Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 mai 2013, 12-82.734, Inédit

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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 mai 2013, 12-82.734, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

– M. Patrick X…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 15 février 2012, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 15 juin 2010, n° 09-84. 081), l’a condamné, pour homicide involontaire, à trente mois d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende, à une interdiction professionnelle définitive, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande, en défense et en réplique produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Patrick X…, gynécologue-obstétricien, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nanterre pour avoir, le 7 mai 1998, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence imposée par la loi ou le règlement, involontairement causé la mort de Sophie Y… qui est décédée des suites d’une hémorragie de la délivrance ; que le tribunal correctionnel est entré en voie de condamnation et a prononcé sur les intérêts civils ; que, sur appel du prévenu et du parquet, la cour d’appel a confirmé le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité de M. X…, l’a condamné à trente mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d’amende ainsi qu’à une interdiction définitive d’exercer la profession de chirurgien-obstétricien ; qu’elle a prononcé sur les intérêts civils, déclarant en particulier bien fondées les exceptions de non-garantie des compagnies d’assurance MACSF et AGF, devenue Allianz, appelées en intervention forcée devant elle ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 437, 446, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, ensemble violation des droits de la défense,

 » en ce que l’arrêt attaqué mentionne que Mme Françoise Z…, épouse A…, et MM. B…, C…et D…ont été entendus par la cour d’appel en qualité de témoins après avoir prêté serment conformément aux dispositions des articles 437 et 466 du code de procédure pénale ;

 » 1°) alors que, selon l’article 446 du code de procédure pénale, « avant de commencer leur déposition, les témoins prêtent le serment de dire toute la vérité rien que la vérité » et que l’arrêt attaqué, qui ne reproduit pas la formule du serment et qui vise un texte – l’article 466 – qui ne concerne pas le serment des témoins ne permet pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur le point de savoir si les témoins susvisés ont, préalablement à leur audition, prêté le serment prévu par la loi ;

 » 2°) alors que la cour d’appel, qui s’est, cependant référée à leurs déclarations dans sa décision, a méconnu l’article 446 du code de procédure pénale dont les dispositions sont substantielles, en sorte que la cassation est encourue  » ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et des notes d’audience mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que Mme A…, M. C…et M. D…ont été entendus par la cour d’appel après avoir prêté le serment des témoins et que ce n’est qu’à la suite d’une erreur matérielle, qu’outre l’article 437 du code de procédure pénale, est visé l’article 466 au lieu de l’article 446 dudit code ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 168, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

 » en ce que l’arrêt attaqué mentionne que M. E…, qui avait, au cours de l’instruction, déposé un rapport d’expertise, a été entendu en qualité d’expert après avoir prêté serment « conformément aux dispositions des articles 168 et 446 du code de procédure pénale » ;

 » 1°) alors que le serment des experts étant, depuis l’entrée en vigueur du code de procédure pénale, différent de celui des témoins, et toute personne ayant la qualité d’expert, devant, à peine de nullité, prêter, avant de rendre compte de l’accomplissement de sa mission, le serment prescrit par l’article 168 du code de procédure pénale, les mentions de l’arrêt attaqué, qui visent cumulativement les articles 168 et 446 du code de procédure pénale, ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur le point de savoir si M. E… a prêté le serment des experts ou le serment des témoins ;

 » 2°) alors qu’il ne saurait être objecté que les deux serments sont équivalents, le serment des experts « d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience » revenant en fait à s’engager à « dire toute la vérité, rien que la vérité » ; qu’en effet, les témoins sont entendus uniquement sur ce qu’ils ont vu et entendu, qu’en revanche les experts doivent exposer à l’audience les conclusions auxquelles ils sont arrivés en confrontant la matérialité des faits qu’ils ont examinés à des données techniques et scientifiques, ce qui implique un raisonnement et un commentaire, ce qui explique qu’ils ne doivent pas seulement « dire toute la vérité, rien que la vérité », mais aussi porter une appréciation en « apportant leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience », ce qui constitue un engagement distinct ;

 » 3°) alors que les mentions susvisées n’impliquent nullement que M. E… ait prêté successivement le serment des témoins et le serment des experts ;

 » 4°) alors que la cour d’appel, qui s’est cependant référée à ses déclarations, a méconnu les dispositions de l’article 168 du code de procédure pénale, en sorte que la cassation est encourue  » ;

