Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 20 décembre 2017, 16-83.617, Inédit

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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 20 décembre 2017, 16-83.617, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

M. Guy X…,

M. Léon Y…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de CAYENNE, chambre correctionnelle, en date du 4 mai 2016, qui a condamné le premier, pour abus de biens sociaux, faux et usage, à deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende, le second, pour complicité d’abus de biens sociaux, à dix-huit mois d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 8 novembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, M. Steinmann, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général WALLON ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société d’économie mixte de l’ouest guyanais (SENOG), immatriculée le 27 juillet 1989, ayant pour objet toutes activités relatives à l’aménagement et à la construction, notamment dans le secteur de l’habitat, a eu comme président M. Y…du 2 octobre 2007 au 7 juin 2010 et comme directeur général M. X…du 30 décembre 2002 au 7 juin 2010 ;

Que M. X…est poursuivi, en sa qualité de directeur général de la SENOG, du chef d’abus de biens sociaux pour s’être fait attribuer une prime de départ d’un montant de 887 000 euros, non prévue au contrat de travail, dont il a calculé le montant, et excessive au regard des capacités financières de la société et pour s’être fait verser des primes rattachées à son contrat de travail sans qu’elles soient votées par le conseil d’administration et des chefs de faux et usage pour avoir falsifié le procès-verbal du conseil d’administration du 26 juin 2008 adressé à la sous-préfecture de Saint-Laurent-du-Maroni ne mentionnant pas l’indemnité de départ votée en sa faveur, information portée sur le procès-verbal conservé par la société, et fait usage du dit faux ;

Que M. Y…est poursuivi du chef de complicité du délit d’abus de biens sociaux commis par M. X…pour avoir présenté aux administrateurs l’argumentaire en faveur de l’octroi de la prime de départ et signé la convention engageant la SENOG et autorisant le versement de cette prime ;

Que par jugement du 11 juin 2014, le tribunal correctionnel a rejeté les exceptions de nullité soulevées, a déclaré les prévenus coupables des faits reprochés, a condamné M. X…à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis, 300 000 euros d’amende et cinq ans de privation de tous ses droits civiques, et M. Y…à un an d’emprisonnement avec sursis, 200 000 euros d’amende et cinq ans de privation de tous ses droits civiques ;

Que les prévenus ont interjeté appel principal de ce jugement et le ministère public appel incident ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. X…, par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 19, 40, 41, 43, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les exceptions de procédure ;

