Création d’une société concurrente par le DG : risque maximal
Création d’une société concurrente par le DG : risque maximal
Ce point juridique est utile ?

Les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Nouvelle structure du DG

En devenant directeur général de la nouvelle structure qu’était la société New Green, la société X s’est retrouvée débitrice envers celle-ci de l’obligation de loyauté qui s’impose à tout dirigeant de société.

Cette obligation lui interdisait notamment de développer ou de poursuivre une activité directement concurrente de celle de la société dirigée. Il importe peu à cet égard que la société X n’ait formalisé aucun engagement exprès de ne pas concurrencer la société dans laquelle elle exerçait des fonctions dirigeantes, dès lors que l’obligation de loyauté et l’interdiction de concurrence directe qui en découle s’appliquaient à elle de plein droit.

Accord dérogatoire exprès

Dès lors, seul un accord dérogatoire exprès aurait été de nature à permettre à la société X de mener une activité ou un chantier ponctuel en concurrence avec la société New Green. Or, il est constant que les chantiers de golfs et d’hippodromes précédemment listés ont été réalisés sans information préalable de la société New Green, et à l’insu de celle-ci.

Responsabilité du directeur général

Le comportement fautif dans l’exercice des fonctions de directeur général est ainsi caractérisé, de sorte que la société X devra être déclarée responsable envers la société New Green des conséquences de son manquement, par application de l’article L 225-251 du code de commerce, selon lequel les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Il en est de même de M. X, en sa qualité de dirigeant de la société X, conformément aux dispositions de l’article L 227-7 du même code, qui énoncent que, lorsqu’une personne morale est nommée président ou dirigeant d’une société par actions simplifiées, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s’ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité de la personne morale qu’ils dirigent.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

2e Chambre Civile

ARRÊT DU 20 MAI 2021

N° RG 19/00423 – N° Portalis DBVF-V-B7D-FG5S

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 07 mars 2019, rendue par le tribunal de commerce de Dijon – RG : 2018/39

APPELANTS :

Monsieur A Y

né le […] à […]

domicilié :

[…]

[…]

SAS NEW GREEN, représentée par son Président, la Société NATURAL GRASS, agissant par son représentant légal Monsieur A Y, domicilié en cette qualité au siège :

[…]

[…]

SAS NATURAL GRASS, représentée par Monsieur A Y, son Président, domicilié en cette qualité au siège :

[…]

[…]

représentés par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126

assistées de la SELARLU DB AVOCAT agissant par Me Dominique BORDES, membre de l’AARPI ROSSI BORDES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur C X

né le […] à […]

domicilié :

[…]

45750 SAINT-PRIVE SAINT-MESMIN

SAS Z, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège :

[…]

[…]

représentée par Me Jean-Michel BROCHERIEUX, membre de la SCP BROCHERIEUX – GUERRIN-MAINGON, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 24

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 mars 2021 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du Président,

Sophie BAILLY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 20 Mai 2021,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Fin 2011, M. H I Y, la SAS Natural Grass, M. A Y et la SAS Société de Traitement de l’Environnement (Z) se sont associés pour créer la SAS New Green, dont l’objet social consistait dans la création, la rénovation et l’aménagement de terrains de sport, de terrains de golf, d’hippodromes, de parcs, de jardins, de toitures et de murs végétalisés.

Le président de la société New Green était la société Natural Grass, et son directeur général était la société X, dont le dirigeant était M. C X.

Le 22 décembre 2017, il a été procédé à la révocation de la société X de ses fonctions de directeur général.

Par exploit du 21 décembre 2017, la société New Green, la société Natural Grass et M. A Y ont fait assigner la société X et M. C X devant le tribunal de commerce de Dijon au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, 1343-2 du code civil, L 225-251, L 227-7 et L 227-8 du code de commerce et 515 du code de procédure civile aux fins :

— de juger que la société X, ès qualités de directeur général de la société New Green, et M. X ont gravement manqué à leur obligation de loyauté et de fidélité envers la société New Green et ses associés ;

— de juger que la société X a violé les termes du partenariat convenu avec les associés de la société New Green, ainsi que l’obligation de ne pas concurrencer la société ;

— de juger que la société X a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société New Green ;

— de condamner solidairement, et subsidiairement in solidum, la société X et M. X à payer à la société New Green la somme de 92 000 € HT, soit 110 400 € TTC, sauf à parfaire, au titre de la perte de marge sur le chantier de drainage du golf Saint Marc ;

— de condamner solidairement, et subsidiairement in solidum, la société X et M. X à payer à la société New Green la somme de 300 000 € sauf à parfaire, au titre de la perte de chance pour celle-ci de développer et de fidéliser la clientèle des golfs sur le marché du drainage ;

— de condamner solidairement, et subsidiairement in solidum, la société X et M. X à payer à la société New Green la somme de 300 000 € sauf à parfaire, au titre de la perte de chance pour celle-ci de développer et de fidéliser la clientèle des hippodromes sur le marché du drainage ;

— de condamner solidairement, et subsidiairement in solidum, la société X et M. X à payer à la société New Green la somme de 10 000 € au titre de son préjudice moral ;

— de condamner solidairement, et subsidiairement in solidum, la société X et M. X à payer à la société Natural Grass ainsi qu’à M. A Y la somme de 10 000 € chacun au titre de son préjudice moral ;

— d’ordonner le retrait du site internet de la société X et sur tout autre support publicitaire ou de communication, de tout article ou mention lié au drainage des golfs ;

— d’ordonner à la société X et à M. X de ne faire à l’avenir aucune communication liée au drainage de golfs, sur quelque support que ce soit ;

— de donner acte aux sociétés New Green et Natural Grass, ainsi qu’à M. A Y qu’ils se réservent de conclure plus amplement sur les nouveaux détournements qu’ils découvriraient et d’ajuster en conséquence leurs demandes.

