Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 23 mai 2013, 12-82.199, Inédit

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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 23 mai 2013, 12-82.199, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

– M. Michel X…,

– M. Patrick Y…,

– M. Alain Z…,

– M. Daniel A…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 6 février 2012, qui a condamné le premier, pour complicité de banqueroute, à trois mois d’emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d’amende, le deuxième, pour banqueroute, à six mois d’emprisonnement avec sursis et 45 000 euros d’amende, le troisième, pour complicité de banqueroute, complicité de faux et usage, à un an d’emprisonnement avec sursis et 75 000 euros d’amende et le quatrième, pour banqueroute et faux, à trois mois d’emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 10 avril 2013 où étaient présents : M. Louvel président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY, de LANOUVELLE et HANNOTIN, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle POTIER de la VARDE et BUK-LAMENT, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général VALDÈS BOULOUQUE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que la société Stéphane Kelian SA, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de chaussures de luxe, a été placée en redressement judiciaire le 23 septembre 2002 ; qu’aux termes du plan de cession homologué par le tribunal de commerce, la société Kemos, devenue Stéphane Kelian (ci-après Kemos/ Kelian), elle-même détenue à 100 % par la société Smaltos Holding, toutes dirigées par M. Z…, propriétaire de la quasi-totalité des parts, a repris l’ensemble des activités de la société Stéphane Kelian SA ; qu’en exécution du jugement du tribunal de commerce, la SAS Kemos Holding a fait l’acquisition des actifs de la société Stéphane Kelian SA, qui ont été répartis entre diverses sociétés filiales, parmi lesquelles les sociétés Stéphane Kelian Production (SKP), chargée de la production des chaussures, et Stéphane Kelian Commercialisation (SKC), chargée de leur commercialisation ; que la société SKP a d’abord été présidée par M. Z…, M. Y…étant directeur général et M. A…directeur général délégué, puis par ce dernier à compter du 6 novembre 2003, la fonction de directeur général étant supprimée ;

Attendu que, parmi les actifs de la société SKP, figurait la marque Stéphan Kelian, laquelle a été cédée, en 2005, pour un prix de 3 millions d’euros, à la société Riginvest, appartenant au groupe des sociétés dirigées par M. Z…; que la plus grande partie de cette somme a été immédiatement reversée par la société SKP à la société mère Kemos/ Kelian sous forme d’un remboursement partiel de son compte courant d’associé ouvert auprès de la société SKP ; qu’à la même époque, le stock détenu par la société SKP a été cédé à la société SKC, le paiement étant assuré par un autre remboursement partiel du compte courant de la société Kemos/ Kelian ; que, par ailleurs, les marges qui avaient été convenues entre la société SKP et la société SKC sur les ventes de produits finis ont été modifiées avec effet rétroactif, cette modification entraînant l’établissement de factures antidatées au profit de la société SKP, le montant de ces factures étant reversé à la société Kemos/ Kelian ;

Attendu qu’en juillet 2005, M. X…, consultant, a été chargé par M. Y…d’une mission d’assistance en vue de procéder à la déclaration de cessation de paiement de la société SKP ; que, le 22 août 2005, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société SKP, fixant provisoirement au 12 août 2005 la date de cessation des paiements ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour M. Z…, auquel s’associent MM. X…, Y…et A…, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 184, 385, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité de l’ordonnance de renvoi ;