 » aux motifs propres que M. Y…a fait déposer des conclusions, soutenant que la procédure serait irrégulière car elle repose sur une enquête accomplie par la police judiciaire sur le fondement d’un soit-transmis du 17 janvier 2011, émanant du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Fort-de-France, territorialement incompétent pour rechercher la preuve d’infractions susceptibles d’avoir été commises en Guyane ; pour la défense de M. Y…, cette réquisition du 17 janvier 2011 doit être annulée, comme émanant d’un procureur de la République territorialement incompétent, et tous les actes de l’enquête doivent l’être également, par voie de conséquence ; que la défense de M. X…s’associe à cette argumentation ; que celle-ci ne peut, cependant, être admise ; qu’en effet, un juge d’instruction de Fort-de-France, juridiction habilitée à connaître pour la Martinique mais aussi la Guyane, des affaires complexes en matière économique et financière, ainsi qu’il est prévu par les articles 704 et suivants du code de procédure pénale, a transmis au procureur de la République établi auprès de sa juridiction des pièces relatives à des faits dont il avait eu connaissance dans le cadre d’une procédure d’information, mais qui échappaient à sa saisine ; que le juge d’instruction a régulièrement transmis ces documents au parquet de Fort-de-France, en respectant les dispositions de l’article 80 du code de procédure pénale ; que compétent pour connaître, non seulement en Martinique mais aussi en Guyane, des affaires économiques et financières sur le fondement de l’article 704 précité, le procureur de la République à Fort-de-France a tout à fait régulièrement, en s’inscrivant dans le champ de sa compétence, requis, par soit-transmis du 17 janvier 2011, le directeur inter-régional de la police judiciaire des Antilles et de la Guyane de procéder à une enquête sur les faits ressortant des pièces qui lui avaient ainsi été communiquées ; que c’est par l’exacte application du code de procédure pénale, en particulier de son article 19, que les enquêteurs, menant leurs investigations en Guyane, ont rendu compte de leurs opérations au procureur de la République établi près le tribunal du lieu où ils se trouvaient lors de leur enquête ; que, par la suite, le procureur de la République près le tribunal de Guyane s’est trouvé pleinement saisi des faits, par le dessaisissement intervenu en sa faveur, le 27 juin 2012, le procureur de Fort-de-France lui ayant, à cette date, adressé la procédure, en lui indiquant qu’il n’envisageait pas de saisir la juridiction spécialisée de Fort-de-France des faits caractérisés par l’enquête diligentée en exécution du soit-transmis du 17 janvier 2011 ; qu’ainsi que l’a relevé le jugement du tribunal correctionnel de Cayenne, aucune incompétence territoriale ne peut être retenue et le moyen de nullité de la procédure qui s’y rapporte n’est pas fondé ; que deux autres moyens de nullité sont soutenus dans les conclusions déposées pour M. X…; qu’il est, d’abord, prétendu que le soit-transmis du 17 janvier 2011, par lequel le procureur de la République à Fort-de-France a ordonné une enquête à la police judiciaire, puise son origine dans une transmission irrégulièrement faite à ce procureur, le 22 octobre 2010, par le juge d’instruction, lequel aurait méconnu les dispositions de l’article 80 du code de procédure pénale en omettant d’indiquer la liste des procès-verbaux qu’il entendait communiquer ; que cette argumentation ne peut être accueillie, dès lors que, comme l’a relevé le tribunal, la juridiction de jugement est en mesure de s’assurer que le juge d’instruction de Fort-de-France a transmis au procureur de la République : l’interrogatoire de première comparution de M. Z…, du 27 novembre 2009, le procès-verbal de perquisition dans les locaux de la SENOG du 12 octobre 2010, un extrait des délibérations du conseil communautaire, divers mandats de paiement et la déposition de M. A…, vice-président de la Communauté de communes de l’Ouest guyanais ; qu’ainsi, les dispositions de l’article 80 du code de procédure pénale n’ont-elles pas été méconnues, ce texte n’imposant pas, au demeurant, l’établissement d’un bordereau des pièces communiquées ; qu’enfin, il est soutenu que le procureur de la République aurait méconnu les dispositions de l’article 75-1 du code de procédure pénale en demandant aux enquêteurs de procéder à une enquête préliminaire, sans fixer le délai dans lequel elle devait être effectuée ; qu’en l’espèce, l’enquête a débuté le 17 janvier 2011, date de la réquisition d’enquêter, adressée par soit-transmis par le procureur de Fort-de-France à la police judiciaire, et a été clôturée le 16 novembre 2012 ; que ce délai d’enquête n’est pas excessif au regard des investigations qui ont été réalisées ; que la méconnaissance alléguées de l’article 75-1 précité n’a porté aucune atteinte aux droits des prévenus ; qu’ainsi, l’annulation de la procédure n’est pas davantage encourue ; qu’il convient, en conséquence, de confirmer le jugement sur le rejet des exceptions de procédure ;

