Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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La société BBGR,
contre l’ordonnance n° 14/19 245 du premier président de la cour d’appel de PARIS, en date du 27 mai 2016, qui a rejeté la demande de nullité de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence à effectuer des opérations de visite et de saisie, dans ses locaux, en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles et d’abus de position dominante ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 27 septembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller WYON, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général MORACCHINI ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu’il résulte de l’ordonnance attaquée et des pièces de procédure que, statuant sur une requête de la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence, présentée dans le cadre d’une enquête relatives à des pratiques commerciales prohibées susceptibles d’être relevées dans le cadre de la commercialisation des verres optiques, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a autorisé, par ordonnance du 2 juillet 2014, la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence à faire procéder en application des dispositions de l’ article L. 450-4 du code de commerce, à des opérations de visite et de saisie dans les locaux des sociétés BBGR, Essilor International, Novavel Ophtalmique, Carl Zeiss Vision France et Hoya Lens France ; que les opérations de visite et de saisie se sont déroulées les 9 et 10 juillet 2014 ; que la société BBGR a fait appel le 18 juillet 2014 de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Paris, et a demandé l’annulation de cette ordonnance ainsi que de celle du juge des libertés et de la détention de Créteil rendue sur commission rogatoire, l’annulation des opérations de visite et saisie effectuées dans les locaux de la société BBGR, ainsi que la restitution de pièces et scellés ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L.420-1, L.420-2 et 450-4 du code de commerce, 101 et 102 TFUE, 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, 455 et 561, 568 et 954 du code de procédure civile, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l’ordonnance rendue par le juge délégué par le premier président de la cour d’appel de Paris a rejeté les demandes de la société BBGR tendant à voir dire que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les visites domiciliaires était «infondée » et devait être « annulée » ;
« aux motifs que l’ordonnance relève qu’il résulte des documents produits que les fournisseurs de verres optiques Essilor et ses filiales, notamment BBGR, Novacel Carl Zeiss et Hoya semblent s’entendre pour limiter la progression des sites de vente en ligne de produits optiques ; « que tant l’interdiction faite aux sites internet de mentionner l’identité de leurs fournisseurs que le discours dénigrant diffusé principalement par les syndicats d’opticiens et par Essilor contribueraient à empêcher ces nouveaux opérateurs d’exercer pleinement leur activité » ; qu’outre ces pratiques anticoncurrentielles, l’ordonnance vise des présomptions d’abus de position dominante susceptibles d’être imputées à Essilor ; que les conclusions déposées par la société BBGR le 2 janvier 2015, développées oralement à l’audience du 18 mars 2016, vu les observations de l’autorité de la concurrence déposées le 27 février 2015, développées oralement à l’audience du 18 mars 2016, vu les conclusions du ministère public déposées le 16 février 2016, développées oralement à l’audience du 18 mars 2016 ; que la société BBGR fait valoir que : 1°) L’ordonnance du 2 juillet 2014 a un objet général et indéterminé ; que les pièces fournies à l’appui de la requête présentent un caractère manifestement insuffisant : qu’aucune pièce n’étaye les présomptions relatives aux agissements d’entente anticoncurrentielle (ni les déclarations des responsables de sites de vente en ligne, ni l’article de presse, ni les documents témoignant de comportements unilatéraux imputables à des verriers autres que Essilor), qu’aucun indice sérieux n’est susceptible de nourrir les présomptions d’abus de position dominante (ni les déclarations des opticiens en ligne, ni les études Altermind et Xerfi, ni les extraits des sites internet, ni les articles de presse, ni les échanges entre Essilor et un pure player, ni les déclarations des syndicats d’opticiens) ; que l’autorité de la