Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 3 décembre 2014, 13-86.333, Inédit

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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 3 décembre 2014, 13-86.333, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

– L’Association solidarité formation médiation-relais Dagobert, partie civile,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de METZ, en date du 13 juin 2013, qui a déclaré irrecevable son appel de l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction dans l’information suivie, sur sa plainte, contre la Banque Martin Maurel et la Caisse du crédit mutuel d’Hagondange des chefs de complicité d’exercice illégal de la profession de banquier et d’exercice d’une activité de gestion de portefeuille non agréée ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 22 octobre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Germain, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN, les observations de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de Me LE PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles des articles 183, 186, 502, 591 et 593 du code de procédure pénale, de l’article 6, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, du principe du droit à un procès équitable et des droits de la défense ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré irrecevable l’appel de l’Association solidarité, formation, médiation ¿ relais Dagobert ;

 » aux motifs que l’ordonnance de non-lieu rendue le 1er août 2012 par M. Lemonier, juge d’instruction au tribunal de grande instance de Metz a été notifiée aux parties civiles, comme l’établit la mention signée par le greffier sur l’ordonnance, le 3 septembre 2012. Ainsi, la partie civile, l’Association solidarité, formation, médiation ¿ relais Dagobert » pouvait jusqu’au jeudi 13 septembre 2012 faire une déclaration d’appel au greffe du magistrat instructeur ; qu’or cette déclaration n’a été formalisée par Me Salanave, substituant Me Sarfati, que le vendredi 14 septembre 2012 ; que cet appel est donc intervenu hors délai, étant précisé que contrairement à ce que soutient le conseil de la partie civile, lorsqu’un appel n’a pu être interjeté le dernier jour pendant les heures ouvrables du greffe d’instruction, aucune disposition légale ne prévoit que le délai est prolongé au lendemain ; qu’en outre, la partie concernée n’a pas fait valoir l’existence d’un obstacle de nature à la mettre dans l’impossibilité d’exercer son recours en temps utile ; que dès lors, l’appel de l’Association solidarité, formation, médiation ¿ relais Dagobert est irrecevable ;

 » 1) alors qu’aucun délai ne pouvant courir à l’encontre d’une partie sans qu’elle en soit informée, la date de la notification d’une décision à compter de laquelle court le délai d’appel doit nécessairement s’entendre de la date à laquelle cette notification est reçue par la partie intéressée ; qu’ayant reçu, en l’espèce, la notification de l’ordonnance de non-lieu, le 4 septembre 2012, l’Association solidarité, formation, médiation ¿ relais Dagobert pouvait en relever appel jusqu’au 14 septembre 2012 ; qu’en se fondant sur la date d’envoi de la notification de l’ordonnance à l’association et non sur sa date de réception par cette dernière, pour déclarer irrecevable son recours, la chambre de l’instruction a méconnu les textes visés au moyen ;

 » 2) alors qu’aucun délai ne peut courir en l’absence de notification régulière de l’ordonnance de non-lieu ; que n’est pas régulière la notification qui ne mentionne ni la voie de recours ouverte ni le délai pour l’exercer ; qu’en ne vérifiant pas si la notification comportait l’indication de l’obligation pour l’Association solidarité, formation, médiation ¿ relais Dagobert, si elle désirait relever appel de l’ordonnance, de former son recours dans un délai de dix jours commençant à courir dès le lendemain de son envoi, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision  » ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l’appel, relevé par l’Association solidarité formation médiation-relais Dagobert le 14 septembre 2012, de l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction le 1er août 2012, l’arrêt attaqué retient que cet appel a été formé après l’expiration du délai de dix jours suivant la notification faite à la partie civile par lettre recommandée expédiée le 3 septembre 2012 ;

