➢ ordonner la capitalisation des intérêts ;
➢ condamner Madame [S] [D] au paiement de la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
À l’audience du 9 avril 2024, en application de l’article R. 632-1 du code de la consommation, la présidente a soulevé d’office un ou plusieurs moyens tirés de la violation des dispositions du code de la consommation susceptibles d’entraîner la nullité et / ou la déchéance du droit aux intérêts, tels que visés à la note d’audience.
À cette même audience, la SAS SOGEFINANCEMENT, représentée par son conseil, a demandé le bénéfice de son acte introductif d’instance. La demanderesse soutient que son action n’est pas forclose, et s’en rapporte sur les causes de déchéance du droit aux intérêts. Elle indique que Madame [S] [D] a fait l’objet d’un plan de surendettement entré en vigueur en juin 2023 et qu’aucune échéance n’a été respectée. Elle précise qu’il y a eu des versements récents au commissaire de justice.
Madame [S] [D], comparante en personne, demande au juge des contentieux de la protection de lui accorder des délais de paiement pour acquitter la créance à hauteur de 100 € par mois. Elle expose qu’elle avait un échéancier amiable avec le commissaire de justice de 150 € par mois mais qu’elle n’arrive pas à s’en sortir avec ses ressources et dépenses. Elle indique être fonctionnaire à la mairie d'[Localité 11] et être rémunérée environ 1 800 € par mois. Elle précise ne plus pouvoir faire d’heures supplémentaires car elle est enceinte. Elle déclare avoir environ 2 600 € de frais fixes par mois et avoir ses parents à charge. Madame [S] [D] explique que ses dettes sont nées du fait de l’addiction au jeu de son ancien compagnon et qu’elle envisage de refaire un plan de surendettement.
La SAS SOGEFINANCEMENT déclare ne pas s’opposer aux délais sollicités.
L’affaire a été mise en délibéré au 11 juin 2024.
SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE
La forclusion de l’action en paiement d’un crédit à la consommation est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge comme étant d’ordre public, en vertu de l’article 125 du code de procédure civile.
Selon l’article L. 311-52 devenu l’article R. 312-35 du code de la consommation à la suite de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 14 mars 2016 portant recodification de la partie législative du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant la juge des contentieux de la protection à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Cet événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme, le premier incident de paiement non régularisé, le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ou le dépassement, du découvert tacitement accepté ou de l’autorisation de découvert convenue au sens du 13° de l’article L. 311-1 du code de la consommation, non régularisé à l’issue du délai de 3 mois prévu à l’article L. 311-47 devenu L. 312-93 du même code sans proposition par le prêteur d’un autre type d’opération de crédit au sens du 4° de l’article L. 311-1 précité.
Au regard des pièces produites aux débats, en particulier le contrat et l’historique de compte, il apparaît que la présente action a été engagée avant l’expiration d’un délai de deux années à compter du premier incident de paiement non régularisé (1er juin 2023), étant précisé que le plan de surendettement a interrompu le délai de forclusion.
La demande de la SAS SOGEFINANCEMENT est par conséquent recevable.
SUR LA DÉCHÉANCE DU DROIT AUX INTÉRÊTS
Aux termes de l’article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
Sur la lisibilité et la clarté de l’offre de prêt (absence de contrat en original)
L’article 1375 du code civil dispose que les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques ne sont valables qu’autant qu’ils ont été faits en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct.
L’article 1379 du même code prévoit que les copies, lorsque le titre original subsiste, ne font foi que de ce qui est contenu au titre, dont la représentation peut toujours être exigée.
En vertu de l’article R. 311-5 I devenu R. 312-10 du code de la consommation, le contrat de crédit est rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit. Il comporte “de manière claire et lisible” une série d’information dont il dresse une liste exhaustive.