Dans le dernier état de leurs conclusions, ils ont complété leurs prétentions comme suit :

— de prendre acte que la société X et M. X reconnaissent avoir réalisé sans la société New Green des chantiers de drainage au profit de golfs et d’hippodromes ;

— de juger que la société X, ès qualités de directeur général de la société New Green, et son représentant C X ont commis des fautes de gestion d’une exceptionnelle gravité en faisant directement concurrence à la société New Green au mépris de son intérêt social ;

— sur le préjudice résultant de la perte de marge, d’ordonner une expertise ;

— de condamner d’ores et déjà solidairement, et subsidiairement in solidum, la société X et M. X à payer à la société New Green la somme de 67 974,53 €, à titre de provision, au titre de la marge que Z prétend avoir réalisé sur les chantier de drainage qu’elle reconnaît avoir effectués au profit de golfs et d’hippodromes ;

— de débouter la société X et M. X de l’ensemble de leurs demandes ;

— de donner acte aux sociétés New Green et Natural Grass, ainsi qu’à M. E Y, qu’ils se réservent de conclure plus amplement sur les nouveaux détournements qu’ils découvriraient dans le cadre de l’expertise et d’ajuster en conséquence leurs demandes.

Les demandeurs ont exposé au soutien de leurs prétentions :

— que la société New Green avait eu une activité soutenue de drainage depuis sa création jusqu’à la fin de l’année 2016 ;

— qu’à partir de l’année 2015, M. Y et la société Natural Grass avaient eu des soupçons sur la loyauté de M. X et de la société X ;

— qu’ils avaient découvert en novembre 2017 que la société X avait réalisé en direct et à son profit exclusif un important chantier de drainage pour le golf de Saint Marc, et qu’elle entretenait une confusion déloyale entre son activité et celle de la société New Green, ce qui lui avait permis de détourner d’autres chantiers à son profit ;

— que M. X et la société X n’avaient pas nié les faits, ni donné de réponse satisfaisante aux interrogations légitimes de la société New Green ;

— que le détournement de la clientèle de la société New Green constituait une faute de gestion, un manquement grave à l’obligation de loyauté ainsi qu’une violation manifeste de l’obligation de non concurrence, et caractérisait en outre des actes de concurrence déloyale ;

— que les préjudices ainsi causés par la société X et M. X à la société New Green

ainsi qu’à ses associés étaient d’une extrême gravité.

La société X et M. X ont demandé au tribunal de commerce, au visa de l’article 1240, anciennement 1383 du code civil :

— de constater l’absence de comportement déloyal de leur part à l’égard de la société New Green ;

— de constater qu’il n’existait aucune obligation de non concurrence applicable aux associés de la société New Green ;

— de prononcer la nullité de la clause de non concurrence présente dans les statuts de la société New Green ;

— de constater l’absence d’actes de concurrence déloyale de la société X et de M. X au détriment de la société New Green ;

— de condamner in solidum la société Natural Grass et M. A Y à payer à la société X une somme de 50 000 € pour procédure abusive ;

— de condamner in solidum la société Natural Grass et M. A Y à payer à la société X la somme de 50 000 € pour révocation abusive et vexatoire.

Ils ont fait valoir au soutien de leur position :

— que la société X, en qualité de dirigeante et d’associée, s’était toujours comportée de manière loyale et fidèle dans le cadre de la collaboration au sein de la société New Green ;

— que la clause de non-concurrence prévue aux statuts concernait exclusivement les ex-associés, et ne pouvait donc s’appliquer à ceux qui avaient toujours la qualité d’associés, ce qui était le cas de la société X ;

— que cette clause était nulle faute d’intérêt légitime ;

— que la société X, qui avait toujours eu une activité de drainage de golfs et d’hippodromes, ne s’était en aucun cas engagée, lors de la création de la société New Green, à abandonner ces activités ;

— qu’en réalité, la société New Green était demeurée une coquille vide depuis sa création.