Attendu qu’il n’importe que l’arrêt mentionne que M. E…, qui avait au cours de l’instruction déposé un rapport d’expertise, ait été entendu en qualité d’expert après avoir prêté serment conformément aux dispositions des articles 186 et 446 du code de procédure pénale dès lors que le serment prêté, sans observations des parties, impliquait celui d’apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 132-24 du code pénal, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X… coupable d’homicide involontaire et l’a condamné à trente mois d’emprisonnement avec sursis, à une amende délictuelle de 20 000 euros et à l’interdiction définitive d’exercer l’activité professionnelle de chirurgien obstétricien ;

 » aux motifs, d’une part, qu’en sa qualité d’administrateur de la clinique, directeur médical de l’établissement, M. X… ne pouvait ignorer que Mme A…et sa collègue, Mme F…, ne disposaient d’aucune consigne ni d’un tour de permanence organisé qu’elles auraient immanquablement déclenché ; que la seule présence dans l’établissement, de chirurgiens, obstétriciens ou anesthésistes, occupés par leurs propres patients et leurs programmes opératoires, ne devait nullement être de nature à garantir, dans l’esprit de MM. X… et G…, la continuité des soins ;

 » aux motifs, d’autre part, que s’agissant de la sanction à prononcer, M. X…, âgé aujourd’hui de 61 ans, n’a aucun antécédent judiciaire et n’a fait l’objet d’aucun signalement ni sinistre professionnel avéré depuis les faits ; que le rôle exercé par lui au sein de l’établissement, dont il était actionnaire, administrateur et directeur médical, la manière dont il a tenté, compte tenu du pouvoir et de la place qu’il occupait au sein de la clinique, d’échapper à ses responsabilités et le manque de conscience professionnelle qu’il a manifesté face aux appels réitérés de la sage-femme en la renvoyant avec désinvolture vers un anesthésiste, justifie une condamnation sévère et dissuasive ;

 » alors que les tribunaux ne peuvent légalement statuer que sur les faits qui leur sont soumis par l’ordonnance ou la citation qui les saisis ; que M. X… était poursuivi du chef d’homicide involontaire en sa seule qualité de médecin accoucheur et qu’en relevant d’office, en-dehors de toute comparution volontaire de sa part sur cet élément modificatif de la prévention, tant dans les motifs qui servent de soutien nécessaire à la déclaration de culpabilité, que dans les motifs qui servent de soutien nécessaire au choix de la peine, sa qualité d’actionnaire, d’administrateur et de directeur médical de la clinique, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé ce faisant les droits de la défense, privant ainsi M. X… du procès équitable auquel il avait droit  » ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-3, alinéa 3, et 221-6 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X… coupable d’homicide involontaire ;