 » aux motifs que l’article 385 prévoit lorsque l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction a été rendue sans que les conditions prévues par l’article 184 du même code aient été respectées, le tribunal renvoie la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d’instruction afin que la procédure soit régularisée ; que l’article 184 du code de procédure pénale prévoit que l’ordonnance rendue par le juge d’instruction renvoyant des personnes mises en examen devant le tribunal correctionnel doit contenir outre les indications d’identité de celles-ci, la qualification légale des faits qui leur sont imputés et de façon précise les motifs pour lesquels il existe ou non contre elles des charges suffisantes ; que le texte ajoute que cette motivation est prise au regard des réquisitions du ministère public et des observations des parties qui ont été adressées au juge d’instruction, en précisant les éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen ; que, toutefois, il se déduit aussi des dispositions des articles 388 et 470 du même code que l’ordonnance de renvoi ne lie nullement la juridiction de jugement quant à la réalité et à la qualification légale des faits, ni à leur imputabilité à tel ou tel prévenu, cette juridiction de jugement pouvant former sa conviction au cours du débat oral et aussi bien substituer à la qualification retenue par le juge d’instruction une qualification différente, ayant le droit et même le devoir de restituer aux faits dont elle est saisie leur véritable qualification ; qu’ainsi tout élément à décharge insuffisant aux yeux du juge d’instruction pour faire bénéficier le mis en examen d’un non-lieu se trouve indissociable de l’examen au fond et il appartient au juge du fond de l’examiner, qu’il ait été évoqué ou non dans l’ordonnance de renvoi ; que, par voie de conséquence, dès lors qu’une ordonnance de renvoi contient des éléments à charge suffisants pour motiver un renvoi, il n’y a pas lieu de renvoyer la procédure au ministère public pour saisir à nouveau le juge d’instruction aux fins de régularisation suivant les prescriptions de l’article 385 du même code ; qu’en l’espèce, le juge d’instruction a envoyé un avis de fin d’information à toutes les parties le 28 mai 2009 et a reçu les réquisitions du ministère public le 8 juin 2009, celles-ci étant notifiées le lendemain 9 juin aux parties ; que M. Z…a fait parvenir au juge d’instruction le 28 août 2009 ses observations discutant l’argumentation soutenue par le ministère public ; que le juge d’instruction a rendu une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel le 25 janvier 2010 reprenant quasi intégralement les termes du réquisitoire définitif, sauf ici et là quelques modifications et faisant au moins une fois référence aux observations présentées pour la défense de M. Z…; que cette ordonnance comporte au moins quatre pages (26 à 30) relatives à la discussion des faits reprochés à celui-ci et comporte, certes avec parcimonie, quelques éléments de ses déclarations à sa décharge ; que le dispositif de l’ordonnance reprend en synthèse la qualification des faits précédemment discutés et il appartiendra dans le cadre de la discussion au fond d’apprécier la pertinence des preuves rapportées contre le prévenu ; qu’il apparaît aussi que M. Z…a bien été mis en examen du chef de faux en écriture et qu’il s’en est expliqué au cours de son interrogatoire de première comparution ; qu’il s’ensuit que, si M. Z…reste recevable à critiquer l’ordonnance de renvoi, puisque son appel contre celle-ci était légalement limité à la seule question de la recevabilité des constitutions de parties civiles et que l’arrêt rendu ne laisse pas apparaître que la cour qui en avait le pouvoir ait examiné une autre question, l’ordonnance critiquée n’encourt cependant pas les griefs qui lui sont faits puisqu’elle précise les éléments à charge, sans omettre de viser les observations qui ont été faites par le conseil du prévenu, en y répondant par la reprise de l’argumentation du ministère public et en relatant tel ou tel élément à décharge, la discussion instaurée dans les observations du mis en examen relevant de l’examen du fond, selon ce qui sera examiné plus loin ;

 » 1) alors que l’article 184 du code de procédure pénale impose au juge d’instruction de prendre en compte dans son ordonnance les observations des parties qui lui ont été adressées en application de l’article 175 et de préciser les éléments à charge et les éléments à décharge concernant chacune des personnes mises en examen ; que la cour d’appel, qui constatait que le juge d’instruction avait refusé, nonobstant les observations adressées le 28 août 2009 par M. Z…, de préciser les éléments à décharge, se contentant de reproduire  » quasi intégralement les termes du réquisitoire définitif « , ne pouvait, sans se contredire, considérer l’ordonnance de renvoi régulière et refuser d’appliquer l’article 385 du code de procédure pénale qui lui faisait obligation de renvoyer la procédure au ministère public pour saisir à nouveau le juge d’instruction ; que dès lors la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