concurrence demande à la cour de confirmer l’ordonnance déférée ; qu’elle soutient que l’autorisation judiciaire visant le secteur de la commercialisation des verres optiques n’a pas un objet général et indéterminé de sorte que le principe de proportionnalité visé à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’a pas été violé ; qu’est valable l’ordonnance qui fait état de présomptions d’entente anticoncurrentielle et d’un abus de position dominante et de l’éventualité que des documents incriminants puissent se trouver dans les locaux d’Essilor International ; qu’il est reproché à l’ordonnance d’avoir un objet général et indéterminé ; mais que le périmètre de l’autorisation donnée par le juge porte sur « la commercialisation des verres optiques » qui constitue le secteur de l’économie en adéquation avec les agissements relevés dans l’ordonnance (présomptions d’ententes anticoncurrentielles et d’abus de position dominante) ; que le champ des visites a par ailleurs été délimité aux cinq sociétés visées dans l’ordonnance ; que, ce faisant, le périmètre de l’autorisation ne porte pas sur un secteur économique indifférencié mais sur un marché ; qu’il ne peut pas être soutenu que l’ordonnance présenterait un caractère général et indéterminé ni que les visites et saisies présenteraient un caractère proportionné par rapport au cadre défini de l’enquête ; que l’absence de délimitation temporelle est indifférente puisque l’appelante admet elle-même que les premiers sites de vente en ligne sont apparus postérieurement à 2008 ; qu’il est soutenu que les pièces fournies à l’appui de la requête présentent un caractère manifestement insuffisant ; mais que l’ordonnance vise la recherche de preuve « des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L.420-1 1°, 2°, 3° et 4° du code de commerce et 101a), b) et c) TFUE relevés dans le secteur de la commercialisation des verres optiques ; qu’au stade de l’ordonnance et de la réunion de simples indices, il n’y a pas lieu de rechercher si les éléments constitutifs de telle ou telle infraction sont réunis ; que, par ailleurs, le juge doit apprécier si, au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont fournis, il existe des présomptions d’agissements prohibés sans nécessité d’exiger de chacun d’eux pris isolément, une preuve suffisante ; que ne peuvent pas être adoptés : – le raisonnement de l’appelante consistant à examiner séparément les déclarations des responsables de sites de vente en ligne (annexes 18,19, 20, 21 et 22), l’article de presse (annexe 25) et les documents témoignant de comportements unilatéraux imputables à des verriers autres que Essilor (annexes 15, 16 39) pour contester les présomptions d’ententes anticoncurrentielles : – le raisonnement de l’appelante consistant à examiner séparément les déclarations des opticiens en ligne (annexes 18,19,20, 21, 22), les études Altermind et Xerfi (annexe ll), les extraits des sites internet (annexes 17,23,24 et 26), les articles de presse (annexes 7, 8, 9,10,37, 29, et 30), les échanges entre Essilor et un pure player (annexe 13), ni les déclarations des syndicats d’opticiens (annexes 31,32, 33, 34 et 36) pour contester les présomptions d’abus de position dominante ; que, après un examen « in concreto » des 39 annexes jointes à la requête et selon la méthode dite « du faisceau d’indices » le premier juge a justement estimé qu’il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d’agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d’une visite et de saisies ; qu’il a examiné les 39 annexes jointes et a constaté qu’il existait des présomptions simples et suffisantes d’agissements prohibés ; que la demande de nullité de l’ordonnance doit être rejetée ;
« alors que les droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme sont en cause, le juge doit exercer, lui-même, un contrôle sur les pièces et documents produits par l’Administration et ne peut se contenter de s’y référer ; que méconnaît cette exigence, comme le faisait valoir la société BBGR qui concluait pour cette raison à l’annulation de l’ordonnance d’autorisation, le juge des libertés et de la détention qui se borne à reproduire le projet d’autorisation que lui a remis l’Administration et sur lequel il a simplement apposé sa signature ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen déterminant, le président délégué a violé les textes susvisés » ;