Le corps huit fait référence au « point Didot » et correspond donc à une hauteur de 3 millimètres. Le texte visant la rédaction du caractère, c’est le caractère imprimé qui doit être pris en compte et il est nécessaire qu’il y ait au moins 3 millimètres du haut des lettres montantes (b, d ou l) au bas des lettres descendantes (g, p ou q). Le blanc que l’on remarque d’une ligne à l’autre provient du talus existant entre les lettres qui ne montent ni ne descendent, comme l’a, l’o, le c, etc.
Il suffit donc, pour s’assurer du respect de cette prescription, de diviser la hauteur en millimètres d’un paragraphe (mesuré du haut des lettres montantes de la première ligne au bas des lettres descendantes de la dernière ligne) par le nombre de lignes qu’il contient. Le quotient ainsi obtenu doit être au moins égal à trois millimètres.
Cet examen doit s’accompagner si nécessaire de la vérification du nombre maximal de lignes en corps huit que doit contenir le paragraphe vérifié.
En cas de manquement à cette obligation, l’établissement de crédit est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts en application de l’article L. 311-33 du même code dans sa version applicable au présent litige (devenu L. 311-48 alinéa 1er puis L. 341-4).
En l’espèce, l’offre de crédit produite n’est pas l’original du contrat, et la copie d’un acte juridique ne constitue qu’un commencement de preuve par écrit.
Si la photocopie d’un contrat peut certes faire foi de son contenu, elle ne permet pas en effet de vérifier, s’agissant d’une offre préalable de prêt, que celle-ci a été faite dans le respect des exigences légales relatives à la présentation du document, notamment celles de l’article R. 311-5 I devenu R. 312-10 du code de la consommation.
Seule la production de l’original permet de faire le constat du respect de ces prescriptions, la taille des caractères des documents photocopiés ne correspondant jamais exactement à celle de l’original et pouvant être modifiée par l’opérateur.
Il en résulte que la copie de l’offre produite par le prêteur ne présente pas la régularité formelle imposée par les dispositions précitées.
Sur le défaut de formalisme du contrat
Selon l’article L. 311-18 devenu L. 312-28 du code de la consommation, le contrat de crédit est établi par écrit ou sur un autre support durable. Il constitue un document distinct de tout support ou document publicitaire. Un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit. Un décret en Conseil d’État fixe la liste des informations figurant dans le contrat et dans l’encadré mentionné au premier alinéa du présent article.
En cas de manquement à cette obligation, l’établissement de crédit est sanctionné de la déchéance du droit aux intérêts en application de l’article L 311-48 alinéa 1 devenu L 341-4 du code de la consommation.
En l’espèce, le montant de la mensualité assurance incluse ne figure pas dans l’encadré.
Il en résulte que la disposition précitée n’est pas respectée.
Sur le défaut de mention de l’intégralité des hypothèses utilisées pour calculer le taux annuel effectif global (TAEG) dans l’encadré inséré au début du contrat
L’article R. 311-5, I, 2°, f, devenu R. 312-10, 2°, f’ du code de la consommation oblige l’emprunteur à mentionner, dans l’encadré prévu par l’article L. 311-18 devenu L. 312-28 du même code, toutes les hypothèses utilisées pour calculer le taux annuel effectif global (TAEG), c’est-à-dire les diverses propositions retenues pour le calcul du taux annuel, soit par exemple : « le prêt est de x €, il est remboursé à l’aide de x mensualités de x €, la première est payable x jours après le déblocage des fonds, il y a x € de frais, ces frais sont déduits du montant prêté (ou s’ajoutent aux x premières mensualités, ou sont compris dans ces x premières), le taux de période en résultant est de x% par mois, et le TAEG est calculé à l’aide de la méthode d’équivalence en fonction du nombre de périodes dans l’année (12) ».
Ce sont, d’une manière générale, tous les éléments chiffrés entrant dans la formule mathématique mentionnée à l’article R. 313-1 devenu R. 314-3 du code de la consommation et figurant en annexe dudit code qu’il incombe au prêteur de détailler.