 » et aux motifs adoptés que, sur les exceptions, 1°) suivant conclusions déposées et développées in limine litis, par les avocats des deux prévenus, et qui sont donc recevables, il est tout d’abord soutenu une « nullité tenant à l’ouverture de la procédure », au motif qu’en violation des articles s41 et 43 du code de procédure pénale, le soit-transmis du 17 janvier 2011, par lequel le parquet de Fort-de-France a demandé à M. le commissaire de la direction inter-régionale de la police judiciaire de Guyane (DIPJ Antilles Guyane) de bien vouloir diligenter une enquête sur des faits transmis par le magistrat instructeur et n’entrant pas dans sa saisine, concernait des faits ressortant de la seule compétence du parquet de Cayenne ; qu’il est souligné par la défense de M. Y…que « dans les suites de la procédure les parquets tentaient vainement de rectifier l’erreur de compétence viciant initialement la procédure », par les comptes-rendus adressés par les enquêteurs au procureur de la République de Cayenne, puis par la transmission de l’enquête à ce dernier par le procureur de la République près le tribunal de Fort-de-France, puis par le relais pris par le procureur de Cayenne dans la direction d’enquête, au vu par exemple, du soit-transmis du 12 juillet 2012, les enquêteurs mentionnant « Poursuivant les instructions contenues dans la note du 17 janvier 2011 de M. Hubert Xavier, procureur de la République adjoint près la cour d’appel de Fort-de-France » et « Vu les instructions de M. Ivan Auriel, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Cayenne » ; qu’il est encore soutenu que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Fort-de-France ayant outrepassé ses droits en ordonnant l’ouverture de la présente procédure, cet acte a nécessairement causé grief à M. Y…dans la mesure où la procédure a été irrégulièrement ouverte, puis menée sur le fondement du soit-transmis initial ; que ces arguments ne sauraient être retenus ; qu’il convient d’observer que le soit-transmis contesté émanant du parquet de Fort-de-France près la juridiction habilitée à connaître au plan régional des infractions en matière économique et financière qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité, en vertu des dispositions des articles 704 et suivants du code de procédure pénale, repose sur des révélations et pièces obtenues par un juge d’instruction de la juridiction spécialisée de Fort-de-France dans le cours d’une procédure instruite par lui-même, dans ce même cadre procédural ; que la transmission par ses soins à son parquet, des pièces susceptibles de révéler l’existence d’une ou de plusieurs infractions dont il n’était pas saisi, satisfait pleinement aux obligations qui lui sont faites en vertu des dispositions de l’article 80 du code de procédure pénale ; que la compétence régionale du parquet de la juridiction en charge des infractions économiques et financières et l’éventualité que les fais dénoncés puissent être joints à la procédure en cours à Fort-de-France, ou fassent l’objet d’une autre information de la compétence de cette juridiction, commandaient que le parquet de Fort-de-France agisse comme il l’a fait en saisissant d’ailleurs un service d’enquête lui aussi à compétence inter-régionale, la DIPJ Antilles Guyane ; que l’argument développé à l’audience sur l’absence de complexité apparente des infractions dénoncées ne saurait prospérer, ni par le fait que seule l’enquête était de nature à établir ou non ladite complexité, ni parce que les parties ne sont pas admises à contester la mise en oeuvre, au regard de la complexité apparente de l’affaire, des règles de compétence des juridictions spécialisées en matière économique et financière prévues par l’article 704 du code de procédure pénale ; que le fait que les enquêteurs aient rendu compte au parquet territorialement compétent n’est que la stricte application des dispositions du code de procédure pénale, en particulier en son article 19 ; que le parquet de Cayenne s’est trouvé naturellement et pleinement saisi après le soit-transmis du 27 juin 2012, par lequel le parquet de Fort-de-France lui adressait ses pièces précisant qu’il n’entendait pas saisir la juridiction spécialisée de Fort-de-France de fais éventuellement commis au préjudice de la SENOG ; que ce premier moyen de nullité sera rejeté ; (…) ; que 2°) (…) la juridiction est en mesure de s’assurer que figurent notamment au dossier, au titre des pièces transmises par le juge d’instruction de Fort-de-France : l’interrogatoire de première comparution de M. Z…du 27 novembre 2009, le procès-verbal de perquisition dans les locaux de la SENOG du 12 octobre 2010, un extrait du registre des délibérations du conseil communautaire n° 19/ 2010, divers mandats de paiement, la déposition de M. Jocelyn A…, vice-président de la Communauté de Commune de l’Ouest Guyanais (CCOG) ; que si la défense destinataire d’une copie numérisée de la procédure avait quelque doute sur son caractère complet, elle avait tout loisir dans le temps qui a séparé l’audience durant laquelle l’affaire a été appelée une première fois (9 janvier 2014), de la présente cinq mois plus tard, de consulter le dossier écrit de la procédure constamment à sa disposition ; que l’article 80 du code de procédure pénale ne pose aucune exigence d’établissement d’un bordereau de communication de pièces ; qu’il sera enfin noté qu’aucune demande d’accomplissement d’acte complémentaire sur ce point n’a été sollicitée, bien que les dispositions immédiatement applicables de la loi du 27 mai 2014 aient pu le permettre ; que ce deuxième moyen de nullité sera rejeté ; que 3°) (…) le choix de la procédure d’enquête préliminaire est laissé à la libre appréciation du procureur de la République, les officiers de police judiciaire pouvant de surcroît ouvrit d’initiative une telle enquête ; que le délai de l’enquête présentement réalisée a couru du 17 janvier 2011 (note de M. Xavier Hubert à la DIPJ Antilles Guyane) au 16 novembre 2012 (PV de synthèse du capitaine Cahart), soit vingt deux mois, ce qui ne traduit aucun excès au regard de la nature des actes à accomplir, de la qualification juridique des faits et des investigations réalisées ; que, de plus, l’éventuelle méconnaissance du délai raisonnable qui peut ouvrir droit à indemnisation est en tout état de cause sans incidence sur la validité des procédures et l’absence de délai ou le non respect du délai fixé ne constituant pas une cause de nullité, il convient de rejeter ce troisième moyen de nullité ;