 » 2) alors que l’équilibre des droits des parties, principe essentiel de la procédure pénale, n’est pas respecté lorsque l’ordonnance de renvoi se borne à reproduire les termes du réquisitoire définitif sans préciser les éléments à décharge invoqués par le mis en examen dans ses observations régulièrement adressées au juge d’instruction ; que la cour d’appel qui a constaté l’absence de prise en compte des éléments à décharge, a méconnu ce principe résultant des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et préliminaire du code de procédure pénale  » ;

Attendu que, pour écarter les conclusions par lesquelles M. Z…faisait valoir que l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel n’était pas conforme aux exigences de l’article 184 du code de procédure pénale en ce qu’elle omettait de répondre aux observations qu’il avait adressées au juge d’instruction après avoir eu communication des réquisitions du ministère public, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en cet état, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, qui, au demeurant, n’indique pas les éléments à décharge que l’ordonnance de renvoi aurait omis de mentionner, doit être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Nicolay, de Lanouvelle et Hannotin pour M. Y…, auquel s’associent MM. X…et A…, pris de la violation des articles L. 654-1, L. 654-2 2°, L. 654-3 du code de commerce, L. 621-1 ancien du code de commerce, de l’article préliminaire du code de procédure pénale, de l’article 6-3 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Y…coupable de complicité du délit de banqueroute par détournement d’actifs de la société Stéphane Kelian Production, à savoir la cession de la marque Stéphane Kelian, la cession de stocks et les opérations sur le compte client, par modification des calculs de marge, et, en répression, l’a condamné à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et 45 000 euros d’amende ;

 » aux motifs qu’il y a bien eu une procédure collective de la société SKP, le tribunal de commerce ayant fixé la date de cessation des paiements au 12 août 2005 ; que, cependant, il apparaît des éléments rappelés ci-dessus et ce dont toutes les parties conviennent, que dès la décision de M. Z…de ne plus soutenir financièrement cette société, celle-ci s’est trouvée hors d’état de faire face à ses engagements, M. X…faisant valoir à M. Z…qu’il devait au moins assurer le financement de la paye du mois de juillet qui, sans ce dernier concours, n’aurait pas pu être assurée ; qu’alors même que cette cessation des paiements était nécessairement connue des dirigeants, divers éléments d’actif vont servir à compenser les dettes auprès de l’actionnaire unique, de sorte qu’au 12 août 2005, jour de la déclaration faite au greffe du tribunal de commerce, l’actif disponible était quasi nul (170 000 euros), alors que le passif, exigible et exigé pour partie, était considérable (8 117 000 euros), le délai de trois à quatre semaines entre la décision de cesser le soutien et le dépôt effectif du bilan étant mis à profit pour détourner les actifs, au profit de la société mère, montrant ainsi que l’actionnaire principal, non seulement n’entendait plus injecter de fonds permettant comme précédemment à la société de faire face à ses engagements au fur et à mesure de ses besoins, mais encore entendait exiger immédiatement ses créances, même par des procédés frauduleux, en réduisant par tous moyens le compte courant de la société mère, quand bien même il a accepté de faire une exception partielle en permettant le règlement de la paye du personnel pour le mois de juillet 2005, démontrant bien ainsi qu’il y avait un passif exigible et exigé, auquel l’actif disponible ne pouvait servir à faire face, même s’il restait quelques milliers d’euros sur les divers comptes bancaires au jour du dépôt de bilan ; que la date de cessation des paiements a été fixée provisoirement par le tribunal de commerce au 12 août 2005, date du dépôt de bilan et depuis lors n’a pas été modifiée par la juridiction consulaire, mais il faut en réalité retenir le jour où M. Z…a décidé de ne plus soutenir la société SKP, ce qui avait pour conséquence inéluctable ainsi qu’il le reconnaît lui-même, de conduire au dépôt de bilan et par suite de faire remonter au jour de cette prise de décision de principe, la date de cessation des paiements, soit à un jour de la mi-juillet non exactement déterminé, mais au plus tard le 21 juillet et en tout cas antérieur aux opérations subséquentes de cession de la marque, de la cession du stock et de recalcul de la marge, toutes opérations suivies de la diminution du compte courant de Kemos/ Kelian, avec la réalisation d’actes antidatés, tendant à faire croire que ces opérations ne se situaient pas pendant la période suspecte et tenter ainsi de masquer le détournement d’actif qu’elles constituaient et non, comme prétendu, de simples paiements préférentiels ;