 » aux motifs qu’il doit être rappelé que M. X… est prévenu d’avoir à Neuilly-sur-Seine, le 7 mai 1998, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, par maladresse, imprudence, inattention, négligence, ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l’espèce, en n’effectuant pas les actes de diagnostic nécessaires et appropriés à l’état de sa patiente, en quittant la clinique Sainte-Isabelle de Neuilly-sur-Seine sans s’assurer des conditions minimales garantissant la sécurité médicale de celle-ci et en tardant à intervenir à nouveau à son chevet, après qu’il eut été informé de l’évolution de son état, involontairement causé la mort de Sophie Y… ; que sa responsabilité pénale doit s’apprécier en regard de sa qualité de médecin, gynécologueobstétricien, ayant suivi l’accouchement de Sophie Y…, de chirurgien habilité à pratiquer lui-même l’hystérectomie d’hémostase, évoquée par les experts, et de gynécologue ayant suivi la fin de grossesse de la patiente ; que, sur ce dernier point, le docteur H…, qui avait suivi, jusqu’à son terme, la première grossesse de Sophie Y…et avait accouché celle-ci de sa première fille, Camille, a orienté cette patiente, en cours de sa deuxième grossesse, le 5 mars, auprès de son confrère M. X… ; que celui-ci disposant donc de ses antécédents, devait connaître les risques d’une hémorragie de la délivrance que cette patiente présentait ; qu’en effet, selon les experts, Sophie Y… avait donné naissance à un premier enfant d’un poids important (3, 950 kg), que cet accouchement s’était pratiqué avec forceps, avait nécessité une épisiotomie avec un épisode hémorragique et qu’à la dernière échographie, pratiquée le 23 mars, soit plus d’un mois avant le terme prévu au 8 mai, le foetus faisait plus de 3 kilogrammes, annonçant donc un gros bébé ; que ces éléments ne pouvaient être ignorés de M. X… qui avait vu Sophie Y… en consultation le 9 avril, soit un peu moins d’un mois avant le terme ; que les conditions du premier accouchement n’avaient été répercutées ni à M. Didier G…, qui a assuré que, compte tenu des risques de récidive en matière d’hémorragie après accouchement, s’il avait eu connaissance de cet antécédent hémorragique, il ne serait pas parti, ni à Mme Françoise A…, qui a déclaré que, si elle en avait été informée, elle aurait anticipé en réservant du sang à l’hôpital Foch ; que le résumé obstétrical (D 64, D 65, D 41) révèle que les saignements ont commencé dix minutes après l’accouchement, survenu à 12 h 40, et cinq minutes après la délivrance du placenta, à 12 h 50 – 13 heures et que d’autres saignements sont apparus à 14 h 30 alors que M. X… avait rejoint son cabinet médical en ville ; que, jusqu’à l’arrivée du docteur J…, anesthésisteréanimateur, alerté en urgence, vers 15 h 30, qui va procéder à la commande sang, alors que l’état clinique de Sophie Y… est déjà désespéré, seules deux sages-femmes, Mmes Françoise A…et Van sont restées au chevet de la patiente ; qu’à cette heure et, au plus tard, 16 heures, en raison de la baisse du taux d’hémoglobine, des perturbations évoquées plus haut dans la coagulation du sang, mais aussi de l’état clinique de la patiente, tout acte chirurgical (hystérectomie d’hémostase) ou le transport de Sophie Y…à l’hôpital pour embolisation, n’étaient plus envisageables ; que la délivrance du placenta, à 12 h 55, a été suivie de gros caillots et d’un jet décrit, par Mme A…, comme un « geyser », fusant au-dessus des étriers de la table d’accouchement ; qu’à cet instant, la sage-femme a appelé l’attention de l’obstétricien sur la taille de la flaque de sang coagulé, d’au moins 500 millilitres selon elle et de M. Didier G…; qu’auparavant et avant la délivrance du placenta, ce qui est décrit par les experts comme non conforme aux pratiques habituelles, M. X… avait suturé la cicatrice d’épisiotimie ; que, pour combattre les saignements, il a prescrit de renforcer la perfusion de Syntocinon, soluté de remplissage, et aurait massé l’utérus pour obtenir sa rétractation ; qu’il soutient avoir alors pratiqué une révision utérine ; que, s’agissant de la révision utérine alléguée, la description qui en est faite par M. X…, lui-même, et par M. Jean-Marie Y…, alors présent dans la salle d’accouchement, ont permis à l’expert K…de conclure qu’elle est « très peu vraisemblable » ; que M. Y… se souvient en effet que cet examen se serait limité, de la part de l’obstétricien, à l’introduction de deux doigts dans le vagin ; que M. X… indique l’avoir effectué alors que Mme A…était sortie de la salle d’accouchement pour s’occuper de la délivrance ; que M. Y… a même précisé : « Je l’ai vu enfiler un gant et mettre deux doigts dans le vagin de ma femme. En tout cas, je ne l’ai jamais vu mettre son avant-bras. Vous imaginez bien que ça m’aurait marqué » ; que Mme A…a expliqué qu’une révision utérine nécessite de « déployer des champs stériles, désinfecter abondamment la patiente, mettre des gants nouveaux et désinfecter le bras et la main du médecin puisqu’on peut rentrer le bras presque jusqu’au coude lorsqu’on pratique une vraie révision utérine » ; qu’il a été démontré que le résumé obstétrical initial, rédigé en temps réel, par la sage-femme, Mme A…, ne faisait pas mention d’une révision utérine ; que mention de ce geste médical a été rajoutée lors de la réunion tenue le lendemain du décès de Sophie Y… provoquée par M. X… ; que, sur cette réunion, à laquelle participait M. G…, Mme A…a indiqué : « le docteur X… m’a demandé de reprendre le dossier médical puisqu’il l’avait eu la veille et il m’a donné l’ordre d’indiquer par ma plume qu’il avait fait une révision utérine à telle heure, je n’ai pu que m’exécuter » ; que, dans un courrier adressé au professeur M. L…, Mme A…retrace la chronologie des versions successives du résumé obstétrical ; qu’ainsi, elle souligne que l’original, rédigé par elle en temps réel (D64), dont seul le recto était renseigné, ne Y…nullement mention d’une révision utérine ; que ce même document a été complété au verso par elle le soir même, après le décès de Sophie Y…, vers 22 heures ; qu’à partir de ce résumé, remis le soir du 7 à M. X…, celui-ci lui a demandé, le lendemain, au cours de la réunion précitée, de le modifier et d’y ajouter la mention relative à la révision utérine qu’il aurait pratiquée ; qu’alors qu’aucun instrument n’a été retrouvé, M. X… a, par la suite, affirmé avoir pratiqué ensuite un examen sous valves et même à l’aide d’un speculum de Colin ; qu’un tel examen est pratiqué pour vérifier l’absence de lésions de la filière génitale et s’effectue au moyen de deux valves tenues par un aide, une dans chaque main, afin de déplier le vagin distendu par le passage du foetus et permettre à l’obstétricien de procéder aux sutures nécessaires ; que, sur cet examen, qui aurait été pratiqué par M. X…, sans aide ni témoin, le prévenu a fourni des déclarations contradictoires ; qu’après avoir déclaré : « … j’ai pratiqué un examen sous valve qui introduit une sorte de long speculum. L’examen m’a paru normal et les saignements se sont arrêtés. Il devait être à peu près 13 h », il a ensuite indiqué avoir « pratiqué un examen sous valve, sans valve » ; qu’entendus sur la réalité de cet examen, tandis que M. G…a préféré dire que, s’il en avait été témoin, il s’en serait souvenu, Mme A…s’est montrée formelle pour le contester en affirmant : « en ce qui concerne l’examen sous valve, je suis formelle, il n’y en a pas eu. Il faut utiliser du matériel qu’il aurait fallu chercher dans la salle à côté et je précise que ce n’est pas un petit objet » ; qu’à l’audience de la cour de renvoi, à la différence de son confrère D…, le professeur C…a éé formel pour estimer qu’un speculum de Colin, prétendument utilisé par le prévenu, n’était pas adapté pour un tel examen ; que Mme A…a signalé, quant à elle, qu’aucun outil n’avait été sali et qu’aucune vignette laissant trace de la stérilisation d’un tel ustensile n’avait été retrouvée ;

