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Pour faire face au Covid 19, l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 a apporté des aménagements aux dispositions de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus en toutes matières.
L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a instauré un dispositif de report de divers délais et dates d’échéance. Elle a défini pour cela, une « période juridiquement protégée » qui court à compter du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Le mécanisme mis en place ne constitue ni une suspension, ni une prorogation du délai initialement imparti pour agir. Le mécanisme mis en œuvre permet simplement de considérer que l’acte ou la formalité réalisé jusqu’à la fin du délai initial, calculé à compter de la fin de la période visée à l’article 1er (état d’urgence sanitaire + un mois), dans la limite de deux mois, sera réputé valablement fait. Il s’agit de permettre d’accomplir a posteriori (et comme si le délai avait été respecté) ce qu’il a été impossible de faire pendant la période d’urgence sanitaire augmentée un mois. Ce mécanisme ne fonctionne que si le délai pour agir est « prescrit » par la loi ou le règlement, « à peine » d’une sanction ou de la déchéance d’un droit. La faculté de rétractation ou de renonciation, c’est-à-dire le délai laissé par certains textes avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement à un contrat, n’est pas un acte « prescrit » par la loi ou le règlement « à peine » d’une sanction ou de la déchéance d’un droit.
Les délais pour se rétracter ou renoncer à un contrat, par exemple en matière
de vente à distance ou de contrats d’assurance ou de services financiers à
distance, d’assurance-vie ou encore de vente d’immeubles à usage d’habitation
relevant de l’article L. 271-1 du code de la construction et de
l’habitation, sont exclus du champ de l’ordonnance.
Il en est de même des délais de réflexion : ces délais avant l’expiration desquels le destinataire d’une offre contractuelle ne peut manifester son acceptation sont exclus du champ de l’ordonnance. En effet il ne s’agit pas d’un acte devant être réalisé pendant un certain délai à peine de sanction mais seulement d’un temps imposé au futur contractant pour réfléchir à son engagement.
L’exclusion concerne également les délais prévus pour le remboursement d’une somme d’argent en cas d’exercice du droit de rétractation ou de renonciation. En revanche, les délais pour la restitution d’autres biens sont bien inclus dans le champ d’application du texte.
L’ordonnance du 25 mars 2020 fixe la liste des mesures judiciaires et administratives dont l’effet est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter de l’expiration de l’état d’urgence sanitaire.
Concernant la prorogation des mesures administratives et juridictionnelles en cours, afin que celle-ci ne puisse pas être interprétée comme un dessaisissement des autorités compétentes, il est prévue que la prorogation ne fait pas obstacle à ce que le juge ou l’autorité compétente modifie ces mesures, y mette fin ou encore, si les intérêts dont ils ont la charge le justifient, prescrive leur application ou en ordonne de nouvelles pour la durée qu’il détermine. Il incombe au juge de prendre en considération les difficultés résultant de la crise sanitaire.
L’article 4 de l’ordonnance modifie et complète l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 relatif
au cours des astreintes et à l’application des clauses pénales, clauses
résolutoires et clauses de déchéance.
Premièrement, s’agissant des clauses et des astreintes qui sanctionnent l’inexécution d’une obligation échue pendant la période juridiquement protégée, l’ordonnance modifie la date à laquelle ces clauses et astreintes prendront leur cours ou leur effet. Le report n’est plus forfaitairement fixé à un mois, comme initialement prévu, mais il est égal à la durée d’exécution du contrat qui a été impactée par les mesures résultant de l’état d’urgence sanitaire. Par exemple, si une échéance était attendue le 20 mars 2020, c’est-à-dire huit jours après le début de la période juridiquement protégée, la clause pénale sanctionnant le non-respect de cette échéance ne produira son effet, si l’obligation n’est toujours pas exécutée, que huit jours après la fin de la période juridiquement protégée. De même, si une clause résolutoire, résultant d’une obligation née le 1er avril devait prendre effet, en cas d’inexécution, le 15 avril, ce délai de 15 jours sera reporté à la fin de la période juridiquement protégée pour que le débiteur puisse encore valablement s’acquitter de son obligation avant que la clause résolutoire ne prenne effet.
Deuxièmement, l’ordonnance ajoute à l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 un dispositif de report du cours des astreintes et de la prise d’effet des clauses pénales, résolutoires et de déchéance lorsque celles-ci sanctionnent l’inexécution d’une obligation, autre que de somme d’argent, prévue à une date postérieure à la fin de la période juridiquement protégée. En effet, même après l’expiration de la période juridiquement protégée, certains débiteurs d’une obligation de faire se trouveront, du fait des difficultés imposées par le confinement, dans l’impossibilité de respecter les échéances auxquelles ils sont engagés. Ce report sera également calculé, après la fin de la période juridiquement protégée, en fonction de la durée d’exécution du contrat qui a été impactée par les contraintes du confinement. Par exemple, si un contrat de travaux antérieur au 12 mars 2020 prévoit la livraison du bâtiment à une date qui échoit après la fin de la période juridiquement protégée, la clause pénale sanctionnant l’éventuelle inexécution de cette obligation ne prendra effet qu’à une date reportée d’une durée égale à la durée de la période juridiquement protégée. Les clauses et astreintes sanctionnant les obligations de sommes d’argent sont exclues du dispositif applicable aux échéances postérieures à la fin de la période juridiquement protégée. En effet, l’incidence des mesures résultant de l’état d’urgence sanitaire sur la possibilité d’exécution des obligations de somme d’argent n’est qu’indirecte et, passé la période juridiquement protégée, les difficultés financières des débiteurs ont vocation à être prises en compte par les règles de droit commun (délais de grâce, procédure collective, surendettement).