En cas de manquement à cette obligation à laquelle renvoie l’article L. 311-18 devenu L. 312-28 du code de la consommation, l’établissement de crédit est sanctionné de la déchéance du droit aux intérêts en application de l’article L 311-48 alinéa 1 devenu L 341-4 du même code.
En l’espèce, l’encadré du prêt litigieux omet d’indiquer la méthode utilisée et n’inclut pas d’exemple représentatif de calcul du TAEG.
Il en résulte que les hypothèses essentielles pour la détermination du TAEG sont occultées, et que les dispositions précitées ne sont pas respectées.
Sur le défaut de notice d’assurance
Selon l’article L. 311-19 devenu L. 312-29 du code de la consommation, lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice doit être remise à l’emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.
En cas de manquement à cette obligation, l’établissement de crédit est sanctionné de la déchéance du droit aux intérêts en application de l’article L 311-48 alinéa 1 devenu L 341-4 du code de la consommation.
En l’espèce, il n’est pas justifié de la remise à l’emprunteur de cette notice et encore moins de la régularité de celle-ci et ce quand bien même l’emprunteuse aurait expressément déclaré renoncer à adhérer à l’assurance proposée. La « Synthèse des garanties des contrats d’assurance » ne constitue pas la notice du contrat assurance emprunteur prévue par la loi à laquelle elle se contente de renvoyer, mais un simple document explicatif destiné à guider le choix de l’emprunteur entre les différentes formules d’assurances proposées par la société de crédit.
Il en résulte que la disposition précitée n’est pas respectée.
*
Pour toutes ces raisons, la SAS SOGEFINANCEMENT doit donc être déchue de son droit aux intérêts sur le prêt litigieux.
SUR LES SOMMES RESTANT DUES
Selon l’article L. 311-48 alinéa 3e devenu L. 341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital restant dû après déduction des intérêts réglés à tort, déductions faite des paiements effectués à quelque titre que ce soit.
Cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu’il puisse prétendre au paiement de toute autre somme, notamment de la clause pénale prévue par l’article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation, qu’il convient d’écarter.
Les sommes dues par la débitrice se limiteront dès lors à la différence entre le montant effectivement débloqué à son profit et les règlements effectués par cette dernière, tels qu’ils résultent du décompte.
La créance de la SAS SOGEFINANCEMENT s’établit donc comme suit :
➢ capital emprunté depuis l’origine : 26 500,00 €
➢ moins les versements réalisés :
* antérieurement à la déchéance du terme : 13 271,32 €
* postérieurement à la déchéance du terme : 600,00 €
soit un TOTAL restant dû de 12 628,68 € au titre du solde du contrat de prêt, sous réserve des versements postérieurs et/ou non pris en compte dans le décompte en date du 2 avril 2024.
En conséquence, il convient de condamner Madame [S] [D] à payer à la SAS SOGEFINANCEMENT la somme de 12 628,68 € au titre du solde du contrat de prêt conclu le 19 novembre 2013.
Par ailleurs, bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l’article 12316 du code civil, à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt étant en principe majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice.
Cependant, par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA/[C] [J]) a dit pour droit que l’article 23 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal lesquels sont en outre majorés de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire d’une décision de justice prononçant la déchéance du droit aux intérêts si « les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance des intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté » ses obligations découlant de ladite directive.
La Cour de Justice a ainsi indiqué que « si la sanction de la déchéance des intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif » (point 52).
Il s’ensuit qu’en vue d’apprécier le caractère réellement dissuasif de la sanction, il appartient à la juridiction « de comparer, dans les circonstances de l’affaire dont elle est saisie, les montants que le prêteur aurait perçus en rémunération du prêt dans l’hypothèse où il aurait respecté son obligation » découlant de la directive, « avec ceux qu’il percevrait en application de la sanction de la violation de cette même obligation » (point 50).
La Cour de Justice a également indiqué que « dans l’occurrence où la juridiction de renvoi constaterait que la sanction de la déchéance des intérêts conventionnels ne présente pas un caractère véritablement dissuasif au sens de l’article 23 de la directive 2008/48, il y a lieu de rappeler à cet égard qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige opposant exclusivement des particuliers, est tenue, lorsqu’elle applique les dispositions du droit interne, de prendre en considération l’ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive applicable en la matière pour aboutir à une solution conforme à l’objectif poursuivi par celle-ci » (point 54).