qu’aucun des résumés précités ne fait mention d’un tel examen ; qu’en outre, à supposer qu’il ait été effectué à 13 heures comme soutenu par M. X…, M. Y… en aurait été témoin ou, ainsi que les experts l’ont rapporté, aurait été invité par le médecin à sortir de la salle compte tenu du caractère invasif et traumatisant de l’acte qui aurait été pratiqué sur sa femme ; que, de ces éléments, il ne peut qu’être déduit que M. X… n’a pratiqué ni révision utérine ni examen sous valve, alors que ces actes sont décrits comme les premiers gestes à accomplir en cas d’hémorragie de la délivrance pour en rechercher l’origine et la combattre utilement et immédiatement ; que les instructions données par M. X… à Mme A…, postérieurement au décès de sa patiente, d’ajouter mention de ces deux examens sur le compte rendu, démontrent bien qu’il n’ignorait pas que ces gestes étaient déterminants et de nature, pour le temps où il avait été présent à la clinique, à l’exonérer de sa responsabilité pénale ou professionnelle ; que, face à ces saignements, abondants, constituant un risque d’hémorragie de la délivrance, au surplus, chez une parturiente venant d’accoucher d’un gros bébé, il appartenait à M. X…, en sa qualité de gynécologue obstétricien, ayant suivi l’accouchement de Sophie Y…, entouré d’une équipe constituée d’un anesthésiste réanimateur et d’une sage-femme et disposant du matériel nécessaire, dans la clinique où il avait l’habitude d’exercer depuis de longues années, d’accomplir, immédiatement, une révision utérine, puis un examen sous valves en vue, si nécessaire, d’une hystérectomie d’hémostase ou d’une embolisation artérielle ; que s’être abstenu, dans les circonstances ainsi rappelées, de telles diligences constitue une grave négligence à l’origine du décès de Sophie Y… ; que, s’agissant du départ de M. X… de la clinique Sainte-Isabelle sans s’être assuré, pour celui-ci, des conditions de sécurité médicale au bénéfice de Sophie Y…, l’instruction et les débats d’audience ont permis d’établir que MM. X… et G…ont quitté cette patiente à 13 h 35 et la clinique vers 14 h ; que, tandis que le premier a rejoint son cabinet de consultation en ville de Neuilly-sur-Seine, le second est parti jouer au golf dans l’Oise, comme tous les jeudis aprèsmidis ; que ni M. X… ni M. G…n’a attendu le résultat des analyses sanguines qui devaient révéler qu’à 13 h 44, le taux d’hémoglobine de Sophie Y… était à 8, 3g/ 100ml et que, selon le professeur Jean-Louis E…, le taux de plaquettes était « à la limite inférieure de la normale pouvant dans le contexte indiquer un trouble débutant de la coagulation en rapport avec une hémorragie » ; qu’interrogé sur ces résultats, M. X… s’est contenté d’estimer qu’un tel taux correspondait à une « anémie normale après un accouchement avec hémorragie de la délivrance » ; que, si le résumé obstétrical laisse apparaître que les saignements se sont arrêtés à 14 heures, il mentionne que ceux-ci ont repris à 14 h 30, soit une heure et demi après les saignements apparus peu après l’accouchement et l’épisiotomie ; que, sur ce point, les experts E… et L…et le professeur C…, entendus en qualité de témoins par la cour de renvoi, ont insisté pour signaler que ces saignements pouvaient continuer sans être apparents ou recommencer dans les deux heures suivant la première hémorragie ; que, selon ces experts, praticiens, la présence des deux médecins, l’anesthésiste réanimateur et le gynécologue obstétricien, était impérative avant de s’assurer de la fin définitive des saignements ; qu’en l’absence de procédure interne à la clinique relative à l’organisation des astreintes, il incombait à chaque praticien de suivre sa clientèle ou d’organiser son propre remplacement par un autre confrère ; que Mme A…n’a reçu aucune consigne de la part de M. X… ou M. G…sur leur remplacement ; que, si le docteur Mme Eliane M…était le médecin de garde, elle n’était pas présente à la clinique et, faute d’affichage sur cette garde, Mme A…ignorait qu’elle pouvait l’appeler ; que, par ailleurs, si d’autres chirurgiens ou anesthésistesréanimateurs opéraient dans les salles de chirurgie, ils n’étaient pas immédiatement disponibles pour répondre à l’urgence nécessitée par l’état de Sophie Y… ; que Mme A…a été constante pour indiquer qu’elle avait appelé à plusieurs reprises au cabinet de M. X… afin de l’informer de la détérioration de l’état de sa patiente et d’insister auprès de lui sur l’urgence de son retour à la clinique, que ses appels répétés au cabinet de M. X… sont attestés par le résumé obstétrical ; que Mme F…a indiqué avoir également appelé M. X… à 14 h 30 en utilisant une ligne