Attendu que le moyen, qui ne critique pas la décision attaquée, est inopérant ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L.420-1, L.420-2 et 450-4 du code de commerce, 101 et 102 TFUE, 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, 455 et 561, 568 et 954 du code de procédure civile, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l’ordonnance rendue par le juge délégué par le Premier Président de la cour d’appel de Paris a rejeté les demandes de la société BBGR tendant à voir dire que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les visites domiciliaires était «infondée » et devait être « annulée » ;
« aux motifs que l’ordonnance relève qu’il résulte des documents produits que les fournisseurs de verres optiques Essilor et ses filiales, notamment BBGR, Novacel Carl Zeiss et Hoya semblent s’entendre pour limiter la progression des sites de vente en ligne de produits optiques ; « que tant l’interdiction faite aux sites internet de mentionner l’identité de leurs fournisseurs que le discours dénigrant diffusé principalement par les syndicats d’opticiens et par Essilor contribueraient à empêcher ces nouveaux opérateurs d’exercer pleinement leur activité » ; qu’outre ces pratiques anticoncurrentielles, l’ordonnance vise des présomptions d’abus de position dominante susceptibles d’être imputées à Essilor ; que vu les conclusions déposées par la société BBGR le 2 janvier 2015, développées oralement à l’audience du 18 mars 2016, Vu les observations de l’autorité de la concurrence déposées le 27 février 2015, développées oralement à l’audience du 18 mars 2016, Vu les conclusions du ministère public déposées le 16 février 2016, développées oralement à l’audience du 18 mars 2016 ; que la société BBGR fait valoir que : 1°) L’ordonnance du 2 juillet 2014 a un objet général et indéterminé ; que les pièces fournies à l’appui de la requête présentent un caractère manifestement insuffisant : qu’aucune pièce n’étaye les présomptions relatives aux agissements d’entente anticoncurrentielle (ni les déclarations des responsables de sites de vente en ligne, ni l’article de presse, ni les documents témoignant de comportements unilatéraux imputables à des verriers autres que Essilor),qu’aucun indice sérieux n’est susceptible de nourrir les présomptions d’abus de position dominante (ni les déclarations des opticiens en ligne, ni les études Altermind et Xerfi, ni les extraits des sites internet, ni les articles de presse, ni les échanges entre Essilor et un pure player, ni les déclarations des syndicats d’opticiens) ; que l’autorité de la concurrence demande à la cour de confirmer l’ordonnance déférée ; qu’elle soutient que l’autorisation judiciaire visant le secteur de la commercialisation des verres optiques n’a pas un objet général et indéterminé de sorte que le principe de proportionnalité visé à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’a pas été violé ; qu’est valable l’ordonnance qui fait état de présomptions d’entente anticoncurrentielle et d’un abus de position dominante et de l’éventualité que des documents incriminant puissent se trouver dans les locaux d’Essilor International ; qu’il est reproché à l’ordonnance d’avoir un objet général et indéterminé ; mais que le périmètre de l’autorisation donnée par le juge porte sur « la commercialisation des verres optiques » qui constitue le secteur de l’économie en adéquation avec les agissements relevés dans l’ordonnance (présomptions d’ententes anticoncurrentielles et d’abus de position dominante) ; que le champ des visites a par ailleurs été délimité aux cinq sociétés visées dans l’ordonnance ; que, ce faisant, le périmètre de l’autorisation ne porte pas sur un secteur économique indifférencié mais sur un marché ; qu’il ne peut pas être soutenu que l’ordonnance présenterait un caractère général et indéterminé ni que les visites et saisies présenteraient un caractère proportionné par rapport au cadre défini de l’enquête ; que l’absence de délimitation temporelle est indifférente puisque l’appelante admet elle-même que les premiers sites de vente en ligne sont apparus postérieurement à 2008 ; qu’il est soutenu que les pièces fournies à l’appui de la requête présentent un caractère manifestement insuffisant ; mais que l’ordonnance vise la recherche de preuve « des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L.420-1 1°, 2°, 3° et 4° du code de commerce et 101a), b) et c) TFUE relevés dans le secteur de la commercialisation des verres optiques ; qu’au stade de l’ordonnance et de la réunion de simples indices, il n’y