Attendu qu’en cet état, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application des articles 183 et 186, alinéa 4, du code de procédure pénale sans encourir les griefs allégués ; qu’en effet, d’une part, le délai de dix jours fixé par ce dernier texte commence à courir à partir de l’envoi de la lettre recommandée de notification, d’autre part, ce délai est prorogé lorsqu’un obstacle insurmontable a mis la partie concernée dans l’impossibilité d’exercer son recours en temps utile, enfin, aucun texte légal ou conventionnel n’impose de faire figurer, dans la lettre recommandée, l’indication des modalités d’exercice des voies de recours ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 573-1 du code monétaire et financier, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre contre la banque Martin Maurel et le Crédit mutuel d’Hagondange du chef de complicité de fourniture à des tiers, à titre de profession habituelle, de services d’investissement sans agrément ;

 » aux motifs que l’article 82 de la loi du 10 juillet 1996 repris à l’article L. 573-1 du code monétaire et financier réprime le fait de fournir des services d’investissement à des tiers sans agrément de la Commission des opérations de bourse (COB) aujourd’hui l’Autorité des marchés financiers (AMF) : « Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 2 500 000 francs (375 000 euros) d’amende le fait pour toute personne physique de fournir des services d’investissement à des tiers à titre de profession habituelle sans y avoir été autorisée dans les conditions prévues à l’article 11 (L. 532-1 du CMF) ou sans figurer au nombre des personnes mentionnées à l’article 25 (L531- 2du CMF) ; que les services d’investissement étaient définis à l’article 4 de la loi du 2 juillet 1996 codifié aujourd’hui à l’article L. 321-1 du CMF de la façon suivante : « les services d’investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l’article 1er de la présente loi et comprennent…. La gestion de portefeuille pour le compte de tiers… » ; que parmi les différents services d’investissement, il était reproché à M. Pierre B…d’avoir géré pour le compte de tiers et à titre de profession habituelle, des portefeuilles de valeurs mobilières, des contrats à terme négociables et des produits financiers. Il n’est pas contesté que M. B…a donné des ordres pour souscrire et vendre des fonds communs de placements monétaires pour le compte des associés de la SEP. En revanche il n’a, à aucun moment, fourni ces services à titre de profession habituelle au sens de l’article L. 573-1 du code monétaire et financier ; qu’en effet le délit de fourniture de services d’investissement pour le compte de tiers n’est caractérisé que lorsque cette fourniture est effectuée à titre de « profession habituelle » ; que la jurisprudence a défini les critères de la « profession habituelle » qui sont les suivants : une pluralité de clients, une multiplicité des opérations effectuées pour le compte desdits clients et un accord sur une rémunération du fournisseur de services ; que sur ce dernier critère, la chambre criminelle dans un arrêt du 20 avril 2005 (D. P. juillet août 2005 page 19) a jugé que le délit supposait que soit caractérisé un accord entre le prestataire de services d’investissement et ses clients sur une rémunération : « attendu que l’arrêt attaqué énonce que la pluralité des clients de X et la multiplicité des opérations boursières effectuées pour leur compte ainsi que leur accord sur une rémunération suffisent à établir le caractère de profession habituelle de fourniture illégale de services d’investissement… » ; que quant à la doctrine elle estime que ce critère de profession habituelle permet de considérer que la répétition d’actes pour le compte du client moyennant rémunération est constitutive de l’infraction dès lors que le mandataire n’est pas agréé. (D. P. Epargne et procédures financières : étude de gestion de portefeuille pour le compte de tiers paragraphe sept) ; qu’il résulte des éléments d’information que M. Pierre B…n’a jamais reçu de rémunération au titre de la gestion des fonds affectés à la SEP, ce qui au besoin démontre qu’il ne traitait pas à l’évidence avec des clients (« du public ») mais avec des associés de la SEP ; que M. Pierre B…ne peut être considéré comme ayant fourni des services d’investissement à titre de profession habituelle au sens de l’article L. 573-1 du code monétaire et financier ; que le délit de gestion de portefeuille à titre de profession habituelle sans agrément de la COB n’apparaît pas constitué et par voie de conséquence, les banques Martin Maurel et le Crédit mutuel de Hagondange ne peuvent avoir été complices de ce délit ;