 » 1) alors que le juge pénal qui retient une date de cessation des paiements autre que celle déjà fixée par la juridiction commerciale doit définir cette date avec précision, par une référence calendaire identifiée et non en se reportant à une période indéterminée ; qu’au cas présent, en se contentant de situer la cessation des paiements  » à un jour de la mi-juillet non exactement déterminé « , et en renonçant ainsi explicitement à toute référence calendaire, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle ni mis les parties en mesure de discuter de l’état de la trésorerie sociale à une date précise, n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

 » 2) alors que le juge pénal qui retient une date de cessation des paiements autre que celle déjà fixée par la juridiction commerciale doit vérifier qu’à compter de la date retenue, l’actif disponible du débiteur ne couvrait pas son passif exigible ; que la fixation de la date de cessation des paiements suppose ainsi une analyse précise et chiffrée, poste par poste ; qu’en se bornant à justifier la période ou la fenêtre retenue (un jour de la mi-juillet non exactement déterminé) par l’idée que ce jour non défini serait celui  » où M. Z…a décidé de ne plus soutenir la société SKP, ce qui avait pour conséquence inéluctable … de conduire au dépôt de bilan « , mais sans procéder à une analyse comparée, à cette période, de l’actif disponible et du passif exigible du débiteur (la filiale SKP), comme elle y était pourtant invitée, la cour d’appel a statué par des motifs généraux, non conformes aux exigences applicables, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ;

 » 3) alors que la circonstance qu’un débiteur soit, à compter d’une décision de gestion de son actionnaire, exposé à ne plus recevoir d’avances en compte courant dudit actionnaire ou même à devoir rembourser le solde créditeur du compte courant, est peut-être de nature à conduire ce débiteur à la cessation des paiements, mais ne permet pas, en soi, et faute d’analyse comparée des postes de passif et d’actif, de retenir la date de la décision de l’actionnaire de mettre fin au soutien de la filiale, comme date de cessation des paiements ; qu’au cas présent, en considérant au contraire que, dès lors que la décision imputée à M. Z…de cesser ses avances à la société SKP en compte courant, et de réduire l’exposition de son groupe à cette dernière, allait immanquablement conduire cette société à la cessation des paiements, il serait permis de « faire remonter au jour de la prise de cette décision de principe, la date de cessation des paiements », la cour d’appel a ainsi caractérisé une trajectoire susceptible de mener à la cessation des paiements, mais non une cessation des paiements avérée à la date considérée, de la décision de gestion imputée à M. Z…; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des textes susvisés ;

 » 4) alors que, une société n’est en cessation des paiements que si son actif disponible ne lui permet pas de faire face à son passif exigible ; que la fourniture par un actionnaire de l’entreprise de liquidités constitue un actif disponible ; qu’un passif échu faisant l’objet d’un moratoire n’entre pas en ligne de compte pour la détermination du passif exigible ; qu’au cas présent, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué que M. Z…avait permis à la société SKP d’assurer le financement de la paye du mois de juillet, réalisée par débit du compte bancaire de la société SKP le 5 août 2005, et que la cession de la marque pour 3 millions d’euros avait permis de laisser 300 000 euros en réserve de trésorerie ; que le demandeur avait souligné dans ses conclusions d’appel que tous les éléments de passif susceptibles d’être invoqués avant le 12 août 2005 n’étaient pas exigibles ou qu’ils faisaient l’objet de moratoires ; qu’en considérant que la cessation des paiements pourrait être  » remontée  » avant le 12 août 2005, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si, à la période visée, les éléments d’actif disponible de la société SKP ne couvraient pas son passif effectivement exigible, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés  » ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Nicolay, de Lanouvelle et Hannotin pour M. Y…, auquel s’associent MM. X…et A…, pris de la violation des articles L. 654-1, L. 654-2-2°, L. 654-3 du code de commerce, de l’article 1842 du code civil, de l’article L. 121-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Y…coupable de complicité du délit de banqueroute par détournement d’actifs de la société Stéphane Kelian Production, à savoir la cession de la marque Stéphane Kelian, la cession de stocks et les opérations sur le compte client, par modification des calculs de marge, et, en répression, l’a condamné à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et 45 000 euros d’amende ;