Par jugement du 7 mars 2019, le tribunal de commerce a considéré que la société New Green était en fait demeurée une société sans fonds de commerce propre, que, nonobstant la création de cette société, la société X avait continué ses propres activités développées depuis fort longtemps, et que l’examen de l’activité des deux sociétés associées mettait en lumière les conditions de la collaboration au sein de la société New Green, à savoir que les sociétés Natural Grass et Z avaient gardé leur propre autonomie pour des chantiers entrant dans l’objet social de la société New Green, ce dont il résultait que l’exclusivité invoquée par les demandeurs n’était aucunement démontrée. Il a ensuite relevé qu’il ressortait de la lecture de la clause de non-concurrence prévue aux statuts qu’elle ne s’appliquait pas pendant la collaboration, mais à son terme, de sorte qu’il n’existait aucune obligation de non concurrence applicable aux associés de la société New Green. Il a ajouté qu’au surplus la clause de non concurrence devait éventuellement protéger les intérêts de la société New Green, dont le savoir faire était inexistant, comme étant composé uniquement du savoir faire respectif des sociétés Z et Natural Grass, que la société New Green n’avait ni salarié, ni assurance décennale, et était dénuée de toute notoriété vis-à-vis de la clientèle, qui traitait majoritairement avec la société X, ce dont il a déduit que la clause de non concurrence ne reposait sur aucun intérêt légitime et qu’elle devait donc être déclarée nulle. S’agissant du défaut de loyauté, le tribunal l’a écarté d’emblée concernant M. X, au motif qu’il n’était pas partie prenante dans les statuts constitutifs de la société New Green, puis a indiqué que la société X avait fait preuve de loyauté en apportant à la société New Green des marchés et en se dispensant de facturer ses prestations commerciales, sans qu’il soit démontré qu’elle se soit servie de cette société pour obtenir les chantiers qu’il lui était reproché d’avoir détournés. Il a encore rejeté l’argumentation fondée sur les actes de concurrence déloyale, faute pour les demandeurs d’établir la réalité d’agissements déloyaux de la société X, relevant par ailleurs que les pièces produites ne permettaient pas d’apprécier les préjudices invoqués. Il a enfin écarté les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts comme n’étant pas justifiées. Le tribunal de commerce a

en conséquence :

— constaté l’absence de comportement déloyal de la société X et de C X vis-à-vis de la société New Green ;

— constaté qu’il n’existe aucune obligation de non concurrence applicable aux associés de New Green ;

— prononcé la nullité de la clause de non concurrence présente dans les statuts de la société New Green ;

— constaté l’absence d’actes de concurrence déloyale de la société X et de M. X au détriment de la société New Green et débouté les sociétés New Green, Natural Grass et A Y de l’ensemble de leurs demandes comme mal fondées ;

— condamné in solidum la société Natural Grass et A Y à payer tant à la société X qu’à C X la somme de 10 000 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné in solidum la société Natural Grass et A Y en tous dépens de l’instance dont frais de greffe indiqués en tête des présentes auxquels devront être ajoutés le coût de l’assignation et les frais de mise à exécution de la présente décision ;

— débouté les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes ;

— les dépens visés à l’article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 143,79 €.

M. Y, la société Natural Grass et la société New Green ont relevé appel de cette décision le 18 mars 2019.

Par conclusions notifiées le 2 juillet 2020, les appelants demandent à la cour :

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction applicable,

Vu l’article 1343-2 du code civil,

Vu les articles L 225-251, L 227-7 et L 227-8 du code de commerce,

Vu les articles 146, 263 et suivants du code de procédure civile,

I. Sur les manquements de la société X et de M. C X

* Sur le devoir de loyauté, ès qualités de dirigeant social

— d’infirmer le jugement, en ce qu’il a constaté l’absence de comportement déloyal de la société X et de M. C X vis-à-vis de la société X (sic) ;

Et, statuant à nouveau,

— de juger que la société X, ès qualités de directeur de général de la société New Green, était tenue d’un devoir de loyauté et de fidélité, lui interdisant de plein droit de concurrencer celle-ci sur le marché du drainage de golfs et d’hippodromes ;

— de juger que M. C X, ès qualités de représentant légal de la société X, est soumis aux mêmes obligations et encourt solidairement la même responsabilité que celle-ci, au titre des

manquements commis dans le cadre de son mandat ;

— de prendre acte que la société X et M. C X reconnaissent avoir réalisé sans New Green des chantiers de drainage au profit de golfs et d’hippodromes ;

En conséquence,

— de juger que la société X, et solidairement avec elle M. C X, ont manqué à leur devoir de loyauté vis-à-vis de la société New Green, et ont engagé leur responsabilité à ce titre ;

* Sur l’obligation de non-concurrence, ès qualités d’actionnaire

— d’infirmer le jugement, en ce qu’il a constaté qu’il n’existait aucune obligation de non-concurrence applicable aux associés de la société New Green ;

— d’infirmer le jugement, en ce qu’il a prononcé la nullité de la clause de non-concurrence présente dans les statuts de la société New Green ;

Et, statuant à nouveau,

— de juger que la société X s’est engagée, ès qualités d’actionnaire de la société New Green, à ne pas concurrencer celle-ci sur le marché du drainage de golfs et d’hippodromes ;

— de juger que la clause de non-concurrence, présente dans les statuts de la société New Green, protège les intérêts légitimes de celle-ci, est limitée et proportionnée dans le temps, dans l’espace, et quant aux domaines d’activité concernés ;

— de prendre acte que la société X reconnaît avoir réalisé sans New Green des chantiers de drainage au profit de golfs et d’hippodromes ;

En conséquence,

— de juger que la société X a violé les termes de son partenariat avec les actionnaires de la société New Green et son obligation de non-concurrence, et a engagé sa responsabilité à ce titre ;

— de juger que la clause de non-concurrence, présente dans les statuts de la société New Green, est licite et valable ;

* Sur l’interdiction générale de ne pas commettre des actes de concurrence déloyale

— d’infirmer le jugement, en ce qu’il a constaté l’absence d’actes de concurrence déloyale de la société X et de M. C X au détriment de la société New Green ;

Et, statuant à nouveau,

— de juger que la société X a détourné la clientèle de la société New Green, par l’entretien d’une confusion entre ses activités et celle de la société New Green, et en s’appropriant les mérites de la société New Green ;