directe et lui avoir passé sa collègue, Mme A…; que le prévenu a, par téléphone, donné successivement comme instructions de rappeler M. G…, s’agissant d’un « problème d’anesthésiste », puis de joindre un de ses confrères, à l’extérieur de la clinique, le docteur N…, puis un des anesthésistes présents au bloc opératoire ; qu’en sa qualité d’administrateur de la clinique, directeur médical de l’établissement, M. X… ne pouvait ignorer que Mme A…et sa collègue, Mme F…, ne disposaient d’aucune consigne ni d’un tour de permanence organisé qu’elles auraient immanquablement déclenché ; que la seule présence, dans l’établissement, de chirurgiens, obstétriciens ou anesthésistes, occupés par leurs propres patients et leurs programmes opératoires, ne devait nullement être de nature à garantir, dans l’esprit de M. X… et M. G…, la continuité des soins ; que, s’il est paru admissible, par les experts, notamment le professeur L…, que, vers 14 h, alors que Sophie Y… ne saignait plus, M. X… quitte la clinique pour rejoindre son cabinet de consultations, celui-ci devait revenir en toute urgence à la clinique après les appels répétés de Mme A…, sage-femme expérimentée, et la description faite par celle-ci de l’état de Sophie Y…, sa patiente ; qu’il ne pouvait en effet négliger l’insistance de la sage-femme, seule et démunie, l’informant que celle-ci faisait une hémorragie de la délivrance, que son confrère G…, l’anesthésiste-réanimateur, était injoignable et que les suites de l’accouchement qu’il avait lui-même suivi revêtaient un caractère pathologique pour lequel son interlocutrice n’était plus qualifiée ; que, sur ce point, M. X… a soutenu avoir donné pour instructions à la sage-femme la pose d’une perfusion de Nalador, de commander du sang et d’appeler le Samu ; que ces instructions ont également été répercutées au docteur Bernard J…, anesthésiste intervenu à partir de 15 h 30 ; qu’il a parallèlement joint le service radiologie du docteur O…de l’hôpital américain pour une embolisation ; que ces instructions confirment que, de son cabinet, alors que, selon les avis d’experts, il était déjà trop tard, M. X… avait compris l’extrême gravité de l’état de Mme Y… ; que, s’agissant de l’heure du retour de M. X… à la clinique, celle-ci n’a pu être déterminée avec précision et exactitude tant ses déclarations et celles des autres personnes entendues sont divergentes ; que, toutefois, des divers témoignages recueillis, il ressort que celui-ci ne serait arrivé qu’après 16 h ; qu’à supposer qu’il soit arrivé, comme il le soutient, à 15 h 45 et qu’il ait mis quelques minutes pour se changer, à cette heure, l’état clinique de Sophie Y…, décrit notamment par M. J…, s’était déjà dégradé de manière dramatique et irréversible ; qu’étant rappelé que chaque quart d’heure compte dans le cas d’une hémorragie de la délivrance, qu’il avait été alerté depuis plus d’une heure et que, selon le professeur K…, les décisions d’urgence vitale auraient dû être prises avant 15 h 30, ce retard d’une heure ne permettait plus de sauver la patiente ; que M. X… ne peut s’exonérer en imputant ce retard à Mme A…qui, selon lui aurait pris le temps de déjeuner et aurait, pendant ce temps, négligé la parturiente pour s’occuper d’une autre, Mme P…; que, sur ce point, à l’audience de la cour de renvoi, la sage-femme a fait observer qu’elle n’avait mangé qu’un sandwich, en plusieurs temps, sans cesser d’être disponible et tout en continuant les démarches et appels téléphoniques précités ; qu’elle a souligné que vers 15 h, Mme P…se trouvait au bloc obstétrical, à proximité immédiate ; que l’original du résumé obstétrical de cette personne n’a pas été retrouvé ; que, de cet ensemble d’éléments et circonstances, il découle qu’après avoir assisté aux premiers saignements de Sophie Y…, s’être abstenu de pratiquer alors les premiers gestes utiles consistant en une révision utérine et un examen sous valves, qu’en quittant la clinique et négligeant les appels répétés de la sagefemme, dont la compétence se limitait aux suites physiologiques d’un accouchement, qui lui décrivait que la patiente dont il venait de suivre l’accouchement faisait une hémorragie de la délivrance, M. X…, qui ne pouvait, compte tenu de son expérience et de sa qualité de chirurgien, gynécologue obstétricien, considérer qu’il s’agissait seulement, au vu du tableau qui lui était fait, d’« un problème d’anesthésiste », a commis une succession de négligences constituant à l’évidence une faute caractérisée à l’origine directe du décès de Sophie Y…, celle-ci ayant été par cette faute exposée à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer ;

