Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
– M. Christophe X…,
– M. Christophe Y…,
contre l’arrêt de la cour d’appel d’ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 19 octobre 2010, qui a condamné le premier, pour faux, à 800 euros d’amende, le second, pour usage de faux, à 1 500 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 551, 565, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité des citations ;
» aux motifs que MM. Y… et X… soutiennent que les citations qui leur ont été délivrées seraient nulles au motif qu’elles seraient obscures et ne leur permettraient pas de préparer utilement leur défense qu’elles ne font référence qu’à une fausse attestation sans autre précision ; que l’attestation du 3 décembre 2007 fait près de deux pages et les prévenus ne seraient pas en mesure de connaître les passages incriminés ; que selon les prévenus, les citations dont s’agit doivent être annulées sur le fondement de l’article 565 du code de procédure pénale ; que la citation délivrée à un prévenu d’avoir à comparaître par devant une juridiction de jugement ne peut être annulée que si l’irrégularité relevée a eu pour conséquence de porter atteinte aux intérêts des prévenus ; que le fait poursuivi est énoncé sans équivoque en ce qu’il s’agit de l’établissement et de l’usage d’une fausse attestation unique rédigée par M. X… le 3 décembre 2007 ; que la pertinence de l’argumentaire des conseils de MM. Y… et X… démontrant à l’évidence que ces prévenus ont été parfaitement informés quant à la nature des faits qui leur sont reprochés ; que, par ailleurs, les prévenus ont été entendus à deux reprises sur le contenu et les conditions d’élaboration et de l’usage de cette attestation ; qu’ils n’ont en conséquence à aucun moment eu la possibilité de se méprendre sur les faits reprochés dont ils se trouvent parfaitement informés ; que l’enjeu du procès pénal a été très bien saisi et compris par la défense qui demande à la cour, certes à titre subsidiaire, « de constater qu’il est démontré que M. X… utilisait couramment le pseudo de Chris Z… conformément aux termes de son attestation » ; qu’il s’agit bien de démontrer la fausseté de cette assertion ; que l’exception de nullité sera donc rejetée ;
» 1°) alors que, en vertu des dispositions de l’article 551 du code de procédure pénale, la citation doit mettre la personne poursuivie en mesure de connaître avec précision les faits qui lui sont reprochés ; que tel n’est pas le cas de la citation visant une altération frauduleuse de la vérité commise dans une attestation sans aucunement préciser ceux des propos contenus dans ladite attestation considérés comme mensongers par les parties poursuivantes ; qu’en énonçant le contraire s’agissant d’une attestation de deux pages dont les prévenus rappelaient dans leurs écriture qu’elle portait sur plusieurs points, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ;
» 2°) alors que la personne poursuivie doit être en mesure de connaître avec précision les faits qui lui sont reprochés et sur lesquels elle devra s’expliquer à la simple lecture de la citation sans avoir à se référer à des éléments extrinsèques pour en déterminer l’exacte portée ; qu’en considérant ainsi qu’à raison de leurs auditions lors de l’enquête préliminaire MM. Y… et X… auraient été par là même parfaitement informés des faits qui leur étaient reprochés devant la juridiction correctionnelle et par conséquent n’avaient pu subir aucun grief par suite de l’imprécision dénoncée, la cour d’appel a de ce chef méconnu les textes susvisés ;
» 3°) alors que l’incertitude créée par l’imprécision entachant une citation quant à l’objet exact de la prévention porte nécessairement atteinte aux droits de la défense quand bien même la personne poursuivie a été conduite à s’expliquer lors des débats et dans ses écritures sur cette prévention, la défense n’ayant en tout état de cause pas bénéficié du temps et des moyens nécessaires à son plein exercice en méconnaissance des textes susvisés et des règles du procès équitable » ;
Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, les citations délivrées à chacun des prévenus, qui comportaient la description des faits poursuivis et la référence aux textes de loi qui les répriment, mettaient ceux-ci en mesure de préparer leur défense ;
D’où il suit que moyen ne peut être accueuilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 441-7 du code pénal, préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a déclaré MM. X… et Y… respectivement coupables d’établissement et usage d’attestation mensongère, les a condamné le premier à une amende de 800 euros, le second à une amende de 1 500 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;
» aux motifs que en garde à vue, lors de sa première audition, M. Y… a déclaré à l’OPJ « concernant l’attestation de M. X…, c’est lui qui l’a bien établie à ma demande pour pouvoir produire des preuves au Tribunal de commerce et prud’hommes. Son contenu est réel » ; que lors de la seconde audition de M. X…, ce dernier a déclaré « Concernant le pseudo de Z…, je n’aurais pas dû le mentionner, le reste est vrai, M. Z… est soit M. A… soit M. Y…, mon pseudo est Christophe B…, je l’utilise depuis l’an 2000, c’est mon mail attitré. Z… c’était pour rendre service, je n’ai reçu aucun argent pour cette attestation, j’avais l’espoir de participer à la société LED3 en tant qu’actionnaire » ; que M. X… poursuit « je regrette d’être impliqué dans cette affaire, je n’aurai pas dû établir cette attestation en disant utiliser le pseudo Z… » ; que Monsieur X… est revenu à l’audience, tant en première instance qu’en appel sur ses déclarations en garde à vue (donc sur ses aveux), indiquant que les policiers avaient usé de menaces et de pression à son encontre ce qui l’avait amené à reconnaître la fausseté de son affirmation selon laquelle il utilisait couramment le pseudonyme de Z… ; que le tribunal a relevé, au contraire avec pertinence, que M. X… avait reconnu les faits dès le début de sa garde à vue, laquelle s’est déroulée sur une courte période de 11 heures 25 à 17 heures 25, les auditions proprement dites n’ayant duré que de 11 heures 35 à 12 heures 05 puis de 13 heures 35 à 14 heures 15 ; que le prévenu s’est exprimé de manière circonstanciée sur les faits en fournissant de nombreux détails ce qui contredit l’idée qu’il ait fait des déclarations fantaisistes pour se débarrasser de la pression et des menaces dont il prétend à l’audience qu’elles pesaient sur lui ; que le prévenu a encore prétendu qu’il avait perdu toute notion du temps durant cette garde à vue alors qu’il a signé deux procès verbaux comportant les heures de début et de fin d’audition ; que la défense de MM. X… et Y… produit une expertise et quatre attestations ; que l’expertise dont s’agit, ne respecte en rien les dispositions des articles 156 et suivants du code de procédure pénale ; qu’elle ne peut dès lors qu’être écartée des débats ; qu’à titre de simple renseignement, cette expertise tend à démontrer que lors du salon « SIEL », en février 2005, le badge que portait M. X… sur le revers de son veston ne pouvait pas comporter les nom et prénom de Christophe X… ; que cependant, la cour constate que cette démonstration ne fait qu’aboutir à une hypothèse et non à une preuve certaine ; que l’attestation rédigée par M. C…, dactylographiée, ne respecte pas les conditions générales et minimales posées par l’article 202 du code de procédure civile, elle sera aussi écartée des débats ; qu’il reste donc trois attestations qui précisent lors du déroulement du salon « SIEL » :
– Mme D…, présente du 7 au 9 février 2005 sur ce salon a remarqué que M. X… portait un badge au nom de Chris Z… ;
– Mme E… présente du 6 au 9 février 2005 sur ce salon a remarqué, alors qu’elle dirigeait des visiteurs à M. X…, celui-ci « se faisait appeler Chris Z… pendant tout le salon et qu’il portait un badge du même nom » ; que M. F…, présent sur ce salon le dimanche 6 février 2005, a rencontré M. Z… de la société/ LED 3 sur le stand de la société qui portait le numéro 120 ; que quelques jours plus tard il a reçu un courriel de M. Z… remerciant l’ensemble des visiteurs venus sur leur stand ; que l’auteur de cette attestation ajoute : « je reconnais M. X… alias Z… sur les photos du salon ainsi que sur la pièce d’identité où figure son véritable nom, à savoir M. X… ; qu’au terme des pièces versées par la défense, il est donc possible que M. X… ait utilisé, à une seule reprise, durant un seul salon, le pseudonyme de « Chris Z… » ; que cependant, la cour relève que durant ce seul salon, recevant des milliers de personnes, trois d’entre elles peuvent attester de ce que M. X… a utilisé le « pseudo » de Chris Z… ; mais que cette utilisation ne peut qualifier et se rapporter à l’affirmation de M. X… selon laquelle « (…), j’utilise couramment le pseudonyme commercial Chris ou Christophe Z… » ; qu’aussi, la cour considère t-elle qu’il convient de donner foi aux premières déclarations de M. X… dont il ressort clairement qu’il a écrit faussement dans son attestation utiliser couramment le pseudonyme de Chris Z… alors que ce n’était pas vrai : il déclare en effet au cours de sa première audition : « concernant le pseudo de Z…, je n’aurais pas dû le mentionner, le reste est vrai, M. Z… est soit M. A… soit M. Y… (…) mon pseudo est Christophe B…, je l’utilise depuis l’an 2000, c’est mon mail attitré (…) Z… c’était pour rendre service (…) M. Y… m’avait expliqué qu’il avait besoin de cette attestation pour prouver que j’étais bien au moment du salon de Paris, Christophe Z… » ; que M. X…-ajoute lors de sa seconde audition : Question : malgré tout, il M. Y… vous demande de produire en justice une fausse attestation et vous acceptez ?