a pas lieu de rechercher si les éléments constitutifs de telle ou telle infraction sont réunis ; que, par ailleurs, le juge doit apprécier si, au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont fournis, il existe des présomptions d’agissements prohibés sans nécessité d’exiger de chacun d’eux pris isolément, une preuve suffisante ; que ne peuvent pas être adoptés : – le raisonnement de l’appelante consistant à examiner séparément les déclarations des responsables de sites de vente en ligne (annexes 18,19, 20, 21 et 22), l’article de presse (annexe 25) et les documents témoignant de comportements unilatéraux imputables à des verriers autres que Essilor (annexes 15, 16 39) pour contester les présomptions d’ententes anticoncurrentielles : – le raisonnement de l’appelante consistant à examiner séparément les déclarations des opticiens en ligne (annexes 18,19,20, 21, 22), les études Altermind et Xerfi (annexell), les extraits des sites internet (annexes 17,23,24 et 26) les articles de presse (annexes 7, 8, 9, 10,37, 29, et 30), les échanges entre Essilor et un pure player (annexe 13), ni les déclarations des syndicats d’opticiens (annexes 31,32, 33, 34 et 36) pour contester les présomptions d’abus de position dominante ; que, après un examen « in concreto » des 39 annexes jointes à la requête et selon la méthode dite « du faisceau d’indices » le premier juge a justement estimé qu’il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d’agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d’une visite et de saisies ; qu’il a examiné les 39 annexes jointes et a constaté qu’il existait des présomptions simples et suffisantes d’agissements prohibés ; que la demande de nullité de l’ordonnance doit être rejetée ;
« 1°) alors que le juge est tenu de répondre aux conclusions dont il est régulièrement saisi et qu’en se contentant de statuer au visa des écritures déposées par la société BBGR le 2 janvier 2015, sans viser ni analyser les conclusions récapitulatives déposées le 27 mai 2015, postérieurement aux observations de l’Autorité de la Concurrence en date du 27 février 2015, le juge délégué a violé l’ensemble des textes susvisés ;
« 2°) alors que le juge délégué ne pouvait non plus se dispenser d’examiner les conclusions récapitulatives de la société BBGR qui faisaient valoir, d’une part, qu’il n’y avait eu aucune interdiction générale de l’usage de ses marques par les revendeurs et que les rappels au respect des conditions générales adressés à certains revendeurs avaient pour objet légitime de protéger l’image des marques concernées, d’autre part que les déclarations de son président, habilité à s’exprimer librement sur des objectifs de santé publique ne pouvaient à l’évidence être assimilées à une « pratique anticoncurrentielle », enfin que le juge des libertés et de la détention s’est abstenu d’un examen autonome des prétendus indices par un juge dont la décision reproduisait fidèlement les termes de la requête ; qu’en se dispensant d’évoquer ces points déterminants, le juge d’appel a privé sa décision de toute base légale » ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L.420-1, L.420-2 et 450-4 du code de commerce, 101 et 102 TFUE, 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, 455 et 561, 568 et 954 du code de procédure civile, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l’ordonnance rendue par le juge délégué par le premier président de la cour d’appel de Paris a rejeté les demandes de la société BBGR tendant à voir dire que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les visites domiciliaires était «infondée » et devait être « annulée » ;
« aux motifs que l’ordonnance relève qu’il résulte des documents produits que les fournisseurs de verres optiques Essilor et ses filiales, notamment BBGR, Novacel Carl Zeiss et Hoya semblent s’entendre pour limiter la progression des sites de vente en ligne de produits optiques ; « que tant l’interdiction faite aux sites internet de mentionner l’identité de leurs fournisseurs que le discours dénigrant diffusé principalement par les syndicats d’opticiens et par Essilor contribueraient à empêcher ces nouveaux opérateurs d’exercer pleinement leur activité » ; qu’outre ces pratiques anticoncurrentielles, l’ordonnance vise des présomptions d’abus de position dominante susceptibles d’être imputées à Essilor ; que vu les conclusions déposées par la société BBGR le 2 janvier 2015, développées oralement à l’audience du 18 mars 2016, vu les