 » alors que le prévenu faisait valoir dans ses conclusions in limine litis que la procédure d’enquête était irrégulière comme ayant été menée, au moins pour partie, par le procureur de la République de Fort-de-France et par celui de Cayenne quand « les services d’enquête ne peuvent dépendre que d’un seul parquet » ; qu’en rejetant les exceptions de procédure sans répondre à ces conclusions, la cour d’appel a méconnu les dispositions susvisées  » ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. Y…, par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pris de la violation des articles 19, 40, 41, 43, 704 et suivants, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les exceptions de procédure ;

 » aux motifs propres que M. Y…a fait déposer des conclusions, soutenant que la procédure serait irrégulière car elle repose sur une enquête accomplie par la police judiciaire sur le fondement d’un soit-transmis du 17 janvier 2011, émanant du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Fort-de-France, territorialement incompétent pour rechercher la preuve d’infractions susceptibles d’avoir été commises en Guyane ; pour la défense de M. Y…, cette réquisition du 17 janvier 2011 doit être annulée, comme émanant d’un procureur de la République territorialement incompétent, et tous les actes de l’enquête doivent l’être également, par voie de conséquence ; que la défense de M. X…s’associe à cette argumentation ; que celle-ci ne peut, cependant, être admise ; qu’en effet, un juge d’instruction de Fort-de-France, juridiction habilitée à connaître pour la Martinique mais aussi la Guyane, des affaires complexes en matière économique et financière, ainsi qu’il est prévu par les articles 704 et suivants du code de procédure pénale, a transmis au procureur de la République établi auprès de sa juridiction des pièces relatives à des faits dont il avait eu connaissance dans le cadre d’une procédure d’information, mais qui échappaient à sa saisine ; que le juge d’instruction a régulièrement transmis ces documents au parquet de Fort-de-France, en respectant les dispositions de l’article 80 du code de procédure pénale ; que compétent pour connaître, non seulement en Martinique mais aussi en Guyane, des affaires économiques et financières sur le fondement de l’article 704 précité, le procureur de la République à Fort-de-France a tout à fait régulièrement, en s’inscrivant dans le champ de sa compétence, requis, par soit-transmis du 17 janvier 2011, le directeur inter-régional de la police judiciaire des Antilles et de la Guyane de procéder à une enquête sur les faits ressortant des pièces qui lui avaient ainsi été communiquées ; que c’est par l’exacte application du code de procédure pénale, en particulier de son article 19, que les enquêteurs, menant leurs investigations en Guyane, ont rendu compte de leurs opérations au procureur de la République établi près le tribunal du lieu où ils se trouvaient lors de leur enquête ; que, par la suite, le procureur de la République près le tribunal de Guyane s’est trouvé pleinement saisi des faits, par le dessaisissement intervenu en sa faveur, le 27 juin 2012, le procureur de Fort-de-France lui ayant, à cette date, adressé la procédure, en lui indiquant qu’il n’envisageait pas de saisir la juridiction spécialisée de Fort-de-France des faits caractérisés par l’enquête diligentée en exécution du soit-transmis du 17 janvier 2011 ; qu’ainsi que l’a relevé le jugement du tribunal correctionnel de Cayenne, aucune incompétence territoriale ne peut être retenue et le moyen de nullité de la procédure qui s’y rapporte n’est pas fondé ;

 » et aux motifs adoptés que suivant conclusions déposées et développées in limine litis, par les avocats des deux prévenus, et qui sont donc recevables, il est tout d’abord soutenu une « nullité tenant à l’ouverture de la procédure », au motif qu’en violation des articles 41 et 43 du code de procédure pénale, le soit transmis du 17 janvier 2011, par lequel le parquet de Fort-de-France a demandé à M. le commissaire de la direction inter-régionale de la police judiciaire de Guyane (DIPJ Antilles Guyane) de bien vouloir diligenter une enquête sur des faits transmis par le magistrat instructeur et n’entrant pas dans sa saisine, concernait des faits ressortant de la seule compétence du parquet de Cayenne ; qu’il est souligné par la défense de M. Y…que « dans les suites de la procédure les parquets tentaient vainement de rectifier l’erreur de compétence viciant initialement la procédure », par les comptes-rendus adressés par les enquêteurs au procureur de la République de Cayenne, puis par la transmission de l’enquête à ce dernier par le procureur de la République près le tribunal de Fort-de-France, puis par le relais pris par le procureur de Cayenne dans la direction d’enquête, au vu par exemple, du soit-transmis du 12 juillet 2012, les enquêteurs mentionnant « Poursuivant les instructions contenues dans la note du 17 janvier 2011 de M. Hubert Xavier, procureur de la République adjoint près la cour d’appel de Fort-de-France » et « Vu les instructions de M. Ivan Auriel, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Cayenne » ; qu’il est encore soutenu que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Fort-de-France ayant outrepassé ses droits en ordonnant l’ouverture de la présente procédure, cet acte a nécessairement causé grief à M. Y…dans la mesure où la procédure a été irrégulièrement ouverte, puis menée sur le fondement du soit-transmis initial ; que ces arguments ne sauraient être retenus ; qu’il convient d’observer que le soit-transmis contesté émanant du parquet de Fort-de-France près la juridiction habilitée à connaître au plan régional des infractions en matière économique et financière qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité, en vertu des dispositions des articles 704 et suivants du code de procédure pénale, repose sur des révélations et pièces obtenues par un juge d’instruction de la juridiction spécialisée de Fort-de-France dans le cours d’une procédure instruite par lui-même, dans ce même cadre procédural ; que la transmission par ses soins à son parquet, des pièces susceptibles de révéler l’existence d’une ou de plusieurs infractions dont il n’était pas saisi, satisfait pleinement aux obligations qui lui sont faites en vertu des dispositions de l’article 80 du code de procédure pénale ; que la compétence régionale du parquet de la juridiction en charge des infractions économiques et financières et l’éventualité que les faits dénoncés puissent être joints à la procédure en cours à Fort-de-France, ou fassent l’objet d’une autre information de la compétence de cette juridiction, commandaient que le parquet de Fort-de-France agisse comme il l’a fait en saisissant d’ailleurs un service d’enquête lui aussi à compétence inter-régionale, la DIPJ Antilles Guyane ; que l’argument développé à l’audience sur l’absence de complexité apparente des infractions dénoncées ne saurait prospérer, ni par le fait que seule l’enquête était de nature à établir ou non ladite complexité, ni parce que les parties ne sont pas admises à contester la mise en oeuvre, au regard de la complexité apparente de l’affaire, des règles de compétence des juridictions spécialisées en matière économique et financière prévues par l’article 704 du code de procédure pénale ; que le fait que les enquêteurs aient rendu compte au parquet territorialement compétent n’est que la stricte application des dispositions du code de procédure pénale, en particulier en son article 19 ; que le parquet de Cayenne s’est trouvé naturellement et pleinement saisi après le soit-transmis du 27 juin 2012, par lequel le parquet de Fort-de-France lui adressait ses pièces précisant qu’il n’entendait pas saisir la juridiction spécialisée de Fort-de-France de faits éventuellement commis au préjudice de la SENOG ;