 » 1°) alors que le délit de fourniture à des tiers, à titre de profession habituelle, de services d’investissement sans agrément est constitué alors même que la fourniture de ces services n’aurait pas été rémunérée ; qu’en retenant, pour dire n’y avoir lieu à suivre du chef de complicité de ce délit contre la banque Martin Maurel et le Crédit mutuel d’Hagondange, que l’infraction principale n’était pas caractérisée dès lors que si M. B…avait « donné des ordres pour souscrire et vendre des fonds communs de placements monétaires pour le compte des associés de la SEP », il n’avait reçu aucune rémunération, la chambre de l’instruction a violé l’article L. 573-1 du code monétaire et financier ;

 » 2°) alors que l’activité de prestation de services d’investissement doit être regardée comme rémunérée lorsque celui qui l’exerce en tire un profit, même indirect ; qu’en se bornant, pour dire n’y avoir lieu à suivre du chef de complicité de fourniture à des tiers, à titre de profession habituelle, de services d’investissement sans agrément contre la banque Martin Maurel et le Crédit mutuel d’Hagondange, que l’infraction principale n’était pas caractérisée dès lors que M. B…n’avait « jamais reçu de rémunération au titre de la gestion des fonds affectés à la SEP », sans rechercher si M. B…n’avait pas tiré un profit indirect de cette activité en qualité de dirigeant de l’ARGO, la chambre de l’instruction a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 573-1 du code monétaire et financier  » ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 573-1 du code monétaire et financier, 121-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre contre la banque Martin Maurel et le Crédit mutuel d’Hagondange du chef de complicité de fourniture à des tiers, à titre de profession habituelle, de services d’investissement sans agrément ;