Les parties au contrat restent libres d’écarter l’application de cet article
par des clauses expresses notamment si elles décident de prendre en compte
différemment l’impact de la crise sanitaire sur les conditions d’exécution du
contrat. Elles peuvent également décider de renoncer à se prévaloir des dispositions
ci-dessus.
L’ordonnance modifie la durée de suspension des délais pour la consultation ou
la participation du public. Ces délais sont suspendus jusqu’à l’expiration
d’une période de sept jours suivant la date de cessation de l’état d’urgence
sanitaire alors qu’ils l’étaient par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 jusqu’à la fin du
mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire. Il sera
ainsi permis de ne pas retarder davantage l’organisation et la tenue de
procédures de consultation et de participation du public qui avaient été
engagées ou programmées avant la déclaration de l’état d’urgence, ce qui
contribuera à favoriser la relance économique. Par ailleurs, cet article
prévoit que les délais applicables aux procédures en matière de rupture
conventionnelle dans la fonction publique, notamment le délai de rétractation,
sont suspendus selon le droit commun fixé par l’article 7 de l’ordonnance du 25
mars 2020 précitée.
L’article 7 complète l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.
Il prévoit deux nouveaux motifs qui permettront par décret de déterminer les
actes, procédures ou obligations pour lesquels les délais reprennent. Il s’agit
de la sauvegarde de l’emploi et de l’activité ainsi que de la sécurisation des
relations de travail et de la négociation collective.
En premier lieu, le nouvel article 12 bis fixe des règles se substituant à celles prévues par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, s’agissant du report des délais des recours applicables à l’ensemble des autorisations de construire. Dans le domaine de la construction, l’ensemble du processus (financements, actes notariés, chantiers) se trouve en effet bloqué tant que les délais de recours contre l’autorisation de construire ne sont pas purgés. De ce fait, le mécanisme de l’article 2, qui conduit à ce qu’une autorisation de construire délivrée près de deux mois avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire puisse être contestée dans un nouveau délai de trois mois à compter de la cessation de celui-ci risque, en paralysant le secteur de la construction, de constituer un frein important à la relance de l’économie, alors même que, dès la fin de la période d’état d’urgence sanitaire, les recours pourront s’exercer dans les conditions normales.
L’article 8 remplace donc, pour
les recours contre de telles autorisations, le mécanisme de l’article 2 par un
système de suspension des délais, qui reprendront leur cours là où il s’était
arrêté dès la cessation de l’état d’urgence sanitaire, tout en sanctuarisant un
minimum de sept jours pour permettre aux justiciables de saisir la juridiction.
En deuxième lieu, le nouvel
article 12 ter prévoit une dérogation à l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020,
pour permettre que les délais d’instruction administratifs des autorisations
d’urbanisme reprennent leur cours dès la cessation de l’état d’urgence
sanitaire, et non un mois plus tard. Là encore, l’objectif est de relancer aussi
rapidement que possible, une fois passée la période de crise sanitaire, le
secteur de l’immobilier, en retardant au minimum la délivrance des
autorisations d’urbanisme.
En troisième lieu et dans le même esprit, l’article 12 quater prévoit la même adaptation des délais relatifs à l’exercice du droit de préemption impartis pour répondre à une déclaration d’intention d’aliéner. En effet, la suspension de ces délais a pour conséquence, tant que le bénéficiaire du droit de préemption ne s’est pas expressément prononcé, d’empêcher la vente du bien foncier ou immobilier concerné.
Enfin, les délais de participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement nécessaires aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 ont été gelés par l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 et ne sont pas susceptibles d’être dégelés sur le fondement de son article 9, faute de se rattacher à l’un des motifs prévus pour une telle dérogation. Afin d’éviter un retard dans la tenue et l’organisation de ces procédures qui entraînerait un glissement des calendriers de mise en œuvre du projet, l’article 12 quinquies prévoit que le cours des délais reprend pour les participations du public par voie électronique dans le cadre de la préparation et de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Le point de départ du délai de recours ouvert contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF), les arrêtés de transfert Dublin et les décisions de la Cour nationale du droit d’asile est reporté au lendemain de la fin de l’état d’urgence sanitaire, et non un mois après la fin de cette période, en raison du caractère suspensif d’exécution de ces recours. Cette dérogation n’inclut pas les décisions qui peuvent assortir l’OQTF (délai de départ volontaire mentionné aux articles L. 511-1 et L. 511-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, décision fixant le pays de renvoi mentionnée à l’article L. 513-3, interdiction de retour et interdiction de circulation sur le territoire français mentionnées aux articles L. 511-1 et L. 511-3-2, assignation à résidence mentionnée à l’article L. 561-1) et dont le point de départ du délai de recours sera donc différent de celui du délai ouvert pour contester l’OQTF. Il en résultera pour les juridictions, à la fin de l’état d’urgence sanitaire, la nécessité d’organiser plusieurs audiences successives pour statuer sur ces différents recours.