 » 1°) alors que le procureur de la République ne peut diligenter d’enquête que pour des faits commis dans son ressort ; qu’en l’espèce, en refusant d’annuler l’enquête réalisée par les services de police judiciaire de Cayenne à la demande du procureur de la République de Fort-de-France, aux motifs inopérants que celui-ci appartiendrait à une juridiction habilitée à connaître au plan régional des infractions en matière économique et financière, la cour d’appel a violé les textes et principes susvisés ;

 » 2°) alors que le procureur de la République des juridictions spécialisées en matière économique et financière n’est compétent que s’il est justifié que les faits sont ou puissent apparaître d’une grande complexité ; qu’en écartant l’exception de nullité tirée de l’incompétence du procureur de la République de Fort-de-France pour diligenter une enquête dans le ressort de Guyane en se bornant à relever l’éventualité que les faits dénoncés puissent être joints à la procédure en cours à Fort-de-France ou fassent l’objet d’une autre information de la compétence de cette juridiction ou encore que seule l’enquête était de nature à établir ou non ladite complexité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

 » 3°) alors qu’en écartant l’exception de nullité au motif que les parties ne sont pas admises à contester la mise en oeuvre au regard de la complexité apparente de l’affaire des règles de compétence des juridictions spécialisées en matière économique et financière prévues par l’article 704 du code de procédure pénale, la cour d’appel a de nouveau privé sa décision de toute base légale au regard des textes et principes susvisés ;

 » 4°) alors que le prévenu faisait valoir dans ses conclusions in limine litis que la procédure d’enquête était irrégulière comme ayant été menée, au moins pour partie, par le procureur de la République de Fort-de-France et par celui de Cayenne quand « les services d’enquête ne peuvent dépendre que d’un seul parquet » ; qu’en rejetant les exceptions de procédure sans répondre à ce moyen de nullité, la cour d’appel a méconnu les dispositions susvisées  » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour écarter l’exception de nullité des réquisitions du 17 janvier 2011 et donc de la procédure subséquente, invoquée par les prévenus et tirée de l’incompétence territoriale du procureur de la République ayant ordonné une enquête sur des faits qui lui avaient été communiqués, l’arrêt attaqué énonce qu’un juge d’instruction de Fort-de-France, juridiction habilitée à connaître, pour la Martinique et la Guyane, des affaires complexes en matière économique et financière, a régulièrement transmis au procureur de la République de Fort-de-France des pièces relatives à des faits dont il avait eu connaissance dans le cadre d’une information mais qui échappaient à sa saisine, que ce procureur de la République, également compétent pour connaître des affaires économiques et financières sur le fondement de l’article 704 du code de procédure pénale, a régulièrement requis, par soit-transmis du 17 janvier 2011, le directeur inter-régional de la police judiciaire des Antilles et de la Guyane de procéder à une enquête sur les pièces communiquées, que, par l’exacte application de l’article 19 du code précité, les enquêteurs, menant leurs investigations en Guyane, en ont rendu compte au procureur de la République de leur ressort, que par la suite, le procureur de la République près le tribunal de Cayenne a été pleinement saisi des faits, par le dessaisissement intervenu le 27 juin 2012 en sa faveur, le procureur de la République de Fort-de-France lui ayant adressé la procédure en indiquant qu’il n’envisageait pas de saisir la juridiction spécialisée de Fort-de-France pour les fait en cause et qu’ainsi, aucune incompétence territoriale ne peut être retenue ;

Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que, d’une part, la compétence territoriale élargie du procureur de la République de Fort-de-France, auquel le juge d’instruction de la juridiction spécialisée de Fort-de-France avait communiqué des pièces révélées dans le cadre d’une information dont il était saisi, résulte des dispositions des articles 704 et suivants du code de procédure pénale et, d’autre part, le fait que les enquêteurs aient rendu compte de leurs investigations tant au procureur de la République spécialisé en matière économique et financière qu’à celui de leur ressort ne peut porter atteinte à la régularité de la procédure d’enquête, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que les moyens, les griefs présentés dans les deuxième et troisième branches du moyen proposé pour M. Y…étant inopérants comme critiquant des motifs du jugement non repris par l’arrêt attaqué, ne peuvent être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour M. X…, par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-3 du code pénal, L. 242-6 du code de commerce, préliminaire, 388, 512, 591, 593 et 706-41 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable des faits reprochés et l’a condamné à une peine d’emprisonnement ferme de deux ans ainsi qu’à une amende de 300 000 euros ;