En conséquence,

— de juger que la société X a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société New Green, et a engagé sa responsabilité à ce titre ;

II. Sur la réparation des dommages causés par les manquements de la société X et de M. C X

— d’infirmer le jugement, en ce qu’il a débouté les sociétés New Green, Natural Grass et A Y de leurs demandes ;

Et, statuant à nouveau,

Sur le préjudice résultant de la perte de marge :

A titre principal :

— de condamner solidairement et à titre de provision la société X et M. C X à payer à la société New Green la somme de 67 974,53 €, au titre de la marge que Z prétend avoir réalisée sur les chantiers de drainage qu’elle reconnaît avoir effectués au profit de golfs et d’hippodromes ;

— d’ordonner la désignation de tel expert qu’il lui plaira avec pour mission :

— entendre tout sachant ou toute personne susceptible de fournir des informations utiles aux opérations d’expertises ;

— se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment :

* les comptes sociaux de la société X des exercices clos les 31 décembre 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 ;

* les devis établis pour tout golf ou hippodrome par la société X du 14 juin 2012 jusqu’à ce jour ;

* les bons de commande reçus de tout golf ou hippodrome par la société X du 14 juin 2012 jusqu’à ce jour ;

* les factures établies par la société X du 14 juin 2012 jusqu’à ce jour au titre de prestations réalisées dans tout golf ou hippodrome ;

* les devis, bons de commande et factures échangés entre la société X et la société HEGE, ou une société liée à cette dernière, du 14 juin 2012 jusqu’à ce jour ;

— rechercher tous éléments susceptibles de permettre à New Green de chiffrer le préjudice lié au détournement de clientèle du fait des activités concurrentes de la société X, dont notamment les éléments financiers établis dans le cadre du projet de cession de celle-ci ;

— faire la liste de l’ensemble de ces éléments ;

— examiner ces éléments ;

— déterminer la marge réalisée par la société X sur les chantiers de drainage effectués par elle au profit de golfs ou d’hippodromes ;

— de surseoir à statuer définitivement (sic) sur le quantum du préjudice subi par New Green lié à la perte de marge, dans l’attente des résultats de l’expertise ;

A titre subsidiaire :

— de condamner solidairement la société X et M. C X à payer à la société New Green la somme de 300 000 €, sauf à parfaire, au titre de la marge réalisée par Z sur les chantiers de drainage effectués au profit de golfs et d’hippodromes ;

Sur le préjudice résultant de la perte de chance de développer et de fidéliser la clientèle des golfs et des hippodromes sur le marché du drainage :

— de condamner solidairement la société X et M. C X à payer à la société New Green la somme totale de 300 000 €, sauf à parfaire, au titre de la perte de chance pour celle-ci de développer et de fidéliser la clientèle des golfs sur le marché du drainage ;

— de condamner solidairement la société X et M. C X à payer à la société New Green la somme totale de 300 000 €, sauf à parfaire, au titre de la perte de chance pour celle-ci de développer et de fidéliser la clientèle des hippodromes sur le marché du drainage ;

Sur le préjudice moral :

— de condamner solidairement la société X et M. C X à payer à la société New Green, à la société Natural Grass ainsi qu’à M. A Y la somme de 10 000 € chacun au titre de leur préjudice moral ;

Sur les mesures à ordonner :

— d’ordonner le retrait du site internet de la société X (http://www.Z.fr/) et sur tout autre support publicitaire ou de communication de tout article ou mention lié(s) au drainage de golfs ou d’hippodromes ;

— d’ordonner à la société X et à M. C X de ne faire à l’avenir aucune communication liée au drainage de golfs ou d’hippodromes, sur quelque support que ce soit ;

III. En tout état de cause

— de confirmer le jugement, en ce qu’il a débouté la société X de sa demande de dommages et intérêts au titre d’une révocation abusive et vexatoire ;

— de confirmer le jugement, en ce qu’il a débouté la société X de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

— de débouter la société X et M. C X de l’ensemble de leurs demandes ;

— de donner acte aux sociétés New Green et Natural Grass ainsi qu’à M. A Y qu’ils se réservent de conclure plus amplement sur les nouveaux détournements qu’ils découvriraient dans le cadre de l’expertise et d’ajuster en conséquence leurs demandes ;

— de condamner solidairement, et subsidiairement in solidum, la société X et M. C X à payer aux sociétés New Green et Natural Grass ainsi qu’à M. A Y la somme totale de 20 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance et de ses suites.

Par conclusions notifiées le 17 juillet 2019, la société X et M. X demandent à la cour :

Vu l’article 1240 du code civil, anciennement article 1382 du code civil,

— de réformer le jugement en ce qu’il a écarté les demandes reconventionnelles de la société X ;

Statuant à nouveau,

— de condamner in solidum la société Natural Grass et M. A Y à payer à la société X une somme de 50 000 € au titre de cette procédure abusive ;

— de condamner in solidum la société Natural Grass et M. A Y à payer à la Société Z la somme de 50 000 € pour révocation abusive et vexatoire ;

— de confirmer le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

— de condamner in solidum la société Natural Grass et M. A Y à payer tant à la

société X qu’à C X, la somme de 10 000 € chacun au titre de ses frais irrépétibles à hauteur d’appel ;

— de condamner in solidum la société Natural Grass et M. A Y aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 2 février 2021.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

SUR CE, LA COUR

– Sur la concurrence illicite

Les appelants font grief aux intimés d’avoir concurrencé la société New Green sur les chantiers de drainage de golfs et d’hippodromes, en ayant réalisé au nom et pour le compte de la société X de tels travaux au bénéfice des golfs de St Marc, Roissy en France, Lille et Nancy, ainsi que des hippodromes de Clairefontaine, Longchamp et Marseille Borelli.