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance des intérêts, ne sont pas suffisamment inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48, le taux légal majoré (10, 07 %) étant supérieur à celui du contrat (7,4 %), de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêt pas de caractère effectif et dissuasif.
Afin d’assurer l’effet de la directive 2008/48, notamment de son article 23, et par conséquent de garantir le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient donc de ne pas faire application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier et de dire que la somme restant due en capital ne portera intérêts qu’au taux légal non majoré à compter du 29 janvier 2024, date de la mise en demeure.
SUR LES DÉLAIS DE PAIEMENT
En vertu de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, compte-tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier.
En l’espèce, la situation financière de Madame [S] [D] ne permet pas d’acquitter la totalité des sommes dues en une seule fois, mais elle a fait une proposition de paiement cohérente avec ses ressources. La SAS SOGEFINANCEMENT a accepté cette proposition.
Il sera donc fait droit à la demande de délais de grâce dans les conditions précisées au dispositif de la présente décision.
SUR LA CAPITALISATION DES INTÉRÊTS
Selon l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. Il s’agit de dispositions d’ordre public qui ne peuvent être écartées que si c’est par la faute du créancier, par suite du retard ou de l’obstacle apporté par lui, que le débiteur n’a pas pu procéder à la liquidation de la dette.
Cependant, l’article L. 311-23 devenu article L. 312-38 du code de la consommation dispose qu’aucun coût autre que ceux prévus aux articles L. 311-24 et L. 311-25 du même code devenus articles L. 312-39 et L. 312-40, et à l’exception des frais taxables, ne peut être mis à la charge de l’emprunteur. Les coûts ainsi visés ne comportent pas la capitalisation des intérêts.
En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande présentée par la SAS SOGEFINANCEMENT tendant à la capitalisation des intérêts.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie succombante doit supporter les dépens. Il y aura donc lieu de condamner Madame [S] [D] de ce chef.
Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
L’équité ne commande pas en revanche de faire droit à la demande formée par la SAS SOGEFINANCEMENT au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire, conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile.
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats tenus en audience publique, par jugement contradictoire et public rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,
DIT la SAS SOGEFINANCEMENT recevable en ses demandes ;
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la SAS SOGEFINANCEMENT au titre du contrat de crédit n°35196824193 conclu le 19 novembre 2013 avec Madame [S] [D], née le [Date naissance 4] 1984, à compter de la date de conclusion du prêt ;
CONDAMNE Madame [S] [D] à payer à la SAS SOGEFINANCEMENT la somme de 12 628,68 € pour solde du contrat de crédit n°35196824193 en date du 19 novembre 2013, cette somme ne portant intérêts qu’au taux légal non soumis à la majoration de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier à compter du 29 janvier 2024 ;
AUTORISE Madame [S] [D] à s’acquitter de cette somme en 24 mensualités, les 23 premières d’un montant de 100 € chacune et la dernière correspondant au solde de la dette ;
DIT que chaque paiement devra intervenir au plus tard avant le 10e jour de chaque mois à compter du mois suivant la signification de la présente décision ;
DIT qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à son exacte échéance, quinze jours ouvrés après la réception d’une mise en demeure restée infructueuse, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, Madame [S] [D] sera déchue du bénéfice des délais de paiement accordés par la présente décision et que la totalité de la dette restée impayée deviendra immédiatement exigible par la SAS SOGEFINANCEMENT ;
RAPPELLE qu’en cas de mise en place d’une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixées dans la dite procédure ;
REJETTE la demande de capitalisation annuelle des intérêts de la SAS SOGEFINANCEMENT ;
DÉBOUTE la SAS SOGEFINANCEMENT de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [S] [D] aux dépens de l’instance ;
RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE