Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. Philippe X…, partie civile,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’ORLÉANS, en date du 24 septembre 2010, qui, dans l’information suivie, sur sa plainte, contre personne non-dénommée, des chefs de faux et usage, a dit n’y avoir lieu à suivre ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire du code de procédure pénale, 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 200 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef des infractions dénoncées ou de toute autre infraction pénale ;
« aux énonciations que le procureur général a déposé le 23 juillet 2010 le dossier comportant ses réquisitions écrites au greffe de la chambre de l’instruction, pour être tenu à la disposition de l’avocat de la partie civile ;
« et aux motifs que, selon les dispositions de l’article 441-1 du code pénal, constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ; que constitue un faux, la fabrication de tout document susceptible de constituer un mode de preuve, dès lors qu’intentionnellement commise, elle est de nature à porter un préjudice, même éventuel, à un tiers ; que selon les dispositions de l’article 313-1 du code pénal, l’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manouvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligations ou décharge ; que l’usage de faux documents et l’emploi de manoeuvres frauduleuses destinées à tromper une juridiction est susceptible de constituer une escroquerie au jugement ; qu’en l’espèce, il est manifeste que les originaux des reconnaissances de dette, produits en justice lors de la procédure civile par Mme Y…, ont fait l’objet d’une découpe à hauteur des mentions complémentaires apparentes sur les photocopies des reconnaissances de dettes produites par Philippe X…. Les documents originaux produits sont en effet de taille différente suivant une découpe qui, à l’évidence, a été réalisée ; que s’il était démontrée que cette découpe a été effectuée pour supprimer des mentions complémentaires écrites de la main de M. X… le jour de la remise de ces reconnaissances à Mme Y…, cette découpe, qui altère des pièces originales, serait bien susceptible de constituer un faux, et la production de ces documents devant la cour d’appel, susceptible également de constituer une escroquerie au jugement, même si les clauses litigieuses rajoutées après la date et la signature de M. X… n’auraient pu trouver application dans le cadre des instances commerciales et civiles qui ont opposé les parties, puisque la compensation des sommes dues par cession de parts sociales ne pouvait être opérée qu’en cas de décès du signataire des reconnaissances de dette ; qu’aucune expertise technique des pièces originales ou des photocopies ne paraît devoir permettre, en l’état des constatations faites par cette chambre et des données techniques, de déterminer l’auteur de cette découpe ; que si les formats des trois reconnaissances de dette sont toutes différents, l’une d’entre elles (celle de 500 000 francs ) qui présente les mentions d’une compensation possible en cas de décès, n’est pas contestée ni par Mme Y…, ni par M. X… ; que les pliures horizontales présentes sur les trois reconnaissances de dette dont se prévaut le conseil de M. X… pour soutenir que les reconnaissances de dette ont été remises à Mme Y… sous format A4 (21×29,5) ne correspondent pas à une pliure médiane horizontale de chacun de ces documents, ni à une pliure médiane horizontale du format actuel de ces documents ; qu’il en est de même des pliures verticales de telle sorte qu’aucune expertise ne pourra être utile à la manifestation de la vérité ; que Mme Y… soutient que cette découpe a été le fait de M. X… pour éviter tout ajout de la part de Mme Y… au bas du document. Force est de constater au travers des documents produits, que de très fortes tensions et même une suspicion certaine existaient entre les deux parties, – ce que confirme d’ailleurs M. X… lors de ses déclarations à la Cour ou durant la phase du complément d ‘information- pour laisser penser à une telle opération avant ou lors de la remise des documents ; que la date du 1er janvier 2000 est contestée par M. X… qui reconnaît toutefois avoir écrit les documents de sa seule main ; que cependant les mentions litigieuses portées sur les deux reconnaissances de dette de 2 millions de francs, après la signature de M. X… posent question puisque la mention de « DSA X… SA » et celle du rapport du commissaire aux apports du 21 mars 2000 ne correspondent pas à cette période de temps tandis que les mentions de la troisième reconnaissance de dette, non contestées par M. X… ou Mme Y…, établie à la même date du 1er janvier 2000 correspondent à cette période de janvier et se situent avant février 2000. Il n’y a donc pas adéquation entre la date du 1er janvier 2000 et les mentions figurant dans les photocopies produites par M. X… ; que reste la mention » en cas de décès » figurant sur l’une des reconnaissances manifestement ajoutée, compte tenu de l’existence du point final, après une première rédaction et la remise du document à Mme Y…. Ce fait n’est pas déterminant dans l’origine et la création d’un faux par découpe dans la mesure où sur le document photocopié, produit par M. X…, la mention figurant sous la signature de M. X… reprend curieusement cette mention » en cas de décès » pour la compléter par une possible compensation ; que la mesure complémentaire d’instruction a fait ressortir aussi que la mention des apports du 21 mars 2000 ne correspondait pas à un apport de fonds, mais à une évaluation de l’apport en nature de M. X… dans le processus de création et d’évaluation de la future société ; que rien ne permet ainsi de déterminer que la partie découpée contenait effectivement les mentions que M. X… soutient avoir apposées sur les deux reconnaissances de dette après sa signature ; que Mme Y… a contesté, que ce soit lors de son interrogatoire de première comparution ou lors de la confrontation, toute découpe des reconnaissances de dettes et précisé qu’elle avait reçu ces documents de la main de M. X… ; que les déclarations de M. X… selon lesquelles il a signé les reconnaissances de dettes dans le bureau de Mme Y… et sous « la pression de celle-ci sont contestées par Mme Y… et ne sont corroborées par aucun témoignage ; que M. X… a d’ailleurs expliqué avoir signé« beaucoup de choses» et n’avoir gardé qu’une partie des photocopies de documents signés ; qu’il a déclaré lors de la confrontation devant le président de la chambre de l’instruction qui l’interrogeait sur la date à laquelle les trois reconnaissances de dettes avaient été effectuées, qu’il ne pouvait affirmer qu’elles avaient été signées le même jour et qu’il ne se souvenait pas si elles avaient été refaites ; qu’enfin, devant la juridiction commerciale, M. X… n’a pas contesté devoir les sommes dues au titre des reconnaissances de dette » ;
« alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; qu’au cas d’espèce, la motivation de l’arrêt attaqué est la reproduction quasi intégrale du réquisitoire pris par le procureur général en date du 23 juillet 2010 ; qu’en conséquence, les juges du second degré, qui ont intégralement repris à leur compte la position du ministère public sans aucun effort critique, créant ainsi dans l’esprit du justiciable un doute sérieux sur l’impartialité de la juridiction, ont violé les textes susvisés » ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 et 441-1 du code pénal, 211 et 212 du code de procédure pénale, 591 et 593 du même code ;
« en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef des infractions dénoncées ou de toute autre infraction pénale ;
« aux motifs que, selon les dispositions de l’article 441-1 du code pénal, constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ; que constitue un faux, la fabrication de tout document susceptible de constituer un mode de preuve, dès lors qu’intentionnellement commise, elle est de nature à porter un préjudice, même éventuel, à un tiers ; que selon les dispositions de l’article 313-1 du code pénal, l’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligations ou décharge ; que l’usage de faux documents et l’emploi de manoeuvres frauduleuses destinées à tromper une juridiction est susceptible de constituer une escroquerie au jugement ; qu’en l’espèce, il est manifeste que les originaux des reconnaissances de dette, produits en justice lors de la procédure civile par Mme Y…, ont fait l’objet d’une découpe à hauteur des mentions complémentaires apparentes sur les photocopies des reconnaissances de dettes produites par M. X…. Les documents originaux produits sont en effet de taille différente suivant une découpe qui, à l’évidence, a été réalisée ; que s’il était démontrée que cette découpe a été effectuée pour supprimer des mentions complémentaires écrites de la main de M. X… le jour de la remise de ces reconnaissances à Mme Y…, cette découpe, qui altère des pièces originales, serait bien susceptible de constituer un faux, et la production de ces documents devant la cour d’appel, susceptible également de constituer une escroquerie au jugement, même si les clauses litigieuses rajoutées après la date et la signature de M. X… n’auraient pu trouver application dans le cadre des instances commerciales et civiles qui ont opposé les parties, puisque la compensation des sommes dues par cession de parts sociales ne pouvait être opérée qu’en cas de décès du signataire des reconnaissances de dette ; qu’aucune expertise technique des pièces originales ou des photocopies ne paraît devoir permettre, en l’état des constatations faites par cette chambre et des données techniques, de déterminer l’auteur de cette découpe ; que si les formats des trois reconnaissances de dette sont toutes différents, l’une d’entre elles (celle de 500 000 francs ) qui présente les mentions d’une compensation possible en cas de décès, n’est pas contestée ni par Mme Y… ni par M. X… ; que les pliures horizontales présentes sur les trois reconnaissances de dette dont se prévaut le conseil de M. X… pour soutenir que les reconnaissances de dette ont été remises à Mme Y… sous format A4 (21×29,5) ne correspondent pas à une pliure médiane horizontale de chacun de ces documents, ni à une pliure médiane horizontale du format actuel de ces documents ; qu’il en est de même des pliures verticales de telle sorte qu’aucune expertise ne pourra être utile à la manifestation de la vérité ; que Mme Y… soutient que cette découpe a été le fait de M. X… pour éviter tout ajout de la part de Mme Y… au bas du document. Force est de constater au travers des documents produits, que de très fortes tensions et même une suspicion certaine existaient entre les deux parties, – ce que confirme d’ailleurs M. X… lors de ses déclarations à la cour ou durant la phase du complément d ‘information- pour laisser penser à une telle opération avant ou lors de la remise des documents ; que la date du 1er janvier 2000 est contestée par M. X… qui reconnaît toutefois avoir écrit les documents de sa seule main ; que cependant les mentions litigieuses portées sur les deux reconnaissances de dette de 2 millions de francs, après la signature de M. X… posent question puisque la mention de « DSA X… SA » et celle du rapport du commissaire aux apports du 21 mars 2000 ne correspondent pas à cette période de temps tandis que les mentions de la troisième reconnaissance de dette, non contestées par M. X… ou Mme Y…, établie à la même date du 1er janvier 2000 correspondent à cette période de janvier et se situent avant février 2000. Il n’y a donc pas adéquation entre la date du 1er janvier 2000 et les mentions figurant dans les photocopies produites par M. X… ; que reste la mention » en cas de décès » figurant sur l’une des reconnaissances manifestement ajoutée, compte tenu de l’existence du point final, après une première rédaction et la remise du document à Mme Y…. Ce fait n’est pas déterminant dans l’origine et la création d’un faux par découpe dans la mesure où sur le document photocopié, produit par M. X…, la mention figurant sous la signature de M. X… reprend curieusement cette mention » en cas de décès » pour la compléter par une possible compensation ; que la mesure complémentaire d’instruction a fait ressortir aussi que la mention des apports du 21 mars 2000 ne correspondait pas à un apport de fonds, mais à une évaluation de l’apport en nature de M. X… dans le processus de création et d’évaluation de la future société ; que rien ne permet ainsi de déterminer que la partie découpée contenait effectivement les mentions que M. X… soutient avoir apposées sur les deux reconnaissances de dette après sa signature ; que Mme Y… a contesté, que ce soit lors de son interrogatoire de première comparution ou lors de la confrontation, toute découpe des reconnaissances de dettes et précisé qu’elle avait reçu ces documents de la main de M. X… ; que les déclarations de M. X… selon lesquelles il a signé les reconnaissances de dettes dans le bureau de Mme Y… et sous « la pression de celle-ci sont contestées par Mme Y… et ne sont corroborées par aucun témoignage ; que M. X… a d’ailleurs expliqué avoir signé « beaucoup de choses» et n’avoir gardé qu’une partie des photocopies de documents signés ; qu’il a déclaré lors de la confrontation devant le président de la chambre de l’instruction qui l’interrogeait sur la date à laquelle les trois reconnaissances de dettes avaient été effectuées, qu’il ne pouvait affirmer qu’elles avaient été signées le même jour et qu’il ne se souvenait pas si elles avaient été refaites ; qu’enfin, devant la juridiction commerciale, M. X… n’a pas contesté devoir les sommes dues au titre des reconnaissances de dette ; que dans un tel contexte et alors que les litiges civils et commerciaux entre les deux parties se sont multipliés, l’information judiciaire n’a pas permis d’établir l’auteur des découpes ni le fait que les découpes constatées lors de la production des originaux sont constitutives d’un faux alors que les mentions portées sur les photocopies litigieuses produites sont des plus suspectes ; qu’en tout état de cause, il n’existe pas de charges suffisantes contre Mme Y… d’avoir procédé à des découpes des documents litigieux » ;
« 1°) alors que constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice et accompli par quelque moyen que ce soit dans un écrit qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ; que constitue une escroquerie le fait de présenter un faux en justice aux fins de faire condamner son adversaire à des sommes qui ne sont pas dues ; qu’au cas d’espèce, il était constant que sur la foi de trois prétendues reconnaissances de dettes souscrites par M. X… et Mme Y… avait obtenu de la cour d’appel d’Orléans, par un arrêt en date du 27 novembre 2006, la condamnation du premier à lui verser diverses sommes ; qu’en retenant un non-lieu, motif pris de ce qu’il n’était pas possible de déterminer l’auteur de la découpe des reconnaissances de dettes et de ce qu’elles ne pouvaient en tout cas être imputées avec certitude à Mme Y…, sans rechercher si, comme le président de la chambre de l’instruction l’avait constaté dans son procès-verbal en date du 26 octobre 2009, les copies certifiées conformes par le notaire, à partir des reconnaissances de dettes qui lui avaient été soumises par Mme Y…, n’étaient pas différentes des originaux des reconnaissances de dettes produites devant les juridictions civiles, dès lors que selon les termes mêmes du président de la chambre de l’instruction, eu égard à la longueur des morceaux de papier concernés, il n’aurait pas été possible pour le notaire d’apposer une mention de certification qui n’aurait pas « mordu » sur le texte initial si on lui avait présenté les véritables originaux, et si en conséquence il n’en résultait pas que seule Mme Y… avait pu procéder aux découpes litigieuses, les juges du fond n’ont pas donné de base légale à leur décision au regard des textes susvisés ;
« 2°) alors que, les décisions civiles n’ont aucune autorité de chose jugée sur l’action publique exercée devant les juridictions répressives ; que ne saurait donc restituer une base légale à l’arrêt attaqué le motif selon lequel la question de la contestation de la validité des originaux produits avait été tranchée par la chambre civile de la cour d’appel d’Orléans dans son arrêt en date du 27 novembre 2006 devenu définitif » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que, pour dire n’y avoir lieu à suivre contre quiconque, la chambre de l’instruction, après avoir analysé l’ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile, a exposé, par des motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction, qui ne sont pas la reproduction du réquisitoire du procureur général, que l’information était complète et qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;
Que, dès lors, les moyens, le second, pris en sa seconde branche, inopérant en ce qu’il critique un motif erroné mais surabondant de l’arrêt, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;