D’autre part, les délais applicables devant le juge des libertés et de la
détention en rétention administrative n’ont pas fait l’objet d’adaptations. Pour
sécuriser ces procédures, il est prévu que le placement en rétention d’une
personne faisant l’objet d’un tel arrêté de transfert suit le même régime que
la rétention en général, à savoir que les délais applicables devant le juge des
libertés et de la détention ne font pas l’objet d’adaptations.
L’ordonnance complète la liste des délais, mesures et obligations exclus de la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire. Elle ajoute aux exclusions, l’inscription aux procédures de délivrance des diplômes afin de pouvoir assurer le respect d’un certain nombre d’échéances ou de formalités conditionnant la recevabilité de cette inscription : les nouveaux délais concernant les voies d’accès aux corps, cadres d’emplois, grades et emplois des agents publics. Dans le domaine de la fonction publique, sont également exclues les procédures de mutations, détachements, mises à dispositions ou autres affectations des agents publics pour lesquelles les délais doivent être maintenus compte tenu de l’importance des mouvements d’agents publics qui interviennent dans les mois précédant la rentrée scolaire.
D’autres exemptions ont pour objet, s’agissant des mesures intéressant la lutte
contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, d’assurer
la mise en œuvre sans délai par les entités assujetties des mesures de gel des
avoirs destinées à lutter contre le financement du terrorisme et la
prolifération décidés par la direction générale du Trésor, conformément aux
obligations internationales et européennes (Conseil de sécurité de l’ONU, Union
européenne, Groupe d’action financière – GAFI) et de permettre l’information du
service à compétence nationale Tracfin nécessaire à ses activités de
renseignement indispensables à la lutte contre le blanchiment des capitaux et
le financement du terrorisme mais aussi à la lutte contre la criminalité
financière en général.
D’autres dérogations concernent les obligations de déclaration à l’Organisme
pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance
(ORIAS) pesant sur les intermédiaires en assurance et réassurance ainsi qu’en
opération de banque et services de paiement, sur leurs mandants, sur les
entreprises d’assurance auprès desquelles ces intermédiaires ont souscrit un
contrat au titre de leur responsabilité civile professionnelle et sur les
établissements de crédits ou les sociétés de financement auprès desquels ils
ont souscrit une garantie financière afin d’assurer une mise à jour des
informations les concernant à destination tant des particuliers que des
entreprises d’assurance et des établissements de crédit soucieux de s’assurer
de la régularité de la distribution des produits et services proposés. Ces
dérogations sont justifiées par la nécessité d’assurer la continuité de la
surveillance des marchés, des opérations réalisées par les émetteurs et les
acteurs tels que les sociétés de gestion de portefeuille, dépositaires,
conseillers en investissements financiers, sociétés civiles de placement
immobilier, gestionnaires d’actifs, intermédiaires en opération de banque et
services de paiement en période de crise, ainsi que la continuité des systèmes.
Sont aussi exclus de la prorogation :
Les délais relatifs à la déclaration établie pour chaque transfert physique de capitaux en provenance ou à destination d’un Etat membre (obligation déclarative de capitaux auprès de l’administration des douanes). Cette dérogation permet de maintenir la traçabilité des flux transfrontaliers d’argent liquide, qui participe à la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la fraude fiscale, et les sanctions applicables en cas de manquements à cette obligation déclarative.
Les délais concernant les déclarations relatives aux produits chimiques et installations y afférentes ;
Les délais de demande de restitution de l’enfant recueilli à titre provisoire comme pupilles de l’Etat ;
Les demandes d’aides, déclarations et formalités nécessaires pour bénéficier des différents régimes d’aides relevant de la politique agricole commune, la fixation des dates limites relève en grande partie de la subsidiarité des Etats membres ;
Les délais auxquels sont soumis les opérateurs publics ou privés pour assurer la sécurité nucléaire et la protection des installations, équipements et transports nucléaires.
Les délais concernant les demandes d’attribution de logements destinés aux
étudiants et gérés par les centres régionaux des œuvres universitaires et
scolaires (163 000 logements étudiants). Le calendrier de cette procédure
d’attribution s’articule en effet avec ceux des demandes d’inscription dans les
établissements d’enseignement supérieur (Parcoursup) et des demandes
d’obtention des bourses sur critères sociaux qui demeurent inchangés compte
tenu des modalités exceptionnelles de délivrance du baccalauréat ;
Les délais applicables aux appels à projets des personnes publiques donnant lieu à une aide publique. Les personnes publiques ont de plus en plus souvent recours au mécanisme des appels à projets notamment pour subventionner des actions qui concourent à la mise en œuvre des politiques publiques (ex : Agence nationale de la recherche).