 » aux motifs propres que M. X…a reçu, entre 2008 et 2012, des primes diverses d’un montant total de 226 004, 53 euros ; que certaines d’entre elles étaient incompatibles avec son mandat social de directeur général, ce qui est le cas des primes de RTT, et d’autres n’ont font l’objet d’aucune décision du conseil d’administration de la SENOG qui devait, pourtant, fixer toutes les composantes de sa rémunération ; que les primes perçues, entre 2009 et 2012, par M. X…, pour le montant précité, correspondent à des augmentations de rémunération dissimulées au conseil d’administration mais que le prévenu a décidé lui-même, puisant à son gré, de manière illicite, dans les caisses de la société qu’il dirigeait ; que ces suppléments de rémunération ne correspondent à aucune activité réelle, qui n’aurait pas été indemnisée par la rémunération normalement servie par la SENOG à M. X…; qu’ils ont pour seule origine sa volonté d’accroître abusivement son patrimoine personnel ; qu’il sera relevé que l’argumentation, contenue dans les conclusions déposées pour M. X…, selon laquelle il aurait restitué ces primes, est erronée, la somme visée par la poursuite correspondant à des sommes perçues à tort et non restituées ; que l’absence de réaction de l’expert-comptable et du commissaire aux comptes à ces prélèvements abusifs ne fait pas disparaître leur caractère délictueux ; qu’en prélevant ainsi des primes et des rémunérations accessoires abusives, ne correspondant à aucune activité non rémunérée par ailleurs, et auxquelles il savait ne pouvoir prétendre, faute d’approbation du conseil d’administration, M. X…, directeur général, qui poursuivait un intérêt personnel, exclusif de l’intérêt de la société, s’est rendu coupable du délit d’abus de bien social qui lui est reproché, au préjudice de la SENOG, société anonyme ; qu’il a agi de mauvaise foi, en méconnaissant les règles lui imposant de faire fixer sa rémunération par le conseil d’administration et en prélevant des montants exagérés, correspondant à une activité rémunérée par ailleurs ; que l’infraction qui lui est ici reprochée est constituée ;

 » et aux motifs propres que, sur la question des primes salariales indues, à la question de savoir comment, à partir de 2002, sous statut de directeur général soit de mandataire social, il pouvait bénéficier comme l’a établi le dossier, de primes de 13ème mois, de primes de RTT, de prime d’activité exceptionnelle … pour un total chiffré à la somme de 213 962, 53 euros entre 2007 et 2010 (PV 2011/ 27/ 25), M. X…a deux réponses ; qu’il soutient à la fois que ces primes étaient une pratique généralisée permettant des augmentations de salaire occultes au sein de la SENOG et qu’il n’en a pas bénéficié pour le total retenu par les enquêteurs puisqu’après inscription, elles venaient à être déduites en fin de fiches de paye ; qu’outre le caractère légèrement contradictoire de cette défense, il convient de souligner que M. X…a déclaré durant sa garde à vue : « Aucun membre de la SENOG n’a officiellement de prime, c’est un habillage qui a servi à octroyer des augmentations de salaire y compris pour le DG … c’est peut être maladroit mais c’est un habillage qui permettait de payer des salaires de façon différée, compte tenu des difficultés récurrentes de trésorerie de la société. Il est évident que ces questions n’ont jamais été examinées par le conseil d’administration » et qu’il confirme ses propos à l’audience ; qu’il qualifie cette pratique de « maladresse », de « mauvaise pratique » qu’il impute aux rédacteurs refusant d’y voir un aveu de manque de sincérité des pratiques comptables au sein de la SENOG ; que s’agissant des primes indues, le tribunal est en mesure de s’assurer que sur l’échantillon de fiches de paye paginées 6 à 17, annexées au procès-verbal 11/ 27/ 26 de la procédure, et qui concernent les mois de juin, septembre, décembre 2007, mars, juin, juillet, septembre, décembre 2008, juin, novembre


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