observations de l’autorité de la concurrence déposées le 27 février 2015, développées oralement à l’audience du 18 mars 2016, vu les conclusions du ministère public déposées le 16 février 2016, développées oralement à l’audience du 18 mars 2016 ; que la société Essilor International fait valoir que : 1°) L’ordonnance du 2 juillet 2014 a un objet général et indéterminé ; que les pièces fournies à l’appui de la requête présentent un caractère manifestement insuffisant : qu’ aucune pièce n’étaye les présomptions relatives aux agissements d’entente anticoncurrentielle (ni les déclarations des responsables de sites de vente en ligne, ni l’article de presse, ni les documents témoignant de comportements unilatéraux imputables à des verriers autres que Essilor), qu’ aucun indice sérieux n’est susceptible de nourrir les présomptions d’abus de position dominante (ni les déclarations des opticiens en ligne, ni les études Altermind et Xerfi, ni les extraits des sites internet, ni les articles de presse, ni les échanges entre Essilor et un pure player, ni les déclarations des syndicats d’opticiens) ; que l’autorité de la concurrence demande à la cour de confirmer l’ordonnance déférée ; qu’elle soutient que l’autorisation judiciaire visant le secteur de la commercialisation des verres optiques n’a pas un objet général et indéterminé de sorte que le principe de proportionnalité visé à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’a pas été violé ; qu’est valable l’ordonnance qui fait état de présomptions d’entente anticoncurrentielle et d’un abus de position dominante et de l’éventualité que des documents incriminant puissent se trouver dans les locaux d’Essilor International ; qu’il est reproché à l’ordonnance d’avoir un objet général et indéterminé ; mais que le périmètre de l’autorisation donnée par le juge porte sur « la commercialisation des verres optiques » qui constitue le secteur de l’économie en adéquation avec les agissements relevés dans l’ordonnance (présomptions d’ententes anticoncurrentielles et d’abus de position dominante) ; que le champ des visites a par ailleurs été délimité aux cinq sociétés visées dans l’ordonnance ; que, ce faisant, le périmètre de l’autorisation ne porte pas sur un secteur économique indifférencié mais sur un marché ; qu’il ne peut pas être soutenu que l’ordonnance présenterait un caractère général et indéterminé ni que les visites et saisies présenteraient un caractère proportionné par rapport au cadre défini de l’enquête ; que l’absence de délimitation temporelle est indifférente puisque l’appelante admet elle-même que les premiers sites de vente en ligne sont apparus postérieurement à 2008 ; qu’il est soutenu que les pièces fournies à l’appui de la requête présentent un caractère manifestement insuffisant ; mais que l’ordonnance vise la recherche de preuve « des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L.420-1 1°, 2°, 3° et 4° du code de commerce et 101a), b) et c) TFUE relevés dans le secteur de la commercialisation des verres optiques ; qu’au stade de l’ordonnance et de la réunion de simples indices, il n’y a pas lieu de rechercher si les éléments constitutifs de telle ou telle infraction sont réunis ; que, par ailleurs, le juge doit apprécier si, au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont fournis, il existe des présomptions d’agissements prohibés sans nécessité d’exiger de chacun d’eux pris isolément, une preuve suffisante ; que ne peuvent pas être adoptés : – le raisonnement de l’appelante consistant à examiner séparément les déclarations des responsables de sites de vente en ligne (annexes 18,19, 20, 21 et 22), l’article de presse (annexe 25) et les documents témoignant de comportements unilatéraux imputables à des verriers autres que Essilor (annexes 15, 16 39) pour contester les présomptions d’ententes anticoncurrentielles : – le raisonnement de l’appelante consistant à examiner séparément les déclarations des opticiens en ligne (annexes 18,19,20, 21, 22), les études Altermind et Xerfi (annexell), les extraits des sites internet (annexes 17,23,24 et 26) les articles de presse (annexes 7, 8, 9, 10,37, 29, et 30), les échanges entre Essilor et un pure player (annexe 13), ni les déclarations des syndicats d’opticiens (annexes 31,32, 33, 34 et 36) pour contester les présomptions d’abus de position dominante ; que, après un examen « in concreto » des 39 annexes jointes à la requête et selon la méthode dite « du faisceau d’indices » le premier juge a justement estimé qu’il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d’agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d’une visite et de saisies ; qu’il a examiné les 39 annexes jointes et a constaté qu’il existait des présomptions simples et suffisantes d’agissements prohibés ; que la demande de nullité de l’ordonnance doit être rejetée ;