 » aux motifs que de manière subsidiaire il y a lieu de constater, à supposer pour les besoins du raisonnement que les délits bancaires ci-dessus évoqués soient constitués, que la complicité des banques mises en examen ne pourrait être retenue ; que le parquet général dans son réquisitoire estime que les établissements bancaires ont apporté un soutien actif à l’accomplissement de « ces innombrables actes frauduleux commis par Pierre B…au sein de la SEP » ; qu’il est également indiqué que ces deux banques s’impliquaient activement dans la gestion des valeurs mobilières ou de produits financiers constituant l’activité principale de la SEP ; que les banques mettaient ainsi selon le parquet, à la disposition de cette société 1’ensemble de leurs structures en intégrant sans aucune précaution dans leur dispositif bancaire, facilitant ainsi l’accomplissement de cet ensemble d’actes illicites en contravention avec les dispositions des articles L. 511-5 et L. 571-3 du code monétaire et financier ; qu’on relèvera que le parquet comme le magistrat instructeur ne précise pas les actes commis par les banques qui seraient constitutifs de l’élément matériel de la complicité et surtout ils ne les datent pas alors qu’il n’est pas contesté que l’action publique est prescrite pour les faits antérieurs au 17 août 1996 ; qu’au-delà des difficultés pour caractériser l’élément matériel, il apparaît que c’est surtout l’élément intentionnel qui fait défaut comme 1’a souligné le magistrat instructeur qui dans son ordonnance écrit : « il n’est pas prouvé, notamment par des documents internes ou des témoignages que les banques avaient clairement identifié que Pierre B…et la SEP se livraient à des activités bancaires ou des services d’investissement ¿ On ne saurait en déduire des fautes pénales outils de la complicité s’établir une participation active volontaire et consciente favorisant comportements délictueux » ; que dans son réquisitoire le parquet général affirme que les banques ont agi en connaissance de cause en retenant les éléments suivants :- les banques avaient connaissance des raisons pour lesquelles la BFCC avait rompu les relations avec ARGO,- les banques n’avaient pas identifié formellement les associés de la SEP,- les banques ne pouvaient ignorer l’illicéité du système ARGO en raison de leurs compétences et de leur professionnalisme et ont failli à leur obligation générale de vigilance ; que ces différents griefs n’emportent pas cependant conviction pour les raisons ci-après développées ; que le compte bancaire litigieux avait été ouvert à la banque Martin Maurelle 30 juin 1994 c’est-à-dire plusieurs mois avant la rupture des relations entre Pierre B…et la BFCC intervenue en 1995 ; que la banque Martin Maurel ne pouvait donc avoir connaissance des motifs de cette rupture lors de la création du compte bancaire, par ailleurs aucun document ou témoignage ne vient d’établir le contraire ; qu’il n’est pas contesté qu’une société en participation (SEP) est dépourvue de la personnalité morale, la jurisprudence rappelle que lorsque les associés d’une telle société décident d’ouvrir un compte pour y porter les opérations réalisées dans le cadre de l’objet social, le compte ne peut être ouvert qu’à leur nom ou au nom de l’un d’eux (par exemple le gérant) (CA de Paris du 27 juin 2002) ; qu’ainsi le gérant d’une société en participation peut faire ouvrir en son nom un compte réservé aux opérations de la participation ; que juridiquement c’est lui qui en est le titulaire mais rien ne s’oppose à ce que l’intitulé du compte fasse référence à la société en participation (cf Christian Z…et Jean A…, Droit bancaire, 2e édition 1994 n° 217) ; que c’est ce qui a été fait en l’espèce puisque : le gérant de la société en participation, l’association ARGO Inter régions représentée par M. Pierre B…a ouvert un compte bancaire ayant pour intitulé  » ARGO Inter Régions participation  » ; que conformément à l’article 3 des statuts de la SEP et en application de la décision de l’assemblée générale d’ARGO Inter régions du 14 juin 1994 le président et délégué général de cette association disposaient de la signature sur ce compte ; que le document d’ouverture du compte courant daté du 30 juin 1994 à la Banque Martin Maurel précisait expressément que le compte 60 37 96 01019 ouvert par l’association ARGO Inter régions, gérante de la société en participation avait pour intitulé « ARGO Inter régions participation » et que ses signataires étaient le président et le délégué général ARGO à savoir MM. Pierre B… et Gérard C…; que l’historique des écritures du compte courant de 1994 à 1999 mentionnait qu’il s’agissait du compte « ARGO Inter régions » c’est-à-dire du compte de l’association éponyme ce qui établit que ce compte n’avait pas été ouvert au nom de la société en participation mais était simplement affecté aux opérations de la participation ; que c’est ce que M. D…de la banque Martin Maurel a expliqué lors de son audition du 18 juillet 2006 :  » j’ai ouvert le compte bancaire au nom d’une association qui s’appelait ARGO Inter Régions en sa qualité de gérante de