 » aux motifs que la cession de la marque au profit de la société Riginvest dirigée par M. Z…avec paiement immédiatement rétrocédé au profit de la société mère Kemos/ Kelian, dirigée par le même M. Z…, s’analyse, puisque réalisée après le 21 juillet 2005, comme un détournement de l’actif principal de la société SKP ; que cet élément d’actif avait été considéré dès l’origine de la reprise par le groupe dirigé par M. Z…comme un élément essentiel permettant le maintien de l’activité de l’entreprise ; que cet élément avait été volontairement sous-évalué lors de la reprise et il a été cédé pour 3 millions d’euros, valeur beaucoup plus proche de la réalité et d’ailleurs, par la suite, la marque a été revendue pour 2, 4 millions d’euros ; qu’ainsi, en faisant sortir du patrimoine de la société cet élément d’actif important, les autres créanciers étaient nécessairement lésés, dès lors que les fonds étaient immédiatement repris par la société mère ; que, de même, la cession du stock au profit de la société SKC, également dirigée par M. Z…, ce stock étant déménagé des locaux de l’entreprise dans la nuit du 27 au 28 juillet 2005, relève du même procédé de détournement d’actif et ce détournement a bien été réalisé pour éviter que le stock soit appréhendé par le liquidateur auprès de qui il aurait fallu le racheter ; que ce stock a sans doute été payé à son juste prix, mais concomitamment, ce prix a servi à réduire la créance de la seule société mère et a ainsi échappé au gage des créanciers ; qu’enfin, la modification des conventions entre SKP et SKC sur le calcul de la marge appliquée aux livraisons de produits finis (prix de cession internes), ce qui s’est traduit par des factures d’avoirs au bénéfice de l’unique client, également compensées par la diminution du compte Kemos/ Kelian, s’analyse encore comme un détournement d’actif puisque réalisé fin juillet 2005, pour prendre effet rétroactivement aux dates des actes antidatés, une telle méthode n’ayant pour but que de diminuer ce compte courant, alors que sur le plan économique, la révision d’un tel calcul de marge n’avait plus de justification puisque le dépôt de bilan avec demande de liquidation judiciaire immédiate devait être effectué dans les jours à venir ;

 » 1) alors que, s’agissant des marques, une dation en paiement réalisée pendant la période suspecte s’analyse en un paiement préférentiel, non punissable pénalement ; qu’au cas présent, à supposer que l’on puisse raisonner, comme l’a fait la cour d’appel, en considérant une opération globale par laquelle un ensemble Z…/ Riginvest/ Kemos aurait acquis une marque en contrepartie d’un paiement, dont le fruit serait revenu audit ensemble par le biais du paiement par le vendeur de la marque à la société mère Kemos d’une partie du solde créditeur de son compte courant d’associé, dès lors qu’il n’est pas contesté que le compte courant d’associé en cause était bien créditeur du montant payé, le transfert de propriété de la marque, en contrepartie d’une baisse du crédit du compte, s’analyserait en une dation en paiement, par laquelle la marque aurait été donnée en paiement à l’ensemble M. Z…/ Riginvest/ Kemos ; que, correctement analysée, cette opération n’était donc pas constitutive d’un détournement prohibé ; qu’en affirmant le contraire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 » 2) alors en tout état de cause que, sauf à ce que le caractère fictif des personnes en cause soit établi, rien n’autorise le juge pénal saisi d’une infraction de banqueroute par détournement d’actif, à raisonner en faisant abstraction de la personnalité des individus et des sociétés en cause ; de sorte qu’en raisonnant, comme elle l’a fait, à partir d’un ensemble indivisible Z…/ Riginvest/ Kemos, sans établir le caractère fictif des personnes morales, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