 » 1°) alors qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que le régime applicable aux faits poursuivis à l’encontre de M. X… est de la causalité indirecte au sens de l’article 121-3, alinéa 3, du code pénal, le décès de la patiente ne résultant pas d’une faute médicale mais étant dû à une hémorragie de la délivrance dont la cause n’a pu être déterminée mais dont le déclenchement n’a été imputé au médecin accoucheur ni par la prévention ni par les motifs de l’arrêt, seul le traitement de cette hémorragie ayant été reproché aux deux médecins intervenant auprès de la jeune femme, le médecin gynécologue accoucheur et le médecin anesthésiste réanimateur et qu’en affirmant dès lors que les manquements qu’elle relevait à l’encontre de M. X… étaient à l’origine directe du décès de Sophie Y…, la cour d’appel a contredit ses propres constatations et méconnu, ce faisant, par fausse application, les articles 121-3, alinéa 3, et 221-6 du code pénal ;

 » 2°) alors que le délit d’homicide involontaire suppose que soit établi un lien de causalité certain entre le décès de la victime et la faute imputable à la personne poursuivie ; que si, en application des dispositions combinées des articles 121-3, alinéa 3, et 221-6 du code pénale, un médecin accoucheur peut être condamné pour homicide involontaire pour n’avoir pas pris les mesures permettant d’éviter la mort d’une patiente atteinte d’une hémorragie de la délivrance, c’est à la condition qu’il soit établi avec certitude que les mesures dont s’agit auraient, sans contestation, permis d’éviter le décès, la seule perte d’une chance de survie ne permettant pas à elle seule de justifier une condamnation du chef d’homicide involontaire et que dans la mesure où il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué qu’en l’absence d’autopsie médico-légale, l’origine de l’hémorragie de la délivrance et donc l’efficacité de son traitement, n’ont pu être déterminées, c’est au prix d’une contradiction de motifs et en méconnaissance des textes susvisés que la cour d’appel est entrée en voie de condamnation ;