« 1°) alors qu’en négligeant les conclusions qui dénonçaient la distorsion entre le champ de l’enquête présentée au juge par la requête de l’Administration visant seulement, comme le reconnaissaient encore les propres conclusions de celle-ci, des pratiques relatives à la « distribution des verres optiques en ligne » et les termes infiniment extensifs du dispositif de l’autorisation, désormais exploités par les enquêteurs, portant sur les pratiques susceptibles d’exister dans l’ensemble du « secteur de la commercialisation des verres optiques », de sorte qu’en négligeant ces écritures et en omettant le cas échéant de réduire lui-même le champ de la visite, le juge délégué par le premier président a méconnu son office, et violé de plus fort les principes et les textes susvisés ;
« 2°) alors qu’en déclarant qu’une absence de limitation temporelle aux recherches des enquêteurs serait « indifférente puisque l’appelante admet, elle-même, que les premiers sites de vente en ligne sont apparus postérieurement à 2008 », le juge délégué par le premier président perd de vue, non seulement que la position, en la matière, de la partie visitée est manifestement inopposable aux enquêteurs qui disposent d’une autorisation judiciaire illimitée, mais qu’il autorise, lui-même, des investigations dans un domaine élargi dépassant de beaucoup les limites temporelles des «ventes en ligne » ; qu’en statuant comme il l’a fait, le juge délégué a privé sa décision de toute base légale » ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L.420-1, L.420-2 et 450-4 du code de commerce, 101 et 102 TFUE, 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, 30, 455 et 561 du code de procédure civile, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l’ordonnance rendue par le juge délégué par le premier président de cour d’appel a rejeté les demandes de la société BBGR tendant à voir dire que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les visites domiciliaires était «infondée » et devait être « annulée » ;
« aux motifs que l’ordonnance vise la recherche de preuve « des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L.420-1 I °, 2°, 3° et 4° du code de commerce et 101a), b) et c) TFUE relevés dans le secteur de la commercialisation des verres optiques ; qu’au stade de l’ordonnance et de la réunion de simples indices, il n’y a pas lieu de rechercher si les éléments constitutifs de telle ou tel’ infraction sont réunis ; que, par ailleurs, le juge doit apprécier si, au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont fournis, il existe des présomptions d’agissements prohibés sans nécessité d’exiger de chacun d’eux pris isolément, une preuve suffisante ; que ne peuvent pas être adoptés : – le raisonnement de l’appelante consistant à examiner séparément les déclarations des responsables de sites de vente en ligne (annexes 18,19, 20, 21 et 22), l’article de presse (annexe 25) et les documents témoignant de comportements unilatéraux imputables à des verriers autres que Essilor (annexes 15, 16 39) pour contester les présomptions d’ententes anticoncurrentielles, – le raisonnement de l’appelante consistant à examiner séparément les déclarations des opticiens en ligne (annexes 18,19,20, 21, 22), les études Altermind et Xerfi (annexe 11), les extraits des sites internet (annexes 17,23,24 et 26) les articles de presse (annexes 7, 8, 9, 10,37, 29, et 30, les échanges entre Essilor et un pure player (annexe 13), ni les déclarations des syndicats d’opticiens (annexes 31,32, 33, 34 et 36) pour contester les présomptions d’abus de position dominante ; que, après un examen « in concreto » des 39 annexes jointes à la requête et selon la méthode dite « du faisceau d’indices » le premier juge a justement estimé qu’il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d’agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d’une visite et de saisies ; qu’il a examiné les 39 annexes jointes et a constaté qu’il existait des présomptions simples et suffisantes d’agissements prohibés ; que la demande de nullité de l’ordonnance doit être rejetée ;