 » 3) alors de la même façon que se contredit, en violation des textes susvisés l’arrêt qui retient que la cession de la marque est intervenue  » avec paiement immédiatement rétrocédé au profit de la société mère  » ; que, cependant qu’il ressort de ses propres constatations que la cession de la marque, payée 3 millions d’euros, a d’abord servi à dégager une réserve de trésorerie de près de 300 000 euros au bénéfice de la société venderesse SKP, et que ce n’est que le solde de 2, 7 millions d’euros qui a été utilisé pour payer Kemos ;

 » 4) alors en tout état de cause que, à considérer le premier détournement visé par la prévention, portant spécifiquement sur des marques, ne constitue pas un détournement prohibé la cession d’une marque pour un prix réel et sérieux, effectivement encaissé par le débiteur en cessation des paiements ; qu’au cas présent, il est constant que la marque considérée par l’arrêt attaqué a été cédée à un prix dont l’arrêt relève lui-même qu’il était de marché et que ce prix a été payé par l’acquéreur (Riginvest) à la société SKP, de sorte que toute qualification de détournement était exclue ; qu’en affirmant le contraire, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

 » 5) alors de la même manière que, à considérer le second détournement visé par la prévention, portant sur le prix de cession des marques, ne constitue pas une dissipation d’élément d’actif l’utilisation par le débiteur de fonds reçus en banque pour désintéresser un créancier dont la créance est échue ; que cette qualification est d’autant plus exclue que le paiement en cause est effectué par un virement, mode de paiement usuel ; qu’au cas présent, il est constant que la société SKP a utilisé une partie du fruit de la cession de la marque, reçu en compte bancaire, pour effectuer un virement au profit de la société Kemos qui était titulaire d’un compte courant d’associé créditeur, donc d’une créance échue à l’égard de SKP ; qu’en retenant le demandeur dans les liens de la prévention, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

 » 6) alors que, s’agissant du stock, et à considérer l’opération globalement, comme a cru pouvoir le faire la cour d’appel, au motif erroné que M. Z…aurait été dirigeant de SKC et que l’on pourrait faire ici abstraction de la distinction entre les personnes en cause, une dation en paiement réalisée pendant la période suspecte s’analyse en un paiement préférentiel, non punissable pénalement ; qu’au présent, en raisonnant comme si la société SKC, cessionnaire du stock, était assimilable à M. Z…, auquel serait par ailleurs assimilable la société Kemos, la cour d’appel a caractérisé un transfert de propriété du stock à l’ensemble SKC/ Z…/ Kemos, payé par une réduction, à proportion du prix de vente du stock, du solde créditeur du compte courant d’associé de Kemos ; qu’en d’autres termes, la cour d’appel a caractérisé une dation du stock en paiement de la créance échue constatée par le compte courant d’associé ; qu’ainsi qualifiée, cette opération n’était pas pénalement répréhensible, de sorte qu’en considérant que l’infraction aurait été caractérisée à cet égard, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

 » 7) alors que, s’agissant du stock, et à considérer le premier détournement visé par la prévention, portant sur le stock lui-même, la cession d’un bien du débiteur à son prix de marché, ou, a fortiori, à un prix supérieur au marché, ne constitue pas une dissipation punissable pénalement ; qu’au cas présent, l’arrêt constate lui-même que la cession du stock a été effectuée  » à son juste prix  » ; qu’en considérant néanmoins que ledit stock aurait été détourné, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des textes susvisés ;