Ils invoquent à cet égard un défaut de loyauté de la société X, en sa qualité de directeur général de la société New Green, ainsi qu’une violation du pacte d’actionnaires par lequel les associés s’étaient interdits de concurrencer la société New Green dans le domaine spécifique du drainage des golfs et des hippodromes.

La réalité de l’exécution des chantiers imputés à la société X n’est, en elle-même, pas contestée par celle-ci et M. X, qui considèrent toutefois que, ce faisant, ils n’avaient commis aucune faute au préjudice de la société New Green, la société X ayant eu, dès avant la création de celle-ci, une activité concurrente, qu’elle ne s’était jamais engagée à abandonner, indiquant que si des discussions préliminaires en vue de la conclusion d’un pacte d’actionnaires avaient effectivement été menées, elles n’avaient cependant jamais abouti.

Il sera rappelé que la société X, qui préexistait à la société New Green, a pour objet social, aux termes de l’article 3 de ses statuts ‘l’amélioration et la maintenance de l’environnement, parcs et jardins, la création de terrains de sport, la décoration florale et plus généralement toutes opérations industrielles, commerciales ou financières, mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet social ou susceptibles d’en faciliter l’extension et le développement.’

L’article II des statuts de la société New Green définit son objet social comme consistant dans ‘la création, la rénovation, et l’aménagement de terrains de sport, de golfs, d’hippodromes, de parcs, de jardins, de toitures et de murs végétalisés’.

Il résulte de la mise en perspective de ces objets sociaux respectifs que le domaine d’intervention des deux sociétés est très similaire en ce qui concerne les terrains de sport, parcs et jardins, mais que la société New Green y ajoute une activité spécifique de rénovation et d’aménagement de golfs et d’hippodromes, structures qui ne sont pas visées aux statuts de la société X.

Les intimés ne justifient par ailleurs pas, par les pièces qu’ils produisent aux débats, que la société X ait, antérieurement à la création de la société New Green, eu parmi ses activités habituelles celle de drainage des golfs et hippodromes, dont il n’est pas contesté qu’elle fait appel à un savoir-faire particulier.

C’est au demeurant manifestement l’exploitation de ce marché spécifique qui a en grande partie justifié la création de la société New Green, avec pour but de conjuguer les compétences respectives des associés, la technicité en matière de drainage des golfs et hippodromes étant apportée par M. H I Y, qui l’avait développée dans le cadre de sa précédente entreprise, la société YN.

Il n’est ainsi pas établi par les intimés qu’en réalisant les chantiers de drainage litigieux, ils n’aient fait que poursuivre une activité antérieure habituelle.

Ensuite, et en tout état de cause, en devenant directeur général de la nouvelle structure qu’était la société New Green, la société X s’est retrouvée débitrice envers celle-ci de l’obligation de loyauté qui s’impose à tout dirigeant de société. Cette obligation lui interdisait notamment de développer ou de poursuivre une activité directement concurrente de celle de la société dirigée. Il importe peu à cet égard que la société X n’ait formalisé aucun engagement exprès de ne pas concurrencer la société dans laquelle elle exerçait des fonctions dirigeantes, dès lors que l’obligation de loyauté et l’interdiction de concurrence directe qui en découle s’appliquaient à elle de plein droit. Dès lors, seul un accord dérogatoire exprès aurait été de nature à permettre à la société X de mener une activité ou un chantier ponctuel en concurrence avec la société New Green. Or, il est constant que les chantiers de golfs et d’hippodromes précédemment listés ont été réalisés sans information préalable de la société New Green, et à l’insu de celle-ci.

C’est vainement que les intimés argumentent sur le fait qu’un comportement identique pourrait être reproché à la société Natural Grass, dont ils indiquent qu’elle avait elle-même poursuivi des activités propres concurrentes de celles de la société New Green, dès lors, d’une part, que cette dernière n’élève aucun grief de ce type à l’encontre de la société Natural Grass, et dans la mesure, d’autre part, où cet argument est en réalité dénué d’emport, dès lors qu’une éventuelle violation de ses obligations par la société Natural Grass n’autorisait pas pour autant la société X à enfreindre les siennes.

Le comportement fautif dans l’exercice des fonctions de directeur général est ainsi caractérisé, de sorte que la société X devra être déclarée responsable envers la société New Green des conséquences de son manquement, par application de l’article L 225-251 du code de commerce, selon lequel les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Il en sera de même de M. X, en sa qualité de dirigeant de la société X, conformément aux dispositions de l’article L 227-7 du même code, qui énoncent que, lorsqu’une personne morale est nommée président ou dirigeant d’une société par actions simplifiées, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s’ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité de la personne morale qu’ils dirigent.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a écarté la responsabilité de la société X et de M. X.

Les appelants invoquent par ailleurs la responsabilité de la société X en qualité d’associée, comme ayant enfreint le pacte d’actionnaires ayant fait interdiction à ceux-ci de concurrencer la société New Green.