 » 3°) alors que l’existence de la faute de négligence constituée par l’absence prétendue de révision utérine et d’examen sous valves, constamment contestée par M. X…, a été essentiellement déduite par la cour d’appel des déclarations à l’audience des témoins Mme A…et M. C…, déclarations qui ne peuvent fonder légalement la décision du fait de l’irrégularité du serment que ces témoins ont prêté ;

 » 4°) alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d’appel, M. X… se prévalait de la déclaration de l’expert L…au cours de la procédure indiquant « en tout état de cause, M. X… a pratiqué consciencieusement cette révision utérine » et que la cour d’appel qui, dans ses motifs, reprenait les conclusions du rapport de cet expert ne faisant nullement état d’une prétendue absence de révision utérine, ne pouvait sans se contredire ou mieux de s’expliquer sur ce chef péremptoire des conclusions de M. X…, entrer en voie de condamnation ;

 » 5°) alors que la cour d’appel, qui constatait qu’à 13 h 44, le taux d’hémoglobine de Sophie Y… était de 8, 3 g, taux qualifié de convenable et non alarmant par les experts, qu’à 14 h celle-ci ne saignait plus et que dès lors il avait paru admissible aux experts et notamment au professeur L…qu’à la même heure le docteur X… quitte la clinique pour rejoindre son cabinet de consultation – impliquant nécessairement que pour les experts, rien ne laissait à cette heure présager une éventuelle hémorragie mettant en cause le pronostic vital de la patiente – ne pouvait, sans se contredire, retenir in fine qu’il avait commis une négligence caractérisée en quittant la clinique ;

 » 6°) alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées, M. X… faisait valoir qu’il incombait à la sage-femme, Mme A…, qui exerçait à titre libéral excluant tout lien de subordination, de diriger et surveiller les actes et interventions postérieurs à l’accouchement, lesquels sont dévolus par le législateur aux sages-femmes ; que Mme A…était parfaitement formée et adaptée aux urgences obstétricales ; qu’en outre, pas moins de quatorze médecins étaient présents à la clinique le jour des faits ; que le professeur L…avait déclaré au cours de la procédure que « Mme A…se trouvant auprès de Sophie Y…, s’occupant des soins post-nataux et post-obstétricaux, elle était tout à fait à même, s’il le fallait, de joindre en urgence le docteur X… ou un autre gynécologue présent ; qu’il n’y a donc à ce stade pas d’erreur factuelle commise par le docteur X… quand il quitte la clinique » et qu’en imputant au docteur X… une prétendue faute de négligence – de surcroît caractérisée – pour avoir « quitté la clinique pour rejoindre son cabinet sans s’être assuré des conditions de sécurité médicale au bénéfice de Mme Y… » – sans s’être préalablement expliqué sur ces chefs péremptoires de conclusions autrement que par la considération erronée « que la compétence de la sage-femme se limitait aux suites physiologiques de l’accouchement », la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

 » 7°) alors qu’il résulte des constatations de l’arrêt que M. X…, après avoir quitté la clinique pour rejoindre son cabinet, était resté effectivement et constamment joignable par la sage-femme ;

 » 8°) alors que la cour d’appel, qui admettait que M. X… avait, de son cabinet, avant même de retourner à la clinique, donné, avant 15 h 30, c’est-à-dire en temps utile selon les conclusions concordantes du professeur L…et du professeur K…pour prendre les décisions d’urgence vitale qui s’imposaient, des instructions précises en ce sens qui ont été répercutées au docteur J…, anesthésiste, pour traiter l’hémorragie, joignant en outre le service radiologique du docteur O…de l’Hôpital américain pour une embolisation, constatations d’où il se déduisait qu’il n’avait donc pas


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