Réponse : oui j’ai accepté car j’avais l’espoir d’acquérir des parts, par ailleurs « le marché du son » à l’époque était porteur, l’est toujours, lucratif, et de travailler in fine pour la société LED 3 en qualité de commercial » ; qu’il réitère ses aveux en fin d’audition : » Je reconnais que j’ai écrit une attestation à la demande de M. Y… et de M. A… le 3 décembre 2007, alors que je me trouvais dans un bureau de la société LED 3, sise à l’Estaque. M. A… m’a aidé à rédiger cette attestation et certains passages ont été écrits sous sa dictée M. Y… n’était pas ce jour à Marseille mais il était parfaitement avisé de cette attestation puisqu’il l’a produite en justice (…) Je reconnais les faits reprochés ; qu’au surplus la cour observe que M. Y… utilisait le pseudonyme de Chris Z… dès 2005 dans un mail non contesté adressé à Nadia H…, son ex-compagne et mère de deux de ses enfants ; qu’il affirme que c’était par dérision, mais cela ne change rien à cet usage ; qu’enfin les initiales L. E. K. ont une signification certaine pour M. Y… puisqu’il s’agit de celles de ses trois enfants, par ordre décroissant : Liloo, Eden et Kenzo ; que c’est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré qu’Il résultait de l’ensemble de ces éléments que M. Y… a bien commis les faits qui lui sont reprochés ; qu’en conséquence, la Cour confirmera la déclaration de culpabilité retenue à l’endroit du prévenu ;
» 1°) alors que les formalités de l’article 202 du code de procédure civile n’étant pas prescrites à peine de nullité et ne pouvant s’imposer au juge répressif, la cour d’appel qui a ainsi écarté une attestation produite par la défense parce que ne satisfaisant pas aux prescriptions de ce texte, a entaché sa décision d’erreur de droit et porté atteinte aux droits de la défense en écartant indûment un élément de preuve susceptible de venir à décharge ;
» 2°) alors que la charge de la preuve incombe aux parties poursuivantes ; que dès lors en fondant sa déclaration de culpabilité sur la circonstance que la défense n’avait pu, dans le contexte d’une manifestation ayant réuni des milliers de personnes, réunir que trois témoignages tendant à établir l’absence de caractère mensonger de l’attestation en cause et sur l’affirmation que l’expertise produite par la défense n’aboutissait pas à une certitude au sujet du nom figurant sur le badge porté par M. X… lors de ce salon commercial, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés, ensemble le principe de présomption d’innocence ;
» 3°) alors que la cour d’appel qui après avoir constaté qu’il résultait de trois attestations produites par la défense que leurs auteurs présents plusieurs jours au salon SIEL avaient indiqué que M. X… se faisait appeler M. Z… et portait un badge à ce nom, retient néanmoins pour déclarer mensongère l’affirmation de ce dernier quant à l’utilisation de ce patronyme, que s’il était possible qu’il ait utilisé une fois ce pseudonyme ce n’était pas couramment, s’est, en statuant ainsi, contredite ;
» 4°) alors que la cour d’appel qui, pour entrer en voie de condamnation, a ainsi écarté de manière systématique la totalité des éléments à décharge invoqués par MM. Y… et X… en se fondant sur des considérations entachées d’erreur de droit et contradictoires, n’a pas assuré à ceux-ci un procès équitable ;
» 5°) alors que la déclaration de culpabilité ne se trouvant ainsi fondée en l’absence de tout autre élément venant les corroborer, que sur les aveux de M. X… recueillis lors de sa garde à vue ne saurait être légalement justifiée dès lors que les procès-verbaux d’interrogatoire de garde à vue ne peuvent plus constituer des éléments de preuve fondant la décision de culpabilité des prévenus et doivent être nécessairement écartés des débats ;
» 6°) alors que en tout état de cause, la déclaration de culpabilité fondée sur les aveux recueillis lors de la garde à vue et sur lesquels M. X… s’est ensuite entièrement rétractés en invoquant les pressions exercées à son encontre, ne saurait être légalement justifiée, l’énonciation retenue par la cour d’appel que la garde à vue n’aurait duré que quelques heures et que M. X… a signé deux procès-verbaux mentionnant les heures de début et de fin d’audition étant inopérante à exclure l’existence de pressions et de menaces retirant toute crédibilité auxdits aveux » ;
Attendu que, pour déclarer MM. X… et Y… coupables, le premier de faux et le second d’usage de faux, l’arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la Cour de cassation est en mesure de s’assurer que la cour d’appel, qui s’est fondée, pour retenir la culpabilité des prévenus, sur des éléments autres que les aveux recueillis au cours de la mesure de garde à vue de M. X…, a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré-les prévenus coupables ;
D’où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu’il critique un motif erroné mais surabondant de l’arrêt, et qui, pour le surplus, se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;