« 1°) alors qu’en se contentant de se référer à un « examen in concreto » des 39 annexes qu’aurait effectué le juge des libertés et de la détention pour décider que celui-ci avait « constaté qu’il existait des présomptions simples et suffisantes d’agissements prohibés » , le juge délégué par le premier président n’exerce pas son devoir d’évocation en évitant de se prononcer, lui-même, en fait, sur le bien-fondé de l’autorisation sur la valeur des indices, à la lueur des contestations que les sociétés poursuivies pouvaient exposer pour la première fois en cause d’appel ; qu’en statuant comme il l’a fait, et en se bornant à rejeter une demande de nullité de l’ordonnance du 2 juillet 2014, le juge d’appel a méconnu son office et violé l’ensemble des textes susvisés et plus particulièrement les articles 561 du code de procédure civile et L. 450-4 du code de commerce ;
« 2°) alors que la technique dite « du faisceau d’indices » ne saurait, sauf à dénier les droits de la défense et les règles du procès équitable, priver la partie poursuivie de la possibilité de démontrer l’inexistence de chacun ou de certains indices pour être en mesure d’invoquer l’inconsistance du prétendu faisceau qui lui est opposé ; qu’en refusant « le raisonnement de l’appelante consistant à examiner séparément les déclarations des responsables de sites » ou des «opticiens en ligne », cependant que les contestations que la société BBGR était en droit d’élever ne pouvaient porter, par hypothèse, que sur chacun des éléments ou indices, pris isolément, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
« 3°) alors que le premier président de la cour d’appel, qui ne procède à aucun examen distinct de présomption de nature à caractériser, pour les unes, des faits d’entente, et pour les autres, des faits d’abus de position dominante, puisque telles étaient les deux infractions différentes que la société BBGR était suspectée d’avoir commises, prive sa décision de base légale au regard des textes susvisés » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour rejeter le recours formé par la société BBGR en annulation de l’ordonnance autorisant des opérations de visite et saisie diligentées le 9 juillet 2014 dans ses locaux sis à Paris, l’ordonnance attaquée prononce par les motifs repris aux moyens, et, notamment, retient qu’on ne saurait reprocher à la décision du premier juge d’avoir un objet général et indéterminé puisque le périmètre de l’autorisation donnée par le juge porte sur la commercialisation des verres optiques qui constitue le secteur de l’économie en adéquation avec les agissements relevés dans l’ordonnance, que le champ des visites a été délimité aux cinq sociétés visées, et que, ce faisant, le périmètre de l’autorisation ne porte pas sur un secteur économique indifférencié mais sur un marché ; que par ailleurs, le premier président rappelle que le juge doit apprécier si, au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont fournis, il existe des présomptions d’agissements prohibés, sans qu’il soit nécessaire d’exiger une preuve suffisante de chacun d’eux pris isolément ;
Attendu en outre que le premier président, qui a relevé que le juge des libertés et de la détention, après un examen « in concreto »des annexes jointes à la requête, selon la méthode dite « du faisceau d’indices », a justement estimé qu’il existait des faisceaux de présomptions d’agissements prohibés, justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d’une visite et de saisies, s’est également expressément approprié les motifs du premier juge en les approuvant ;
Attendu que ces énonciations mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que le premier président de la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi, même s’il ne les a pas visées dans sa décision, et caractérisé, au regard des éléments fournis par l’administration, en les analysant et en exerçant lui-même un contrôle effectif, à la lueur des contestations que les sociétés poursuivies ont pu exposer, l’existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles touchant le secteur de la distribution des produits fabriqués, notamment par la société en cause, justifiant la mesure autorisée et sa nécessité en considération des impératifs de lutte contre de telles pratiques ;
D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l’ordonnance est régulière en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit novembre deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
ECLI:FR:CCASS:2017:CR02585