 » 8) alors que, s’agissant du stock, et à considérer le second détournement visé par la prévention, portant sur le produit de la vente du stock, la vente du stock s’est matérialisée par l’apparition d’une créance de prix de vente sur SKC ; qu’il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué que cette créance a été transférée à Kemos et que, soit Kemos l’a payée par compensation en compte courant d’associé, auquel cas il s’agit d’une cession de créance payée par compensation, licite, soit Kemos a été payé de son solde créditeur de compte courant par l’attribution de la créance de prix de vente du stock, donc par une dation en paiement, également licite ; que, dans tous les cas, en considérant que ce paiement préférentiel licite, qui au demeurant n’a pas appauvri SKP puisqu’il lui a permis de payer une dette échue de valeur certaine (le solde créditeur du compte courant) à l’aide d’un actif de valeur aléatoire (le stock), pourrait être qualifié de détournement d’actif, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 » 9) alors que, s’agissant de la marge, et plus précisément des opérations sur le compte client, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué qu’elles ont consisté à diminuer légèrement la créance de SKP sur SKC (émission d’avoirs corrigeant à la baisse le compte client), avant de céder la créance ainsi aménagée à la société Kemos qui s’est acquittée du prix de cette cession par une compensation avec le solde créditeur de son compte courant d’associé ; que la cour d’appel a considéré que ces opérations, prises en leur ensemble, auraient été répréhensibles dans la mesure où elles n’auraient eu pour  » but que de diminuer ce compte courant  » ; que, toutefois, dès lors que le compte courant retraçait un passif échu, ce qui n’était pas contesté, le but imputé par l’arrêt attaqué au demandeur consistait, pour la société SKP, à s’acquitter de son dû, ce qui n’est pas pénalement répréhensible et ne permettait pas, en soi, de requalifier les opérations sur le compte client en détournement d’actif ; de sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 » 10) alors que, à considérer l’émission d’avoirs au bénéfice de SKC, ne constitue pas un détournement prohibé le réaménagement marginal d’un contrat commutatif liant le débiteur à une société tierce ; qu’au cas d’espèce, en considérant que le rééquilibrage du contrat de fourniture entre SKP et SKC pourrait participer de la réalisation de l’infraction de banqueroute par détournement d’actif, cependant que ce réaménagement d’un contrat commutatif demeurait marginal et préservait l’équilibre dudit contrat, la cour d’appel, qui n’a même pas caractérisé une opération qui puisse tomber sous le coup des nullités de la période suspecte de l’article L. 621-107 ancien du code de commerce, a assurément violé les textes susvisés ;

 » 11) alors que, à considérer le compte client SKC, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué qu’il a été transféré au bénéfice de Kemos, et que soit Kemos l’a payé par compensation en compte courant, de sorte que l’opération constitue une cession de créances payée par compensation, licite, soit Kemos a été payée de son solde créditeur de compte courant par l’attribution du compte client, et l’opération constitue une dation en paiement, également licite ; que, dans les deux cas, la licéité de l’opération était d’autant moins contestable que la société SKC ne disposait pas de ressources propres significatives, autres que celles apportées en compte courant par sa mère, et que l’opération a ainsi permis à SKP de payer un passif tangible (à l’égard de Kemos) avec un actif incertain (la créance sur SKC) ; qu’en considérant cette opération licite, qui n’avait pas appauvri SKP, comme pénalement punissable, la cour d’appel a violé les textes susvisés  » ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Nicolay, de Lanouvelle et Hannotin pour M. Y…, pris de la violation des articles L. 654-1, L. 654-2-2°, L. 654-3 du code de commerce, des articles L. 121-1 et L. 121-7 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Y…coupable de complicité du délit de banqueroute par détournement d’actifs de la société Stéphane Kelian Production, à savoir la cession de la marque Stéphane Kelian, la cession de stocks et les opérations sur le compte client, par modification des calculs de marge, et, en répression, l’a condamné à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et 45 000 euros d’amende ;

 » aux motifs que M. Y…a matériellement mis en oeuvre les instructions qui lui ont été données par M.


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