la société en participation qui s’appelait ARGO Inter Régions Participation. L’association était représentée par son président Pierre B…et son délégué M. C…. On ne peut pas ouvrir un compte bancaire à une société en participation. On ne peut l’ouvrir qu’au nom de ce représentant. Le fait que le carton de signatures relatives à ce compte fasse état d’un président et d’un délégué général démontre qu’il s’agit d’une association  » ; que de son côté Mme F… a confirmé cela le 19 mars 2010 : « on ouvrait le compte au nom du gérant de la SEP. On demandait les statuts, les pouvoirs de la personne qui allait faire fonctionner le compte de la gérance et les renseignements à la Banque de France » ; qu’il apparaît donc que dans cette affaire une confusion a été commise entre la notion de titulaire du compte et celle d’intitulé dudit compte ; qu’il s’en déduit de ce qui précède que les banques pouvaient sans encourir de critique ouvrir un compte à l’association gérante de la SEP ; qu’il est également reproché aux banques de ne pas avoir procédé à une identification formelle des associés de la SEP lors de l’ouverture des comptes bancaires ; qu’outre que l’obligation d’identification des associés d’une société en participation lors de l’ouverture d’un compte courant ne résulte d’aucun texte (l’expert M. E…ne dit pas le contraire) l’identification des associés n’aurait pas permis aux banques de remettre en cause la légalité du système instauré par M. Pierre B…; qu’en effet ce n’est pas l’identité des associés qui importe dans le cadre du délit de l’article L. 312-2 du code monétaire et financier mais la qualité d’associés et/ ou celle d’actionnaires ; que dès lors, seule compte cette qualité d’associés par opposition à celle de « tiers » ou de « public » et ce indépendamment de l’identité desdits associés (cf développements ci-dessus) ; qu’en l’espèce, les statuts fournis aux banques lors de l’ouverture des comptes litigieux ont mis en évidence la qualité d’associé des membres de la société en participation : « les comptes bancaires seront alimentés par les apports en provenance des associés membres de la société » ; que les ordres de mouvement transmis successivement aux banques ont systématiquement et expressément fait référence à la qualité d’associés des membres de la société en participation avec cette circonstance qu’ils étaient alors parfaitement identifiables ; qu’enfin, il sera ajouté que la conscience des adhérents de la SEP d’être ou non associés dans celle-ci est sans incidence sur la complicité reprochée aux banques ; qu’en effet la question n’est pas de savoir si les membres de la SEP savaient ou ne savaient pas s’ils étaient associés mais seulement de savoir si pour les banques ils possédaient cette qualité ; que la qualité d’associé des adhérents de la SEP est indiscutable du point de vue des banques ; qu’on rappellera que les banques, au stade de l’ouverture des comptes litigieux, se sont fait communiquer un exemplaire à jour des statuts de la SEP, un extrait de la délibération de l’assemblée générale accordant au président et au délégué général la signature sur les comptes et se sont renseignés auprès du fichier central des chèques de la Banque de France, lequel n’a a signalé aucune incident (cf déclaration de M D…pour la banque Martin Maurel) ; qu’enfin, le parquet reproche aux banques d’avoir failli à leur obligation vigilance qui résulterait du titre VI livre V du code monétaire et financier et de l’article 2 du règlement CRBF 91-07 du 15 février 1991 ; qu’il convient d’observer que le titre VI concerne les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes et renvoie à l’instar du règlement CRBF à la loi 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants ; que la loi du 12 juillet 1990 qui était à l’époque le seul texte applicable en matière de vigilance bancaire prévoyait dans son article · 12 une obligation pour les banques de s’assurer de l’identité de leur cocontractant par la présentation de tout document écrit probants avant d’ouvrir un compte et à son article 14 un examen particulier par les banques s’agissant d’opérations importantes portant sur des sommes dont le montant était supérieur à 1 million de francs (aujourd’hui 150 000 euros) et qui se présentaient dans des conditions inhabituelles de complexité et ne paraissait pas avoir de justification économique ou d’objet licite ; que la pratique bancaire définissait la typologie générale des opérations devant faire l’objet d’une vigilance accrue de la part du teneur de compte à savoir :- les opérations en espèces,- les opérations fractionnées sur plusieurs comptes ouverts au nom du même client,- les prêts garantis par des avoirs détenus par une banque étrangère ou par une tierce personne,- la souscription de titres sans finalité économique ou patrimoniale raisonnable,- toutes opérations impliquant des intervenants off-shore,- la souscription de titres anonymes ; que de l’examen des pièces du dossier, il ressort que les banques n’ont eu à traiter aucune opération inhabituelle par sa complexité ou dénuée de justification économique de telle