Si la responsabilité ainsi alléguée est surabondante s’agissant de la période à laquelle la société X a occupé les fonctions de directeur général de la société New Green, au titre desquelles une faute a d’ores et déjà été caractérisée, l’examen de ce moyen conserve néanmoins un intérêt pour la période postérieure au 22 décembre 2017, date à laquelle la société X a été révoquée de ses fonctions de directeur général, en conservant néanmoins sa qualité d’associée.

Il est établi par les documents produits, et notamment des échanges de courriers électroniques intervenus en novembre et décembre 2011, soit au cours de la période ayant précédé la création de la société New Green, que les futurs associés ont évoqué en particulier la question de la frontière entre les activités respectives des sociétés New Green et Z.

Ainsi, dans un mail du 16 novembre 2011 adressé à M. A Y et à M. X, M. H-I Y, après avoir rappelé que la frontière entre les activités des sociétés devait être précisée ‘avec garantie d’exclusivité et de non concurrence réciproque’, a indiqué notamment que ‘la filiale commune New Green aura donc pour objet les travaux de transformation et de création du gazon sur tous les secteurs du marché : collectivité, golfs, hippique, cimetières et renonce à toute activité de régénération et d’entretien qu’elle réserve à sa mère Z. New Green aura également pour projet de développer une activité récurrente de renforcement de drainage par micro-fentes’, et que ‘Z a une activité de régénération et d’entretien des gazons sur tous les secteurs du marché et renonce à toute activité de transformation et de création du gazon qu’elle réserve à sa filiale New Green.’

Par courrier électronique du 7 décembre 2011 adressé à M. A Y, et en copie à M. H-I Y, M. X a fait savoir qu’il avait apporté quelques modifications aux statuts, et que ‘pour les champs d’activité respectifs et les engagements des 2 associés Natural Grass et Sotre, j’ai préparé un engagement séparé sur la base de nos échanges et le mail de ton père du 16 novembre.’

En réponse, M. A Y a fait savoir le 8 décembre 2011 qu’il avait à son tour apporté quelques modifications sur le projet de statuts, et qu’il était ‘d’accord pour avoir un accord séparé (pour éviter que ces conditions ne soient publiées publiquement) disant que Z ne fera pas concurrence à sa filiale New Green’.

Il est constant qu’aucun pacte d’actionnaire n’a finalement été formalisé de manière écrite par le biais d’un acte séparé.

Il n’en demeure cependant pas moins qu’il ressort de l’échange de mails un accord des futurs associés sur la frontière entre les activités des sociétés New Green et Z, qui constituait manifestement un préalable à la création de la nouvelle société.

La réalité de cet accord ne fait au demeurant aucun doute du fait de la présence dans les statuts d’une clause de non-concurrence destinée à s’appliquer dans l’hypothèse où l’un des associés viendrait à perdre cette qualité. Il est en effet difficilement concevable qu’un ex-associé soit tenu envers la société New Green d’une obligation de non-concurrence à laquelle il n’aurait pas été obligé en sa qualité antérieure d’associé.

Par ailleurs, s’agissant plus spécifiquement de l’activité de drainage, qui se trouve au coeur du différend, les intimés sont d’autant plus mal fondés à contester l’exclusivité concédée à la société New Green que, dans un courrier électronique adressé le 9 janvier 2014 à M. A Y dans le cadre d’une discussion qui semble relative à la prise en charge de frais générés par un salon, M. X a expressément indiqué ‘à ma connaissance, l’activité drainage golf est assurée à présent par New Green et non Z.’

Il est ainsi suffisamment établi que, dans le cadre de sa prise de participation dans la société New Green, la société X s’était engagée à ne pas concurrencer celle-ci sur son domaine d’activité, et en particulier s’agissant du drainage des golfs.

Il doit en être déduit qu’en réalisant des chantiers de drainage de golfs et d’hippodromes en concurrence directe avec la société New Green, la société X a également contrevenu aux obligations contractées envers elle en sa qualité d’actionnaire.

– Sur la concurrence déloyale

Les appelants font en outre grief à la société X d’avoir mis en oeuvre une véritable entreprise de détournement à son profit de la clientèle de la société New Green.

Toutefois, ce reproche apparaît insuffisamment caractérisé en l’état des pièces produites.

Ainsi, si certes le site internet de la société X comporte, ainsi qu’il résulte d’un procès-verbal de constat d’huissier du 24 novembre 2017, un article sur le drainage du golf de Saint Quentin en Yveline, dont il est constant qu’il s’agit d’un chantier réalisé sous l’égide de la société New Green, il n’en demeure pas moins que cette communication se borne à faire état de la réalisation matérielle des travaux par la société X, ce qui correspond à la réalité, sans toutefois en revendiquer la paternité.

De même, il ne peut être tiré aucune conclusion définitive des attestations versées aux débats, qui ne permettent pas clairement d’établir, dans les cas évoqués, que la société X intervenait dans ses intérêts propres plutôt que pour le compte de la société New Green, comme les liens unissant les parties l’y autorisait.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a écarté le moyen tiré de la concurrence déloyale.

– Sur le préjudice

1° Sur la perte de marge

La société New Green réclame en premier lieu l’indemnisation du préjudice résultant de la perte des marges qu’elle aurait dû réaliser sur les chantiers de drainage de golfs et d’hippodromes que la société X a réalisés en violation de son obligation de loyauté.