sorte qu’elles n’avaient pas de raison de soupçonner l’existence d’opérations suspectes ; qu’en outre l’obligation de vigilance prévue par les textes susvisés n’avait vocation à jouer qu’en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux provenant du trafic de stupéfiants, ce qu’a confirmé d’ailleurs la Cour de cassation dans un arrêt 28 avril 2004 B n° 72 : « l’obligation de vigilance imposée aux organismes financiers en application de l’article susvisé (L593-3 du CMF) n’a pour seule finalité que la détection des transactions portant sur des sommes en provenance de trafic de stupéfiants ou d’activités criminelles organisées » ; qu’ainsi, il apparaît que les banques n’avaient pas d’obligation de s’assurer de la parfaite régularité des opérations effectuées sur le compte de la SEP, une telle obligation serait d’ailleurs en totale contradiction avec le devoir de non immixtion du banquier dans les affaires de ses clients ; qu’aucun soupçon ne pouvait légitimement peser sur M. B…et les associés de la SEP en matière de trafic de stupéfiants et de blanchiment ; qu’il ne peut donc être reproché aux banques un quelconque manquement ; qu’il sera rajouté que les manquements aux textes visés ne sont sanctionnées que sur un plan disciplinaire, ce que rappelait la commission bancaire dans son avis du 29 février 2008 qui indiquait que l’obligation de vigilance est de nature règlementaire ; que la sanction des éventuels manquements commis par les établissements de crédit relevant de la compétence de la commission bancaire ; que les opérations de placement à risques initiées par M. Pierre B…, en contradiction avec le mandat qu’il avait reçu des associés ont débuté en 1991 avec une situation irrémédiablement compromise en 1994 ; qu’ainsi, le seul fait générateur du passif-aujourd’hui prescrit-était antérieur à l’entrée en relation avec les établissements bancaires mis en examen ; que seule cette politique de placement de M. Pierre B…qui constitue un véritable abus de confiance vis-à-vis des associés de la société en participation est la raison qui explique la déconfiture de la SEP (cf rapport E…D 43 22) ; qu’il est curieux d’observer que le comportement indiscutablement fautif de Pierre B…n’a pas attiré l’attention de ses associés comme par exemple le CE Michelin, le CE Snecma, structures qui disposaient de toutes les informations utiles pour constater ou limiter les abus de confiance ; que les relations entre ARGO et les associations plaignantes se sont déroulées sur plus d’une décennie avant même l’entrée en relation avec les banques mises en cause et force est de constater qu’à aucun moment, si ce n’est tardivement lors de la déconfiture, ces associations ou comités d’entreprise n’ont trouvées à redire sur le mode de fonctionnement du système ARGO ; que les déplacements à risque ont été effectués entre 1991 et 1994 (cf rapport de l’expert M. E…D 43 22°), soit avant les relations avec les banques mises en examen ; que celles-ci ont ignoré ses investissements ; qu’elles se sont bornées en ce qui les concerne à réaliser des placements en véhicule uniquement monétaire c’est-à-dire avec une sécurité absolue dont elles ont représentés le produit en principal et intérêts à leurs clients ; qu’à supposer les délits bancaires constitués, la complicité ne pourrait être retenue à l’encontre des deux banques en raison de l’insuffisance de caractérisation de l’élément matériel mais aussi et surtout par l’absence de l’élément intentionnel ; qu’en conséquence, l’ordonnance de non-lieu devra être confirmée ;

 » alors que le banquier est tenu d’une obligation générale de vigilance qui lui impose de refuser son concours à des opérations dont la légalité apparaît douteuse ; qu’en se bornant, pour exclure toute complicité de la banque Martin Maurel et du Crédit mutuel d’Hagondange du chef de prestation de services d’investissement sans autorisation, à retenir que l’obligation de vigilance instituée par l’article L. 563-3 du code monétaire et financier avait pour seule finalité la détection des transactions portant sur des sommes en provenance de trafics de stupéfiants ou d’activités criminelles organisées, sans rechercher si, au-delà de l’obligation posée par ce texte, le banquier n’était pas tenu d’une obligation générale de vigilance qui aurait dû le conduire à s’assurer de la régularité de mouvements de fonds importants touchant le compte d’une SEP dont les associés lui étaient inconnus, la chambre de l’instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 573-1 du code monétaire et financier, ensemble de l’article 121-7 du code pénal  » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que ces moyens sont devenus inopérants par suite du rejet du premier moyen ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme que l’Association solidarité formation médiation-relais Dagobert devra payer à la banque Martin Maurel au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois décembre deux mille quatorze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

ECLI:FR:CCASS:2014:CR06280


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