Ce poste de préjudice est incontestable, dès lors que si le directeur général avait respecté son obligation de loyauté, les marchés qu’elle a réalisés en concurrence directe avec la société New Green auraient dû être confiés à celle-ci.

En l’état des pièces produites, qui ne permettent pas de déterminer les marges perdues, et compte tenu de la multiplicité des chantiers ainsi que du caractère éminemment technique de l’évaluation de ce poste de préjudice, il convient avant dire droit d’ordonner une expertise technique, dont la mission

sera détaillée dans le dispositif de la présente décision, et qui sera réalisée aux frais avancés de la société New Green.

Il convient, dans l’attente, de faire droit à la demande de la société New Green en paiement, à titre provisionnel, de la marge que la société X indique elle-même avoir réalisé sur ces chantiers, soit la somme de 67 974,53 €.

Il sera sursis à statuer sur l’évaluation définitive de ce poste de préjudice dans l’attente de la réalisation des opérations d’expertise.

2° Sur la perte de chance de développer et fidéliser une clientèle

La société New Green réclame le paiement de deux sommes respectives de 300 000 € pour avoir perdu la chance de développer et de fidéliser une clientèle, respectivement sur le créneau du drainage des golfs, et sur celui des hippodromes.

Il est manifeste qu’eu égard à la spécificité de ce domaine d’activité, et du nombre limité de structures constituant sa clientèle potentielle, le fait pour la société X et M. X de s’être appropriés certains chantiers au préjudice de la société New Green est de nature à avoir fait perdre à celle-ci une chance de se constituer la clientèle correspondante, de la conserver pour les travaux de maintenance ou de réfection futurs, la réalisation des travaux initiaux conférant à cet égard à l’entreprise qui les a exécutés un avantage incontestable sur les autres acteurs du secteur, mais aussi de développer sa clientèle par l’effet des recommandations pouvant être adressées par les bénéficiaires de ces travaux à d’autres clients potentiels.

Toutefois, les éléments produits aux débats ne permettent pas, en l’état, de déterminer avec une précision suffisante le préjudice résultant d’une telle perte de chance, qui nécessite en effet de disposer d’informations concernant la périodicité des opérations de maintenance et, le cas échéant, de celles de renouvellement complet du système de drainage, sur leur coût et la marge qu’elles permettent de dégager, mais aussi sur le nombre d’entreprises présentes sur le marché français, et susceptibles d’intervenir pour réaliser ce type d’interventions.

Il sera donc confié à l’expert une mission supplémentaire, qui consistera à fournir à la cour les éléments financiers lui permettant de procéder à l’évaluation de la perte de chance et au chiffrage du préjudice en résultant.

Il sera donc sursis à statuer sur ces chefs de demande dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise.

3° Sur le préjudice moral

La société New Green, la société Natural Grass et M. A Y sollicitent chacun une somme de 10 000 € à titre d’indemnisation en raison du préjudice d’ordre moral souffert du fait des agissements de la société X et de M. X.

Force est cependant de constater que ces préjudices ne sont pas démontrés autrement que par leur simple affirmation. Or, la caractérisation d’un préjudice de cette nature ne tient pas de l’évidence lorsque les victimes alléguées sont des personnes morales, telles les sociétés New Green et Natural Grass, cette dernière n’étant en outre que l’un des actionnaires de la société lésée par son directeur général. La démonstration de la réalité d’un tel préjudice n’est pas plus rapportée s’agissant de M. A Y, dont il n’est pas indiqué en quoi il aurait été personnellement victime des agissements de la société X

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a écarté ce chef de demande.

4° Sur le retrait des communications

Il ressort des documents versés aux débats par les appelants, et notamment d’un procès-verbal de constat d’huissier établi le 24 novembre 2017, que le site internet de la société X comporte un certain nombre de communications relatives à des travaux de drainage de golfs, dont en particulier celui de Saint Quentin en Yveline, de Guyancourt ou encore de Feucherolles.

Dès lors que ces communications sont relatives à un domaine d’activité sur lequel la société X concurrence la société NEW Green de manière illicite, il sera fait droit à la demande des appelants tendant à la suppression de ces communications, et à l’interdiction d’en faire de nouvelles sur le même sujet, sur quelque support que ce soit.

– Sur les demandes reconventionnelles

1° Sur la demande d’annulation de la clause de non-concurrence

Les statuts de la société New Green comportaient à leur article 9.6 une clause de non concurrence libellée de la manière suivante :

‘En cas de perte de la qualité d’associé pour quelque cause que ce soit, et à compter de cette date pour une durée de 3 ans, en France, l’ex-associé concerné s’engage à ne pas exercer ou participer à toute activité identique ou similaire à celle de la société, en termes de style et de clientèle cible, en particulier toute activité de :

– création et réfection lourde de stades de football ou de rugby.

– création, réfection lourde, drainage et arrosage de golfs, hippodromes et cimetières.

Les travaux de construction ou de réfection lourde d’une surface engazonnée sont définis par le fait de mettre en place (création) ou de remplacer (réfection lourde) la couche de jeu ou la couche support du gazon.’

Il est constant que cette clause ne peut être mise en oeuvre dans le cadre du présent litige, dès lors qu’elle ne trouve à s’appliquer qu’après la perte de la qualité d’associé.

La société X et M. X sollicitent néanmoins la confirmation du jugement en ce qu’il a prononcé la nullité de cette clause, en faisant valoir qu’elle ne protégeait aucun intérêt légitime, dès lors que la société New Green consistait en une coquille vide dépourvue de tout savoir-faire propre.

Toutefois, les intimés, auxquels incombe sur ce point la charge de la preuve, ne démontrent en rien l’absence d’intérêt légitime à protéger, l’argumentation tirée de la coquille vide se heurtant aux pièces versés aux débats par la société New Green, dont il résulte qu’elle a bien eu une activité suivie, au moins jusqu’en 2016, période à partir de laquelle son chiffre d’affaires a chuté, et qu’elle est dépositaire d’un savoir-faire technique propre, hérité de la société YN par le biais de M. H-I Y.

Rien ne justifie donc en l’état que cette clause de non-concurrence soit annulée.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

2° Sur les demandes de dommages et intérêts

La demande de la société X et de M. X tendant à l’octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive ne peut qu’être rejetée, compte tenu de l’issue du litige. Le jugement déféré sera

confirmé de ce chef.

C’est ensuite vainement qu’il est argué du caractère abusif et vexatoire de la décision du 22 décembre 2017 ayant révoqué la société X de ses fonctions de directeur général de la société New Green, dès lors que le comportement déloyal de l’intéressée dans l’exécution de ces fonctions a été reconnu.

– Sur les autres dispositions

Le jugement déféré sera infirmé s’agissant des frais irrépétibles et des dépens, et il sera sursis à statuer de ces chefs dans l’attente de la réalisation de l’expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 7 mars 2019 par le tribunal de commerce de Dijon en ce qu’il a :

* constaté l’absence d’actes de concurrence déloyale de la société X et de M. X au détriment de la société New Green ;

* rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par la société New Green, la société Natural Grass et M. A Y au titre du préjudice moral ;

* rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par la société X sur le fondement de la procédure abusive et de la révocation vexatoire ;

Infirme le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

Déclare la société X et M. C X responsables du préjudice subi par la société New Green du fait de l’attitude déloyale de la société X, en sa qualité de directeur général de la société New Green ;

Déclare la société X responsable du préjudice subi par la société New Green du fait de l’attitude déloyale de la société X en sa qualité d’associée de la société New Green ;

Avant dire droit, sur les préjudices de perte de marge et de perte de chance de développer et de fidéliser une clientèle subis par la société New Green, ordonne une expertise et commet pour y procéder :

M. F G

expert comptable

[…]

Tél. prof. 03.80.60.99.99 – Fax. […]

E.mail. [email protected]

Avec la mission suivante :

1° se faire communiquer par les parties toutes les pièces jugées utiles à l’exécution de sa mission, et notamment :

* les comptes sociaux de la société X relatifs aux exercices clos les 31 décembre 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 ;

* les devis établis par la société X pour toute opération de drainage de golf ou d’hippodrome depuis le 14 juin 2012 ;

* les bons de commande reçus par la société X pour toute opération de drainage de golf ou d’hippodrome depuis le 14 juin 2012 ;

* les factures établies par la société X depuis le 14 juin 2012 au titre de prestations de drainage de golf ou d’hippodrome ;

2° déterminer la marge réalisée par la société X au titre des chantiers de drainage ;

3° indiquer, après consultation des parties sur ce point, la périodicité des opérations de maintenance des installations de drainage de golf et d’hippodrome, et la durée de vie de ces installations avant renouvellement complet ; déterminer le coût pouvant être facturé au titre des opérations respectives de maintenance et de renouvellement, ainsi que la marge qu’elles permettent de dégager pour l’entreprise réalisatrice ; préciser si la société X a d’ores et déjà effectué des opérations de maintenance ou de renouvellement au profit de golfs ou d’hippodromes dont elle a réalisé l’installation de drainage, et, dans l’affirmative, indiquer la marge réalisée sur ces travaux ;

4° plus généralement, fournir à la cour tous éléments utiles à l’évaluation des préjudices ;

Fixe à 3 000 € le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, que la société New Green devra consigner au greffe de la cour d’appel de Dijon avant le 20 juillet 2021 ; à défaut de consignation dans ce délai, la présente désignation sera caduque ;

Dit que l’expert devra commencer ses opérations dès qu’il aura été informé par le greffe de la consignation de la provision ;

Dit que l’expert adressera aux parties un pré-rapport détaillé, recueillera leurs dires, et y répondra dans son rapport définitif ;

Dit qu’il déposera le rapport écrit définitif de ses opérations au greffe de la cour d’appel de Dijon dans un délai de six mois à compter de l’avis de consignation de la provision ;

Dit que l’expert, en cas d’empêchement ou de refus de la mission, sera remplacé sur simple demande par ordonnance du magistrat chargé du suivi de la mesure d’expertise ;

Sursoit à statuer sur les préjudices de perte de marge et de perte de chance de développer et de fidéliser une clientèle dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise ;

Condamne la société X et M. X, in solidum, à payer à la société New Green la somme de 67 974,53 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;

Rejette la demande de la société X et de M. X tendant à l’annulation de la clause de non-concurrence figurant dans les statuts de la société New Green ;

Ordonne le retrait du site internet de la société X (http://www.Z.fr/) de tout article ou mention relatives au drainage de golfs ou d’hippodromes ;

Interdit à la société X et à M. C X de faire toute communication relative au drainage de golfs ou d’hippodromes, sur quelque support que ce soit ;

Sursoit à statuer sur les frais irrépétibles et les dépens.

Le Greffier, Le Président


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